AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Cassandre (roi)

Cassandre (en grec ancien : ÎšÎŹÏƒÏƒÎ±ÎœÎŽÏÎżÏ‚ / Kassandros), nĂ© en 358 av. J.-C. et mort en 297, est un roi de MacĂ©doine de la dynastie des Antipatrides qui rĂšgne de 305 Ă  297. Fils aĂźnĂ© du rĂ©gent Antipater, il participe aprĂšs la mort d'Alexandre le Grand aux guerres des Diadoques en s'opposant principalement Ă  Polyperchon et Ă  Antigone le Borgne. Il fait assassiner Alexandre IV et sa mĂšre Roxane en 310, laissant vacant le titre de roi de MacĂ©doine jusqu'en 305, date Ă  laquelle il se fait proclamer roi.

Cassandre
Illustration.
Monnaie de Cassandre Ă  l'effigie d'HĂ©raclĂšs (British Museum).
Titre
Roi de Macédoine
–
Prédécesseur Alexandre IV
Successeur Philippe IV
Biographie
Dynastie Antipatrides
Date de naissance 358 av. J.-C.
Date de décÚs 297 (à 61 ans)
Lieu de décÚs Macédoine
Nature du dĂ©cĂšs ƒdĂšme
PĂšre Antipater
Fratrie Nicanor
Triparadisos
Alexarchos
Pleistarchos
Philippe
Iolas
Nikaia
Eurydice
Phila
Conjoint Thessaloniké
Enfants Philippe IV
Alexandre V
Antipater
Religion Religion grecque antique
RĂ©sidence Pella
(Royaume de Macédoine)

Biographie

Cassandre envoyé à Babylone

Fils aĂźnĂ© d'Antipater, Cassandre reçoit l'enseignement d'Aristote en compagnie notamment d'Alexandre, HĂ©phestion, PtolĂ©mĂ©e et Lysimaque[1]. Il est restĂ© en MacĂ©doine le temps de la conquĂȘte de l'empire perse.

En 334 av. J.-C., Antipater est chargĂ© de la rĂ©gence de la MacĂ©doine et de la Ligue de Corinthe au titre de « stratĂšge d'Europe ». Ses pouvoirs sont alors trĂšs Ă©tendus et il apparaĂźt de fait comme le souverain aux yeux des Grecs. D'abord proche d'Olympias (il a en effet aidĂ© Ă  l'accession au trĂŽne d'Alexandre en 336), il s'attire vite la mĂ©fiance de la reine-mĂšre qui voit d'un mauvais Ɠil ses excĂšs d'orgueil et qui lui reproche d'Ă©taler publiquement son scepticisme vis-Ă -vis de la politique conquĂ©rante de son fils. Celle-ci envoie de nombreuses lettres Ă  son fils dans lesquelles elle dĂ©nonce l'attitude indigne d'Antipater. Devant l'insistance de sa mĂšre, Alexandre appelle Antipater Ă  Babylone, afin qu'il puisse rendre compte de son attitude ; mais celui-ci refuse et choisit d'envoyer Ă  sa place son fils Cassandre (accompagnĂ© de son frĂšre cadet, Iolas) plaider sa cause.

Cassandre rejoint alors Alexandre à Babylone en 324, accompagné de son frÚre, Iolas. Deux violents incidents l'opposent à Alexandre lorsqu'il raille l'usage de la proskynÚse à la cour puis lorsqu'il défend son pÚre accusé de déloyauté[N 1]. La coïncidence entre l'arrivée tardive de Cassandre et Iolas et la mort brutale du roi alimente les suspicions quant à leur implication dans ce décÚs. Les auteurs de la Vulgate d'Alexandre le Grand se font l'écho de cette rumeur, sans trop y croire[2]. Alexandre souhaite en effet relever Antipater de ses fonctions et le voir remplacé par le fidÚle CratÚre. Par ailleurs, Iolas est l'échanson d'Alexandre (c'est-à-dire l'officier chargé de servir à boire au roi), ce qui lui offre l'occasion d'empoisonner le vin, abondamment consommé lors du banquet dionysiaque offert par Médios de Larissa le 30 mai 323. Cependant, cette version des faits n'est dénoncée par Olympias que plusieurs années aprÚs la mort d'Alexandre (en 317), dans un contexte de luttes pour le pouvoir et de jeux d'alliances. C'est pourquoi des auteurs tels que Plutarque ou Arrien n'y voient qu'une invention de la reine-mÚre qui espÚre tirer profit de telles accusations[3] - [N 2].

La succession d'Antipater

L'assassinat de Perdiccas en 321 av. J.-C., conduit Ă  une nouvelle rĂ©partition des postes. À la mort d'Alexandre, il a en effet Ă©tĂ© chargĂ© de la tutelle des rois : Alexandre IV qui n'est pas encore nĂ© et Philippe III, le demi-frĂšre d'Alexandre, mentalement dĂ©ficient. Aussi, en 321 aprĂšs les accords de Triparadisos, c'est Ă  Antipater que revient cette nouvelle charge. En tant que rĂ©gent (Ă©pimĂ©lĂšte) de MacĂ©doine, il confie Ă  Antigone le poste de « stratĂšge d'Asie » alors que Cassandre lui est adjoint comme second en tant que chiliarque de la cavalerie. Cassandre, qui n’accepte pas d’ĂȘtre ainsi placĂ© au second rang, entre en conflit avec Antigone. Bien que les prĂ©fĂ©rences d’Antipater aillent vers Antigone plutĂŽt que vers son fils, il se laisse convaincre par ce dernier de revenir en MacĂ©doine accompagnĂ© d’Alexandre IV, plutĂŽt que de le laisser sous la tutelle d’Antigone, marquant ainsi la dĂ©fiance du rĂ©gent envers l'ambitieux stratĂšge d'Asie.

Antipater prend soin d’établir un testament avant sa mort dans lequel il dĂ©signe comme son successeur Polyperchon, l’aĂźnĂ© des gĂ©nĂ©raux macĂ©doniens, Ă  qui il a dĂ©jĂ  confiĂ© les affaires d'Europe lors de la campagne d'Anatolie en 321. Ce choix conduit Ă  l'Ă©viction volontaire et rĂ©flĂ©chie de Cassandre, suivant ainsi la tradition qui veut que l’on confie la rĂ©gence Ă  l'aĂźnĂ© des stratĂšges. Antipater estime par ailleurs son fils trop inexpĂ©rimentĂ© pour asseoir son autoritĂ© face aux satrapes macĂ©doniens, notamment l'ambitieux Antigone[4]. Quand Antipater meurt en 319, Ă  78 ans, Cassandre, placĂ© sous la subordination de Polyperchon, refuse de se soumettre et revendique l’hĂ©ritage de son pĂšre.

La coalition contre Polyperchon

Représentation de Cassandre dans Promptuarium iconum insigniorum de Guillaume Rouillé, XVIe siÚcle.

DĂ©sireux de s'approprier l'hĂ©ritage de son pĂšre qui l'a dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©vincĂ©, Cassandre obtient le soutien de PtolĂ©mĂ©e, le satrape d’Égypte. PtolĂ©mĂ©e vient de s'emparer de la Syrie-PhĂ©nicie aux dĂ©pens de LaomĂ©don. Lysimaque et Antigone rejoignent l’alliance alors que ce dernier, en rĂ©volte ouverte contre Polyperchon, est Ă  nouveau en conflit contre EumĂšne de Cardia, qui, lui, a dĂ©sormais le soutien du rĂ©gent, avec pour ordre de stopper Antigone.

Face Ă  la menace de Cassandre qui risque probablement de s'attaquer Ă  la GrĂšce, Polyperchon cherche de nouveaux appuis et promulgue un Ă©dit, en 318 av. J.-C., dans lequel il proclame la « libertĂ© » des citĂ©s grecques, annonce sa volontĂ© de retourner aux institutions du temps de Philippe II et Alexandre[N 3] et propose l’amnistie Ă  la suite de la guerre lamiaque[4]. De plus, Polyperchon reconnaĂźt les difficultĂ©s auxquelles les Grecs ont Ă©tĂ© soumis, mais en attribue la responsabilitĂ© aux partisans de l’oligarchie, alors que Cassandre avait accordĂ© son soutien Ă  ces derniers.

Cet Ă©dit met en difficultĂ© Phocion, le chef de la faction oligarchique d’AthĂšnes, ainsi que Nicanor, ami de Cassandre, ayant pris la tĂȘte de la garnison macĂ©donienne d’AthĂšnes Ă  Munichie. Nicanor cherche en plus Ă  s’emparer du PirĂ©e, mais est battu par Alexandros, le fils de Polyperchon, qui, a Ă©tĂ© chargĂ© par son pĂšre de conserver AthĂšnes, face aux forces de Cassandre. Cette victoire sur l’oligarchie est de courte durĂ©e, car Cassandre dĂ©barque rapidement au PirĂ©e grĂące Ă  une flotte prĂȘtĂ©e par Antigone, et malgrĂ© une armĂ©e peu consĂ©quente. Polyperchon, qui voit son prestige s’amoindrir, choisit de se concentrer sur la citĂ© de MĂ©galopolis qui refuse d’appliquer son Ă©dit. C’est une nouvelle dĂ©faite pour Polyperchon, de plus en plus affaibli. De plus, Cassandre parvient, Ă  la suite d'un accord avec les AthĂ©niens en 317, Ă  faire nommer DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre comme « archonte dĂ©cennal », qui instaure une oligarchie « modĂ©rĂ©e » Ă  AthĂšnes et accepte de se rallier Ă  Cassandre[5]. Le traitĂ© stipule en effet que les AthĂ©niens conservent une forme d'indĂ©pendance mais dans l'« amitiĂ© » avec Cassandre qui obtient le droit d'occuper Munichie « jusqu'Ă  la fin de la guerre contre les rois [de MacĂ©doine] »[6].

À la suite de ces Ă©vĂ©nements, la plupart des citĂ©s alliĂ©es Ă  Polyperchon lui font dĂ©fection. Celui-ci perd ainsi Ă©normĂ©ment de pouvoir.

La régence de Macédoine

S’il n’a pas le contrĂŽle Ă  proprement parler d’AthĂšnes, Cassandre n’en a pas moins gagnĂ© un soutien que Polyperchon convoite Ă©galement. C’est en bĂ©nĂ©ficiant d’une grande popularitĂ© qu’il rentre en MacĂ©doine et obtient facilement les faveurs d’Eurydice, ambitieuse Ă©pouse de Philippe III, alors qu'Alexandre IV n'a pas atteint encore sa majoritĂ©. Il se fait rapidement proclamer rĂ©gent (Ă©pimĂ©lĂšte), alors que Polyperchon est dĂ©chu de ce titre et qu'Eurydice lui ordonne de rendre son armĂ©e Ă  Cassandre. Cassandre marche donc contre Polyperchon en 317 av. J.-C.[7].

Dans le mĂȘme temps, Polyperchon appelle Ă  l’aide Olympias. Celle-ci profite de l’absence de Cassandre en MacĂ©doine et s’empare de Philippe III, sans cependant qu’il y ait de rĂ©els combats, les soldats macĂ©doniens renonçant Ă  s’attaquer Ă  la mĂšre d’Alexandre[8]. Elle fait assassiner Philippe III et contraint Eurydice au suicide. Une centaine de leurs partisans, dont Nicanor, le frĂšre de Cassandre, sont Ă©galement exĂ©cutĂ©s. Cassandre apprend la nouvelle alors qu’il combat Ă  TĂ©gĂ©e et, alors que ses officiers poursuivent les combats contre Polyperchon dans le PĂ©loponnĂšse, il fait assiĂ©ger Pydna, oĂč Olympias s’est rĂ©fugiĂ©e. Par crainte de l’influence encore prĂ©gnante de la reine-mĂšre, notamment face aux soldats macĂ©doniens qui ont dĂ©jĂ  renoncĂ© Ă  la combattre, il la fait exĂ©cuter en 316 aprĂšs qu'elle a comparu devant l'« assemblĂ©e macĂ©donienne »[N 4]. Cassandre s’empare ensuite d’Alexandre IV et de sa mĂšre, Roxane et organise les funĂ©railles solennelles de Philippe III et Eurydice. Il entre dans la dynastie argĂ©ade en Ă©pousant ThessalonikĂ©, fille de Philippe II et demi-sƓur d'Alexandre. En 315, il fonde la citĂ© de Thessalonique en l'honneur de son Ă©pouse. Il a auparavant fondĂ© en 316 CassandrĂ©ia par synƓcisme Ă  l'emplacement de PotidĂ©e en Chalcidique[9], pour en faire sa capitale maritime marquant son ambition europĂ©enne et asiatique[10].

Cassandre contre Antigone

En 316 av. J.-C., Cassandre est devenu rĂ©gent (Ă©pimĂ©lĂšte) de MacĂ©doine et bĂ©nĂ©ficie d'un appui considĂ©rable en GrĂšce. ParallĂšlement Ă  cela, Antigone qui vient de vaincre EumĂšne de Cardia cherche Ă  Ă©tendre son pouvoir en Asie. Bien qu'il n'ait pas le titre de souverain, il agit comme tel et parvient Ă  Ă©carter les divers satrapes (dont SĂ©leucos et Peucestas) qui lui font face. Sa puissance grandissante commence Ă  inquiĂ©ter ses alliĂ©s, surtout qu’Antigone vient de mettre la main sur un trĂ©sor considĂ©rable Ă  Cyinda (Cilicie), s’imposant ainsi comme le plus puissant des Diadoques.

Une coalition s’engage contre Antigone regroupant Cassandre, Lysimaque et PtolĂ©mĂ©e. Les trois hommes rĂ©clament un nouveau partage des satrapies, la Lycie et la Cappadoce pour Cassandre, la Phrygie hellespontique pour Lysimaque, la Syrie pour PtolĂ©mĂ©e. Antigone s’allie Ă  Polyperchon et Ă  son fils Alexandros, qui se sont repliĂ©s dans le PĂ©loponnĂšse ainsi qu'avec Éacide, roi d'Épire et cousin d’Olympias[11]. Enfin, il s’allie avec les partisans de la dĂ©mocratie en GrĂšce, puisque Cassandre continue de s’appuyer sur la faction oligarchique d’AthĂšnes.

C’est dans ce contexte qu’Antigone Ă©tablit la proclamation de Tyr en 315 par laquelle il garantit la « libertĂ© » des citĂ©s grecques tout en visant Cassandre. Il l’accuse en effet de maintenir prisonniers Ă  Amphipolis Roxane ainsi que le jeune Alexandre IV, mais aussi d’avoir contraint ThessalonikĂ© au mariage ; enfin, il l’accuse ouvertement du meurtre d’Olympias, dĂ©nonçant la duplicitĂ© et la cruautĂ© de Cassandre qui avait promis Ă  la reine-mĂšre de l’épargner si elle se rendait, ce Ă  quoi elle s'Ă©tait rĂ©signĂ©e[12]. Antigone profite de cette proclamation pour s'autoproclamer rĂ©gent de la royautĂ©[13]. Cassandre n’est pourtant pas militairement le plus dangereux de ses adversaires, mais il est le maĂźtre de la MacĂ©doine et peut donc bĂ©nĂ©ficier d’un recrutement militaire consĂ©quent. De plus, il dĂ©tient le roi lĂ©gitime qui est Alexandre IV, ainsi que la mĂšre de ce dernier, Roxane. Enfin, il possĂšde un lien familial avec la dynastie par son mariage avec ThessalonikĂ©.

Pour affaiblir encore plus son adversaire, Antigone proclame la « libertĂ© des Grecs » et dĂ©nonce les mĂ©thodes de Cassandre qui s’appuie sur les oligarques[14], alors que ce type de pouvoir est de moins en moins rĂ©pandu dans les citĂ©s grecques. Antigone espĂšre ainsi voir les Grecs se rebeller contre Cassandre. PtolĂ©mĂ©e, qui pourtant est un alliĂ© de Cassandre, suit les pas d’Antigone et lance Ă  son tour une proclamation en faveur de l’autonomie des citĂ©s. Cette prise de position peut sembler Ă©tonnante puisqu’elle va Ă  l’encontre de son alliĂ©, mais PtolĂ©mĂ©e se mĂ©fie Ă©galement de ce dernier, qui dans le cas oĂč la coalition contre Antigone arriverait Ă  son terme, gagnerait en puissance et deviendrait Ă  son tour un adversaire redoutable.

La lutte en GrĂšce

Les combats en GrÚce débutent en 315 av. J.-C. Antigone, qui a le soutien de Polyperchon et de la Ligue étolienne, engage le combat contre Cassandre, tandis que celui-ci lutte dans le PéloponnÚse contre Polyperchon et son fils, Alexandros ; ce dernier est rapidement massacré par les démocrates de Sicyone. Polyperchon, affaibli, choisit de se rallier à la cause de Cassandre.

En 314, Cassandre remporte plusieurs victoires et reprend les citĂ©s de Leucade, Apollonie et Épidamme. Mais MĂ©dios de Larissa, amiral d'Antigone, dĂ©truit la flotte des PydnĂ©ens qui ont pris le parti de Cassandre, tandis que TĂ©lesphore, neveu d’Antigone, dĂ©barque en GrĂšce. TĂ©lesphore bĂ©nĂ©ficie du soutien d’üles de la mer ÉgĂ©e et remporte plusieurs succĂšs en 313, mais Cassandre parvient notamment Ă  Ă©craser les Épirotes. Cette victoire est de courte durĂ©e. La mĂȘme annĂ©e, un autre neveu d’Antigone, PolĂ©mĂ©e, intervient victorieusement en GrĂšce alors qu'en 312, MĂ©dios dĂ©fait la flotte de Cassandre Ă  Oraioi sur l'Ăźle d'EubĂ©e. TrĂšs affaiblis, Cassandre et Lysimaque acceptent le traitĂ© de paix qu’Antigone leur propose en 312, alors que la guerre se poursuit en Asie entre Antigone et PtolĂ©mĂ©e.

Un traitĂ© de paix est signĂ© en 311 entre les Diadoques[15], Ă©puisĂ©s par quatre annĂ©es de guerres. Il Ă©tablit que chacun d’entre eux garde ses possessions tandis que la « libertĂ© » est accordĂ©e aux Grecs. Antigone est par ailleurs nommĂ© « stratĂšge d’Asie », alors que Cassandre obtient le titre de « stratĂšge d’Europe », tout en conservant la tutelle d'Alexandre IV[16].

La fin de la dynastie argéade

La majoritĂ© prochaine du jeune Alexandre IV reprĂ©sente une menace forte pour l’ensemble des Diadoques. Or, le traitĂ© de 311 av. J.-C. garantit Ă  Cassandre de conserver le titre de « stratĂšge d’Europe » jusqu’à la majoritĂ© du fils d’Alexandre. Cette garantie est une condamnation indirecte du jeune roi qui est assassinĂ© en 310 en compagnie de sa mĂšre, Roxane[16]. Cette liquidation de la dynastie des ArgĂ©ades semble avoir Ă©tĂ© accueillie avec une secrĂšte satisfaction par les autres Diadoques qui n'ont plus d'obstacle dressĂ© contre leur ambition royale. Les sources antiques laissent parfois penser que Cassandre voue une vĂ©ritable haine aux ArgĂ©ades et Ă  Alexandre depuis qu'un incident violent les a opposĂ©s Ă  Babylone en 323[17]. Les historiens modernes considĂšrent que Cassandre est plutĂŽt le dĂ©fenseur de la tradition macĂ©donienne et qu'il n'a pas pour autant cherchĂ© Ă  supprimer le souvenir d'Alexandre[18].

Polyperchon entre alors de nouveau en conflit contre Cassandre. Il prend sous sa protection HĂ©raclĂšs, le fils illĂ©gitime d’Alexandre, et le prĂ©sente comme un successeur potentiel d'Alexandre IV. Cassandre ne fait pas le poids face aux 20 000 hommes levĂ©s par Polyperchon. Pour Ă©viter un combat difficile, il propose Ă  Polyperchon de le maintenir dans ses possessions du PĂ©loponnĂšse ; le jeune HĂ©raclĂšs et sa mĂšre pĂ©rirent alors empoisonnĂ©s sous l'ordre de Polyperchon.

En 308, Cassandre voit ses possessions en GrĂšce convoitĂ©es par PtolĂ©mĂ©e. Celui-ci vient de conclure un accord avec Antigone dans lequel il est dĂ©cidĂ© qu’Antigone s’approprie les Ăźles de la mer ÉgĂ©e et PtolĂ©mĂ©e la GrĂšce continentale. Mais plutĂŽt que de se lancer dans une campagne hasardeuse, PtolĂ©mĂ©e choisit de rentrer en Égypte aprĂšs avoir signĂ© un traitĂ© avec Cassandre. Enfin en 307, DĂ©mĂ©trios, le fils d'Antigone entre dans AthĂšnes et chasse l'oligarque DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre qui gouverne la citĂ© au nom de Cassandre[19].

Les Diadoques deviennent rois

Monnaie de Cassandre portant l'inscription ΒΑΣΙΛΕΩΣ ÎšÎ‘ÎŁÎŁÎ‘ÎÎ”ÎĄÎŸÎ„ (« de Roi Cassandre »).

Fort de nombreux nouveaux succĂšs, Antigone prend le titre de roi (basileus) en 306 av. J.-C., avec l’ambition de restaurer Ă  son profit l’ancien empire d’Alexandre. Les autres Diadoques font de mĂȘme afin d'assurer leur lĂ©gitimitĂ© face Ă  ce nouveau roi ; et Cassandre est proclamĂ© roi ou roi des MacĂ©doniens (basileus MakedonĂŽn) en 305 (la portĂ©e de cette royautĂ© — universelle ou limitĂ©e Ă  la seule MacĂ©doine — n'est pas claire, et peut-ĂȘtre intentionnellement Ă©quivoque)[20].

En 307, Cassandre reprend l'offensive en GrÚce, afin de se réapproprier l'ensemble du territoire qu'il a partagé avec Polyperchon, tandis que Démétrios doit mettre fin au siÚge de Rhodes (305). Cassandre entreprend le siÚge d'AthÚnes et en 304, il parvient à repousser la Ligue étolienne et à occuper l'Attique ; mais cette victoire est de courte durée puisqu'il fait face à l'arrivée de Démétrios qui le repousse au nord des Thermopyles. Cassandre perd également Sicyone et Corinthe, les anciennes possessions de Polyperchon ; seule dans le PéloponnÚse, la cité de Mantinée reste fidÚle à Cassandre. En 302, Démétrios reconstitue avec son pÚre la Ligue de Corinthe qu'il dirige principalement contre Cassandre, affirmant son ambition en GrÚce continentale[21].

Seconde coalition contre Antigone

La montĂ©e en puissance de DĂ©mĂ©trios suscite la crainte des Diadoques qui dĂšs lors apportent leur soutien Ă  Cassandre en formant une nouvelle coalition contre Antigone. Celle-ci regroupe alors SĂ©leucos, Lysimaque, PtolĂ©mĂ©e et Cassandre ; elle met fin aux ambitions impĂ©riales d'Antigone qui meurt durant la bataille d'Ipsos en 301 av. J.-C. Cette bataille est dĂ©cisive puisqu'elle entraĂźne le dĂ©membrement dĂ©finitif du royaume d'Alexandre. Les vainqueurs se partagent le royaume d'Antigone : Cassandre se maintient en MacĂ©doine et en GrĂšce, PtolĂ©mĂ©e obtient la CƓlĂ©-Syrie, Lysimaque annexe une partie de l’Anatolie Ă  son royaume ; SĂ©leucos, le grand vainqueur de la bataille, obtient la partie orientale de la Syrie ; enfin, DĂ©mĂ©trios, qui a survĂ©cu Ă  la dĂ©faite d’Ipsos, se maintient Ă  MĂ©gare, Ă  Corinthe et en PhĂ©nicie.

La mort de Cassandre

La grande coalition motivĂ©e par l’ambition impĂ©riale d’Antigone ne perdure pas. PtolĂ©mĂ©e et SĂ©leucos se disputent notamment la CƓlĂ©-Syrie. SĂ©leucos choisit alors de s’allier Ă  DĂ©mĂ©trios ; celui-ci, fort de cette nouvelle alliance, s’empare de la Cilicie, alors aux mains de Pleistarchos, un frĂšre de Cassandre[22]. Cassandre en profite pour jouer le rĂŽle de mĂ©diateur et offre la Cilicie Ă  DĂ©mĂ©trios en Ă©change de l’assurance de ne pas le voir envahir la GrĂšce. Cet accord le renforce considĂ©rablement dans sa position de roi de MacĂ©doine, mais Cassandre meurt d’un ƓdĂšme peu de temps aprĂšs, en 297 av. J.-C., alors qu’il vient de remporter une victoire contre les Galates. À sa mort, son fils Philippe IV lui succĂšde briĂšvement. Ce sont donc ses deux autres fils, Antipater et Alexandre, qui se disputent une nouvelle fois le royaume dont DĂ©mĂ©trios finit par hĂ©riter en 294, achevant l'histoire des Antipatrides.

Notes et références

Notes

  1. Plutarque (Alexandre, 74) Ă©crit Ă  propos du premier incident : « Alexandre, courroucĂ© de cette irrĂ©vĂ©rence, le prit Ă  deux mains par les cheveux, et lui frappa la tĂȘte contre la muraille ».
  2. Arrien juge ces hypothÚses « indignes de l'histoire ».
  3. La reformation de la Ligue de Corinthe n'est pas attestée.
  4. Justin (XIV, 6) insiste sur la dignité de la reine lorsque lui est porté le coup fatal.

Références

  1. Heckel 2006, p. 153.
  2. Diodore, XVII, 118, 1-2 ; Quinte-Curce, X, 10, 14-18 ; Justin, XII, 13.
  3. Plutarque, Alexandre, 77, 1-3 ; Arrien, VII, 27, 1-2.
  4. Will 2003, p. 46.
  5. Will 2003, p. 49.
  6. Diodore, XVIII, 74, 3.
  7. Will 2003, p. 51-52.
  8. Justin, XIV, 4.
  9. Diodore, XIX, 52, 2-3.
  10. Will 2003, p. 52.
  11. Will 2003, p. 354-355.
  12. Will 1993, p. 356.
  13. Will 2003, p. 55.
  14. Will 1993, p. 454.
  15. Diodore, XIX, 105, 1.
  16. Will 2003, p. 62.
  17. Plutarque, Alexandre, 74.
  18. Will 2003, p. 65.
  19. Will 1993, p. 357.
  20. Will 2003, p. 75.
  21. Will 2003, p. 77-78.
  22. Will 1993, p. 359.

Annexes

Sources antiques

Bibliographie

  • Olivier Battistini (dir.) et Pascal Charvet, Alexandre le Grand : Histoire et dictionnaire, Bouquins, , 1090 p. (ISBN 978-2-221-09784-7).
  • Pierre Briant, Antigone le Borgne : Les dĂ©buts de sa carriĂšre et les problĂšmes de l'AssemblĂ©e macĂ©donienne, Belles Lettres, 1989 (2e Ă©dition, 397 p. (ISBN 978-2-251-60152-6 et 2-251-60152-X, lire en ligne).
  • Paul ClochĂ©, La dislocation d'un empire. Les premiers successeurs d'Alexandre le Grand (323-281/280 avant J-C), Paris, Payot, .
  • Claire PrĂ©aux, Le Monde hellĂ©nistique : La GrĂšce et l'Orient de la mort d'Alexandre Ă  la conquĂȘte romaine de la GrĂšce (323-146 avant J.-C.), t. 1 & 2, Presses Universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio. L'histoire et ses problĂšmes », (1re Ă©d. 1978), 814 p. (ISBN 2-13-042619-0), p. 130-135, 184,406,413,450,463.
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellĂ©nistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X).
  • Édouard Will, Le monde grec et l'Orient : Le monde hellĂ©nistique, t. 2, PUF, coll. « Peuples et Civilisations », (1re Ă©d. 1975), 702 p. (ISBN 2-13-045482-8).
  • (en) N. G. L. Hammond et F. Walbank, A History of Macedonia, vol. 3 : 336-167 B.C., Oxford, Clarendon Press, (ISBN 0198148151).
  • (en) Waldemar Heckel, Who's who in the age of Alexander the Great : A prosopography of Alexander's empire, Oxford, Blackwell Publishing, , 336 p. (ISBN 978-1-4051-1210-9).

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.