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Accident nucléaire de Palomares

L'accident nuclĂ©aire de Palomares, survenu le , est la consĂ©quence d'une collision entre un Boeing B-52G du Strategic Air Command et un KC-135 Stratotanker de l'US Air Force, au cours d'un ravitaillement en vol. L'accident se produit Ă  9 450 mĂštres d'altitude au-dessus de la mer MĂ©diterranĂ©e, au large des cĂŽtes espagnoles, Ă  proximitĂ© du village de Palomares (province d'AlmĂ©ria).

La bombe nuclĂ©aire B28, retrouvĂ©e Ă  870 m de fond, sur le pont de l'USS Petrel (ASR-14)

Lors de cet accident, les deux avions sont dĂ©truits, faisant huit morts parmi leurs Ă©quipages. Sur les quatre bombes H que transportait le bombardier, deux sont dĂ©truites lors de leur impact au sol — sans explosion nuclĂ©aire mais avec dispersion de matiĂšre radioactive — sur la cĂŽte, prĂšs de Palomares, une dont le parachute de secours s'est dĂ©ployĂ© est rĂ©cupĂ©rĂ©e intacte. Une autre, tombĂ©e en mer, ne sera rĂ©cupĂ©rĂ©e qu'aprĂšs d'intenses recherches 89 jours plus tard, le [1].

Une partie de la cÎte d'Almería, d'une superficie de 40 ha était toujours contaminée en 2012[2].

Contexte

Vols dans le cadre de l'opération Chrome Dome en 1966.

Cet accident nuclĂ©aire se produit dans le cadre de l’opĂ©ration Chrome Dome, programme militaire de l'United States Air Force pendant la pĂ©riode de la DĂ©tente qui vise Ă  assurer la protection totale du territoire nord-amĂ©ricain.

DĂ©roulement de l'incident

Vue d'un B-52 Ă  bord d'un KC-135 ravitailleur.

Au cours d'un ravitaillement de carburant en vol au large de Palomares, en Espagne, un KC-135 américain percute le B-52 qu'il ravitaille. Le KC-135 est complÚtement détruit lorsque ses réservoirs s'embrasent, tuant ses quatre hommes d'équipage. Le B-52G se brise en plusieurs morceaux, tuant trois des sept membres d'équipage, les autres ayant pu sauter en parachute[3]. Au total sept membres d'équipage sont tués.

Des quatre bombes H de type Mk 28 que le B-52G transportait[4], trois sont retrouvĂ©es Ă  terre prĂšs du village de Palomares en Andalousie. Deux, dont les parachutes ne se dĂ©ploient pas, sont dĂ©truites Ă  l'impact au sol : leurs explosifs conventionnels explosent en dispersant une quantitĂ© de plutonium estimĂ©e Ă  4,5 kg sur 250 hectares jusqu'aux fermes situĂ©es Ă  1,6 km des cĂŽtes, ainsi que de l'uranium de qualitĂ© militaire. La troisiĂšme bombe touche le sol et reste presque intacte prĂšs de Palomares.

La quatriĂšme bombe est perdue au large des cĂŽtes espagnoles.

Suites de l'affaire

Le dĂ©partement de la DĂ©fense des États-Unis dĂ©ment avoir perdu des bombes, alors que la presse est au courant.

Un Ă©norme dispositif aĂ©rien et naval cherche pendant presque trois mois la quatriĂšme bombe : une fouille de 80 jours impliquant 3 000 hommes et 38 vaisseaux de l'US Navy permet Ă  un sous-marin ALVIN de retrouver la bombe Ă  869 mĂštres de profondeur, Ă  km du rivage. Elle n’a Ă©tĂ© trouvĂ©e que quand le commandement militaire amĂ©ricain a fini par Ă©couter le tĂ©moignage de Francisco SimĂł Orts[5], un pĂȘcheur devenu hĂ©ros local, connu en Espagne sous le sobriquet de Paco el de la bomba (« Paco, le type de la bombe ») qui, Ă  bord de son chalutier, avait repĂ©rĂ© avec ses jumelles le point d'impact d'un gros tube gris dotĂ© de son parachute gris de sĂ©curitĂ©[6].

L’Espagne exige des États-Unis de reprendre ce qui reste de terre polluĂ©e et de la transporter dans son territoire[7].

Durant la premiĂšre opĂ©ration de dĂ©contamination, 1 400 tonnes de sol lĂ©gĂšrement contaminĂ© sont expĂ©diĂ©es vers le centre de retraitement de Savannah River Site Ă  Aiken en Caroline du Sud. Les plants de tomates contaminĂ©s sont enterrĂ©s ou brĂ»lĂ©s. L'Espagne n'ayant pas Ă©dictĂ© de mesures en cas d'accident nuclĂ©aire, les États-Unis, en concertation avec l'Espagne, appliquent les recommandations utilisĂ©es au site d'essais du Nevada concernant le plutonium et les autres substances radioactives.

Pour tenter de sauver la saison touristique, les autoritĂ©s organisent une vaste campagne de communication : sous l'Ɠil d'une vingtaine de camĂ©ras du monde entier[8] et d'une nuĂ©e de photographes, l’ambassadeur amĂ©ricain Angier Biddle Duke invite plusieurs ministres espagnols dont Manuel Fraga Ă  se baigner en mer, pour prouver qu’il n’y a aucun danger radioactif. Mais, prudemment, ils ont choisi une plage situĂ©e Ă  15 kilomĂštres du lieu d’impact des bombes[9].

En 1971, seuls 100 villageois (6 % de la population) sont examinés. 29 tests de contamination positifs sont écartés car jugés « statistiquement insignifiants ». En date de 2008, certaines zones restent encore contaminées. Selon un rapport de la Defense Nuclear Agency (DNA) de 1975 : « Palomares demeure l'un des quelques sites dans le monde servant de laboratoire expérimental, probablement le seul offrant un regard sur une zone agricole ».

Sur les 714 personnes suivies jusqu'en 1988, 124 avaient un taux de plutonium dans les urines supĂ©rieur au minimum dĂ©tectable[10].

En 2008, en pleine frĂ©nĂ©sie immobiliĂšre, des promoteurs s’intĂ©ressent Ă  cette partie de la cĂŽte d’Almeria mais le taux d’amĂ©ricium est trĂšs largement supĂ©rieur au maximum autorisĂ©. La zone est dĂ©clarĂ©e inconstructible[11] : des terrains de Palomares restent clĂŽturĂ©s et une partie de ses 1 500 habitants voyagent Ă  Madrid, deux fois par an, pour subir une inspection mĂ©dicale. Les rapports mĂ©dicaux de 1966 n’ont Ă©tĂ© dĂ©classifiĂ©s qu’en 1986. Quand l’accident a eu lieu, les explosifs non atomiques ont explosĂ©, mais pas les engins nuclĂ©aires. Pourtant deux dĂ©tonateurs ont Ă©tĂ© activĂ©s.

Manifestation et soutien de la duchesse Luisa Isabel Álvarez de Toledo y Maura

ReprĂ©sentante du plus ancien duchĂ© d'Espagne et titulaire de nombreux autres titres de noblesse, la 21e duchesse de Medina Sidonia, triple Grande d'Espagne, de convictions rĂ©publicaines et antifranquistes, apporta, malgrĂ© son origine hautement aristocratique, un soutien actif aux pĂȘcheurs et paysans de la rĂ©gion de Jerez[12]. Ainsi, sa participation Ă  la manifestation pour les victimes de l'incident nuclĂ©aire de Palomares lui valut un emprisonnement Ă  AlcalĂĄ de Henares pendant huit mois par le pouvoir franquiste.

Elle y gagna son cĂ©lĂšbre surnom, confĂ©rĂ© par la presse, de Duquesa Roja (Duchesse rouge). Pour Ă©viter d'autres peines de prison Ă  la suite de la parution de son roman La GrĂšve — Ă  cette Ă©poque illĂ©gale en Espagne — elle s'exila en France en 1970 pendant sept ans.

Conséquences sur les relations diplomatiques américano-ibériques

La publication de plusieurs documents de WikiLeaks, a rafraĂźchi cette affaire.

En 2009, Miguel Ángel Moratinos et Hillary Clinton se sont entretenus sur Palomares. JosĂ© Luis RodrĂ­guez Zapatero a parlĂ© aussi du sujet avec Joe Biden, mais les États-Unis craignent un prĂ©cĂ©dent; un accident semblable Ă  ThulĂ©, Groenland eut lieu aussi, en 1968, et il y a une liste d’incidents nuclĂ©aires moins graves, mais significatifs, dans d’autres pays. « Peu importe qui paie les travaux dĂ©finitifs de dĂ©contamination, a dit rĂ©cemment Pedro Caicedo, le maire de Cuevas del Almanzora, commune dans laquelle se trouve le village de Palomares, mais il faut le faire et nous le demandons Ă  notre gouvernement. »

Aussi le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres espagnol, dans un procĂšs-verbal du mois de , demanda aux AmĂ©ricains d’agir « sans dĂ©lai » pour finir de façon dĂ©finitive le nettoyage[13].

Le , le secrĂ©taire d'État amĂ©ricain John Kerry et le ministre espagnol des Affaires Ă©trangĂšres JosĂ© Manuel GarcĂ­a-Margallo signent un accord dans lequel les États-Unis s'engagent Ă  prĂ©lever quelque 50 000 m3 de terres contaminĂ©es et les expĂ©dier sur le sol amĂ©ricain par voie maritime[14].

Dans la fiction

Sorti en décembre 1966, le film musical Finders Keepers avec Cliff Richard, met en scÚne cet incident.

Un roman d'espionnage, Opération PalomarÚs, de Marc Arno, publié en 1966 aux éditions Fleuve Noir Espionnage (no 558) relate à sa maniÚre cet incident.

Michel Bataille s'en inspire pour son roman L'Arbre de NoĂ«l (1967), adaptĂ© au cinĂ©ma sous le mĂȘme titre en 1969.

L'accident est au cƓur du scĂ©nario du film Le Jour oĂč les poissons sont sortis de l'eau rĂ©alisĂ© par Michael Cacoyannis et sorti en 1967.

Notes et références

  1. Didier Gourin, « Dans les archives d’Ouest-France. 7 avril 1966 : une bombe atomique perdue en mer est retrouvĂ©e », sur ouest-france.fr, (consultĂ© le ).
  2. (en) « Palomares bombs: Spain waits for US to finish nuclear clean-up », sur bbc.com,
  3. (en) Ron Hayes, « H-bomb incident crippled pilot's career », The Palm Beach Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. (en) Randall C. Maydew, America's Lost H-Bomb: Palomares, Spain, 1966, Manhattan, Sunflower University Press, (ISBN 978-0-89745-214-4, OCLC 40899508, LCCN 98162850).
  5. (en) Tony Long, « Jan. 17, 1966: H-Bombs Rain Down on a Spanish Fishing Village », [archive], Wired,‎ 17 janvier 2008 (consultĂ© le 16 fĂ©vrier 2008).
  6. (es) César de la Lama, Viaje por la España del mar, Kaydeda, , p. 326.
  7. (en) Tony Long, « Jan. 17, 1966: H-Bombs Rain Down on a Spanish Fishing Village », Wired, (consulté le ).
  8. (es) « Fraga en Palomares », sur youtube.com, .
  9. (en) Tad Szulc, The Bombs of Palomares, Viking Press, , p. 2019.
  10. De Tchernobyl en tchernobyls (Georges Charpak, Richard Garwin et Venance JournĂ©), Éditions Odile Jacob, 2005 (ISBN 2-7381-1374-5) p. 420.
  11. François-Xavier Gomez, « Les Etats-Unis nettoient leurs déchets nucléaires... de 1966 », sur liberation.fr, .
  12. Philippe Gloaguen, Une vie de routard, Paris, Editions Calmann LĂ©vi, .
  13. Paco Audije, « Palomares, sa plage, ses bombes », La Libre Belgique,‎ .
  14. (es) Miguel Gonzålez, « España y EE UU firman un acuerdo para la limpieza de Palomares », sur elpais.com, .

Annexes

Bibliographie

  • La era de Palomares. Luisa Isabel Álvarez de Toledo y Maura, Juan Goytisolo, Jorge Castillo, Eduardo Subirats. Éditions de Intervencion cultural, Sous la coordination d'Eduardo Subirats. El Viejo Topo, 2010.
  • Palomares, Isabel Alvarez de Toledo.
  • L'histoire secrĂšte de la bombe de Palomares, Rafael Moreno Izquierdo. Éditions Critica.
  • Bombe H sur Palomares, Flora Lewis, Ă©ditions France-Empire, 1967.

Articles connexes

Lien externe

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