Abbaye du Betton
L'abbaye du Betton située dans la commune de Betton-Bettonet, en Savoie, est un monastère de moniales cisterciennes. Elle fut fondée en 1133, en même temps que son abbaye de tutelle masculine de Tamié.
Abbaye du Betton | ||||
Abbaye du Betton, le couvent. | ||||
Diocèse | Maurienne Chambéry |
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Fondation | 1133 | |||
DĂ©but construction | 1133 | |||
Fin construction | 1658 | |||
Dissolution | 1791 | |||
Abbaye-mère | Tamié | |||
Lignée de | Cîteaux | |||
Abbayes-filles | Bonlieu (1160-1648) Les Ayes (1140-1791) Bons |
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Congrégation | Ordre cistercien | |||
PĂ©riode ou style | ||||
Coordonnées | 45° 31′ 02″ nord, 6° 10′ 24″ est[1] | |||
Pays | France | |||
Province | Comté de Savoie | |||
RĂ©gion | RhĂ´ne-Alpes | |||
DĂ©partement | Savoie | |||
Commune | Betton-Bettonet | |||
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Localisation et toponymie
L'abbaye est située dans la petite vallée du Gelon, parallèle à la combe de Savoie ; plus précisément, elle est implantée à la limite entre les pentes de la crête de Montraillant et le val Gelon (en rive gauche), sur la commune de Betton-Bettonet[1].
À ses débuts, l'abbaye était nommée Bitumen[2].
Histoire
Fondation
L'abbaye fut fondée en 1132[3] ou 1133[4] (moins vraisemblablement en 1153[5]) pour héberger les sœurs et les mères de jeunes gens partis se faire moines à Tamié, et qui désiraient également se consacrer à la vie monastique. Il semble que des moniales de Bonnecombe, à Izeaux, soient venues prêter main-forte à cette fondation[6]. Il s'agit d'un très ancien site religieux avec primitivement une église qui dépendait du prieuré bénédictin de La Trinité.
En revanche, il semble que l'érection du prieuré en abbaye ne date que de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle, entre 1193 et 1225[7] - [8]. Le prieuré est placé sous le vocable de Notre Dame[7].
La première abbesse est la mère de Pierre II, abbé de Tamié, de la famille de Romestang, et se nomme Saintebourge. Son unique fille Friburge est également religieuse à l'abbaye[9].
DĂ©veloppement
L'abbaye croît rapidement et se développe au point d'essaimer. Sa première fondation est une refondation : l'abbaye bénédictine de Bonlieu, alors implantée à Chilly, cherche une nouvelle localisation après des inondations catastrophiques, et cherche également un changement d'ordre monastique. Elle s'établit dans l'actuelle commune haut-savoyarde de Sallenôves et opte pour l'ordre cistercien, sous la filiation du Betton[4]. La première prieure, envoyée du Betton, se nomme Algarde[10].
Certains comptent aussi l'abbaye des Ayes, située à Crolles, dans la filiation du Betton[11] (d'autres la plaçant dans la filiation de l'abbaye iséroise du Val-de-Bressieux (située à Saint-Pierre-de-Bressieux)[12] ou directement de Tamié[6]. Enfin, l'abbaye de Bons (dans la commune de Chazey-Bons), près de Belley, est aussi une fondation du Betton[11].
La dot que les religieuses de chœur, d'origine noble, apportaient en entrant en religion, constituait une partie du revenu de la communauté, qui vivait par ailleurs de droits seigneuriaux (dîme sur de nombreuses paroisses avoisinantes) et de la mise en valeur de terrains, vignobles, alpages, offerts par de grandes familles comme les Miolans ou les Montmayeur.
Prospérité économique
La prospérité matérielle de l'abbaye s'affirme également. En 1183, elle possède trois granges[6] et des terres dans de nombreux villages des environs, à travers toute la combe de Savoie jusqu'à Montmélian au sud et jusqu'en Tarentaise au nord, mais aussi dans le massif des Bauges[13]. En 1195, le comte de Savoie, Thomas Ier, lui donne tout ce qu'il possède dans le Val de Suse[8].
NĂ©cropole de Montmayeur
Les nobles de la maison de Montmayeur, dont le château est situé sur les crêtes de Montraillant qui dominent l'abbaye, décident de la protéger et de la doter en échange d'une sépulture dans l'édifice. Gaspard de Montmayeur obtient au XVe siècle de l'abbesse la permission de construire dans l'abbatiale une chapelle dédiée à Saint Jean Baptiste et d'en faire la chapelle funéraire de sa famille[14]. Ce dernier, mort de la peste au cours d'une campagne en Italie, est inhumé dans la chapelle en 1483[15].
Amédée IV, comte de Savoie, cherche également à s'y faire enterrer, et veut tellement qu'on y prie pour le repos de son âme qu'il force sa fille Béatrice à se faire religieuse au Betton pour prier pour lui. Mais une double désobéissance à ses volontés intervient à sa mort : il est enterré, contre sa volonté mais suivant la tradition propre à la maison de Savoie, dans la chapelle des princes de l'abbaye d'Hautecombe, et Béatrice refuse de devenir religieuse : elle épouse Pierre de Châlons[16].
Le déclin de l'abbaye
L'abbaye obtient moins de vocations à partir du XVIe siècle. La cause en est le moindre attrait pour la vie monastique à la fin du Moyen Âge, le désintérêt pour les cisterciens au profit des ordres mendiants, et surtout l'instauration, ici comme dans l'immense majorité des abbayes européennes, du régime de la commende : l'abbesse n'est plus une religieuse élue, mais une noble choisie par le suzerain local (et, en France, à partir du concordat de Bologne, en 1516, directement par le roi), en l'occurrence le duc ou la duchesse de Savoie[17].
En outre, les guerres incessantes entre la France, la Savoie et le Dauphiné au XVIe siècle, suivies des guerres de Religion, provoquent des dégâts irrémédiables. En , les « Français » du huguenot Lesdiguières pillent l'église, molestent les sœurs, brûlent les archives et abattent la toiture qui avait peu auparavant (1571) été refaite[3]. Les sœurs reviennent dès 1604 et recrutent désormais des jeunes filles moins fortunées en abaissant le montant de la dot. L'église et les bâtiments abbatiaux sont restaurés. Mais ces religieuses, qui jouissent désormais d'une règle moins stricte et de conditions matérielles plus confortables, sont attirées par la vie séculière, les mœurs se relâchent. Un souterrain, détruit en 1724 sur ordre de l'abbé de Tamié, leur aurait permis de franchir le mur de clôture.
François-Nicolas de la Forest de Somont est un des abbés commanditaires de Tamié. Il parvient à faire nommer sa sœur Françoise abbesse du Betton, qui y reste en place du [18] au [19]. La réforme trappiste contre laquelle il s'était fortement élevé l'ayant finalement convaincu, il l'instaure à Tamié ; au Betton, à défaut de pouvoir l'instaurer, il lutte de toutes ses forces pour faire respecter le bref « In suprema » d'Alexandre VII[20] qui tente de faire respecter aux cisterciens leur règle originelle. L'élection de l'abbesse y est par exemple ré-instaurée. À l'occasion de l'élection de celle qui doit succéder à sa sœur, on apprend que le Betton ne compte en 1693 que quatorze religieuses[19].
Reconstruction au XVIIe siècle
Les bâtiments sont reconstruits au XVIIe siècle. Le fronton des bâtiments subsistants aujourd’hui porte la date de 1658[21]. La reconstruction de l'église commence quant à elle le [3].
En 1678, l'abbaye compte dix religieuses ; en 1753, dix-neuf. Après 650 ans d'existence, l'abbaye est déclarée bien national à la Révolution, les religieuses définitivement expulsées et le domaine vendu à des particuliers[22].
Après la Révolution
Pendant la période révolutionnaire et impériale, l'abbaye est sécularisée : les moniales sont chassées, les bâtiments sont reconvertis en asile en 1828, puis en usine de tissage[21], dont l'activité s'exerce notamment sur la filature de la soie[23] - [24].
Le , les bâtiments sont acquis par le Conseil Général de Charité de Chambéry (acte confirmé par lettres royales du de la même année), afin d'en faire un « hospice d'aliénés », recueillant, pour les soigner, les aliénés de tout le Duché . Celui-ci ouvre le ; il est géré par les sœurs de Saint Vincent de Paul, qui y soignent de nombreux malades. Malgré l'éloignement du lieu, le Conseil Général de Charité de Chambéry rachète une partie des bâtiments puis, grâce à la générosité du Général Comte Benoît de Boigne, membre du Conseil, la totalité du domaine et le site accueille ses premiers pensionnaires (12 femmes pour commencer). L'asile fonctionnera jusqu'en 1858, sous la responsabilité des docteurs Mollard, puis Dianand et surtout Duclos, ces deux derniers contracteront le paludisme, et enfin le Dr Fournier, natif de Châteauneuf. L'asile sera transféré à Bassens à cause de son éloignement de Chambéry, de l'incommodité des bâtiments et de l'insalubrité des marécages environnants avant que le Gelon ne soit canalisé[25] - [26].
En 1872, un soyeux de Lyon, M. Payen y fonde une filature où travaillent jusqu'à 250 ouvrières et apprenties, âgées d'au moins treize ans et provenant des villages voisins et du Piémont. Elles sont encadrées par un aumônier, neuf Filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul et un directeur. Elles travaillent douze heures par jour pour un salaire de 125 francs annuels (pour les ouvrières). On filait là jusqu'à 13 200 kilogrammes de soie par an à partir des cocons de vers à soie élevés dans toute la région. Entre 1870 et 1875, sont recensés de 450 à 500 « éducateurs » de vers à soie en Combe de Savoie où les plantations de mûriers avaient commencé dès la fin du XVIe siècle. Mais la production est concurrencée par les soies du Piémont, les mûriers font place aux arbres fruitiers. Les bâtiments sont vendus à des cultivateurs successifs et conservent aujourd'hui cette vocation de bâtiments agricoles.
L'ancienne abbaye du Betton tombe quant Ă elle peu Ă peu en ruines.
Références
- « Carte IGN 3432 OT » sur Géoportail (consulté le 9 décembre 2015)..
- Emmanuel Pilot de Thorey, Abbaye de Notre-Dame-de-Bonnecombe de Saint-Paul d'Izeaux : transférée à Beaurepaire. Règle de Saint-Bernard — Ordre de Cîteaux, Xavier Drevet, , 16 p. (lire en ligne), p. 5.
- A. Dh., « L'abbaye cistercienne de femmes du Betton », sur http://www.chamoux-sur-gelon.fr/page/abbaye-du-betton, Chamoux-sur-Gelon (consulté le )
- Christian Regat 1998, « Les cisterciens en Savoie », p. 4.
- Adolphe Gros, Dictionnaire étymologique des noms de lieu de la Savoie, La Fontaine de Siloé (réimpr. 2004) (1re éd. 1935), 519 p. (ISBN 978-2-84206-268-2, lire en ligne), p. 15.
- Odile Bebin-Langrognet 2012, Chapitre IX, « La fondation de l'abbaye du Betton le 7 des ides de mai 1133 », p. 52.
- Michèle Brocard, Maurice Messiez-Poche, Pierre Dompnier, Histoire des communes savoyardes : La Maurienne - Chamoux - La Rochette (vol. 3), Roanne, Éditions Horvath, , 558 p. (ISBN 978-2-7171-0289-5), p. 443-444. ([PDF] lire en ligne)
- Melville Glover 1858, Première partie : 1150-1300, « § 4 : érection du prieuré du Beton en abbaye », p. 15.
- Odile Bebin-Langrognet 2012, Chapitre I, « Pierre II, sa famille. Origine des Romestang dont serait originaire Pierre II », p. 24 & 25.
- Les amis de Sallenôves, « Découverte de l'histoire de l'ancienne abbaye cistercienne de Bonlieu- Sallenôves qui fêtait ses 850 ans », (consulté le ).
- Melville Glover 1858, Première partie : 1150-1300, « § 1 : départ de la colonie », p. 2 & 3.
- « L'abbaye cistercienne de Bonnevaux », sur http://www.memoire-bonnevaux.org/, Mémoire de Bonnevaux (consulté le )
- Melville Glover 1858, Première partie : 1150-1300, « § 3 : possessions en 1183 », p. 12 & 13.
- Melville Glover 1858, Première partie : 1150-1300, « § 4 : chapelle fondée par les seigneurs de Montmayeur », p. 16.
- Joseph Garin, Histoire féodale des seigneurs de Briançon, Savoie (996-1530), t. XII, Besançon, Imprimerie de l'Est, coll. « Recueil des mémoires et documents de l'Académie de la Val d'Isère », (lire en ligne), p. 191-192
- Melville Glover 1858, Première partie : 1150-1300, « § 4 : donation d'Amé IV », p. 20 & 21.
- Christian Regat 1998, « Entre médiocrité et décadence », p. 7.
- Christian Regat 1998, « Vers la réforme », p. 14.
- Christian Regat 1998, « La réforme à Tamié », p. 18.
- (la + fr) Alexandre VII, In suprema, (lire en ligne).
- « Betton-Bettonet », sur http://patrimoine.amis-st-jacques.org/, Patrimoine jacquaire en Rhône-Alpes (consulté le )
- Eugène Jarry, « Félix Bernard. Les origines féodales en Savoie et en Dauphiné. L'origine et les destinées des grandes familles féodales en Savoie et en Dauphiné au Moyen Âge », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 39, no 132,‎ , p. 81–84 (lire en ligne, consulté le ).
- « Histoire de Châteauneuf », sur http://chateauneuf73.free.fr/, Châteauneuf en Savoie, (consulté le )
- Adolphe Laurent Joanne, Géographie du département de la Savoie, Paris, Hachette, , 76 p. (lire en ligne), p. 53.
- « De Betton Betonnet à Bassens : la construction d'un établissement asilaire », sur http://www.chs-savoie.fr/, Centre hospitalier spécialisé de la Savoie (consulté le )
- Sandrine Richaud et Francine Glière (dir.), Fonds 6Hdépôt — Hôpital psychiatrique de Bassens (1847-1976), Chambéry, Archives départementales de la Savoie, , 76 p. (lire en ligne), p. 3.
Voir aussi
Bibliographie
- Odile Bebin-Langrognet, De Savoie en Comté : Saint Pierre de Tarentaise, Éditions L'Harmattan, , 192 p. (ISBN 9782296478985, lire en ligne).
- Félix Bernard, Le Pays de Gelon, petit-fils de Charlemagne. Région de l'Huille, La Rochette et Chamoux, entre l'Arc et la Bréda, librairie de Savoie, librairie Novel / imprimerie Allier, , 276 p..
- Michèle Brocard, Maurice Messiez-Poche, Pierre Dompnier, Histoire des communes savoyardes : La Maurienne - Chamoux - La Rochette (vol. 3), Roanne, Éditions Horvath, , 558 p. (ISBN 978-2-7171-0289-5), p. 441-444. ([PDF] lire en ligne)
- Melville Glover, L'abbaye du Beton en Maurienne, Puthod, , 52 p. (BNF bpt6k5722454s, lire en ligne) ;
- Maurice Messiez, La Combe de Savoie autrefois, La Fontaine de Siloé, coll. « La chronique de l'autrefois », , 201 p. ;
- Christian Regat, « Les cisterciens en Savoie : Tamié de 1132 à 1701 », Mémoires et documents publiés par l’Académie salésienne, vol. 104,‎ (ISSN 1157-0644, lire en ligne) ;