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Abbaye de Créteil

L'Abbaye de Créteil, dit aussi Groupe de l'Abbaye, nommé par ses fondateurs « L'Abbaye », groupe fraternel d'artistes[2] (puis groupe d'art), est une communauté littéraire et artistique française du début du XXe siècle.

Les premiers membres de l’Abbaye de Créteil en 1907. Au premier plan en partant de la gauche : Charles Vildrac, René Arcos, Albert Gleizes, Henri-Martin Barzun, Alexandre Mercereau ; au second plan : Georges Duhamel, Berthold Mahn, Jacques d'Otémar (cliché Dornac[1]).

Formée sur le mode d'un phalanstère, cette organisation associative est fondée à Créteil à l’automne 1906 sous l'impulsion du poète Charles Vildrac et de son ami l'écrivain Georges Duhamel, entourés d'une dizaine de personnes dont Albert Gleizes et Alexandre Mercereau.

« L'Abbaye » en tant que lieu d'activités est fermée par ses membres le mais l'organisation perdure à Paris pendant plus d'une année. Le groupe a, durant le temps de cette expérience, créé une maison d'édition du même nom et monté des expositions.

Historique

Utopie des débuts

Plaque indiquant la fondation du groupe au 37, rue du Moulin à Créteil.

S’inspirant notamment de l’Abbaye de Thélème imaginée par Rabelais dans Gargantua et du compagnonnage, le poète Charles Vildrac est le principal initiateur du projet : lors d'une réunion d'amis en à son domicile de la rue Victor-Massé, il fait part de son « rêve » de vie communautaire qu'il a eu durant l'été[3]. Cependant, dans un courrier adressé à Mercereau le , Vildrac écrit que « l'idée de réalisation de l'Abbaye, le moyen de la faire, tout cela éclata un dimanche de l'été dernier [1906] chez Arcos, entre Gleizes, Arcos, Duhamel, ma femme [la sœur de Duhamel] et moi »[4]. Entre la naissance du projet et sa mise en œuvre, une année s'est donc écoulée. Le projet est d'échapper à la « commercialisation de l'esprit et de la création artistique » en fondant un lieu de liberté et d’amitié, propice à la création, loin des modes et des conventions de leur époque[3]. Arcos et Gleizes se sont rencontrés à Amiens, en 1904, lors de leur service militaire : le duo y connut Lucien Linard et Jacques d'Otémar.

Après plusieurs mois de recherches, ce groupe d'amis s’installe Ă  partir de NoĂ«l 1906, au 35-37 de la rue du Moulin Ă  CrĂ©teil, dans une grande maison entourĂ©e d’un grand parc boisĂ© de 13 000 m2 situĂ© le long de la Marne, plus prĂ©cisĂ©ment du bras-mort dit « bras du Chapitre ». La bâtisse, qui Ă©tait en partie en ruine et qui fut restaurĂ©e, comprenait trois Ă©tages et des communs, dont une orangerie qui servit d'atelier pour les peintres et une dĂ©pendance, dĂ©diĂ©e Ă  l'imprimerie. Un grand lierre couvrait la façade. Le loyer Ă©tait, selon Pierre Alibert, assez important, et fut sans doute un frein matĂ©riel Ă  l'expĂ©rience[5].

En , une société civile est formée et les signataires se qualifient d'« artisans de l'Abbaye », mettant sur pieds l'imprimerie, confiée à Linard, et une « firme d'édition » ; ils lancent un appel à participation non pas de nature financière mais intellectuelle. Les signataires sont : René Arcos, Albert Doyen, Georges Duhamel, Albert Gleizes, Berthold Mahn, Henri-Martin Barzun (dit « Henri-Martin »), Jacques d'Otémar, George Périn (1873-1922), Jules Romains, Maurice Robin, Alexandre Mercereau et Charles Vildrac[2]. L'épouse de Vildrac, née Rose Duhamel, et Cécile Périn, jouèrent un rôle important. Ce même mois, Mercereau vient vivre à L'Abbaye avec sa compagne : Vildrac lui raconte que l'hiver y est rude, que seuls son épouse, Arcos, Gleizes et Duhamel ont pour l'instant accepté de s'y installer définitivement. Berthold Mahn et d'Otémar, associés, étaient occupés à Paris avec leur propre atelier graphique[4].

Pris par un emploi ministériel, Henri-Martin Barzun met cependant sa « fortune » au service de ses amis pour acheter la minerve d'impression et payer le loyer de la villa : il vient bientôt s'installer avec son épouse à l'Abbaye ; son fils Jacques y naît en . Ce « groupe fraternel d'artistes » accompagnés de leurs épouses se donna un but concret : créer une maison d'édition susceptible de leur garantir un revenu. Elle était gérée essentiellement par Vildrac et Arcos[6]. C’est le typographe Lucien Linard, l'ami de régiment de Gleizes et d'Arcos, qui apporta les compétences techniques à la mise en place de l’imprimerie.

DĂ©veloppements

Carton pour la 2e exposition de « l'Abbaye », se qualifiant de « groupe d'art » à l'adresse de la rue du Moulin (Créteil, vers 1907-1908).

Des dizaines d’écrivains, poètes et artistes, femmes et hommes, de toutes nationalités, vinrent enrichir le groupe[3] : les poètes Pierre Jean Jouve, Valentine de Saint-Point, Luc Durtain (qui sera marqué par cet esprit communautaire), les peintres Charles Picart Le Doux, Henri Doucet et Léon Balzagette ; l'on compte aussi les écrivains Jules Romains, fondateur de l’unanimisme, et Alfred Jarry, qui furent des amis du groupe, auxquels se joignirent des proches de la toute jeune Nouvelle Revue française tel Jean-Richard Bloch. On y croisait également Georges Chennevière, le dessinateur et graveur belge Frans Masereel, F. T. Marinetti ou encore, l’ami de Marcel Proust, le singulier Robert de Montesquiou, qui fut publié par l’Abbaye.

Une première grande soirée de représentations fut organisée le , où, comme le rapporte le journal La Justice[7], « les artisans de Créteil sont artistes pour servir leur idéal et ouvriers pour gagner leur pain (...). Méthode de travail : 4 à 6 heures par jour. le reste du temps est consacré selon chacun à l'exercice de son art respectif. C'est l'heureuse union du travail manuel et du travail intellectuel ». Un lieu de verdure, qui tourne le dos au mercantilisme, et qui n'est pas sans rappeler l'esprit utopique de l'expérience communautaire de l'Anglais William Morris ou celui du poète américain Henry David Thoreau (que la jeune Nouvelle Revue française republia dès 1909).

D'autres personnalités s'y rendirent avec entrain comme le musicien wagnérien Charles Schüller (qui se lia à Duhamel), le peintre américain Samuel Halpert (en), les poètes[8] Paul Castiaux (fondateur de la revue Les Bandeaux d'or), Paul Buisson (dit « Buisson de La Haye »), Alban Aribaud, Octave Charpentier, Lucien Bonnefoy (1876-?), Albert Willemet, Jean Raivel, André Romane, Marius Besson, Henri de Peretti, Alexandre Goichon, Alain de La Tour, Yves Chatelain, Louise Puhl, Théo Varlet, ou Ricciotto Canudo, lequel est très proche de Valentine de Saint-Point. Le critique Jean Valmy-Baysse (1874-1962) y retrouva son ami Gleizes, mais aussi Arcos, Mercereau, Vildrac et Duhamel qui écrivirent pour lui dans la revue La Vie lancée en [9]. Certains ressentirent de la déception et de la frustration, comme Castiaux ou d'autres poètes qui n'avaient pas été retenus au catalogue de la maison d'édition, et d'autres encore qui s'étonnèrent du peu d'ambitions, d'un certain manque d'envergure de l'entreprise, tel Canudo.

Dans cette « libre Villa Médicis » (selon les mots de Vildrac), au moins deux expositions d'artistes furent organisées et présentent l'intérêt de mêler des français et des étrangers, des hommes et des femmes : sur celle de 1907-1908, le critique d'art Georges Normandy en donna un compte rendu et souligna l'intérêt que portait à ce groupe des personnalités comme Anatole France, Paul Adam (qui prononça le discours inaugural à l'automne 1906), Saint-Pol-Roux et René Ghil.

Bilan

« Et c'est justement la nouvelle génération qui était le plus attaché à cette idée européenne. À Paris je trouvai rassemblé autour de mon ami Bazalgette tout un groupe de jeunes hommes qui, au contraire de la génération précédente, avaient répudié tout nationalisme étroit et tout impérialisme agressif : Jules Romains, qui écrivit plus tard, en pleine guerre, son grand poème Europe, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Durtain, René Arcos, Jean-Richard Bloch, tous rassemblés à l'« Abbaye », puis à l'« Effort libre », étaient des pionniers passionnés d'un européanisme à venir et inébranlables, comme l'épreuve du feu le montra durant la guerre, dans leur haine de tout militarisme, – une jeunesse telle que la France en a rarement engendrée de plus vaillante, de plus douée, de plus moralement résolue ». »

— Le Monde d'hier, Stefan Zweig

Malgré l’intérêt suscité par leur entreprise, ces jeunes gens manquèrent d’argent et furent obligés de fermer leur Abbaye fin . La principale raison de cette fermeture semble avoir été l'éclosion de dissensions fortes entre certains membres du groupe : Mercereau, par exemple, se sent méprisé par Arcos et Duhamel ; ce dernier, très lié au Mercure de France, ne partage pas ses choix esthétiques et littéraires. Des tensions apparaissent également sur des points liés aux tâches du quotidien, au rôle des femmes, aux honneurs acceptés par les uns et refusés par les autres. Un facteur plus idéologique fut retenu dans une première analyse post-mortem : fut pris pour cible le prosélytisme affiché par Jules Romains et son « unanimisme », qu'avaient rejeté pour partie les membres du groupe[10].

La maison d’édition survécut quelque temps : l'atelier, supervisé par Linard, poursuivit encore quelques mois son activité au no 7 de la rue Blainville à Paris. Mais surtout les amis continuèrent à se réunir une fois par mois lors d’un « dîner des copains ». Toutefois Mercereau se brouille avec Vildrac et Duhamel en 1911 : dans un essai publié en 1923, il leur reproche de récupérer l'expérience à leur compte[11].

Cette expérience communautaire est décrite en détail par Georges Duhamel dans Le Désert de Bièvres, le cinquième volume de sa Chronique des Pasquier, dans des termes parfois amers. Par ailleurs, c'est à l'abbaye que Duhamel fit la connaissance de l'actrice Blanche Albane[3] qui devint sa femme quelques années plus tard.

L'ensemble de ces jeunes gens fut profondément marqué par cette expérience utopiste, une aventure qui tomba dans l'oubli et qui fut remise en valeur par des chercheurs américains et britanniques[12] à partir des années 1960. Aujourd'hui, le « Groupe de l'Abbaye », qui ne fut certes pas le premier du genre à émerger en France[13], figure tout de même, avec sa belle énergie, comme un chapitre particulier de l'histoire de l'art moderne, permettant par exemple d'ouvrir au concept de « précubisme ».

Les éditions de l’Abbaye (1906-1909)

Extrait du programme éditorial publié dans les Cahiers mensuels de Mécislas Golberg imprimé à Créteil en juillet 1907.

Les différents titres et estampes publiés par les éditions de l'Abbaye furent composés, mis en page et imprimés successivement chez A. Oudaille à Beauvais, puis à l'Abbaye même, rue du Moulin à Créteil, ensuite, après , à Paris, d'abord au Studio du Groupe d'art 88 boulevard de Port-Royal pour finir à l'« Imprimerie de l'Abbaye » située au 7 rue Blainville ; cette structure était supervisée par Lucien Linard, qui fit appel à l'imprimerie Victor Legros à Lille. La maison d'édition possédait un « dépôt central parisien » de vente situé au 56 rue de Rennes.

Abel Pelletier[14], Marie-des-Pierres. Épisodes passionnés[15]
Charles Vildrac, Poèmes 1905 [réédition]
Mécislas Golberg, Cahiers mensuels no 1-2 janvier- contenant Disgrâce couronnée d'épines, illustré par André Rouveyre et Pierre-Eugène Vibert - sur Gallica
  • :
? [Collectif], Le Livre d'or de l'Abbaye, publié sur souscription, contenant « lithographies originales, eaux-fortes, gravures, dessins, proses, poèmes de tous les artistes » [cf. illustration ci-contre].
Nicolas Deniker, Poèmes : le décor, la lumineuse tempête, la venelle dolente, l’ultime clairière
Louis Haugmard[16], Les Éveils d’Élinor
Fritz R. Vanderpijl[17], Les Saisons douloureuses
  • : Robert de Montesquiou, Passiflora
  • : Charles Vildrac, Images et mirages
  • : Jules Romains, La Vie unanime
  • : Henri-Martin Barzun [Henri-Martin], Adolescence, rĂŞveries, passions
  • : Roger Allard, Vertes saisons : Poèmes, 1905-1908
  • 1908 : Michel Della Torre[18], Bouquet de FlorĂ©al, 1906-1907
  • 1908 : Raoul Gaubert Saint-Martial[19], Par ces longues nuits d’hiver
  • : Jean Pilinski de Belty[20], Les PrĂ©mices
  • 1908 : Pierre Rodet[21], Une touffe d’orties, poĂ©sies
  • 1908 : Valentine de Saint-Point, Poèmes d’orgueil
  • 1908 : Gaston Sauvebois[22], Après le naturalisme, vers la doctrine littĂ©raire nouvelle
  • 1908 : Albert Verdot[23], Vers les couchants, runes et bucrânes, frontispice de Maurice Robin
  • 1908 : Jeanne Valcler, Ma petite Jeannette : Impressions et souvenirs d'enfant, illustrations d'Édouard CĂ©lerier
  • 1908 : Jean Martet, Les Jeux du sistre et de la flĂ»te
  • 1908 : Ferdinand de Liguori de Presicce[24], Edmonda, drame historique en 6 actes
  • 1908 : Raison ou dĂ©raison du peintre Marcel-Lenoir [sic]
  • 1908 : Étienne Bellot, Notes sur le Symbolisme
  • : Pierre Jean Jouve, Artificiel, avec un frontispice d’Albert Gleizes, dernier ouvrage imprimĂ© par Lucien Linard[25], sans nom d'Ă©diteur.

Expositions

Couverture du catalogue de 1907.

Au moins deux manifestations artistiques collectives ont été organisées par les membres de l'Abbaye :

Notes et références

  1. Hors-texte publié dans Mercereau (1922), « L'Abbaye et le Bolchévisme », op. cit.
  2. On trouve aussi sur le document d'appel lancé à l'automne 1906 : « L'Abbaye, association fraternelle d'artistes », dans Le Vieux Saint-Maur par Henry Pouvereau, bulletin, Paris, F. Champion, 1929, p. 27.
  3. L'Unanimisme et l'Abbaye de Créteil émission de l'ORTF du 6 juin 1971.
  4. « Lettre de Charles Vildrac à Alexandre Mercereau » dans Les Amis de Georges Duhamel et de l'Abbaye de Créteil, site officiel de l'association, en ligne.
  5. P. Alberti, Gleizes. Biographie, Paris, Michèle Heyraud, 1990.
  6. Dont la grande phrase marquante était « cette maison est un gouffre ! ».
  7. « L'Abbaye de Créteil », dans La Justice, du 6 août 1907, p. 3.
  8. Une anthologie poétique est parue sous le titre « L'Abbaye de Créteil », dans Poésie. Cahiers mensuels illustrés, Paris, Imprimerie d'art Le Croquis, 10e année, no 1, janvier 1931.
  9. « La Vie » dans Les Petites Revues, 19 novembre 2010, en ligne.
  10. Lire La littérature et l'époque - histoire de la littérature française ce 1885 à nos jours de Florian-Parmentier, Paris, Eugène Figuière, 1914, p. 213 & 344.
  11. « L'Abbaye et le bolchévisme », publié d'abord dans la revue Créer, no 3, septembre-octobre 1922 puis sous forme de plaquette.
  12. Notamment par Daniel Robbins (art historian) (en), chargé de l'exposition intitulée Albert Gleizes, 1881-1953, a Retrospective Exhibition, au Solomon R. Guggenheim Museum en 1964.
  13. Par exemple, dès 1900, tous les mardis, se croisèrent entre 150 et 200 artistes et écrivains à la Closerie des lilas (Paris) où Paul Fort officiait, assisté entre autres par Alexandre Mercereau.
  14. Abel Pelletier (?-?) fut particulièrement loué par René Ghil dans De la Poésie scientifique (1909). Albert Messein publia toute son œuvre en 1911.
  15. Le justificatif d'impression indique « Tirage limité à 260 exemplaires dont 10 de luxe sur Hollande. De l'imprimerie communautaire de la Libre Abbaye de Créteil ».
  16. Louis Haugmard (?-?) fut l'un des premiers critiques du cinématographe.
  17. Fritz-René Vanderpyl (Amsterdam, 1876-1965).
  18. Michel Della Torre (1890-1915) sur databnf.fr.
  19. Raoul Astélie Vincent Eugène Esprit Gaubert Saint-Martial, (1881-1948).
  20. Jean Pilinski (1885-1947), poète et peintre signant Jean de Belty, sur memoiresdesartistes.fr, en ligne.
  21. Pierre Rodet (1884-1937), cf. Michel Durand, Pierre Rodet 1884-1937 poète du pays de Massiac en Auvergne, s.d, s.e.
  22. Gaston Sauvebois (1880-1935), sur databnf.fr, en ligne.
  23. Albert Verdot (?-?), poète, architecte vérificateur, Roland Dorgelès en a laissé un témoignage dans Bouquet de bohème, Bibliothèque Albin Michel, p. 72-75.
  24. Don Ferdinando Giacomo de Liguoro (Milan, 4 juin 1873 - 24 avril 1945), titré prince de Presicce, ancienne famille napolitaine.
  25. Lucien Linard continue son aventure d'imprimeur-Ă©diteur seul : en 1908, il publie Ă  Paris sous sa marque Cortschacoff de Ferdinand de Liguori de Presicce.
  26. Un compte rendu détaillé est donné par Georges Normandy dans Paris, Horizons de Province, 1908, p. 124-128.
  27. Gabriel Pinta travaille ensuite aux côtés de Georges Duhamel et de l'éditeur d'art René Kieffer.
  28. Notice biographique et portrait photographique dans [PDF] La France et l'Arménie occidentale à travers l'art et l'histoire, Paris, H. Turabian, 1917, p. 43.
  29. « Blanche Ory-Robin, Broderie 1919 » sur musee-orsay.fr en ligne.

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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