1922 en dadaïsme et surréalisme
Éphémérides
Janvier
- 1er janvier
André Breton s'installe au 42 rue Fontaine[1], au-dessus de deux cabarets appelés « Le Ciel » et « L'Enfer » et en face d'un troisième appelé « Le Néant »[2].
Breton annonce dans la revue Comœdia l'ouverture pour le mois de mars d'un « Congrès international pour la détermination des directives et la défense de l'esprit moderne » : « Il s'agit avant tout d'opposer à une certaine formule de dévotion au passé - il est question constamment de la nécessité d'un prétendu retour (?) à la tradition - l'expression d'une volonté, qui porte à agir avec le minimum de références, autrement dit, à se placer au départ en dehors du connu et de l'inconnu[3]. »- Tristan Tzara refuse de participer à ce congrès : « Je préfère me tenir tranquille plutôt que d'encourager une action que je considère comme nuisible à cette recherche du nouveau que j'aime trop, même si elle prend les formes de l'indifférence. » Breton réagit par une malheureuse mise en garde « contre les agissements d'un personnage connu pour le promoteur d'un "mouvement" venu de Zurich qu'il n'est pas utile de désigner autrement. » Paul Eluard, Théodore Fraenkel, Benjamin Péret et Jacques Rigaut, rejoints par Jean Cocteau, soutiennent Tzara contre Breton. Seul Louis Aragon reste fidèle[4].
- Aragon lâche définitivement la médecine. Jacques Doucet l'engage et, avec Breton, ils rassemblent dans la bibliothèque de leur mécène les ouvrages qui ont contribué « à la formation de la mentalité poétique de leur génération[5]. »
Mars
- 1er mars
Interrompue depuis le mois d', la revue Littérature reparaît sous une nouvelle présentation. Breton et Soupault en sont les directeurs[6].
Paul Eluard, Répétitions, illustré de collages de Max Ernst[7].- Eluard et Gala rejoignent Ernst et sa femme à Cologne. Gala affiche sa liaison avec le peintre sans se désunir du poète.
- Annulation du « Congrès ».
Avril
- André Breton, Lâchez tout[8]
- Parution du premier numéro de la revue Le Cœur à barbe, sous-titré, « Journal transparent » créée par Tristan Tzara, avec les collaborations d'Eluard, Fraenkel, Péret et Georges Ribemont-Dessaignes[9].
Juin
Paul Eluard, Les Malheurs des immortels, avec des dessins de Max Ernst[10]
Juillet
- À l'exposition coloniale de Marseille, Antonin Artaud est impressionné par un spectacle de danses cambodgiennes.
- Aragon est à Berlin. Il y écrit Les Plaisirs de la capitale - ses bas-fonds, ses jardins secrets[11].
Août
- Jacques Doucet propose à Breton son soutien financier à Littérature et Gaston Gallimard accepte d'en assurer la diffusion. Ces dispositions provoque la rupture avec René Hilsum, jusqu'alors éditeur et diffuseur de la revue. De son côté Soupault abandonne la codirection de la revue en raison de son hostilité envers Francis Picabia dont l'importance grandit aux yeux de Breton[12].
Septembre
À l'initiative de René Crevel, début des expériences des sommeils hypnotiques chez Breton[12]. Breton : « Après dix jours, les plus blasés, les plus sûrs d'entre nous demeurent confondus, tremblants de reconnaissance et de peur, autant dire ont perdu connaissance devant la merveille. »- Congrès Constructivisme-dadaïsme à Weimar (Allemagne)[13].
Octobre
- Bien qu'il se juge « impropre à de telles manifestations », Robert Desnos participe aux expériences de sommeils hypnotiques. Dans une lettre à Denise Lévy, Simone Breton témoigne : « Desnos apporte, endormi, un ton de prophète qui énonce dans un style mystérieux, symbolique, des choses mieux que la vérité si elles ne sont pas la vérité. Ce n'est pas une femme nerveuse qui parle, mais un poète imprégné de tout ce que nous aimons et croyons s'approcher du fin mot de la vie. »
En communication « télépathique » avec Marcel Duchamp, à New York, Desnos dicte des jeux de mots, des à-peu-près et autres homophonies autour du nom de Rrose Sélavy[14].
Novembre
- Breton est à Barcelone pour une exposition consacrée à Francis Picabia. Il écrit la préface du catalogue.
Breton prononce une conférence intitulée Caractère de l'évolution moderne et de ce qui y participe[12] : « J'estime que le cubisme, le futurisme et Dada ne sont pas, à tout prendre, trois mouvements distincts et que tous trois participent d'un mouvement plus général dont nous ne connaissons encore précisément ni le sens ni l'amplitude. C'est la première fois peut-être que s'impose si fort en art un certain côté hors-la-loi que nous ne perdrons pas de vue en avançant Dada, sa négation insolente, son égalitarisme vexant, le caractère anarchique de sa protestation, son goût du scandale pour le scandale, enfin, toute son allure offensive, je n'ai pas besoin de vous dire de quel cœur longtemps j'y ai souscrit. Il n'y a qu'une chose qui puisse nous permettre de sortir, momentanément au moins, de cette affreuse cage dans laquelle nous nous débattons et ce quelque chose c'est la révolution, une révolution quelconque, aussi sanglante qu'on voudra, que j'appelle encore aujourd'hui de toutes mes forces. Tant pis si Dada n'a pas été cela, car vous comprenez bien que le reste m'importe peu. Il ne serait pas mauvais qu'on rétablît pour l'esprit les lois de la Terreur. »- À Barcelone, Breton écrit le poème Le Volubilis et je sais l'hypoténuse dont le titre a été noté lors d'une séance d'hypnose de Desnos.
Décembre
L'adaptation théâtrale du roman de Raymond Roussel Locus Solus est sifflée par le public et défendue par les surréalistes[12].- Édouard Léon Théodore Mesens montre à René Magritte une reproduction de Chant d'amour de Giorgio De Chirico. Témoignage de Louis Scutenaire : « [Cette] œuvre [...] enthousiasme le jeune peintre au point qu'il faut y voir le détonateur de l'explosion magrittienne [15]. »
Cette année-là
- Dragan Aleksitch créé, à Zagreb, deux revues Dada Jazz (début 1922) et Dada-Tank (fin 1922)[16].
- Artaud rencontre Daniel-Henry Kahnweiler qui lui propose un contrat pour un recueil de huit poèmes avec un frontispice du peintre Élie Lascaux. Il rencontre André Masson dans son atelier de la rue Blomet, à Paris, ainsi que Jean Dubuffet, Michel Leiris, Georges Limbour et Joan Miró installé dans un atelier mitoyen.
- Rencontre Breton / Roger Vitrac.
- À Reims, autour de trois lycéens, René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte et Roger Vailland se forme un petit groupe à vocation initiatique appelé les Phrères simplistes[17].
- Ernst s'installe dans le quartier Montparnasse.
- Jefim Golyscheff quitte Dada et se rapproche de Walter Gropius fondateur du Bauhaus[18].
- Adhésion au surréalisme de Max Morise.
Œuvres
- Louis Aragon
- Les Aventures de Télémaque, avec un portrait de l'auteur réalisé par le peintre Robert Delaunay[19]
- Jean Arp
- La Planche à œufs, relief en bois peint[20]
- André Breton
- Lâchez tout : « Lâchez votre femme, lâchez votre maîtresse. Lâchez vos espérances et vos craintes. Semez vos enfants au coin d'un bois. Lâchez la proie pour l'ombre. Lâchez au besoin une vie aisée, ce qu'on vous donne pour une situation d'avenir. Partez sur les routes. »
- Serge Charchoune
- Giorgio De Chirico
- Le Fils prodigue, huile sur toile[21]
- Joseph Delteil
- Sur le fleuve Amour, roman. Breton : « Ce roman nous dédommage de tant de diables au corps. »
- Marcel Duchamp
- La Bagarre d'Austerlitz, objet : fenêtre miniature[22]
- Paul Eluard
- Max Ernst
- Au rendez-vous des amis, tableau qui regroupe René Crevel, Philippe Soupault, Jean Arp, Ernst, Max Morise, Fiodor Dostoïevski, Rafaele Sanzio, Fraenkel, Eluard, Jean Paulhan, Péret, Aragon, Breton, Johannes Baargeld, De Chirico, Gala, Desnos[23]
- La Chute de l'ange, huile sur toile[24]
- Dada, huile sur toile[25]
- René Magritte et Victor Servranckx
- Manifeste de l'art pur[26]
- Joan Miró
- La Ferme, huile sur toile[27]
- Francis Picabia
- Man Ray
- Georg Scholz
- Kriegerverein, huile sur toile[34]
- Kurt Schwitters
- Mz 394 Pinakothek[35]
- Kurt Schwitters et Theo Van Doesburg
- Philippe Soupault
- Westwego : « Je me promenais à Londres un été / les pieds brûlants et le cœur dans les yeux / près des murs noirs près des murs rouges / près des grands docks / où les policemen géants / sont piqués comme des points d'interrogation. »
Notes et références
- Marguerite Bonnet, André Breton, Œuvres complètes, Chronologie, tome 1, Paris, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1988, p. XLIV.
- Pierre Daix, La Vie quotidienne des surréalistes (1917-1932), Paris, Hachette, 1993, p. 151.
- Bonnet, op. cit., p. XLIV & LXIII et Daix, op. cit., p.142.
- Daix, op. cit., p. 144.
- Daix,op. cit., p. 147.
- Bonnet, op. cit., p. XLIV.
- Marcelle Dumas & Lucien Scheler, Paul Eluard, Œuvres complètes, Chronologie, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. LXII.
- Daix, op. cit., p. 146.
- Laurent Le Bon, Dada, Paris, Centre Pompidou, 2005, p. 282.
- Werner Spies, La Révolution surréaliste, Paris, Centre Pompidou, 2002, p. 120.
- Texte qui paraîtra dans Le Libertinage sous le titre de Paris la nuit. Jean-Paul Clébert, Dictionnaire du Surréalisme, Éditions du Seuil & A.T.P., Chamalières, 1996, p. 49.
- Bonnet, op. cit., p. XLV.
- Serge Lemoine, Dada, Paris, éditions Hazan, 1991-2005, p. 92.
- Entendre « Éros c'est la vie ». Dumas & Scheler, op. cit., p. LXII.
- Adam Biro & René Passeron, Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, Genève et Paris, Office du livre et Presses universitaires de France, 1982, p. 279.
- Giovanni Lista, Dada libertin & libertaire, L'Insolite, Paris, 2005, p. 175.
- Biro & Passeron, op. cit., p. 190.
- Artpress, janvier 2007.
- Clébert, op. cit., p. 49.
- Spies, op. cit., p. 126.
- 87 × 59 cm. Civica museo d'arte contemporanea, Milan. Reproduction dans Dossier de l'art n° 160, février 2009, p. 46.
- 25 x 19,5 cm. Il ne reste qu'une reproducion conservée à la Bibliothèque nationale de France selon Didier Ottinger (sous la direction de), Dictionnaire de l'objet surréaliste, Gallimard & Centre Pompidou, Paris, 2013, p. 308. Reproduction dans André Breton, Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1928-1965, p. 90.
- Spies, op. cit., p. 101.
- Biro & Passeron, op. cit., p. 17.
- Reproduction dans Gabriele Crepaldi, L'Art moderne 1900-1945, Gründ, 2006, p. 202.
- Jacques Meuris, René Magritte, Taschen, Cologne, 1997, p. 50.
- Washington, National gallery of art. Reproduction dans Beaux Arts magazine n° 82, septembre 1990, p. 129.
- Lemoine, op. cit., p. 72.
- 83 × 71 cm. Collection Mr and Mrs. George L. Lindermann, New York. Reproduction dans Connaissance des arts n° 600, décembre 2002, p. 44.
- 198 × 158 cm. Tate Gallery, Londres. Reproduction dans Connaissance des arts n° 600, décembre 2002, p. 45.
- Reproduction dans Le Monde diplomatique n° 673, avril 2010, p. 28.
- René Passeron, Surréalisme, Terrail, 2005, p. 106.
- Reproduction dans L'Œil n° 613, mai 2009, p. 59.
- Le Bon, op. cit., p. 875.
- Lemoine, op. cit., p. 56.
- Reproduction dans Beaux Arts magazine n° 75, janvier 1990, p. 26.
- Aurélie Verdier, L'ABCdaire de Dada, éditions Flammarion, 2005, p. 51.
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