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Yana (site préhistorique)

Le site prĂ©historique de Yana est un site archĂ©ologique du PalĂ©olithique supĂ©rieur situĂ© près du cours infĂ©rieur de la rivière Yana, dans le nord-est de la SibĂ©rie, en Russie, au nord du cercle polaire arctique. Il a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 2001, grâce au dĂ©gel et Ă  l'Ă©rosion qui ont rĂ©vĂ©lĂ© des ossements animaux et des artĂ©facts. Le site prĂ©sente une couche archĂ©ologique bien prĂ©servĂ©e par le froid, et comprend des milliers d'os d'animaux et d'artĂ©facts en pierre, en os ou en ivoire, qui tĂ©moignent d'une occupation durable et d'un niveau de dĂ©veloppement technique relativement Ă©levĂ©. Avec un âge estimĂ© Ă  environ 32 000 ans avant le prĂ©sent (AP), le site fournit les plus anciennes traces archĂ©ologiques de la prĂ©sence humaine dans cette rĂ©gion ainsi qu'au nord du cercle polaire arctique. Les hommes y ont survĂ©cu Ă  des conditions extrĂŞmes et chassĂ© un large Ă©ventail d'animaux avant le dĂ©but du dernier maximum glaciaire. Le site de Yana a Ă©galement livrĂ© des preuves claires de la chasse du mammouth par l'Homme.

Site préhistorique de Yana
Localisation
Pays Drapeau de la Russie Russie
RĂ©publique Yakoutie (Sakha)
CoordonnĂ©es 70° 43′ 25″ nord, 135° 25′ 47″ est
Superficie 0,35 ha
GĂ©olocalisation sur la carte : Russie
(Voir situation sur carte : Russie)
Site préhistorique de Yana
Site préhistorique de Yana
Géolocalisation sur la carte : république de Sakha
(Voir situation sur carte : république de Sakha)
Site préhistorique de Yana
Site préhistorique de Yana
Histoire
Époque Paléolithique supérieur

Une étude génétique de 2019 a montré que les dents fossiles de deux jeunes hommes découvertes sur le site représentent une lignée génétique distincte, appelée « Anciens Sibériens du Nord » (ASN), proche des anciens chasseurs-cueilleurs d'Eurasie occidentale.

Historique

En 1993, le géologue russe Mikhail Dachtzeren a trouvé une pointe de lance fabriquée à partir de la corne d'un rhinocéros laineux le long de la rivière Yana[1]. La découverte a été faite à la suite du dégel et de l'érosion, qui ont exposé des artéfacts et ossements d'animaux à proximité du site[2]. À la suite de cette trouvaille, le site du Paléolithique supérieur désormais connu sous le nom de Yana a été découvert en 2001 par l'archéologue Vladimir Pitulko et son équipe[3]. Les fouilles ont commencé en 2002[4].

La rivière Yana

Situation

Le site de Yana est situĂ© sur une terrasse alluviale près de la rive gauche de la rivière Yana, au nord du cercle polaire arctique, Ă  environ 100 km au sud de l'embouchure actuelle du fleuve[3], dans la rĂ©publique de Sakha (Yakoutie). Il est situĂ© Ă  l'extrĂŞme ouest de la plaine cĂ´tière, entre la rivière Yana Ă  l'ouest et la rivière Kolyma Ă  l'est[5].

Description

Le site consiste en un ensemble de locus Ă  peu près contemporains, sĂ©parĂ©s par quelques dizaines ou centaines de mètres, sur une superficie de plus de 3 500 m2 [4] - [5]. La couche archĂ©ologique est bien conservĂ©e dans trois de ces locus (Point Nord, Yana B et Tums1). Trois autres locus (Point Amont, ASN et Point Sud) n'ont livrĂ© que des vestiges en surface. Ă€ un autre endroit, maintenant connu sous le nom de « Yana Accumulation massive d'os de Mammouth » (YAMOM), plus de 1 000 os de mammouths ont Ă©tĂ© dĂ©couverts en 2008 par des chasseurs d'ivoire[4].

Locus de Yana [6] - [7]

Locus Dates de fouille
ASN 2001—2002
TUMS-1 2002
Point Nord 2002—2009
Yana-B 2003, 2004, 2008
Point Sud 2002—2004, 2008
Point Amont 2004—2006
YAMOM 2008—2014

Datation

Le site a Ă©tĂ© datĂ© par le carbone 14 d'environ 32 000 ans avant le prĂ©sent (AP)[8], c'est-Ă -dire avant le dĂ©but du stade isotopique 2 qui inclut le dernier maximum glaciaire, et plus de deux fois l'âge du plus ancien Ă©tablissement humain connu en Arctique jusque-lĂ [3]. Au moment du dernier maximum glaciaire, il y a environ 21 000 ans, toute trace humaine avait disparu sur le site de Yana[5].

Vestiges de faune

De la couche archéologique exposée, des milliers d'ossements d'animaux ont été extraits, provenant d'une grande variété d'espèces, dont beaucoup sont maintenant éteintes. Les espèces comprennent le Rhinocéros laineux (Coelodonta antiquitatis), le Mammouth laineux (Mammuthus primigenius), le Lièvre du Pléistocène (Lepus tanaiticus), le Bison des steppes (Bison priscus), le Cheval (Equus ferus caballus), le Bœuf musqué (Ovibos moschatus), le Loup (Canis lupus), le Renard polaire (Vulpes lagopus), l'Ours brun (Ursus arctos), le Lion des cavernes eurasiatique (Panthera spelaea), le Carcajou (Gulo gulo), le Lagopède alpin (Lagopus mutus hyperboreus) et le Renne (Rangifer tarandus) ; ce dernier était probablement le principal gibier à cette époque[3] - [9] - [6]. Il existe des preuves directes de la chasse au bison des steppes, au renne et à l'ours brun sur le site[10]. Les restes fauniques suggèrent que les occupants de ce site avaient un régime alimentaire diversifié[11].

Certains animaux étaient probablement chassés pour leur fourrure. Par exemple, les squelettes de lièvre sont entièrement articulés et ont probablement été piégés pour leurs peaux, qui sont légères et chaudes, plutôt que pour leur viande[9] - [5].

Jusqu'en 2008, un nombre Ă©tonnamment faible d'os de mammouths avaient Ă©tĂ© trouvĂ©s sur le site, par rapport au nombre Ă©norme d'os d'autres mammifères, ce qui avait laissĂ© penser que les mammouths jouaient un rĂ´le limitĂ© dans la stratĂ©gie de subsistance des humains sur le site, et avaient Ă©tĂ© non pas chassĂ©s mais plutĂ´t charognĂ©s pour rĂ©cupĂ©rer l'ivoire et les os, qui ont ensuite Ă©tĂ© utilisĂ©s pour fabriquer des outils et comme matĂ©riaux de construction[12] - [13] - [6]. Cette interprĂ©tation a Ă©tĂ© rĂ©visĂ©e lorsque des chasseurs d'ivoire ont dĂ©couvert un locus supplĂ©mentaire Ă  proximitĂ©, Ă  un endroit maintenant connu sous le nom de « Yana Accumulation de masse d'os de Mammouth » (YAMOM), contenant plus de 1 000 os de mammouth reprĂ©sentant au moins 26 individus, et rassemblĂ©s par type[11]. Dans le locus YAMOM, plus de 95 % des restes fauniques sont des mammouths, contre environ 50 % Ă  Yana-B et seulement 3,3 % Ă  Point Nord[7]. Des Ă©tudes rĂ©centes suggèrent qu'il existe des preuves convaincantes de la chasse sporadique au mammouth, peut-ĂŞtre toutes les quelques annĂ©es, ce qui est peut-ĂŞtre la plus ancienne preuve sans ambiguĂŻtĂ© de la chasse au mammouth par l'Homme[4]. Il est probable que l'obtention de viande de mammouth n'Ă©tait pas le but principal de la chasse au mammouth sur ce site. Les mammouths Ă©taient plutĂ´t chassĂ©s pour l'ivoire et les os Ă  utiliser comme matĂ©riaux de construction, outils et combustible[4]. Il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que les occupants de Yana chassaient sĂ©lectivement des mammouths femelles adolescentes et jeunes adultes avec des dĂ©fenses d'une taille et d'une forme particulières, facilitant la fabrication de meilleures armes de chasse[4].

Vestiges archéologiques

L'industrie lithique de Yana est à base d'éclats[12], utilisant une technique de taille simple[5]. Les lames sont rares et les microlames sont absentes[11]. Les grands outils sont pour la plupart unifaciaux ou des bifaces incomplets. Parmi les milliers d'outils lithiques du site, aucune arme de chasse en pierre n'a été découverte. Les armes de chasse semblent en fait avoir été fabriquées à partir d'os et d'ivoire[12]. Cependant, une variété d'autres outils en pierre ont été trouvés sur le site, notamment des outils de découpe, des grattoirs, des outils à usage de ciseaux et une pierre à usage de marteau[3].

Les matières organiques ont Ă©tĂ© bien prĂ©servĂ©es grâce au pergĂ©lisol[5]. Environ 2 500 artĂ©facts en os et en ivoire ont Ă©tĂ© dĂ©couverts sur le site entre 2002 et 2016[5]. Il s'agit notamment d'une pointe en corne de rhinocĂ©ros et de deux pointes en ivoire de mammouth, qui peuvent avoir Ă©tĂ© redressĂ©es avec un outillage lithique, combinĂ© Ă  du chauffage ou de la fumigation[3] - [12]. Certains auteurs ont rapprochĂ© les pointes de Yana de celles de la culture Clovis[12] ; elles seraient les plus anciens exemples de pointes osseuses bi-biseautĂ©es, et le seul exemple trouvĂ© Ă  ce jour en dehors des AmĂ©riques[14]. On a Ă©galement trouvĂ© sur le site de nombreux ustensiles en ivoire, des pointes en os et en ivoire, des aiguilles en os, un poinçon en os de loup, des ornements et parures personnelles, et des armes de chasse[4].

Des matériaux non présents localement, tels que l'ambre, ont été utilisés pour fabriquer des ornements tels que des pendentifs, suggérant une grande mobilité ou des réseaux d'échange étendus[5].

Plus de 1 500 perles, dont certaines peintes Ă  l'ocre rouge, ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes sur le site. Il s'agit notamment de perles arrondies en ivoire de mammouth et de perles tubulaires en os de lièvre[9]. Des pendentifs ont Ă©tĂ© trouvĂ©s fabriquĂ©s Ă  partir de dents de rennes et d'incisives d'herbivores, et parfois de canines de carnivores, ou plus rarement de matĂ©riaux comme l'ambre, ainsi qu'un spĂ©cimen fabriquĂ© Ă  partir d'anthraxolite en forme de tĂŞte de cheval ou de mammouth[9]. On a Ă©galement trouvĂ© des ornements de coiffure en ivoire[9]. Les objets tridimensionnels sont moins courants, mais comprennent 19 figurines d'animaux en bois de cerf, probablement destinĂ©es Ă  reprĂ©senter des mammouths, trois rĂ©cipients en ivoire ornĂ©s et deux dĂ©fenses de mammouth gravĂ©es de dessins peut-ĂŞtre de chasseurs ou de danseurs[9].

Analyse

Le nombre et la densité des découvertes indiquent une occupation humaine durable du site[11], et montrent un haut niveau de développement culturel et technique[9], qui ne peut être attribué qu'à Homo sapiens.

Les archéologues ont noté des similitudes entre l'assemblage de Yana et la culture Clovis plus tardive d'Amérique du Nord, en particulier leurs industries lithiques respectives et leurs pointes de lance distinctives[3] - [15].

Génétique

Des dents humaines, datĂ©es de 31 630 ans AP, ont Ă©tĂ© trouvĂ©es sur le site, dans le locus de Point Nord[5]. Dans une Ă©tude gĂ©nĂ©tique publiĂ©e en 2019, l'ADN extrait de deux de ces dents, provenant de deux hommes non apparentĂ©s, s'est avĂ©rĂ© reprĂ©senter une lignĂ©e gĂ©nĂ©tique distincte des lignĂ©es connues jusqu'alors[16], et qui peut ĂŞtre modĂ©lisĂ©e comme un mĂ©lange d'Eurasie occidentale ancien avec une contribution d'environ 22 % des anciens Asiatiques de l'Est. Les chercheurs ont dĂ©nommĂ© cette lignĂ©e Anciens SibĂ©riens du Nord (ASN, en anglais ANS), et pensent qu'elle s'est formĂ©e il y a environ 38 000 ans[5].

L'étude soutient que le garçon de Malta-Buret (MB-1) peut être modélisé comme un descendant de la lignée ASN, avec une contribution mineure d'une autre lignée ancestralement liée aux chasseurs-cueilleurs du Caucase (CCC, en anglais CHG). L'étude révèle également que le paléo-sibérien ancien de Kolyma (Kolyma-1) peut être modélisé comme un mélange d'ascendance est-asiatique et ASN, similaire à celle trouvée chez les Amérindiens, mais avec une contribution plus importante (75 %) d'ascendance est-asiatique. Les deux individus du site de Yana appartenaient à l'haplogroupe mitochondrial U et à l'haplogroupe P1 du chromosome Y [5]. Il s'agit à ce jour du matériel génétique humain le plus ancien trouvé en Sibérie du Nord[17].

Références

Bibliographie

Articles connexes

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