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Vin liquoreux

Un vin est dit liquoreux dès lors que son taux de sucre rĂ©siduel est supĂ©rieur Ă  45 grammes par litre. Ce type de vin est obtenu Ă  partir de raisins blancs et plus rarement de raisins noirs. Entre 12 et 45 grammes de sucre rĂ©siduel par litre, il s'agit d'un vin moelleux.

Marsanne blanche
Passerillage sur souche de la marsanne blanche en Valais - Suisse.

Historique

La production de vin liquoreux est très ancienne, dans la Grèce antique on en servait déjà dans les banquets des sophistes. Il s'agissait de vin « saprien » issu de raisins putrides produits dans l'île de Chio. Les Croisés découvrirent des vins « macérés » à Chypre et à Constantinople et les Templiers en rapportèrent la technique en France. En 1170, une carte topographique, dite de Belleyme, nous renseigne sur la configuration d’un vignoble essentiellement étiré le long de la Garonne et présentant peu de grands domaines bien organisés.

Des Ă©crits attestent qu’en 1312 plus de 40 000 tonneaux de la prĂ©vĂ´tĂ© de Barsac furent chargĂ©s Ă  Langon, centre maritime important grâce Ă  sa position sur la Garonne. Cette prĂ©vĂ´tĂ© Ă©tait alors fort importante mais son territoire fut considĂ©rablement rĂ©duit après la conquĂŞte française de 1453. Au XVIIe siècle, il recouvrait assez exactement l’aire des actuelles appellations sauternes et barsac.

Faute de documents, il semblerait que les vendanges tardives existaient déjà aux XVIe et XVIIe siècles. Mais pour l'essentiel, il s’agissait alors de vins semi-liquoreux, très recherchés par les négociants hollandais qui n’étaient cependant pas disposés à en payer un prix suffisant pour permettre des vendanges par tries[1] successives — ces dernières entraînant une importante diminution de rendement. Après la révocation de l’Édit de Nantes, les Huguenots réfugiés en Hollande y importèrent le goût des vins liquoreux, mais dès le XVIIe siècle les Hollandais produisaient un vin blanc moelleux fabriqué à base d'un vin blanc aquitain auquel ils rajoutaient du sucre, de l'alcool, des sirops et des plantes macérées.

Il semble que la production de vin liquoreux et moelleux ne se soit généralisée à Sauternes qu'aux XVIIIe et XIXe siècles, en raison de l’intérêt manifesté par de grands amateurs comme Thomas Jefferson ou le grand-duc Constantin. En 1810, Sauternes a déjà sa figure moderne et les écrits d’Yquem précisent que 25 ans plus tôt le domaine d’Yquem avait été profondément modernisé.

À partir de ce dernier quart du XVIIIe siècle, les châteaux avaient entrepris un grand effort pour promouvoir la qualité et une grande translation s’était amorcée des bords de la Garonne vers l’intérieur et des petites exploitations aux grands domaines. Il est probable que dès lors la pratique des tries, sans doute connue depuis fort longtemps, commença à se généraliser. Les années difficiles de la Révolution, la stagnation et même la régression des cours freinèrent cette évolution. On dit qu’il fallut, pour que s’ouvre vraiment l’ère des grands vins liquoreux, qu’en 1836 un négociant de Bordeaux nommé Focke, propriétaire de deux châteaux à Bommes et Sauternes, tente contre l’avis unanime de laisser la pourriture noble se développer. L’expérience réussit et fut imitée.

Les archives du château et de la Gironde permettent d’établir que, déjà au XVIe siècle, les soins particuliers à la vigne et les vendanges tardives étaient déjà de coutume. Dès le début du XIXe siècle, les tries successives s’imposent logiquement à tout producteur de vins doux et, en 1855, le classement élaboré à l’occasion de l’exposition universelle consacrera 26 crus classés.

Pendant longtemps, seuls les grands châteaux avaient osé prendre le risque d’une vraie surmaturation. Mais lorsque les grands Sauternes se furent imposés, les séductions de la réussite incitèrent les petits propriétaires à l’imitation et ils tentèrent à leur tour de produire des vins liquoreux. Le problème qui s’ensuit est que, par l’apport de leurs productions, dès le début du XXe siècle, la surproduction les gagna, entraînant une chute des cours et des tentatives de fraude. Après plusieurs crises liées aux Première et Seconde Guerres mondiales et à la crise économique des années trente, les vins liquoreux se sont aujourd’hui stabilisés grâce à la production de vins de qualité dans les régions de prédilection.

État de la vendange

Les raisins sont plus riches en sucre que d'habitude. On utilise pour cela différentes techniques :

Vinification

Sachant qu'il faut environ 17 grammes de sucre pour obtenir 1° d'alcool, ces vins ont donc un plus fort taux d'alcool potentiel. Ils ont aussi un plus fort taux de sucres rĂ©siduels, Ă  partir de 50 grammes par litre de vin. Soit la fermentation s'arrĂŞte par elle-mĂŞme, soit on provoque cet arrĂŞt de fermentation aussi appelĂ© mutage. On dĂ©clenche cet arrĂŞt pour laisser une quantitĂ© suffisante de sucres en Ă©quilibre avec le taux d'alcool acquis. Cet arrĂŞt est provoquĂ© par une filtration fine, grâce Ă  un filtre tangentiel ou un filtre Ă  kieselgur, par soutirage, par un ajout de SO2, par le froid, ou par une combinaison de ces diffĂ©rentes techniques. Après stabilisation, du sorbate de potassium (inhibiteur de la multiplication levurienne) peut ĂŞtre ajoutĂ© afin de s'assurer de la non reprise de la fermentation, nĂ©anmoins l'utilisation de cette substance reste interdite pour des vins devant ĂŞtre commercialisĂ©s dans certains pays comme le Japon.

RĂ©gions de productions

La France, avec près de 8 000 hectares, est le plus important producteur de vins liquoreux, mais on trouve des vins liquoreux, des vins moelleux et mĂŞme des vins de glace, dans plusieurs autres pays du monde. Cependant en 2011, la France Ă©tait le dernier pays Ă  Ă©laborer Ă  grande Ă©chelle des vins liquoreux en employant la recette ancestrale consistant Ă  utiliser des raisins entièrement botrytisĂ©s.

France

Les vins liquoreux s'entendent en France avec 25 appellations présentes dans le Bordelais, le Sud-Ouest, le Jura, l'Alsace, l'Anjou et la Touraine.

Les Sauternes

Château d'Yquem, millésime 1973

Le vignoble le plus connu se trouve sur la rive gauche de la Garonne, Ă  une quarantaine de kilomètres en amont de Bordeaux, Ă  Sauternes (1 600 hectares), Barsac (600 hectares), Bommes, Fargues et Preignac.

On y trouve les viticulteurs parmi les plus respectueux des traditions et proposant les meilleurs crus, vendangeant manuellement en plusieurs passages — grappe par grappe ou même grain par grain — pour ne ramasser que les baies les plus botrytisées. Il peut y avoir jusqu'à 6 ou 7 tries successives comme au Château d'Yquem, impliquant un travail très important, donc une main d'œuvre importante et donc des prix en conséquence.

L'alchimie des sauternes est due Ă  cinq facteurs :

  • le sol de graves sur un sous-sol argilo-calcaire.
  • le climat ocĂ©anique.
  • les quatre cĂ©pages sensibles au Botrytis cinerea : muscadelle, sauvignon blanc et gris, et surtout le cĂ©page local, le sĂ©millon naturellement onctueux et suave.
  • la rivière Ciron qui sous un couvert vĂ©gĂ©tal apporte l'humiditĂ© nĂ©cessaire et les brumes qui favorisent le dĂ©veloppement du Botrytis cinerea en pourriture noble.
  • la pourriture noble due Ă  l'action du Botrytis cinerea. Le grain se confit, sa pulpe se concentre en sucres et donne des arĂ´mes de fruits confits caractĂ©ristiques.

Autour des Sauternes AOC, quelques communes profitent de conditions similaires pour élaborer des vins liquoreux ou des vins moelleux de bonne qualité mais à des prix plus abordables, telles que les AOC de Cérons, Sainte-croix-du-mont, Loupiac, Cadillac et Saint-Macaire.

Le Sud-Ouest

Le Sud-Ouest français, hors le Bordelais, possède de nombreuses appellations de liquoreux :

  • En Dordogne, on trouve plusieurs productions de vins liquoreux. Toutes ces AOC bĂ©nĂ©ficient des mĂŞmes cĂ©pages que les Sauternes et des brumes bienfaitrices de la rivière Dordogne au mĂŞme titre que la rivière Ciron des Sauternes. Ils se distinguent des Sauternes par un goĂ»t de miel plus prononcĂ©. Dès le XVIe siècle, les vins de cette rĂ©gion s'exportaient vers les Hollandais qui avait Ă©tĂ© initiĂ©s Ă  ce vin grâce aux Huguenots qui avaient trouvĂ© refuge chez eux après la rĂ©vocation de l’Édit de Nantes.
    • Les AOC CĂ´tes de Montravel et Haut-Montravel, produisent des vins liquoreux dĂ©jĂ  apprĂ©ciĂ©s par Montaigne, nĂ© dans la rĂ©gion.
    • Près de Bergerac, les vins de Monbazillac s'Ă©tendent sur près de 2 000 hectares et sont rĂ©putĂ©s.
    • Ă€ Bergerac mĂŞme, la petite et confidentielle AOC Rosette bĂ©nĂ©ficie d'un micro-terroir et d'un micro-climat exceptionnel et produit des vins plutĂ´t moelleux.
    • Au sud de la rivière Dordogne, sur les coteaux entre Monbazillac et CĂ´tes-de-castillon en Gironde sur les 4 communes près de Saussignac l'AOC Saussignac propose des liquoreux rĂ©coltĂ©s sur plus de 50 hectares oĂą 31 producteurs perpĂ©tuent leurs savoir-faire. Ce vin Ă©tait dĂ©jĂ  apprĂ©ciĂ© par le gĂ©ant Pantagruel.
  • En Lot-et-Garonne, le vignoble des CĂ´tes-de-Duras, situĂ© Ă  la limite du Bordelais, produit aussi des vins liquoreux.
  • Dans le Gers, le Pacherenc du Vic-Bilh est Ă©laborĂ© sur le mĂŞme terroir que le Madiran rouge et produit un vin moelleux plus confidentiel. Il est plantĂ© avec des cĂ©pages locaux diffĂ©rents : courbu, gros et petit mansengs et arrufiac sur des vignes taillĂ©es en hautain dĂ©passant deux mètres. Une parcelle de Saint-Mont est connue pour ĂŞtre vendangĂ©e dans la nuit de la Saint-Sylvestre ().
Vignoble du Jurançon (Monein)
  • Dans les PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques, aux portes de Pau, le Jurançon est connu depuis le règne du roi Henri IV dont la lĂ©gende dit qu'Ă  son baptĂŞme, une goutte du nectar fut dĂ©posĂ©e sur ses lèvres. Les vignes sont aussi cultivĂ©es en hautain sur des tuteurs de châtaignier. Dans ce terroir de piĂ©mont, la vigne est ainsi mieux protĂ©gĂ©e du gel et les vendanges peuvent attendre les premières neiges. C'est un vin liquoreux dorĂ©, au goĂ»t Ă©picĂ© de cannelle et de girofle qui peut se conserver très longtemps. Le Jurançon est la deuxième AOC Ă  bĂ©nĂ©ficier de l'appellation vendanges tardives.
  • Dans le Tarn, Ă  mi-chemin entre Atlantique et MĂ©diterranĂ©e, le Gaillacois produit une grande diversitĂ© de vins (apprĂ©ciĂ©s d'Henri IV de France et d'Henri VIII d'Angleterre) dont une appellation Gaillac Doux est produite Ă  partir du cĂ©page mauzac plantĂ© sur les premières cĂ´tes. Ce vin est le reflet des progrès de cette appellation comprenant notamment de plus en plus de liquoreux remarquables issus de passerillage hors souche pour certains, de sĂ©lection de grains nobles pour d'autres. En , l'appellation Gaillac (AOC) accède Ă  la mention vendanges tardives et devient ainsi la troisième appellation française Ă  bĂ©nĂ©ficier de cette autorisation.

L'Anjou

L'Anjou présente plusieurs appellations de vins moelleux ou liquoreux qui ont en commun d'être issues du cépage chenin qui donne aussi des demi-secs. On trouve ces vins sous les appellations AOC Anjou, Coteaux du Layon (Maine-et-Loire), Coteaux de l'Aubance (Maine-et-Loire). Ils se distinguent par un arôme de miel d’acacias plus ou moins prononcé.

Depuis 2002, ils ont droit à l'appellation Sélection de grains nobles sous condition. Il existe aussi trois appellations confidentielles Quarts-de-chaume (sur 30 hectares à Rochefort-sur-Loire), Chaume (à Beaulieu-sur-Layon) et Bonnezeaux (à Thouarcé).

La Touraine

La Touraine présente plusieurs appellations de vins moelleux ou liquoreux qui ont en commun d'être issues du cépage chenin mais avec des arômes plus diversifiés qu'en Anjou :

  • Dans le secteur d'Amboise et d'Azay-le-Rideau
  • Dans le secteur de Vouvray, les liquoreux ont des arĂ´mes de fruits blancs et de brioche et peuvent vieillir longtemps dans les caves en tuffeau.
  • Dans le secteur de Montlouis-sur-Loire, on trouve aussi des vins vieillis dans des caves en tuffeau, mais aux arĂ´mes de coings.

Le Jura

Le vin de paille produit Ă  partir de la sĂ©lection des grappes de la meilleure qualitĂ© de la vendange, qui subissent le passerillage pendant 3 Ă  5 mois pour se concentrer en sucre et en goĂ»t sur des claies en paille, en bois ou suspendues Ă  des fils de fer. Les raisins sont issus de trois cĂ©pages : savagnin, chardonnay ou poulsard. Les moĂ»ts de raisin pressĂ©s sont naturellement très riches en sucre, souvent plus de 300 grammes par litre. Le vin est vieilli en petits fĂ»ts de chĂŞne pendant trois annĂ©es oĂą il dĂ©veloppe ses arĂ´mes de fruits confits, pruneau, miel, caramel ou orange confite… Une quinzaine de producteurs continuent Ă  en produire en petite quantitĂ©.

L'Alsace

Depuis 1984, les vignerons diffĂ©rencient deux types de vins dĂ©nommĂ©s « sĂ©lections de grains nobles » et « vendanges tardives » selon le taux de sucre des moĂ»ts. La première prĂ©sente un taux de sucre entre 256 et 279 grammes par litre et implique obligatoirement l'utilisation de grappes atteintes par la « pourriture noble ».

Les vins peuvent être élaborés en AOC Alsace et « Grand cru » mais doivent provenir des quatre cépages suivants : gewurztraminer, riesling, pinot gris et muscat, qui donnent des vins très aromatiques.

On trouve aussi en Alsace une petite production de vin de glace.

Hongrie

Vignoble de Tokaj au XVIe siècle.

En Hongrie, le Tokaji Aszu est très réputé depuis de nombreux siècles (« Vin des rois, roi des vins », aurait déclaré Louis XV[2]). Il y est produit au moins depuis le XVIe siècle.

La technique est différente en Hongrie. Les baies botrytisés sont cueillies pour obtenir par pétrissage une sorte de pâte épaisse qui est ajoutée au moût du raisin normal. L'intensité du vin moelleux peut être variable selon le nombre de hottes utilisées (puttonyos).

Suisse

La Suisse produit plusieurs vins liquoreux (surmaturés, flétris), notamment dans le vignoble du Valais, qui jouit de conditions favorables pour le Botrytis cinerea et permet la pratique des vendanges tardives. Dans les régions plus humides comme le bassin lémanique, on utilise plus souvent la technique du passerillage[3].

Une grande partie des domaines viticoles suisses ont à leur catalogue un vin liquoreux ; les quantités produites restent toutefois confidentielles. On note qu'en Suisse romande le terme vin doux est fréquemment utilisé pour désigner les vins liquoreux, quand bien même les vins doux suisses sont la plupart du temps obtenus par surmaturation du raisin et non par mutation.

Les cépages utilisés les plus connus sont:

Allemagne

Bouteilles d’Osberger (Basse-Autriche) Spätlese (Malvasier 1963 et 1971).

L'Allemagne est également très réputée pour ses vins blancs liquoreux, appelés Auslese, Beerenauslese, Trockenbeerenauslese (Sélection de grains nobles), Spätlese (vendanges tardives). On trouve du vin de glace (Eiswein) en Franconie où aurait été découvert le procédé en 1794, mais aussi tout au long de la Moselle, de la Sarre, de la Ruwer et du Rheingau.

Autriche

L'Autriche est également très réputée pour ses vins blancs liquoreux, appelés Auslese, Beerenauslese, Trockenbeerenauslese (Sélection de grains nobles), Spätlese (vendanges tardives).

On trouve aussi une production de vin de glace en Autriche sur le pourtour du lac de Neusiedlersee.

Luxembourg

Au Luxembourg, la mention « vendanges tardives » est aussi réglementée pour les vins de la Moselle luxembourgeoise depuis 2001.

Canada

Du raisin gelé qui sera utilisé pour faire du vin de glace.

On trouve des vins de glace (vendanges tardives) au Québec, en Ontario (Icewine) et en Colombie-Britannique.

Depuis 2001, l'Europe a reconnu l'équivalence des conditions de production de vin de glace du Canada dont il est le premier producteur mondial. En 2004, un accord a été signé entre l'Union européenne et le Canada afin de normaliser les techniques de production et de fixer ces appellations

Notes et références

  1. « Tri ou trie(s) », sur La Revue du vin de France (consulté le )
  2. « Voici, Madame, le roi des vins et le vin des [...] - Louis XV le Bien-Aimé », sur dicocitations.lemonde.fr (consulté le ).
  3. http://www.latreille.ch/fichier/vins%20doux%20final.pdf

Voir aussi

Liens externes

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