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Viande cultivée

La viande cultivée, aussi appelée viande de culture, est un produit carné réalisé par des techniques d'ingénierie tissulaire qui évitent ainsi l'abattage d'animaux. Elle est produite à partir de cellules animales que l'on fait croßtre en dehors du corps de l'animal. « Ce procédé se produit dans des cuves similaires à celles utilisées pour la fermentation traditionnelle de la biÚre et du yaourt »[1].

La scientifique autrichienne Hanni RĂŒtzler (de) goĂ»te le premier hamburger cultivĂ© au monde le .
Cuisson du premier steak cultivé.

La viande cultivĂ©e est produite selon la technique de la culture cellulaire, aussi appelĂ©e agriculture cellulaire. L'ingĂ©nierie tissulaire a fait l'objet de recherches pendant plusieurs dĂ©cennies (en mĂ©decine rĂ©gĂ©nĂ©rative, sur les cultures cellulaires, la biomĂ©canique des cellules cancĂ©reuses, sur les facteurs de croissance, etc.) et a dĂ©passĂ© ce champ de recherche pour concerner d'autres domaines : « nous devons commencer Ă  rĂ©flĂ©chir aux contraintes de cette conception in vitro du point de vue de l'industrie alimentaire et de sa soutenabilitĂ© (charge de travail) » expliquaient en 2019 Paul Mozdziak biologiste de l'universitĂ© d'État de la Caroline du Nord Ă  Raleigh, Amy Rowat biophysicienne de l'universitĂ© de Californie Ă  Los Angeles [note 1], Andrew Stout de l'universitĂ© Tufts Ă  Medford (Massachusetts)[2].

Techniques

La viande est un ensemble de muscles comprenant des tendons et de la graisse plus du tissu organique non-Ă©lastique, et composĂ©e de cellules. La production de « viande cultivĂ©e » se fait directement Ă  l’échelle des cellules[3]. AprĂšs un prĂ©lĂšvement indolore par biopsie de cellules souches, celles-ci se multiplient et se diffĂ©rencient en cellules de muscles dans un environnement adaptĂ© Ă  leur croissance. Ces cellules de muscles peuvent ĂȘtre ajoutĂ©es Ă  des cellules de graisse et de tissus conjonctifs pour former de la viande. La viande cultivĂ©e devrait avoir idĂ©alement la mĂȘme composition que la viande conventionnelle, en reproduisant le processus naturel biologique qui se dĂ©roule dans l'organisme des animaux. « Rien ne diffĂ©rencie molĂ©culairement la viande conventionnelle de la viande cultivĂ©e » selon ses promoteurs.

Plusieurs possibilités existent pour l'obtention des cellules:

  • une biopsie est effectuĂ©e (sous anesthĂ©sie locale),
  • une utilisation de cellules souches est faite Ă  partir d'une banque de cellules souches.

Plusieurs projets de recherche actuels développent de la viande cultivée à partir de cellules souches de myoblastes.

Chronologie de l'agriculture cellulaire

PremiÚres avancées

En 1912, le biologiste français Alexis Carrel maintient en vie un morceau de muscle cardiaque de poussin dans une boßte de Pétri, démontrant la possibilité de maintenir le tissu musculaire vivant à l'extérieur du corps[4].

En 1930, Frederick Edwin Smith, 1er comte de Birkenhead, prĂ©dit: « Il ne sera plus nĂ©cessaire d'aller Ă  la longueur extravagante de l'Ă©levage d'un bƓuf pour manger son steak. À partir d'un steak "parent" de tendretĂ© de choix, il sera possible de faire pousser un steak aussi gros et juteux que l'on peut dĂ©sirer »[5].

En 1950, Willem van Eelen (en) reconnaßt la possibilité de générer de la viande à partir de la culture tissulaire[4].

En 1971, Russell Ross réalise la culture in vitro de fibres musculaires[6].

Années 1990 et 2000: accélération de la recherche

En 1995, La Food and Drug Administration des États-Unis approuve l'utilisation de la production commerciale de viande cultivĂ©e[7].

En 1999, Willem van Eelen obtient le premier brevet pour la viande cultivée[4].

En 2001, la NASA commence des expériences sur la viande cultivée, produisant de la viande de poisson rouge[8].

En 2003, Oron Catts et Ionat Zurr du Tissue Culture and Art Project et de la Harvard Medical School produisent un steak comestible Ă  partir de cellules souches de grenouille[9].

En 2004, Jason Matheny fonde New Harvest, la premiĂšre association Ă  but non lucratif Ă  Ɠuvrer pour le dĂ©veloppement de la viande de culture[5].

En 2005, l'agence gouvernementale néerlandaise SenterNovem commence à financer la recherche sur la viande cultivée[10] et le premier article de revue à comité de lecture sur la viande cultivée en laboratoire paraßt dans Tissue Engineering[11].

En 2008, In Vitro Meat Consortium organise la premiĂšre confĂ©rence internationale sur la production de viande cultivĂ©e[12]. La mĂȘme annĂ©e, People for the Ethical Treatment of Animals offre un prix de 1 million de dollars au premier groupe Ă  fabriquer un poulet cultivĂ© en laboratoire commercialement viable d'ici Ă  2012[7].

Années 2010 à 2020 : premiers produits, premiÚres ventes, développement de start-up

En 2011, la société Modern Meadow, destinée à produire du cuir et de la viande de culture, est fondée[13].

En 2013, le premier hamburger cultivé, développé par le laboratoire du chercheur néerlandais Mark Post, est testé[14].

En 2014, Muufri et Clara Foods, des entreprises visant respectivement Ă  produire des produits laitiers et des Ɠufs de culture, sont fondĂ©es avec l'aide de New Harvest[15] - [16] . La mĂȘme annĂ©e, Modern Meadow prĂ©sente des « steak chips », des disques de viande cultivĂ©e en laboratoire qui pourraient ĂȘtre produits Ă  un coĂ»t relativement bas[13] et Real Vegan Cheese, une association Ă  but non lucratif qui dĂ©veloppe un projet de recherche visant Ă  crĂ©er du fromage de culture, est fondĂ©e[17].

En 2015, la Fondation pour l'agriculture moderne, qui se concentre sur le développement de la viande de poulet cultivée (car les poulets constituent la grande majorité des animaux terrestres tués pour la nourriture ), est fondée en Israël[18]. Selon le laboratoire de Mark Post, le coût de production d'une galette de hamburger de culture passe de 325 000 $ en 2013 à moins de 12 $[19].

En 2016, New Crop Capital, un fonds de capital-risque privĂ© investissant dans des alternatives Ă  l'agriculture animale - y compris l'agriculture cellulaire - est fondĂ©. Son portefeuille de 25 millions de dollars comprend la sociĂ©tĂ© de viande cultivĂ©e Memphis Meats et la sociĂ©tĂ© de collagĂšne cultivĂ© Gelzen, ainsi que Lighter, une plate-forme logicielle conçue pour faciliter l'alimentation Ă  base de plantes, un service de livraison de repas Ă  base de plantes appelĂ© Purple Carrot, une alternative laitiĂšre Lyrical Foods, le New SunFed Foods, une entreprise de viande Ă  base de plantes en ZĂ©lande, et l'entreprise de fromages alternatifs Miyoko's Kitchen. Le Good Food Institute, une organisation vouĂ©e Ă  la promotion des alternatives aux produits alimentaires d'origine animale - y compris l'agriculture cellulaire - est fondĂ© la mĂȘme annĂ©e[20].

2016 marque également une avancée majeure pour Memphis Meats qui annonce la création de la premiÚre boulette de viande de culture[21]. L'année voit enfin l'organisation de la « New Harvest 2016: Experience Cellular Agriculture », la toute premiÚre conférence mondiale sur l'agriculture cellulaire[22].

En 2018 est publié le livre de Paul Shapiro Clean Meat: How Growing Meat Without Animals Will Revolutionize Dinner and the World, qui relate les entrepreneurs, scientifiques et investisseurs cherchant à créer la premiÚre viande sans abattage au monde. Le livre a été placé sur la liste des best-sellers du Washington Post.

En 2019, Perfect Day (anciennement Muufri) vend 1 000 paquets de 3 pintes de crĂšme glacĂ©e Ă  base de protĂ©ines de lactosĂ©rum non animales[23]. Agriculture cellulaire France, une association qui a pour but de promouvoir l’agriculture cellulaire dans les pays francophones, est fondĂ©e.

En 2020, Memphis Meats reçoit un investissement de 161 millions de dollars amĂ©ricains dans sa sĂ©rie B, ce qui est plus que tout ce qui avait Ă©tĂ© investi dans l'industrie Ă  cette date, qui Ă©tait de 155 millions de dollars amĂ©ricains[24]. La mĂȘme annĂ©e, Singapour devient le premier Ă©tat Ă  autoriser la vente de viande cellulaire[25], du poulet vendu en restaurant[26].

En plus « d’organiser » la dĂ©livrance d’autorisation de mise sur le marchĂ© en mĂ©prisant les considĂ©rations sanitaires, il faut souligner que certains pays sont relativement laxistes en ce qui concerne ces autorisations de mise sur le marchĂ©. À titre d’exemple, la viande cellulaire pourrait bĂ©nĂ©ficier d’une faille rĂ©glementaire aux Etats-Unis, en vertu de la rĂ©glementation « Generally Recognized As Safe » (GRAS) de la Food and Drug Administration (FDA). Cette faille permet aux entreprises d'engager leurs propres experts pour Ă©valuer leurs produits, souvent en secret, sans en informer le public ou la FDA. La transparence mise en avant par les industriels de l’agriculture cellulaire est, encore, remise en question.

En dĂ©cembre 2020, la start-up israĂ©lienne Aleph Farms organise une dĂ©gustation de viande cultivĂ©e Ă  laquelle participe l’ancien premier ministre israĂ©lien Benyamin Netanyahou[27].

En 2020, selon le Good Food Institute, les start-up ont levé 366 millions de dollars au total, six fois plus qu'en 2019[28].

Années 2021 à 2022, industrialisation et recherche d'homologations

En mars 2021, Le Monde indique que, hormis Ă  Singapour, « l’heure de la commercialisation n’a pas encore sonnĂ© et les autoritĂ©s sanitaires amĂ©ricaines comme europĂ©ennes Ă©tudient l’opportunitĂ© d’autoriser cette technologie controversĂ©e »[29]. Selon un article de dĂ©cembre 2021 du Figaro, 70 start-up dans le monde lĂšvent des fonds pour financer l'industrialisation de la viande cultivĂ©e et attendent des autorisations pour la mise en vente[27].

Le 9 mars 2021 est publiĂ©e la premiĂšre Ă©tude rĂ©alisĂ©e Ă  partir des donnĂ©es fournies par les start-up de la filiĂšre et qui tienne Ă©galement compte du type d'Ă©nergie utilisĂ©e pour fabriquer en usine la viande cellulaire (Ă©nergie conventionnelle ou Ă©nergie durable)[29] - [30] - [31]. Le journal Le Monde estime que cette Ă©tude « rĂ©unit les donnĂ©es les plus Ă  jour sur ce sujet », tout en indiquant que l'impact environnemental de la viande cultivĂ©e « reste dĂ©battu », relayant des commentaires de chercheurs sur l'Ă©tude, comme celui de John Lynch, qui dĂ©clare : « il y a encore beaucoup d’incertitudes et des dĂ©tails ont Ă©tĂ© omis pour des raisons de confidentialitĂ© »[29].

En 2021, un restaurant prĂšs de Tel-Aviv propose Ă  la vente des burgers au poulet cultivĂ©, le laboratoire produisant cette viande Ă©tant visible Ă  travers une baie vitrĂ©e par les clients de l'Ă©tablissement[32]. Les biorĂ©acteurs utilisĂ©s font partie de l'usine de la start-up israĂ©lienne Supermeat[33], qui est en attente d'homologation et indique ĂȘtre capable de produire des centaines de kilo de viande par semaine[32].

En 2021, tandis que les milliardaires amĂ©ricains investissent dans les start-up de la viande cellulaire, un article du Parisien indique que les Français y sont plus rĂ©ticents, ayant un « rapport hĂ©donique Ă  l’alimentation ». Nathalie Rolland, qui a crĂ©Ă© l’association Agriculture Cellulaire France, se prĂ©occupe du faible investissement de la recherche publique dans ce secteur. Un chercheur dĂ©clare: « Les universitĂ©s et les organismes publics de recherche s’interrogent sur l’utilitĂ© de cette agriculture cellulaire pour la sociĂ©tĂ©. S’il y avait un consensus acadĂ©mique, les chercheurs seraient nombreux Ă  travailler dessus. » Pour Le Parisien, tout devrait se jouer au niveau de l'Union europĂ©enne: la viande in vitro Ă©tant considĂ©rĂ©e comme « nouvel aliment », elle doit ĂȘtre approuvĂ©e par la Commission europĂ©enne aprĂšs Ă©valuation scientifique de l'AutoritĂ© europĂ©enne de sĂ©curitĂ© des aliments. Mais Julien Denormandie, ministre français de l’Agriculture, s'oppose Ă  la viande cultivĂ©e, dĂ©clarant: « Si un jour la Commission europĂ©enne venait Ă  autoriser la viande cellulaire, alors, il faudra que la loi française vienne l’interdire »[34].

En juillet 2022, alors que Singapour et Israël sont les deux seuls pays à avoir donné des autorisations de vente pour des viandes in vitro[35], pour la premiÚre fois le parlement européen organise un débat sur la viande cultivée[36].

Histoire, résultats, coûts

De Churchill à la preuve de concept élaborée par Mark Post en 2013

Winston Churchill, dans l'essai Fifty Years Hence Ă©crit en 1931, dĂ©crivait « l’absurditĂ© » de produire un poulet entier pour n’en consommer qu’une partie. Il Ă©crivait: « nous Ă©chapperons Ă  l'absurditĂ© de faire croĂźtre un poulet entier pour en manger la poitrine ou l'aile, en faisant pousser ces parties sĂ©parĂ©ment dans un milieu appropriĂ© »[37].

Dans les annĂ©es 1990, Willem van Eelen a levĂ© des fonds auprĂšs d'investisseurs privĂ©s et a dĂ©posĂ© le premier brevet sur la viande cultivĂ©e in vitro. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, il organise un rassemblement de chercheurs nĂ©erlandais puis convainc le gouvernement nĂ©erlandais de financer, Ă  hauteur de 2 millions d’euros, leurs recherches, accompagnĂ© par des universitĂ©s et des entreprises alimentaires[38].

La mĂȘme annĂ©e, la NASA a commencĂ© Ă  mener des expĂ©riences sur la viande cultivĂ©e dans le but de l'appliquer aux voyages spatiaux pour permettre aux astronautes, Ă  long terme, de produire de la viande sans sacrifier la place de stockage lors de leur voyage. En partenariat avec Morris Benjaminson du Turro College, ils ont pu cultiver des segments de tissu de poisson rouge et plus tard des cellules de dinde[39].

Le premier burger

À l’universitĂ© de Maastricht, le docteur Mark Post, le chimiste Peter Verstrate et leurs collĂšgues ont travaillĂ© sur un projet de viande cellulaire. L’équipe s’est alors fixĂ© pour but de crĂ©er une viande moins chĂšre que la viande d’élevage conventionnel et indissociable en termes de texture et de goĂ»t. En 2009, Mark Post a rĂ©ussi Ă  cultiver des muscles de souris in vitro Ă  partir des cellules satellites musculaires des rongeurs.

Les exploits scientifiques de Mark Post lui ont valu de rencontrer un représentant de la fondation de Sergey Brin, cofondateur de Google, pour lui demander de rédiger une proposition de financement. La demande de financement s'est élevée à environ 330 000 dollars pour la production de la premiÚre viande de burger cultivée. Sergey Brin a décidé de financer la production de deux burgers de viande cultivée[40].

Le travail de l’équipe de Mark Post a consistĂ© en quatre Ă©tapes :

  • Extraire des cellules satellites musculaires via une biopsie sur une vache.
  • Placer des cellules dans un milieu riche en nutriments afin de les nourrir, de leur permettre de se diviser et d’augmenter en nombre.
  • Exercer un courant Ă©lectrique sur les cellules afin de les faire gagner en masse et qu'elles deviennent des brins de tissu musculaire.
  • Collecter la viande afin d’effectuer toute autre transformation comme l’ajout de graisse ou d’arĂŽmes.

En aoĂ»t 2013, le Docteur Mark Post dĂ©voile au monde le premier steak hachĂ© cultivĂ©. Ce steak Ă©tait fabriquĂ© Ă  partir de plus de 20 000 brins de tissu musculaire. Il a fallu plus de deux ans pour le produire[41]. Ce steak manquait de myoglobine, protĂ©ine permettant de donner sa couleur rouge Ă  la viande. C’est pourquoi du safran et du jus de betterave ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s pour y remĂ©dier sans altĂ©rer le goĂ»t.

Le premier burger de viande cultivĂ©e a Ă©tĂ© goĂ»tĂ© le 5 aoĂ»t 2013 lors d’une confĂ©rence de presse Ă  Londres en prĂ©sence du critique culinaire Josh Schonwald et de la nutritionniste Hanni RĂŒtzler[42].

AprĂšs 2013

Pour passer au stade commercial de la production industrielle de viande cultivĂ©e, il est nĂ©cessaire d’accroĂźtre les rendements des cultures de cellules souches grĂące Ă  l’utilisation d’incubateurs et d’amĂ©liorer la technologie pour produire une viande intĂ©ressante pour son goĂ»t et sa valeur nutritionnelle.

Un autre objectif est de continuer Ă  diminuer les coĂ»ts de production. MalgrĂ© les investissements privĂ©s, un steak hachĂ© cultivĂ© de 140 grammes coĂ»terait en 2019 environ 500 â‚Ź. Professeur Shulamit Levenberg, directrice scientifique d'Aleph Farms, dit pouvoir produire un petit steak in vitro pour environ 50 dollars[2].

En , la RĂ©publique de Singapour est le premier État au monde Ă  autoriser la vente de viande artificielle. Il s'agit en l'occurrence de nuggets de poulet fabriquĂ©s en laboratoire par la start-up californienne Eat Just (en)[43].

DĂ©veloppement de l'industrie

AprĂšs 2013, bon nombre des premiĂšres startups de la viande de culture ont Ă©tĂ© lancĂ©es. Memphis Meats, devenu Upside Food, une startup de la Silicon Valley fondĂ©e par un cardiologue, a lancĂ© une vidĂ©o en fĂ©vrier 2016 prĂ©sentant sa boulette de viande de bƓuf cultivĂ©e[44]. En mars 2017, il a prĂ©sentĂ© des filets de poulet et du canard Ă  l'orange, les premiers aliments Ă  base de volaille de culture prĂ©sentĂ©s au public[45]. Memphis Meats a Ă©tĂ© plus tard le sujet du documentaire 2020 Meat the Future.

Une entreprise israélienne, SuperMeat, a mené une campagne de financement participatif virale en 2016 pour son travail sur le développement de la viande de poulet[46].

Finless Foods, une entreprise basée à San Francisco et spécialisée dans le poisson cellulaire, a été fondée en juin 2016. En mars 2017, elle a commencé ses activités de laboratoire et a progressé rapidement[47].

En mars 2018, Eat Just (en) (fondĂ© en 2011 sous le nom de Hampton Creek Ă  San Francisco, plus tard connu sous le nom de Just, Inc.) a affirmĂ© ĂȘtre en mesure de prĂ©senter un produit de consommation Ă  base de viande cultivĂ©e avant la fin de 2018. Selon son PDG Josh Tetrick, la technologie est dĂ©jĂ  lĂ , et maintenant il ne s'agit que de l'appliquer. JUST compte environ 130 employĂ©s et un dĂ©partement de recherche de 55 scientifiques, oĂč la viande de laboratoire de volaille, de porc et de bƓuf est en cours de dĂ©veloppement. Ils auraient dĂ©jĂ  rĂ©solu le problĂšme consistant Ă  nourrir les cellules souches avec uniquement des ressources vĂ©gĂ©tales. JUST reçoit le parrainage du milliardaire chinois Li Ka-shing, de Yahoo! et, toujours selon Tetrick, de Heineken International, entre autres[48].

La startup nĂ©erlandaise Meatable est composĂ©e, entre autres, de Krijn de Nooed, Daan Luning, Ruud Out, Roger Pederson, Mark Kotter et Gordana Apic. En septembre 2018, ils ont annoncĂ© avoir rĂ©ussi Ă  dĂ©velopper de la viande Ă  l’aide de cellules souches pluripotentes issues du cordon ombilical d’animaux. Bien que ces cellules soient apparemment difficiles Ă  travailler, Meatable a prĂ©cisĂ© ĂȘtre en mesure de les amener Ă  se comporter de la mĂȘme façon que des cellules musculaires ou adipeuses[49]. L’avantage majeur de cette nouvelle technique est qu’elle Ă©vite l’utilisation du sĂ©rum fƓtal bovin. Le 26 septembre 2018, des dĂ©putĂ©s nĂ©erlandais se sont rĂ©unis en commission afin de discuter de l’importance et de la nĂ©cessitĂ© d’un soutien gouvernemental pour la recherche, le dĂ©veloppement et l’introduction de la viande de culture dans la sociĂ©tĂ©[50].

Integriculture est une sociĂ©tĂ© basĂ©e au Japon qui travaille Ă  la crĂ©ation d'un systĂšme de culture qui permettrait de cultiver des cellules sans additifs de sĂ©rums d'origine animale grĂące Ă  leur systĂšme CulNet. Les entreprises travaillant sur le mĂȘme problĂšme sont Multus Media, basĂ©e en Angleterre, et Canadian Future Fields[51].

Fin 2018 et dĂ©but 2019, deux sociĂ©tĂ©s françaises spĂ©cialisĂ©es dans l’agriculture cellulaire se crĂ©ent.

La start-up parisienne Gourmey a pour but de dĂ©velopper de la viande de volailles ainsi que du foie gras sans gavage, ni abattage et 100% Ă©thique, Ă  partir de cellules naturelles de canard[52] - [53]. En 2021, Gourmey a Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e, par DigitalFoodLab, comme l’une des 50 plus intĂ©ressantes startups EuropĂ©ennes de la FoodTech

Vital Meat bĂ©nĂ©ficie d’une technologie dĂ©jĂ  utilisĂ©e dans l’industrie pharmaceutique. L’entreprise a pour ambition d’offrir une large gamme de viandes cultivĂ©es, en commençant par des produits au poulet tels que des nuggets ou des saucisses de volaille.

En août 2019, cinq startups américaines ont annoncé la formation de l'Alliance for Meat, Poultry & Seafood Innovation (AMPS Innovation), une coalition cherchant à travailler avec les décideurs publics pour créer une voie de commercialisation pour la viande et les fruits de mer cultivés[54]. Les membres fondateurs comprennent Eat Just, Memphis Meats, Finless Foods, BlueNalu et Fork & Goode[55].

En 2019, le projet Foieture a Ă©tĂ© lancĂ© en Belgique dans le but de dĂ©velopper le foie gras de culture (le nom est une contraction des mots foie et future) par un consortium de trois entreprises (la startup de culture cellulaire Peace of Meat, l'entreprise d'assaisonnement Solina et l’entreprise de production de pĂątĂ© Nauta) et de trois instituts Ă  but non lucratif (l’universitĂ© KU Leuven, le centre d'innovation pour l'industrie alimentaire Flanders Food et Bio Base Europe Pilot Plant)[56]. Peace of Meat, avec ces aides, a dĂ©clarĂ© en dĂ©cembre 2019 qu'elle cherchait Ă  terminer sa preuve de concept en 2020, Ă  produire son premier prototype en 2022 et Ă  entrer sur le marchĂ© en 2023. Ce mois-lĂ , le projet Foieture a reçu une bourse de recherche de prĂšs de 3,6 millions d'euros de l'Agence pour l'innovation et l'entreprise du gouvernement flamand[56]. En mai 2020 Eva Sommer, chercheuse scientifique d'origine autrichienne et cofondatrice de Peace of Meat, a dĂ©clarĂ© que la startup Ă©tait alors en mesure de produire 20 grammes de graisse de culture pour un coĂ»t d'environ 300 euros (15 000 €/kg); l'objectif Ă©tait de rĂ©duire le prix Ă  6 euros le kilo avant la fin 2030. Piece of Meat construirait bientĂŽt deux laboratoires dans le port d'Anvers[57].

En 2019, l'entreprise Aleph Farms a collaboré avec 3D Bioprinting Solutions pour cultiver de la viande sur la Station spatiale internationale, à 399 km au-dessus de la surface de la Terre. Cela a été fait en extrudant des cellules de viande sur une structure de soutien à l'aide d'une imprimante 3D[58].

En 2019, la premiĂšre association d’agriculture cellulaire, Agriculture cellulaire France, se crĂ©e en France. Elle a pour but d’amener des discussions autour du sujet de l’agriculture cellulaire dans les pays francophones.

En janvier 2020, Quartz a affirmé qu'il y avait « environ 30 startups développant des produits cultivés dans le monde » et que Memphis Meats, Just Inc. et Future Meat Technologies étaient les plus avancées car elles construisaient les premiÚres usines pilotes[59].

Selon New Scientist en mai 2020, il y avait « environ 60 start-up, dans le monde, dĂ©veloppant et amĂ©liorant les processus de la viande cultivĂ©e ». Certaines d'entre elles ne produisent pas elles-mĂȘmes de la viande de culture, mais fournissent Ă  d'autres des outils technologiques[60]. Les milieux de croissance coĂ»teraient encore « des centaines de dollars le litre. Pour que la production de viande cultivĂ©e puisse ĂȘtre compĂ©titive, ce chiffre doit descendre Ă  environ 1 $ le litre »[60].

En juin 2020, des responsables du gouvernement chinois ont appelé à une stratégie nationale pour permettre à la Chine de suivre les autres pays faisant des progrÚs dans le domaine de la viande cultivée[61].

Perspectives économiques, réglementations et soutien d'instances gouvernementales

L'agriculture cellulaire présente de nombreuses opportunités économiques. Bien que la viande cultivée ne soit pas encore disponible sur le marché, elle semble destinée à représenter une part substantielle du marché des protéines dans les années à venir. Selon le cabinet de conseil AT Kearney's, la viande cultivée pourrait représenter 35% de la consommation mondiale de viande d'ici 2040[62]. Plusieurs investisseurs, dont Bill Gates, Richard Branson, ou encore Sergey Brin, soutiennent cette technologie depuis ses débuts[63] - [64].

Un nombre croissant d'universités, d'entreprises et de startups dans le monde travaillent au développement de produits de l'agriculture cellulaire. Certaines collaborent avec des producteurs de viande tels que Cargill, Tyson Foods ou encore Bell Food Group[65] - [66] - [67].

Ces perspectives économiques engageantes sont renforcées par un soutien accru de différents organismes gouvernementaux. Des initiatives réglementaires ou des déclarations visant à créer des lignes directrices pour l'agriculture cellulaire sont en cours dans certaines régions du monde. Parmi elles:

  • En novembre 2018, la Food and Drug Administration (FDA) amĂ©ricaine a proposĂ© un cadre rĂ©glementaire favorable Ă  la commercialisation des aliments issus de l’agriculture cellulaire[68].
  • En Europe, Philippe Muyters, le ministre flamand de l'innovation, a dĂ©clarĂ© par l'intermĂ©diaire de son porte-parole: « la viande cultivĂ©e a un potentiel Ă©norme et nous devons nous concentrer sur la production »[69].
  • En mars 2019, le ministre des finances de Singapour, Heng Swee Keat, a annoncĂ© la mise en place d'un programme allouant 144 millions de dollars Ă  la recherche et au dĂ©veloppement pour l'alimentation, y compris la recherche pour la viande cultivĂ©e[70].
  • L'Agence gouvernementale de Singapour pour la recherche scientifique et technologique (A*STAR) dĂ©veloppe de la viande de poulet cultivĂ©e.

À quelle catĂ©gorie juridique appartiennent les produits issus de l’agriculture cellulaire et acellulaire ?

En vertu de la réglementation de l'UE, tout aliment n'ayant pas été consommé de maniÚre significative en Europe avant mai 1997 est considéré comme un nouvel aliment. Cette catégorie couvre les nouveaux aliments, les aliments provenant de nouvelles sources, les nouvelles substances utilisées dans les aliments, ainsi que les nouveaux moyens ou technologies de production des aliments.

Le rĂšglement europĂ©en sur les nouveaux aliments[71] (novel food) adoptĂ© en 2015 inclut dans son article 3, a), vi) « les denrĂ©es alimentaires qui se composent de cultures cellulaires ou tissulaires dĂ©rivĂ©es d'animaux, de vĂ©gĂ©taux, de micro-organismes, de champignons ou d'algues, ou qui sont isolĂ©es ou produites Ă  partir de cultures cellulaires ou tissulaires dĂ©rivĂ©es d'animaux, de vĂ©gĂ©taux, de micro-organismes, de champignons ou d'algues ». Ce rĂšglement, applicable depuis le 1er janvier 2018, remplace le rĂšglement prĂ©cĂ©dent[72] sur les nouveaux aliments, qui ne citait pas les produits de l’agriculture cellulaire. Une autre diffĂ©rence importante entre les deux rĂšglements est le fait que depuis 2018, il n’est plus nĂ©cessaire de demander l’autorisation pour des produits sensiblement similaires Ă  ceux qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© autorisĂ©s.

Quel est le droit applicable au niveau français et européen?

Le cadre rĂšglementaire d’autorisation de mise sur le marchĂ© des nouveaux aliments dans les États membres se fait au niveau de l’Union. Cette centralisation a pour buts de fournir un mĂ©canisme d’autorisation cohĂ©rent avec le marchĂ© unique et la libertĂ© de circulation des marchandises, tout en garantissant un haut niveau de sĂ©curitĂ© alimentaire et de protection des consommateurs. La plupart du droit relatif Ă  l’alimentation (Food law) dans les États membres dĂ©pend de l’Union europĂ©enne.

La plupart des produits alimentaires n’ont pas besoin d’autorisation de mise sur le marchĂ© (les aliments « classiques »), ou simplement de notifications (par exemple, le lait maternisĂ©). Les nouveaux aliments, eux, ont besoin d’une autorisation.

Le droit europĂ©en prime sur le droit national. Les rĂšglements adoptĂ©s au niveau de l’Union sont directement applicable en France, et toute disposition française contraire Ă  ces rĂšglements peut ĂȘtre dĂ©clarĂ©e non conventionnelle et donc inapplicable (avec condamnation de la France le cas Ă©chĂ©ant). Autrement dit, la France ne peut pas imposer un rĂ©gime d’autorisation diffĂ©rent du rĂ©gime europĂ©en.

Pour faciliter l'entrée en vigueur du nouveau rÚglement, la Commission européenne a adopté les textes suivants:

  • RĂšglement (UE) 2015/2283[71] relatif aux nouveaux aliments, Ă©tablissant le cadre juridique gĂ©nĂ©ral.
  • RĂšglement d'exĂ©cution (UE) 2017/2469[73] de la Commission, amendĂ© en 2020 et Ă©tablissant les exigences administratives et scientifiques relatives aux nouveaux aliments. Cet acte d'exĂ©cution dĂ©finit les exigences administratives, techniques et scientifiques qui doivent ĂȘtre incluses dans une demande de nouvel aliment. En outre, en ce qui concerne spĂ©cifiquement les exigences scientifiques, l'AutoritĂ© europĂ©enne de sĂ©curitĂ© des aliments (EFSA) a Ă©galement publiĂ© des orientations dĂ©taillĂ©es[74]. Tant le texte juridique de l'acte d'exĂ©cution que les orientations de l'EFSA aident les exploitants du secteur alimentaire Ă  soumettre une demande de nouvel aliment.
  • RĂšglement d'exĂ©cution (UE) 2017/2470[75] de la Commission Ă©tablissant la liste de l'Union des nouveaux aliments autorisĂ©s dans l’Union europĂ©enne.
  • RĂšglement d'exĂ©cution (UE) 2018/456[76] de la Commission relatif aux Ă©tapes de la procĂ©dure de consultation en vue de la dĂ©termination du statut de nouvel aliment. Cet acte d'exĂ©cution prĂ©cise le processus de consultation entre un exploitant du secteur alimentaire et un pays de l'UE pour la dĂ©termination du statut de nouvel aliment.
  • RĂšglement (UE) 2019/1381[77] relatif Ă  la transparence et Ă  la pĂ©rennitĂ© de l'Ă©valuation des risques de l'Union dans la chaĂźne alimentaire.

Quels sont les acteurs compétents ?

Le domaine des nouveaux aliments est largement harmonisĂ© au niveau europĂ©en. La plus grande partie des compĂ©tences appartient Ă  l’UE, mĂȘme si l’ANSES a en France un rĂŽle particulier concernant le contrĂŽle d’éventuels effets indĂ©sirables des aliments mis sur le marchĂ©.

  • La Commission europĂ©enne dĂ©tient le pouvoir d’initiative et un pouvoir dĂ©cisionnel dans le domaine de la Food law.
  • Le Parlement europĂ©en Ă©value et adopte le cas Ă©chĂ©ant les propositions de la Commission, en utilisant les avis de la commission de l’environnement, de la santĂ© publique et de la sĂ©curitĂ© alimentaire (ENVI).
  • L’AutoritĂ© europĂ©enne de sĂ©curitĂ© des aliments (AESA/EFSA) dĂ©livre une expertise scientifique Ă  la Commission, concernant tous les champs relatifs Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire.
  • Le Rapid Alert System For food and Feed (RASFF) est un rĂ©seau europĂ©en permettant de signaler efficacement et rapidement les problĂšmes relatifs aux produits agroalimentaires dans l’Union europĂ©enne (autoritĂ©s europĂ©ennes et autoritĂ©s des États membres).
  • L’Agence nationale de sĂ©curitĂ© sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est le point focal de l’EFSA pour la France. Elle pilote le dispositif de nutrivigilance, qui a pour objectif d'amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© des consommateurs en identifiant rapidement d'Ă©ventuels effets indĂ©sirables liĂ©s Ă  la consommation de certains aliments.

Économie

À l'heure actuelle, on estime que la viande cultivĂ©e est nettement plus chĂšre que la viande conventionnelle. Dans une interview accordĂ©e en mars 2015 Ă  la chaĂźne australienne ABC, Mark Post a dĂ©clarĂ© que le coĂ»t marginal du premier prototype de burger Ă  330 000 USD de son Ă©quipe Ă©tait dĂ©sormais de 8,00 €. Il estime que les progrĂšs technologiques permettraient au produit d'ĂȘtre compĂ©titif par rapport au bƓuf d'origine traditionnelle d'ici une dizaine d'annĂ©es[78]. En 2016, le coĂ»t de production du bƓuf pour l'entreprise de technologie alimentaire Memphis Meats Ă©tait de 18 000 $ la livre (40 000 $/kg). En juin 2017 , Memphis Meats a rĂ©duit le coĂ»t de production Ă  moins de 2 400 $ la livre (5 280 $/kg), en fĂ©vrier 2018 Ă  1 700 $ la livre. En 2019, Eat Just a dĂ©clarĂ© qu'il en coĂ»tait environ 50 $ US pour produire un nugget de poulet[79]. En 2021, Future Meat a dĂ©clarĂ© pouvoir dĂ©velopper des blancs de poulet pour 3,90$[80]. Le projet Meet4All, financĂ© par l'Europe table quant Ă  lui sur une viande cellulaire Ă  6€/kg dĂšs 2023[81].

Les principaux facteurs de coĂ»t de la viande cultivĂ©e sont les facteurs de croissance. Les entreprises du secteur cherchent Ă  trouver des alternatives moins coĂ»teuses. 

De nombreux pays sont cependant guidĂ©s par des considĂ©rations plus terre Ă  terre puisqu’ils souhaitent assurer leur sĂ©curitĂ© alimentaire. C’est notamment le cas de Singapour qui importe 90% de ses biens alimentaires[82], tout comme pour IsraĂ«l[83]. De ce point de vue-lĂ , il n’est pas Ă©tonnant de voir que Singapour est le premier État Ă  autoriser la mise sur le marchĂ© de nourriture cellulaire[84].

Acceptation des consommateurs

La viande cultivĂ©e sera probablement de plus en plus exposĂ©e au public dans les annĂ©es Ă  venir, faisant de l'acceptation du produit par les consommateurs une prĂ©occupation importante. Des recherches sont en cours pour dĂ©terminer comment les consommateurs accepteront la viande cultivĂ©e sur le marchĂ©. Une Ă©tude sur l'acceptation de la viande cultivĂ©e en Chine, en Inde et aux États-Unis « a rĂ©vĂ©lĂ© des niveaux Ă©levĂ©s d'acceptation de la viande cultivĂ©e dans les trois pays les plus peuplĂ©s du monde »[85]. D’autres Ă©tudes en Angleterre[86], aux Pays-Bas[87], en France[88] en Allemagne[88] ont montrĂ© des niveaux d’acceptation relativement Ă©levĂ©s. Plusieurs facteurs potentiels d'acceptation par les consommateurs de la viande cultivĂ©e ont Ă©tĂ© identifiĂ©s. La sĂ»retĂ© alimentaire, les caractĂ©ristiques nutritionnelles, la durabilitĂ©, le goĂ»t et le prix infĂ©rieur sont tous des facteurs potentiels[89].

Une Ă©tude montre que l'utilisation d'un langage trĂšs technique pour dĂ©crire la viande cultivĂ©e a conduit Ă  une attitude beaucoup plus nĂ©gative du public envers le concept[90]. De mĂȘme, il est suggĂ©rĂ© que dĂ©crire la viande cultivĂ©e d'une maniĂšre qui met l'accent sur le produit final plutĂŽt que sur la mĂ©thode de production Ă©tait un moyen efficace d'amĂ©liorer l'acceptation[91]. Les personnes ĂągĂ©es semblent moins accepter la viande cultivĂ©e. Cependant, les personnes ĂągĂ©es avec des rĂ©gimes alimentaires flexitariens, vĂ©gĂ©tariens, vĂ©gans et avec un niveau de scolaritĂ© plus Ă©levĂ© semblent ĂȘtre les plus Ă  mĂȘme d’accepter la viande cellulaire[92]. Aussi, certains groupes sociaux semblent moins accepter que d'autres la viande cultivĂ©e[93], y compris pour des raisons religieuses.

L'utilisation de descriptions normalisĂ©es amĂ©liorerait les recherches futures sur l'acceptation par les consommateurs de la viande cultivĂ©e. MalgrĂ© les enquĂȘtes sur des populations similaires, les Ă©tudes actuelles ont souvent fait Ă©tat de taux d'acceptation du produit radicalement diffĂ©rents[94].

Recherche et défis à relever

Parmi les pionniers du domaine figurent:

  • Le nĂ©erlandais Mark Post (en), crĂ©ateur du steak cultivĂ© prĂ©sentĂ© Ă  Londres en 2013[95]. Ce hamburger Ă©tait une preuve de concept qui ne contenait que des cellules de muscle. M. Post fonde en 2015 la sociĂ©tĂ© Mosa Meat (en) qui a pour ambition de vendre des steaks de viande cultivĂ©e Ă  un prix de 10 euros[96] - [97].
  • Le Dr Amit Gefen, spĂ©cialiste du gĂ©nie tissulaire de l'universitĂ© de Tel Aviv (poitrine de poulet)[98].

Dans les annĂ©es 2010, les investisseurs privĂ©s se sont intĂ©ressĂ©s au domaine de la viande cultivĂ©e en laboratoire. Ainsi, quelques milliardaires tels que Bill Gates et Richard Branson, ou de grandes multinationales telles que Cargill et Tyson Giants ont apportĂ© des dizaines de millions de dollars en quelques annĂ©es pour prototyper de la viande cultivĂ©e. Le , le Good Food Institute (GFI) a lancĂ© Ă  Washington DC un groupe proposant 3 millions de dollars rĂ©partis entre 14 projets open-source, dont 6 consacrĂ©s Ă  la production de viandes cultivĂ©es en laboratoire et 8 consacrĂ©s aux protĂ©ines vĂ©gĂ©tales (250 000 $ sur deux ans par projet)[99]. L'un de ces projets pourrait ĂȘtre de produire un rĂ©fĂ©rentiel de lignĂ©es cellulaires pertinentes susceptibles d'ĂȘtre mises en culture : le projet Frozen Farmyard portĂ© par le Centre norvĂ©gien pour la recherche sur les cellules souches, basĂ© Ă  Oslo.

Certains dĂ©fis techniques restent Ă  relever pour passer de la production de quelques grammes Ă  des tonnes de viande cultivĂ©e[2]. En premier lieu, le milieu de croissance est primordial pour le dĂ©veloppement des cellules en grande quantitĂ©. Au commencement des recherches en agriculture cellulaire, certaines entreprises utilisaient du sĂ©rum fƓtal bovin. Cependant, de nos jours, aucune ne compte utiliser ce sĂ©rum pour les produits qu’elle commercialisera et remplace ce sĂ©rum par des alternatives[100] - [101]. La startup Mosa Meat fondĂ©e par Mark Post ainsi que de nombreuses autres entreprises sont parvenues Ă  produire un milieu de culture sans sĂ©rum fƓtal bovin. DeuxiĂšmement, la crĂ©ation d'armature (scaffold) comestible permettant le dĂ©veloppement des cellules et la crĂ©ation des tissus musculaires reste un dĂ©fi technique important. La crĂ©ation de biorĂ©acteurs Ă©coĂ©nergĂ©tiques, permettant d'accĂ©lĂ©rer la prolifĂ©ration cellulaire Ă  grande Ă©chelle, est un autre enjeu pour que la viande cultivĂ©e devienne un produit courant[102].

Les qualités organoleptiques font partie des défis. Seuls quelques échantillons de viande ont été créés par plusieurs entreprises de viande cultivée pour le moment et peu de personnes les ont goûtés. Les entreprises travaillent à la culture de cellules de muscles, de gras et de tissus conjonctifs[103] afin de retrouver les qualités organoleptiques de la viande conventionnelle.

Controverses

Santé

Les chercheurs ont suggĂ©rĂ© que dans la viande cultivĂ©e, les acides gras omĂ©ga-3 pourraient remplacer les acides gras saturĂ©s de la viande conventionnelle pour des bĂ©nĂ©fices sur la santĂ©[104]. De la mĂȘme maniĂšre, la teneur en acides gras omĂ©ga-3 de la viande conventionnelle peut Ă©galement ĂȘtre augmentĂ©e en modifiant l'alimentation des animaux[105]. La consommation de viande rouge et de viande transformĂ©e peut ĂȘtre accompagnĂ©e d'une prĂ©sence importante de glucides et d'acides gras saturĂ©s aggravant le risque de dĂ©velopper des maladies (maladies cardiovasculaires, cancers
). La fabrication de viande cultivĂ©e Ă©tant Ă  base de tissu musculaire, il est possible d'ajouter des types de gras moins nocifs pour la santĂ© tels que les omĂ©ga-3.

Des études épidémiologiques ont montré que la consommation de viande transformée et les risques de cancer du cÎlon étaient liés. De plus, il existe d'autres études liant la consommation de viande rouge et de viande transformée à l'obésité, au diabÚte de type 2, à certaines maladies cardiovasculaires et à d'autres types de cancer[106].

Un numĂ©ro du magazine Time a suggĂ©rĂ© que le processus de culture cellulaire peut Ă©galement rĂ©duire l'exposition de la viande aux bactĂ©ries et aux maladies[107]. La viande d’élevage soulĂšve des prĂ©occupations concernant le dĂ©veloppement d'une rĂ©sistance aux antibiotiques. L'utilisation d'antibiotiques dans le bĂ©tail est source de nombreuses zoonoses (la grippe aviaire, la maladie du charbon, la grippe porcine et la listĂ©riose). En ce qui concerne la viande cultivĂ©e, des contrĂŽles stricts du processus de production et une surveillance des tissus peuvent empĂȘcher l'infection des cultures de viande dĂšs le dĂ©part, et toute infection potentielle peut ĂȘtre dĂ©tectĂ©e avant toute expĂ©dition aux consommateurs. De plus, les avancĂ©es dans la biotechnologie permettent une fortification des nutriments et des compositions cellulaires. Cela rend la viande cellulaire personnalisable et permet des profils nutritionnels optimaux en fonction des besoins. En revanche, il est lĂ©gitime de douter de la capacitĂ© de l’agriculture cellulaire Ă  se passer d’antibiotiques[108]. Aussi, pour appuyer leur argumentaire, les promoteurs de l’agriculture cellulaire aiment souligner que « les animaux d’élevage industriel consomment aujourd’hui environ la mĂȘme quantitĂ© d’antibiotiques que les humains »[109]. Et s’il est vrai que l’agriculture contribue principalement au dĂ©veloppement de l’antibiorĂ©sistance, la prĂ©sentation de cet argument est fallacieuse. Ils oublient en effet de prĂ©ciser que, si certains pays comme les États-Unis encadrent assez peu l’utilisation d’antibiotiques, « les niveaux d'utilisation varient considĂ©rablement d'un pays Ă  l'autre; par exemple, certains pays d'Europe du Nord utilisent des quantitĂ©s trĂšs faibles pour traiter les animaux. » [110]. En rĂ©alitĂ©, il est extrĂȘmement difficile de prĂ©voir les effets, les risques et les dangers possibles qui dĂ©coulent de cette nouvelle forme de production [111]. Des chercheurs pointent ainsi le fait que la littĂ©rature scientifique soit lacunaire et incomplĂšte sur certains thĂšmes, et qu’elle omette de s’attarder sur certaines critiques. Le nombre d’études scientifiques recensĂ©es en 2020 s’élevait Ă  seulement 300 contre plus de 12 000 articles de presse[112]. D'ailleurs, Ketelings abonde dans ce sens et souligne que « le manque de recherches approfondies liĂ©es Ă  la caractĂ©risation des dangers et des risques de la viande cultivĂ©e est considĂ©rĂ© comme le plus grand obstacle Ă  l'introduction d'un produit sĂ»r sur le marchĂ© »[113]. Le manque de recul en matiĂšre de qualitĂ©s sanitaires est reconnu[114]. D'autres recherches sont ainsi nĂ©cessaires pour confirmer ou dissiper les incertitudes liĂ©es Ă  divers problĂšmes de sĂ©curitĂ© sanitaire tels que le risque associĂ© Ă  l'ingestion de cellules prĂ©sentant les caractĂ©ristiques de cellules cancĂ©reuses[115] . En outre, nombre de brevets publics mentionnent le dĂ©veloppement de cellules oncogĂšnes ou cancĂ©rigĂšnes[116].

Artificialité

Bien que la viande cultivĂ©e produise des tissus composĂ©s de vĂ©ritables cellules musculaires animales, de cellules adipeuses et de soutien, ainsi que de vaisseaux sanguins[117], l’artificialitĂ© du processus peut rebuter les consommateurs Ă©ventuels.

Les cellules souches doivent ĂȘtre cultivĂ©es dans des salles blanches en laboratoire, oĂč leur croissance est stimulĂ©e dans des biorĂ©acteurs: des enceintes stĂ©riles contenant des liquides nutritifs[118].

La croissance des cellules est permise par l'ajout d'hormones normalement produites par un organisme vivant.

Pourtant, la viande cultivée ne fait que reproduire à l'extérieur d'un animal le processus naturel qui se déroule dans l'animal. Elle n'a pas besoin d'hormones supplémentaires, qui ne seraient pas présentes dans la viande conventionnelle, ni de modifications génétiques des cellules, et elle a besoin, comme la viande conventionnelle, d'une intervention humaine (qui sépare le naturel de l'artificiel)[119].

Environnement

La nourriture est responsable d’environ 26% des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre dans le monde. L’élevage compte pour 77% de la surface habitable du globe utilisĂ©e pour l’agriculture, en produisant seulement 18% des calories globales et 37% du total de protĂ©ines[120].

80% des Ă©missions produites lors de la production de bƓuf correspondent au changement d’affectation des terres, au rejet de mĂ©thane par le bĂ©tail, aux fertilisants utilisĂ©s pour les terres, Ă  la gestion du lisier et aux machines agricoles. Le transport est responsable de 0,5% des Ă©missions.

L'efficience protĂ©ique est un indicateur intĂ©ressant pour comprendre la production de viande. Certaines Ă©tudes montrent que pour le bƓuf, 3,8% des apports protĂ©iques de cette viande ont Ă©tĂ© effectivement convertis en produit animaux. 96,2% ont Ă©tĂ© perdus dans la conversion[121]. D'autres Ă©tudes ont dĂ©veloppĂ© l'efficience protĂ©ique nette. Cet indicateur, similaire au prĂ©cĂ©dent, prend en compte les vĂ©gĂ©taux consommables par l'homme dans l'alimentation des animaux afin de calculer le ratio[122]. Les rĂ©sultats de ce coefficient d'efficience protĂ©ique nette montrent qu'il faut « 3 kg de protĂ©ines vĂ©gĂ©tales pour produire 1 kg de protĂ©ines de carcasse en poulet de chair (lourd), 4,3 kg en porcins, de 8 Ă  26 kg en bovins et de 30 Ă  36 kg en ovins ». À l'heure actuelle, il n'existe pas de comparaison d'efficience protĂ©ique entre la viande de culture et la viande conventionnelle. Cependant, de par la plus courte durĂ©e d'Ă©levage, il est probable que la viande de culture soit moins consommatrice de protĂ©ine vĂ©gĂ©tale que l'Ă©levage traditionnel.

Les Nations unies ont toujours été préoccupées par la production incessante de viande conventionnelle pour la population mondiale croissante. La production animale pour l'alimentation a été l'une des principales causes de la pollution de l'air, de l'eau et du réchauffement climatique[123]. Il existe un doute important à propos du fait que l'industrie conventionnelle sera en mesure de répondre à la demande croissante de viande, poussant de nombreux entrepreneurs et chercheurs vers le développement de la viande cultivée comme alternative[124]. La viande cultivée semble offrir une alternative respectueuse de l'environnement à la production de viande traditionnelle[125].

Une recherche a suggĂ©rĂ© que les impacts environnementaux de la viande cultivĂ©e seraient considĂ©rablement infĂ©rieurs Ă  ceux du bƓuf normalement Ă©levĂ©[126]. Des recherches plus rĂ©centes ont montrĂ© que la viande de bƓuf cultivĂ©e pourrait avoir un impact rĂ©duit de 92% sur le rĂ©chauffement et de 95% sur l’utilisation des terres par rapport Ă  l’élevage conventionnel[127]. Pour chaque hectare utilisĂ© pour l'agriculture verticale et / ou la production de viande cultivĂ©e, entre 10 et 20 hectares de terres peuvent ĂȘtre reconvertis de l'agriculture conventionnelle Ă  leur Ă©tat naturel[128]. Les fermes verticales (en plus des installations de culture de viande) pourraient exploiter la digestion anaĂ©robie pour gĂ©nĂ©rer une petite partie de leurs propres besoins Ă©lectriques. Des digesteurs de mĂ©thane pourraient ĂȘtre construits sur place pour transformer les dĂ©chets organiques gĂ©nĂ©rĂ©s Ă  l'installation en biogaz qui est gĂ©nĂ©ralement composĂ© de 65% de mĂ©thane avec d'autres gaz. Ce biogaz pourrait ensuite ĂȘtre brĂ»lĂ© pour produire de l'Ă©lectricitĂ© pour la serre ou une sĂ©rie de biorĂ©acteurs.

Une étude menée par des chercheurs d'Oxford et de l'Université d'Amsterdam a révélé que la viande cultivée était « potentiellement un moyen beaucoup plus efficace et écologique de mettre de la viande sur la table »[129] - [130]. Willem van Eelen[131], le journaliste Brendan I. Koerner[132] et Hanna Tuomisto, doctorante de l'Université d'Oxford, pensent que son impact sur l'environnement est moindre. Selon l'équipe, la production de viande in vitro demanderait « environ 7 à 45% d'énergie en moins, 78 à 96% d'émissions de GES en moins, 99% d'utilisation des terres en moins et 82 à 96% d'utilisation d'eau en moins » que pour de la viande européenne produite de maniÚre conventionnelle, selon son type[133].

Cela contraste avec l'Ă©levage de bovins, "responsable de 18% des gaz Ă  effet de serre" et causant autant de dommages Ă  l'environnement que les effets combinĂ©s du systĂšme de transport mondial. Dans l'analyse du cycle de vie de Tuomisto effectuĂ©e Ă  l'universitĂ© d'Helsinki, la production conventionnelle de 1 000 kg de viande devrait nĂ©cessiter « 26-33 GJ d'Ă©nergie, 367-521 mÂł d'eau, 190-230 mÂČ de terrain et Ă©mettant 1 900-2 240 kg d'Ă©quivalent CO2. Ă©missions de GES".

SL Davis a Ă©mis l'hypothĂšse qu'Ă  la fois l'agriculture verticale dans les zones urbaines et l'activitĂ© des installations de viande cultivĂ©e peuvent causer relativement peu de dommages aux espĂšces d'animaux sauvages qui vivent autour des installations[134]. Dickson Despommier a Ă©mis l'hypothĂšse que les ressources naturelles pourraient ĂȘtre Ă©pargnĂ©es de l'Ă©puisement en raison de l'agriculture verticale et de la viande cultivĂ©e, ce qui en fait des technologies intĂ©ressantes pour un monde surpeuplĂ©[135].

La reconversion de 4 hectares (10 acres) de terres agricoles de leur Ă©tat artificiel vers des Ă©tendues sauvages ou des prairies sauverait environ 40 animaux tandis que la reconversion d'un hectare de ces mĂȘmes terres agricoles dans l'Ă©tat oĂč elles se trouvaient avant la colonisation par l'homme permettrait de sauver environ 80 animaux.

En France, le chercheur J.-F. Hoquette relĂšve le fait que les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre de la viande cultivĂ©e sont incertaines, car elles dĂ©pendront de la source Ă©nergĂ©tique, de l’inertie de chauffage et de la taille des incubateurs, or cela dĂ©pendra des arbitrages effectuĂ©s lors de l’industrialisation de cette technologie. À ce jour, on ne peut donc pas affirmer avec certitude quel sera l’impact environnemental exact de la viande de culture[136].

D’autres scientifiques, tel que Margaret Mellon de l'Union of Concerned Scientists, sont sceptiques Ă  propos de l’impact de l’agriculture cellulaire sur l’environnement. Elle spĂ©cule que les besoins en Ă©nergie et en combustibles fossiles de la production de viande cultivĂ©e Ă  grande Ă©chelle peuvent ĂȘtre plus destructeurs pour l'environnement que la production de nourriture Ă  partir de la terre[137]. Les arguments mis en avant par les tenants de l’agriculture cellulaire sont, assez souvent des arguments « largement spĂ©culatifs » [138]sans rĂ©elle valeur scientifique et ne reposant que sur des donnĂ©es dĂ©claratives[139]. Dans ces conditions, les limites techniques et technologiques que l’industrie rencontre pourraient conduire l’agriculture cellulaire Ă  ne jamais tenir ses promesses.

Enfin, un rapport du groupe de rĂ©flexion IPES-Food explique que les affirmations selon lesquelles la viande cultivĂ©e en laboratoire est durable sont « limitĂ©es et spĂ©culatives »[140]. Santo et ali (2020) vont jusqu’à dire que : « Les recherches menĂ©es Ă  ce jour suggĂšrent que de nombreux avantages environnementaux et sanitaires prĂ©sumĂ©s de la viande cellulaire sont largement spĂ©culatifs »[141].

RÎle de la modification génétique

Les techniques de génie génétique, telles que l'insertion, la suppression, le silençage, l'activation ou la mutation d'un gÚne, ne sont pas nécessaires pour produire de la viande cultivée. La production de viande cultivée permet aux processus biologiques naturels, qui se produisent chez un animal, de se produire sans l'animal. Des entreprises, telles que Memphis Meats, affirment [MP1] qu'elles modifient génétiquement des lignées cellulaires pour qu'elles soient résistantes aux antibiotiques[142].

Des recherches supplĂ©mentaires sont en cours sur la viande cultivĂ©e, et bien que sa production ne nĂ©cessite pas de techniques de gĂ©nie gĂ©nĂ©tique, les chercheurs discutent de l'utilisation de ces techniques pour amĂ©liorer la qualitĂ© et la durabilitĂ© de la viande cultivĂ©e. Enrichir la viande cultivĂ©e avec des nutriments tels que les acides gras bĂ©nĂ©fiques est une amĂ©lioration qui peut ĂȘtre facilitĂ©e par une modification gĂ©nĂ©tique. La mĂȘme amĂ©lioration peut ĂȘtre apportĂ©e sans modification gĂ©nĂ©tique, en manipulant les conditions du milieu de culture[143]. La modification gĂ©nĂ©tique peut Ă©galement jouer un rĂŽle dans la prolifĂ©ration des cellules musculaires. L'introduction de facteurs de rĂ©gulation myogĂ©niques, de facteurs de croissance ou d'autres produits gĂ©niques dans les cellules musculaires peut augmenter la production au-delĂ  de la capacitĂ© de la viande conventionnelle[143].

Pour Ă©viter l'utilisation de produits d'origine animale, l'utilisation d'algues photosynthĂ©tiques et de cyanobactĂ©ries a Ă©tĂ© proposĂ©e pour produire les principaux ingrĂ©dients des milieux de culture, par opposition au sĂ©rum fƓtal de bovin ou de cheval trĂšs utilisĂ© en mĂ©decine[144]. Certains chercheurs suggĂšrent que la capacitĂ© des algues et des cyanobactĂ©ries Ă  produire des ingrĂ©dients pour les milieux de culture peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e avec certaines technologies, sans exclure trĂšs probablement le gĂ©nie gĂ©nĂ©tique[145].

Considérations religieuses

Les autorités rabbiniques juives ne sont pas toutes d'accord pour savoir si la viande cultivée est casher et donc acceptable selon la loi et la pratique juive.

L'une des questions est la nature de l'animal dont proviennent les cellules, s'il s'agit d'une espĂšce casher ou non. Une autre renvoie Ă  l’origine des cellules : si celles-ci ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©es sur un animal mort, un abattage religieux a-t-il eu lieu en amont? La plupart des autoritĂ©s conviennent que si les cellules d'origine ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©es sur un animal abattu religieusement, la viande cultivĂ©e sera casher[146]. Selon la nature des cellules, il peut ĂȘtre dĂ©terminĂ© qu'il est casher mĂȘme lorsqu'il est prĂ©levĂ© sur un animal vivant, et certains ont soutenu qu'il serait casher mĂȘme s'il provenait d'animaux non casher comme les porcs[147].

Il y a aussi une discussion sur la façon dont la viande de culture pourrait s'intĂ©grer dans les pratiques alimentaires islamiques[148]. D’aprĂšs l'Institut islamique du comtĂ© d'Orange en Californie, « Il ne semble pas y avoir d'objection Ă  manger de la viande cultivĂ©e. »[149] En outre, Abdul Qahir Qamar de l'AcadĂ©mie islamique internationale de Fiqh a dĂ©clarĂ© que la viande cultivĂ©e « ne sera pas considĂ©rĂ©e comme de la viande d'animaux vivants, mais sera de la viande cultivĂ©e ». La viande cultivĂ©e serait considĂ©rĂ©e comme « similaire au yaourt et aux cornichons fermentĂ©s », donc consommable si elle ne provient pas d'animaux haram[149].

L'hindouisme exclut gĂ©nĂ©ralement la consommation de bƓuf. Chandra Kaushik, prĂ©sident de l' Hindu Mahasabha, a dĂ©clarĂ© Ă  propos du bƓuf d'Ă©levage qu'il « n'accepterait pas qu'il soit commercialisĂ© sous quelque forme que ce soit ou utilisĂ© Ă  des fins commerciales »[149].

Débat sémantique

Comme le souligne Jean-François Hocquette, une vingtaine de dĂ©nominations renvoient Ă  la viande de culture et toutes incluent le mot « viande », alors que ce n’en est pas d’un point de vue scientifique. Il explique cela par un « choix marketing jouant sur les valeurs positives de la viande, en termes de qualitĂ© nutritionnelle et sensorielle »[150]. Cette observation illustre ainsi le fait que les partisans de l’agriculture cellulaire mĂšnent une vĂ©ritable guerre sĂ©mantique avec pour ambition de qualifier leur produit de « viande », ils espĂšrent ainsi que les consommateurs soient plus enclins Ă  consommer ce produit. Nicolas Treich, conseiller d’Agriculture Cellulaire France, ne s’en cache d’ailleurs absolument pas puisqu’il Ă©crit que : « le produit n'est pas de la viande » mais que « le terme « viande » peut donner au consommateur un sentiment de familiaritĂ© et de continuitĂ© pour un produit nouveau »[151].

La viande, telle qu’elle est dĂ©finie par le Parlement europĂ©en [152], est un « muscle squelettique avec graisse et tissu conjonctif naturellement inclus ou adhĂ©rents ». C’est un alliage complexe de diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, dont des muscles squelettiques, des tissus conjonctifs, des vaisseaux sanguins et des nerfs. A l’inverse, la viande cellulaire se contente de reproduire principalement les myocytes, aussi appelĂ©s fibres musculaires, car ce sont les principaux constituants de la viande[153]. La viande artificielle se rapproche ainsi davantage d’un « tissu musculaire » que de la viande Ă  proprement parler. DĂšs lors, il semble plus appropriĂ© de parler d’amas cellulaires [154] tant le rĂ©sultat issu des laboratoires est Ă©loignĂ© de la viande. La chercheuse Marie-Pierre Ellies explique quant Ă  elle que « dans le milieu de la recherche on a plutĂŽt tendance Ă  parler de fibres musculaires en culture », plutĂŽt que de viande. »[155].

Une autre Ă©tape incontournable de ce qui constitue la viande rĂ©side dans le processus de maturation. AprĂšs l’abattage de l’animal, les muscles se contractent et se rigidifient et le glycogĂšne est converti en lactate en raison de l’absence d’alimentation en oxygĂšne par le sang. La production de lactate conduit Ă  une baisse du pH. Diverses enzymes s’activent alors et coupent les protĂ©ines musculaires ce qui a pour effet d’attendrir la viande et de lui donner une texture particuliĂšre[156]. Ce phĂ©nomĂšne, pourtant analysĂ© durant des dĂ©cennies par les chercheurs en viande, reste cependant mal compris et donc nĂ©gligĂ© par l’agriculture cellulaire en raison de sa complexitĂ© et du manque de connaissance qui persistent pour les cellules cultivĂ©es. Cela explique, en partie, l’ajout de nombreux ingrĂ©dients tels que la chapelure, la poudre d'Ɠuf, ou encore le jus de betterave, afin de masquer les dĂ©fauts sensoriels de la viande artificielle [157]. Il convient d’ailleurs d’ajouter que la production cellulaire n’est pas considĂ©rĂ©e comme de la viande d’un point de vue rĂ©glementaire car la « viande de culture » rentre dans la catĂ©gorie des nouveaux aliments sur un plan rĂ©glementaire. L’American Meat Science Association abonde par ailleurs dans ce sens[158].

Afin de compenser les carences de la viande cellulaire en termes de nutriments notamment, les acteurs de l’agriculture cellulaire ont recours Ă  divers additifs. Si la culture de viandes transformĂ©es comme les nuggets de poulet ou la viande de hamburger sont plus faciles Ă  imiter, celle des viandes de carcasse nĂ©cessite un approvisionnement en nutriments et en oxygĂšne important. Parmi les additifs qu’il faut ajouter pour compenser les dĂ©faillances de la viande cellulaire, on compte notamment les vitamines B12, les antioxydants exogĂšnes, les acides gras
[159]

A titre d’exemple, la viande fournit une part importante des diverses vitamines du groupe B, en particulier la B12[160]. Cette derniĂšre vitamine est synthĂ©tisĂ©e exclusivement par des micro-organismes, puis absorbĂ©e et utilisĂ©e par les animaux, alors que les plantes contiennent rarement des quantitĂ©s considĂ©rables de B12[161]. Par consĂ©quent, les personnes suivant un rĂ©gime Ă  base de plantes doivent prendre des supplĂ©ments de vitamine B12 afin de satisfaire leurs besoins alimentaires[162]. Si la viande de culture doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un substitut de la viande traditionnelle, il est essentiel qu'elle contienne de la vitamine B12[163]. Dans ces conditions, la viande cellulaire doit comporter des additifs ou ĂȘtre gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©e pour pallier ses dĂ©faillances nutritives.

Notes et Références

Notes

  1. Amy Rowat est chercheuse sur le cancer, elle étudie les différents de facteurs de croissance pour les cellules bovines afin de favoriser le persillage du gras dans les steaks cultivés en laboratoire.

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