Umami
L'umami (ăăŸćł), prononcĂ© [umami], se traduisant gĂ©nĂ©ralement par savoureux[1] - [2] - [3] - [4] - [5] est, au Japon, une cinquiĂšme saveur de base avec le sucrĂ©, lâacide, lâamer et le salĂ©.
Ătymologie
Umami est un emprunt au japonais umami (ăăŸćł), signifiant « goĂ»t savoureux »[6]. Le choix de cette Ă©criture (mixte en hiraganas et en kanjis) est dĂ» au professeur Kikunae Ikeda Ă partir dâumai (ăăŸăïŒæšă), « dĂ©licieux », et mi (ćł), « goĂ»t ». L'Ă©criture en kanjis est utilisĂ©e de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale lorsquâun aliment particulier est dĂ©licieux, et vient alors du chinois, mais dans ce cas, il s'agit d'un ateji (caractĂšre chinois utilisĂ© pour dĂ©crire une prononciation, plutĂŽt que le sens mĂȘme du caractĂšre). Il est parfois Ă©galement Ă©crit æšăż ou æšćł. Il a Ă©tĂ© retranscrit en langue chinoise par éČćł, littĂ©ralement « goĂ»t frais », mais on le retrouve parfois Ă©galement en çŸćł « goĂ»t beau » ou æšćł « goĂ»t [de l']intention ».
Origines
Les scientifiques ont longtemps dĂ©battu afin de savoir si l'umami Ă©tait effectivement une saveur de base. En 1985, lors du premier Umami International Symposium Ă Hawaii, le terme umami a officiellement Ă©tĂ© reconnu comme le terme scientifique pour dĂ©crire le goĂ»t du glutamate et des nuclĂ©otides[7]. Ă prĂ©sent, il est largement acceptĂ© comme Ă©tant le cinquiĂšme goĂ»t. L'umami reprĂ©sente le goĂ»t donnĂ© par lâacide aminĂ© L-glutamate et les 5âČ-ribonuclĂ©otides tels que la guanosine monophosphate (GMP) et l'inosine monophosphate (IMP)[8]. Bien qu'on puisse le dĂ©crire comme un goĂ»t plaisant de « bouillon » ou de « viande » avec une sensation durable, appĂ©tissante et recouvrant toute la langue, le mot umami n'est gĂ©nĂ©ralement pas traduit. Le mot reste umami dans de nombreuses langues comme le français, l'anglais ou l'espagnol. La sensation dâumami est due Ă la dĂ©tection de l'anion carboxylate du glutamate (groupe carboxylate âCOOâ prĂ©sent Ă l'extrĂ©mitĂ© de sa chaĂźne latĂ©rale de propanoate) dans des cellules rĂ©ceptrices spĂ©cialisĂ©es prĂ©sentes sur la langue humaine et animale[9] - [10]. Son effet fondamental est sa capacitĂ© Ă Ă©quilibrer et arrondir lâintĂ©gralitĂ© de la saveur dâun plat. La saveur umami amĂ©liore nettement la sapiditĂ© dâun grand nombre dâaliments (voir Beauchamp, 2009)[11]. L'acide glutamique rĂ©vĂšle un petit goĂ»t d'umami, tandis que les sels de l'acide glutamique, connus sous le nom de glutamate (mono-sodique), dissociĂ©s et ionisĂ©s sous forme de carboxylate Ă haut pH, donnent le goĂ»t caractĂ©ristique de lâumami. Les GMP et IMP intensifient le goĂ»t du glutamate[10] - [12].
DĂ©couverte
Le glutamate a une longue histoire dans la tradition culinaire[13]. Les sauces de poisson fermentĂ©es (garum), riches en glutamate, Ă©taient dĂ©jĂ utilisĂ©es dans la Rome antique[14]. Jean Anthelme Brillat-Savarin dans Physiologie du goĂ»t[15]parue en 1825, aurait dĂ©signĂ© l'umami sous le terme d'« osmazome »[16], terme inventĂ© en 1806 par le chimiste Louis Jacques Thenard. Ă la fin du XIXe siĂšcle, le chef Auguste Escoffier, qui avait ouvert ce qui Ă©tait le restaurant le plus cher et le plus rĂ©volutionnaire de Paris, crĂ©ait des repas qui associaient lâumami Ă des goĂ»ts salĂ©s, acides, sucrĂ©s et amers[17]. Cependant, il ne connaissait pas la source de cette qualitĂ© unique.
Ce nâest quâen 1908 que le goĂ»t umami a rĂ©ellement Ă©tĂ© identifiĂ©, par le chercheur Kikunae Ikeda[18], professeur Ă l'UniversitĂ© ImpĂ©riale de Tokyo. Il a dĂ©couvert que le glutamate Ă©tait responsable de la sapiditĂ© du bouillon dâalgue kombu. Il a remarquĂ© que le goĂ»t du bouillon dashi Ă base de kombu Ă©tait diffĂ©rent des goĂ»ts sucrĂ©, acide, amer et salĂ©, et il lâa appelĂ© umami.
Plus tard, en 1913, un disciple du professeur Ikeda, Shintaro Kodama, a dĂ©couvert que des copeaux de bonite sĂ©chĂ©e contenaient une autre substance umami[19]. Il sâagissait du ribonuclĂ©otide IMP. En 1957, Akira Kuninaka dĂ©couvrit que le ribonuclĂ©otide GMP prĂ©sent dans les champignons shiitake confĂ©rait Ă©galement le goĂ»t umami[20]. Lâune des dĂ©couvertes les plus importantes de Kuninaka fut lâeffet synergistique entre les ribonuclĂ©otides et le glutamate. Lorsque les aliments riches en glutamate sont associĂ©s Ă des ingrĂ©dients contenant des ribonuclĂ©otides, lâintensitĂ© du goĂ»t qui en rĂ©sulte est supĂ©rieure Ă la somme du goĂ»t des deux ingrĂ©dients.
Cette synergie de lâumami explique de nombreux appariements alimentaires classiques, en commençant par la raison pour laquelle les Japonais font le dashi Ă base dâalgue kombu et des copeaux de bonite sĂ©chĂ©e, et il en est ainsi pour de nombreux autres plats : les Chinois ajoutent des poireaux et du chou chinois dans la soupe de poulet, comme dans le cock-a-leekie, plat Ă©cossais similaire, et les Italiens saupoudrent de parmesan la sauce tomate aux champignons. La sensation du goĂ»t umami de ces ingrĂ©dients associĂ©s dĂ©passe le goĂ»t de chacun des ingrĂ©dients seul.
Propriétés
Lâumami a un aprĂšs-goĂ»t durable et doux. Il provoque la salivation et une sensation de fourrure sur la langue, en stimulant la gorge, le palais et le dos de la langue (voir Yamaguchi, 1998)[21] - [22]. Lâumami nâest pas savoureux en soi, mais il amĂ©liore la saveur dâune large variĂ©tĂ© dâaliments, surtout en prĂ©sence dâun arĂŽme assorti[23]. Mais comme les autres saveurs de base, Ă lâexception du saccharose, lâumami nâest agrĂ©able que dans une gamme de concentration relativement faible[21]. Le goĂ»t umami optimal dĂ©pend Ă©galement de la quantitĂ© de sel et, en mĂȘme temps, les aliments hyposodiques peuvent maintenir un goĂ»t satisfaisant avec une quantitĂ© appropriĂ©e dâumami[24]. En fait, Roinien et al. ont dĂ©montrĂ© que les taux de plaisir, dâintensitĂ© du goĂ»t et de salinitĂ© idĂ©ale des soupes pauvres en sel Ă©taient plus Ă©levĂ©s lorsque la soupe contenait de lâumami, tandis que les soupes pauvres en sel sans umami Ă©taient dĂ©crites comme moins savoureuses[25]. Certains groupes de population, tels que les personnes ĂągĂ©es, dont le goĂ»t et lâodorat sont affectĂ©s par lâĂąge et la prise de mĂ©dicaments, peuvent tirer profit de lâumami. La perte de goĂ»t et dâodorat peut entraĂźner de mauvais apports nutritionnels augmentant ainsi leur risque de maladie[26].
Aliments riches en umami
De nombreux aliments que nous consommons chaque jour sont riches en umami. Le glutamate est naturellement prĂ©sent dans les viandes et les lĂ©gumes, tandis que lâinosinate se trouve essentiellement dans les viandes et la guanylate dans les lĂ©gumes. Le goĂ»t umami est donc commun aux aliments contenant un taux Ă©levĂ© de L-glutamate, d'IMP et de GMP, et plus particuliĂšrement dans le poisson, les crustacĂ©s, les viandes fumĂ©es, les lĂ©gumes (par exemple : les champignons, les tomates mĂ»res, le chou chinois, les Ă©pinards, etc.) ou le thĂ© vert, ainsi que dans les produits fermentĂ©s et vieillis (par ex. : les fromages, les purĂ©es de crevettes, la sauce soja, etc.)[27].
La premiĂšre expĂ©rience de l'humain avec le goĂ»t umami se fait souvent avec le lait maternel[28]. Il contient Ă peu prĂšs la mĂȘme quantitĂ© dâumami que les bouillons.
Il existe quelques diffĂ©rences dans les bouillons de diffĂ©rents pays. Le dashi japonais donne une sensation gustative dâumami trĂšs pure parce quâil ne se base pas sur des viandes issues de milieux terrestres. Dans le dashi, le L-glutamate est issu de lâalgue kombu (Laminaire japonaise) et lâinosinate est issu des copeaux de bonite sĂ©chĂ©e (katsuobushi) ou de petites sardines sĂ©chĂ©es (niboshi). En revanche, les bouillons occidentaux et chinois ont une saveur plus complexe en raison dâun mĂ©lange plus important dâacides aminĂ©s issus des os, des viandes et des lĂ©gumes.
RĂ©cepteurs gustatifs
Toutes les papilles gustatives sur la langue et les autres zones de la bouche peuvent dĂ©tecter le goĂ»t umami indĂ©pendamment de leur emplacement. La carte de la langue dâaprĂšs laquelle les diffĂ©rents goĂ»ts sont rĂ©partis sur diffĂ©rentes zones de la langue est une idĂ©e fausse couramment rĂ©pandue. Des Ă©tudes biochimiques ont identifiĂ© les rĂ©cepteurs gustatifs responsables du goĂ»t umami, forme modifiĂ©e de mGluR4 (en), mGluR1 (en) et rĂ©cepteur gustatif de type 1 (T1R1 + T1R3), et ces rĂ©cepteurs ont Ă©tĂ© identifiĂ©s dans les papilles gustatives de toute la langue[29] - [30] - [31]. LâAcadĂ©mie des sciences de New York a corroborĂ© lâacceptation de ces rĂ©cepteurs en dĂ©clarant que des « Ă©tudes en biologie molĂ©culaire rĂ©centes ont identifiĂ© de solides candidats pour les rĂ©cepteurs dâumami, y compris lâhĂ©tĂ©rodimĂšre T1R1/T1R3, et les rĂ©cepteurs mĂ©tabotropiques au glutamate aux liaisons 1 et 4 tronquĂ©es Ă qui il manque la majoritĂ© du domaine extracellulaire N-terminal (mGluR4 du goĂ»t et mGluR1 tronquĂ©) et mGluR4 du cerveau. »[9] Les rĂ©cepteurs mGluR1 et mGluR4 sont spĂ©cifiques au glutamate tandis que les T1R1 + T1R3 sont responsables de la synergie dĂ©jĂ dĂ©crite par Akira Kuninaka en 1957. Cependant, le rĂŽle spĂ©cifique de chaque type de rĂ©cepteur dans les cellules gustatives est inconnu. Ce sont des rĂ©cepteurs couplĂ©s aux protĂ©ines G (RCPG) couplĂ©s Ă des molĂ©cules de signalisation similaires qui incluent des protĂ©ines G beta-gamma, PLCb2 (en) et le rĂ©cepteur IP3 qui provoque la libĂ©ration de calcium (Ca2+) d'origine intracellulaires[32]. Le Ca2+ active le canal ionique rĂ©cepteur transitoire de mĂ©lastatine 5 (TrpM5 (en)) qui mĂšne Ă la dĂ©polarisation de la membrane et Ă la libĂ©ration d'ATP et Ă la sĂ©crĂ©tion de neurotransmetteurs dont la sĂ©rotonine[33] - [34] - [35] - [36]. Les cellules rĂ©pondant aux stimuli du goĂ»t umami ne possĂšdent pas de synapses types, mais lâATP transmet les signaux du goĂ»t aux nerfs gustatifs, puis au cerveau qui interprĂšte et identifie la qualitĂ© du goĂ»t[37] - [38].
Notes et références
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Voir aussi
Bibliographie
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Liens externes
- Physiologie du goût ; en ligne sur Gallica. p. 42 et suivantes de l'édition de 1848
- « La saveur umami, une exception culturelle ? », France Culture, 24 mars 2021.
- (en) Umami Information Centre (ASBL)
- (en) International Glutamate Information Service
- (en) Italian umami research
- (en) DĂ©couverte de l'umami
- (en) DĂ©couverte des rĂ©cepteurs de lâumami
- (en) Society for Research on Umami Taste
- (en) « Quâest-ce que lâumami ? Le goĂ»t humain a maintenant cinq saveurs », CBC News,
- (en) « Sucré, Acide, Salé, Amer⊠et Umami » NPR, 1er november 2007
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