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Tutorat

Le tutorat est une relation formative entre un enseignant, le tuteur, et un apprenant. Il se distingue de l'enseignement classique impliquant professeurs et élèves par une formation individualisée et flexible. Le tuteur n'a pas forcément toutes les connaissances que doit maîtriser l'apprenant au terme de sa formation car son rôle n'est pas d'apporter des réponses aux problèmes posés mais de guider l'apprentissage.

Le tutorat s'applique dans des contextes différents dans lesquels le tuteur peut avoir différents statuts. Un tuteur en entreprise aura généralement un statut juridique soumis à une réglementation stricte (qui variera selon les pays) alors que le rôle de tuteur en école pourra être pris par n'importe quel enseignant ou même étudiant.

Dans le contexte des études, on peut définir le tutorat comme une forme d'aide individualisée qui vise à apporter en dehors du contexte de la classe, une aide personnalisée aux études. Outre cette définition large, il peut prendre de nombreux aspects, notamment selon

  • qu'il s’adresse Ă  un Ă©tudiant seul ou Ă  un groupe d’étudiants
  • que le tuteur soit un professeur, ou un autre Ă©tudiant. Dans ce deuxième cas, on parle de « tutorat par les pairs »[1]. Le tutorat reprĂ©sente une relation pĂ©dagogique singulière entre pairs mais c’est aussi un type particulier de situations de service orientĂ© vers le conseil et l’accompagnement. En ergonomie, une situation de service est dĂ©finie selon quatre caractĂ©ristiques : l’objet de travail est commun aux interactants, ils connaissent une inĂ©galitĂ© de moyens et de ressources dans la gestion de l’action mais des moyens complĂ©mentaires existent de part et d’autre, la relation d’aide est instituĂ©e socialement. Le but est d’aider son collègue Ă  prendre les bonnes dĂ©cisions pour ses apprentissages en cours[2]. L’activitĂ© de conseil du tuteur est bornĂ©e dans le temps mais elle suppose de s’installer dans la relation pour apporter des ressources au moment adĂ©quat et saisir les occasions de collaboration[3].
  • de nombreuses variantes sont possibles, selon la nature du dispositif (temporalitĂ©, choix ou imposition du tuteur, nature de l'activitĂ©), la formation donnĂ©e aux tuteurs, les apprentissages visĂ©s (matières acadĂ©miques, mais aussi amĂ©lioration de l'intĂ©gration dans l'institution ou dĂ©veloppement personnel). PlutĂ´t que de tutorat, on parle alors de coaching pĂ©dagogique

Approche historique du tutorat

Les pères du tutorat

  • Si l’idĂ©e fondamentale du tutorat est prĂ©sente dès l’AntiquitĂ© avec Socrate et l’orientation de la pensĂ©e Ă  travers des questions qui l’amènent Ă  rĂ©flĂ©chir, on doit surtout la notion de tutorat Ă  Comenius philosophe et thĂ©ologien. Celui-ci considĂ©rait l’éducation comme indissociable de la vie en sociĂ©tĂ©. Dans son Ĺ“uvre « Grande Didactique », il traite du besoin pour l’élève d’enseigner Ă  d’autres. Il y prĂ©sente un modèle d’éducation oĂą le maĂ®tre est Ă©paulĂ© dans sa tâche par les meilleurs de ses Ă©lèves, lesquels rĂ©pètent ses dires et apportent leur soutien aux autres enfants. Ce procĂ©dĂ© permet non seulement de pallier les problèmes d’effectifs, les Ă©lèves Ă©tant relativement nombreux, mais aussi d’impliquer ces derniers, qui participent dès lors Ă  leur propre Ă©ducation, ainsi que d’éviter la mise Ă  l’écart des Ă©lèves en difficultĂ©. Pour Comenius, la comprĂ©hension passe par la pratique. Il considère en effet que le système classique d’enseignement est insuffisant, et que seule la mise en application permet Ă  l’enfant de passer du statut d’élève Ă  celui de maĂ®tre.
  • C’est en 1798 que Pestalozzi projette en Suisse la construction de l’école de Stans, une Ă©cole destinĂ©e Ă  des orphelins de guerre et des enfants dĂ©favorisĂ©s. C’est pour faire face Ă  un manque en matĂ©riel et de personnel encadrant qu’il y appliquera le modèle d’éducation qu’il dĂ©veloppait dans son Ĺ“uvre LĂ©onard et Gertrude (publiĂ©e en trois parties de 1781 Ă  1787). Ce modèle, inspirĂ© des idĂ©es de Comenius, repose sur un système d’entraide entre les Ă©lèves, sous forme de monitorat.

Le tutorat en France sous l'Ancien RĂ©gime

C’est sous l’Ancien Régime que l’on voit en France le tutorat être mis en pratique. On l’applique en effet dans les écoles accueillant des enfants défavorisés tant pour pallier des problèmes économiques que par pédagogie. On peut citer en particulier les Écoles de Charité de Démia, l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes, fondé par Jean-Baptiste de La Salle, ou encore la Maison royale de Saint-Louis, fondée par Madame de Maintenon en 1686. Le rôle du tutorat y est primordial :

  • Sur le plan Ă©conomique, il permet de rĂ©duire les frais relatifs au fonctionnement de l’école.
  • Sur le plan du personnel, il permet de :
    1. pallier le problème du manque de personnel
    2. répondre au manque d’enseignants qualifiés
  • Sur le plan de la scolarisation, il permet Ă  des enfants dĂ©favorisĂ©s de recevoir une Ă©ducation Ă  moindre coĂ»t.
  • Sur le plan pĂ©dagogique, il permet de :
    1. renforcer la discipline
    2. impliquer davantage les élèves dans leurs études
    3. valoriser l’apprentissage du fait du rôle actif de l’élève
    4. favoriser le mimétisme en faisant des meilleurs élèves des modèles pour les autres

Le tutorat Ă  travers le monde

Le tutorat interculturel

Durant les années cinquante et soixante, les États-Unis sont confrontés à une immigration massive, composée principalement de Mexicains et de Portoricains. Ces populations forment alors des minorités ethniques. Parallèlement, une autre minorité ethnique, la population noire d’Amérique est enfin prise en considération et des politiques de déségrégation sont mises en place.

L’Europe aussi connaît à partir de ces années une forte immigration liée au développement économique caractéristique de cette période. Plusieurs pays d’Europe de l’Ouest accueillent des populations venant des pays méditerranéens sous-développés. Les enfants de ces populations sont amenés tout naturellement à être scolarisés dans leur pays d’accueil mais cela pose certains problèmes. D’abord, ils ne sont pas forcément bien acceptés. Ensuite, ils doivent apprendre une nouvelle langue, une nouvelle culture et une scolarité différentes de la leur. Ces enfants rencontrent souvent des difficultés.

Aux États-Unis comme en Europe, les enfants rencontrent les mêmes problèmes d’intégration d’autant plus que les professeurs ne savent souvent pas comment gérer ce genre de situation. C’est dans ce contexte qu’apparaît le tutorat interculturel. L’idée consiste à mettre ensemble des élèves de cultures différentes (culture d’accueil et culture étrangère ou deux cultures étrangères avec deux niveaux d’intégration) les uns (les tuteurs) chargés d’apporter aux autres (les tutorés) ce dont ils ont besoin.

Ainsi, plusieurs projets et initiatives font leur apparition. Des enfants noirs de Manhattan reçoivent des tuteurs étudiants de junior high school chargés de les aider dans leurs apprentissages, trois domaines étant concernés : les mathématiques, le vocabulaire et l’orthographe. Les enfants noirs de Boston bénéficient de cours en espagnol par des Portoricains et inversement, les enfants portoricains reçoivent des cours d’anglais. Les Indiens Navajos reçoivent des cours d’anglais par des condisciples anglophones. En Grande-Bretagne, de jeunes ressortissants du Penjab sont initiés à l’anglais par des autochtones de l’agglomération londonienne. Toutes ces initiatives ont pour ambition de favoriser l’intégration des minorités ethniques et ainsi, de prévenir des crises sociales interethniques. Les tuteurs, ayant une plus grande marge de manœuvre que les enseignants (soumis à des règles et normes précises), sont mieux placés pour parvenir à ces fins.

Les fonctions du tuteur en apprentissage par problèmes

En apprentissage par problèmes lors du travail en groupe, on peut résumer les fonctions du tuteur par l'acronyme mnémotechnique C.Q.F.D : Conduire, Questionner, Faciliter, Diagnostiquer[4] :

  • Conduire : l'exploitation de la situation-problème suppose que le groupe passe par diverses Ă©tapes :
  1. organiser le groupe et répartir les rôles
  2. prendre connaissance du document fourni
  3. comprendre et éclaircir le problème
  4. établir une liste de questions à résoudre pour traiter le problème
  5. préciser les objectifs d'apprentissage
  6. établir un plan d'action, avec un "qui fait quoi". Le tuteur intervient pour vérifier que chaque étape est validée avant de passer à la suivante. Il rappelle les objectifs finaux.
  • Questionner : le tuteur ne doit pas rĂ©soudre le problème Ă  la place des Ă©tudiants. Poser des questions constitue son principal outil pour :
  1. connaître le niveau de compréhension des étudiants,
  2. mettre en évidence les points de désaccord
  3. Ă©claircir les points de blocage
  4. pousser Ă  aller plus loin.
  • Faciliter : interventions - verbales et non verbales - visant Ă  crĂ©er un climat de travail positif dans les groupes : faire circuler la parole, encourager l'animateur dans son rĂ´le, donner un feedback positif quand le groupe fonctionne bien.
  • Diagnostiquer : observer avant d'intervenir sur les trois registres prĂ©cĂ©dents pour comprendre la dynamique de groupe et les difficultĂ©s en cours et ajuster ensuite au mieux ses interventions.

Le tutorat dans les études médicales et pharmaceutiques

Pour réaliser des études médicales, que ce soit des études de médecine, de chirurgie-dentaire, de sage-femme ou encore de kinésithérapie ou d'ergothérapie dans certaines villes, il est nécessaire de passer par la Première Année Commune aux Études de Santé, anciennement connu sous le nom de PACES. Cette année est conclue par un concours très sélectif ouvrant les portes aux différentes filières sus-citées. C'est seulement grâce à un classement en rang utile à cette épreuve que l'étudiant peut continuer d'étudier dans la voie qu'il aura choisi.

Dans certaines villes[5], les étudiants des années supérieures organisent des tutorats pour venir en aide aux étudiants de première année dans la préparation de ces concours.

Le tutorat dans les Ă©tudes d'infirmiers

Introduction

Dans le cadre de la réforme, la place du tutorat, auprès des étudiants en soins infirmiers est primordiale. Le tuteur de stage constitue un pivot essentiel dans le processus de l'alternance intégrative, son projet d'accompagnement des étudiants, en collaboration avec le Maître de stage et les professionnels de proximité doit permettre aux étudiants d'acquérir progressivement les compétences professionnelles attendues. Cette réforme implique une nouvelle organisation, de nouveaux rapports entre les personnels des structures de soins (dont le rôle dans la formation est renforcée) et l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI). La redéfinition des rôles touche prioritairement les "Tuteurs de stage", placés au centre des collaborations entre le référent de l'IFSI, le Maître de Stage et les Professionnels de Proximité. Investis d'une mission de formation et d'évaluation renforcée, les futurs Tuteurs vont devoir construire de nouvelles compétences.

Contexte d'émergence de la réforme des études

  • Loi dite de modernisation sociale du :
    • Obligation d'inscription des diplĂ´mes au RĂ©pertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP)
    • Validation des acquis de l'expĂ©rience (VAE)...
  • Politique europĂ©enne : Accords de Bologne (1999)...
    • AmĂ©lioration de la lisibilitĂ© des diplĂ´mes au sein de l'espace europĂ©en
    • RĂ©organisation des diplĂ´mes de l'enseignement supĂ©rieur selon modèle commun : Licence, Master, Doctorat (LMD)
  • Modification dans l'accessibilitĂ© au savoir
  • Demande de santĂ© en Ă©volution constante

Rôle et responsabilité des tuteurs de stage

Le soignant exerçant des fonctions d'encadrement est responsable de l'organisation du stage :

Démarche d'accueil, suivi du présentéisme

  • Il met en place les moyens nĂ©cessaires Ă  l'encadrement : nomme un professionnel de proximitĂ© au quotidien (un tuteur)
  • Il est garant de la qualitĂ© de l'encadrement
  • Il assure les relations avec l'IFSI
  • Il règle les questions en cas de litige et participe Ă  l'Ă©valuation des Ă©tudiants.

Le soignant expérimenté (le tuteur) représente la fonction pédagogique du stage. L'accompagnement par le tuteur sur les lieux de stage permet de considérer l'IFSI et le terrain comme deux lieux d'apprentissage. En conséquence, le tuteur aura pour missions :

  • Accueillir le stagiaire pour faciliter son intĂ©gration dans le service
  • Prendre connaissance des objectifs
    • Institutionnels en regard du niveau de formation spĂ©cifique au stage
    • Travailler toujours en relation avec l'IFSI
  • Valider le projet professionnel du stagiaire
    • Lire et valider avec lui ses objectifs personnels
    • RepĂ©rer les situations de travail et organiser un travail en binĂ´me avec un professionnel
  • Qualifier le stagiaire au jour le jour
    • Implique que l'Ă©quipe connaisse le programme et les objectifs de formation
    • Le tuteur participe quotidiennement Ă  la construction de situations d'apprentissage
  • Accompagner le stagiaire dans l'apprentissage du mĂ©tier
  • Évaluer les acquis en se questionnant sur
    • Le sens de l'Ă©valuation : donner un avis sur la valeur d'un travail d'apprentissage.

Conclusion

Le tutorat permet d'accompagner l'étudiant infirmier sur son chemin de formation par le biais de partage de valeurs, de vision, de travail réel. L'évaluation du tutorat a montré de réels bénéfices dans l'accueil et l'intégration du stagiaire infirmier dans une équipe, voire une accélération d'acquisition de nouvelles compétences.

Formation Ă  distance et tuteurs

Le Tutorat à distance se développe dans les dispositifs de FOAD prenant en compte les spécificités de ces environnements pédagogiques.

Les compétences du référentiel de tuteur

Le rĂ©fĂ©rentiel du certificat de compĂ©tences « tuteur Â» dĂ©livrĂ© par les CCI et AFNOR Certification dĂ©finit compĂ©tences :

  1. Accueillir et intĂ©grer le salariĂ©.
  2. Organiser et planifier le parcours d’acquisition des compĂ©tences du salariĂ©.
  3. Former, accompagner et transmettre les connaissances, les savoir-faire, savoir agir et la culture d’entreprise.
  4. Évaluer les acquis et suivre la progression professionnelle de l’apprenant.
  5. Accompagner l'insertion professionnelle, organiser les relations avec les acteurs concernĂ©s par le parcours de l’apprenant (centre de formation interne ou externe, hiĂ©rarchie…).

Notes et références

  1. Le tutorat par les pairs : quels fondamentaux, quels dispositifs, quels résultats ? Le tutorat par les pairs, De Boeck (Ed.) (2010)
  2. Une typologie des situations de service. In M. Cerf & P. Falzon (Éd.), Situations de service travailler dans l’interaction (1re éd.). Paris: Presses universitaires de France
  3. Marc Nagels. Pouvoir d’agir et maîtrise des usages professionnels. Le tutorat par les pairs en formation de directeurs des soins.. Le tutorat de pairs dans l’enseignement supérieur. Enjeux institutionnels, technopédagogiques, psychosociaux et communicationnels, L’Harmattan, pp.193-215, 2013, 2343004145.
  4. Smidts, D., Braibant, J-M., Wouters, P., de Theux, M-N. Un outil audiovisuel pour former les tuteurs en pédagogie active. in Actes du 2e colloque ENSIETA et ENST Bretagne, Brest, juin 2003
  5. Forum du Tutorat de la faculté de médecine de Bordeaux 2

6. Exemple de dispositif apprenant https://managersante.com/2020/01/03/le-dispositif-apprenant-des-hospices-civils-de-lyon-developper-et-mettre-en-oeuvre-les-competences-via-des-parcours-professionnalisants-sur-le-terrain/

Sources

  • Alain Baudrit, Tutorat : richesses d'une mĂ©thode pĂ©dagogique, Ă©dition De Boeck, 2002
  • GĂ©rard Barnier, Tutorat dans l'enseignement et la formation, Ă©dition l'Harmattan, 2001
  • Alain Avanthey Tuteurs en Entreprises, Ă©ditions "Le Manuscrit" 2007
  • Marcel Lebrun, ThĂ©ories et mĂ©thodes pĂ©dagogiques pour enseigner et apprendre, Éditions De Boeck, 2002

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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