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Tramway funiculaire de Belleville

Le tramway funiculaire de Belleville est une ligne de tramway à traction par câble aujourd'hui disparue qui reliait de 1891 à 1924 la place de la République à l'église Saint-Jean-Baptiste de Belleville, sur la colline de Belleville dans l'est parisien.

Tramway funiculaire de Belleville
Image illustrative de l’article Tramway funiculaire de Belleville
Gros plan sur deux rames Ă  l'Ă©vitement du Canal Saint-Martin.

Type Funiculaire
Entrée en service 1891
Fin de service 1924
Longueur du réseau 2,044 km
Stations 6
Écartement des rails voie métrique
Propriétaire Ville de Paris
Exploitant Cie funiculaire de Belleville
puis Ville de Paris
Lignes du réseau 1

Système hybride entre le tramway et le funiculaire, similaire au célèbre cable-car de San Francisco mis en service en août 1873, il est depuis 1935 remplacé sur son parcours par la ligne 11 du métro de Paris.

Histoire

La commune de Belleville, Ă©difiĂ©e sur la colline du mĂŞme nom et alors autonome de Paris, a connu un fort dĂ©veloppement dĂ©mographique pendant le XIXe siècle, passant de 1 724 habitants en 1806, Ă  10 705 en 1836, 27 556 en 1846 et 57 699 en 1856, Ă  la veille de son annexion par Paris[1], sans qu'elle ne soit convenablement desservie par le rĂ©seau des omnibus des compagnies qui prĂ©cĂ©dèrent la Compagnie gĂ©nĂ©rale des omnibus. En 1885, la population de Belleville comptait 9 000 petits fabricants et 30 000 ouvriers dont près de la moitiĂ© travaillaient hors de Belleville[2].

La nécessité de desservir le quartier populaire de Belleville conduit à la fin des années 1880 à envisager l'établissement d'une ligne de tramway à traction par câble, seule capable d'affronter les pentes de la colline. Mais contrairement à San Francisco ou à d'autres villes américaines aux larges avenues rectilignes où ce nouveau système est mis en place, la largeur des rues parisiennes ne permet que de poser une voie unique, dotée de plusieurs évitements, le long d'un tracé, de plus, assez tortueux.

En 1886, M. Fournier, ingénieur civil, dépose une demande de concession. Après de nombreuses délibérations de la Ville de Paris, du ministère des Travaux publics, du ministère de l'Intérieur et des ponts et chaussées, et malgré les protestations virulentes de la compagnie générale des omnibus, qui y voyait une atteinte à son monopole, le Conseil municipal de Paris décide le [3] de faire exécuter un tramway à traction par câble, à l'image de ceux déjà en service dans les grandes villes américaines comme Cincinnati, Chicago, New York et San Francisco.

Le tramway funiculaire rue de Belleville, vers 1900.
Une voiture du tramway rue de Belleville, vers 1900.

La ligne est dĂ©clarĂ©e d'utilitĂ© publique par dĂ©cret du sous le rĂ©gime juridique d'une voie ferrĂ©e d'intĂ©rĂŞt local autorisĂ©e par le Conseil gĂ©nĂ©ral de la Seine[4] - [5]. Une convention est signĂ©e le entre le dĂ©partement et M. Fournier, qui prĂ©voit la construction de la ligne par la Ville, pour un coĂ»t Ă©valuĂ© Ă  un million de francs de l'Ă©poque, et son exploitation par M. Fournier, moyennant une redevance de 50 000 francs par an[6] - [2]. Ce dernier sera remplacĂ© par la Compagnie du funiculaire de Belleville[7].

Les travaux furent confiés à l'ingénieur de la Ville de Paris, Fulgence Bienvenüe, assisté du conducteur de travaux Lefebvre, et furent menés en six mois environ. Toutefois, la mise en place du système de traction fut laborieuse, car sans précédent en Europe[2].

Le tramway funiculaire est mis en service le .

La ligne est rapidement un succès : dès 1895, elle transporte 4 411 000 voyageurs. La capacitĂ© de la ligne devient rapidement insuffisante ; comme il est impossible de multiplier les Ă©vitements, la ligne est exploitĂ©e en « rafale », avec une suite de vĂ©hicules se suivant de très près. Mais cette exploitation est particulièrement dangereuse pour les piĂ©tons ou les vĂ©hicules routiers. Il est alors dĂ©cidĂ© de faire circuler deux vĂ©hicules accrochĂ©s ensemble et la plate-forme d'extrĂ©mitĂ© est allongĂ©e du cĂ´tĂ© de l'attelage, augmentant la capacitĂ© par voiture Ă  cinquante-sept passagers. L'annĂ©e 1902 est celle du record de trafic de la ligne avec 5 241 000 voyageurs[8]

Le , la concession prend fin et la Ville de Paris reprend l'exploitation en régie[9]. Sous-entretenue durant la Première Guerre mondiale, la ligne nécessite de lourds travaux de remise à niveau à la sortie du conflit[10]. Mais l'exploitation est finalement interrompue le et le tramway est remplacé par une ligne de bus, dite BF, exploitée avec des autobus Schneider H dont on retire les banquettes de la partie avant afin d'augmenter la capacité. Cette ligne est alors incorporée au réseau de la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP). L'infrastructure du tramway funiculaire est détruite, les voitures sont rachetées par un ferrailleur et subsistent de longs mois dans un terrain vague d'Issy-les-Moulineaux[11]. En 1935, la ligne 11 du métro est ouverte sur le même parcours, prolongé de part et d'autre.

Caractéristiques techniques

Tramway funiculaire de Belleville.

La ligne devait être établie rue de Belleville, assez sinueuse, dont la largeur n'excédait pas m. Cette largeur insuffisante imposait des solutions techniques très contraignantes : voie unique avec croisements possibles uniquement dans cinq évitements, voie métrique, obligation réglementaire de placer le rail le plus rapproché du trottoir à une distance minimale de m de ce trottoir[3].

La ligne débute place de la République, emprunte la rue du Faubourg-du-Temple, croise le boulevard de la Villette, s'engage dans la rue de Belleville et aboutit à son terminus devant l'église Saint-Jean-Baptiste de Belleville, à la hauteur de l'actuelle station de métro Jourdain.

Son parcours total de 2 044 mètres[12] Ă  voie unique comporte cinq points de croisement : au-dessus du canal Saint-Martin couvert en cet endroit par un tunnel, au croisement de l'avenue Parmentier, du boulevard de Belleville, de la rue Julien-Lacroix et de la rue des PyrĂ©nĂ©es. Ces Ă©vitements avaient une longueur de 18 m, sauf celui de la rue des PyrĂ©nĂ©es, long de 60 m et oĂą aboutissait le raccordement du dĂ©pĂ´t[3].

La ligne a un profil assez difficile, dĂ©marrant avec un profil facile mais s'Ă©levant sur la colline de Belleville avec des rampes de 34 mm/m en moyenne, mais atteignant ponctuellement 73 mm/m entre les rues de Tourtille et des PyrĂ©nĂ©es. De plus, le tracĂ© comprend vingt-quatre courbes, dont la longueur cumulĂ©e est de 325 m, soit 15 % de la longueur de la ligne. Leur rayon minimum en pleine voie n'est que de 41 m et il se rĂ©duit Ă  21 m, dans les aiguillages des Ă©vitements. Globalement, la diffĂ©rence de niveau entre l'origine et le terminus de la ligne est de 63 m[3].

La voie du tramway funiculaire est Ă©tablie avec un Ă©cartement d'un mètre et possède en son centre un caniveau axial qui ne laisse apparaĂ®tre qu'une rainure de vingt-neuf millimètres au niveau de la chaussĂ©e. Les rails du système Broca, lourds de 45 kg/m, reposent sur un « U » Ă©vasĂ© en fer placĂ© sous la chaussĂ©e, appelĂ© « joug », qui reçoit tous les neuf Ă  douze mètres des poulies supportant le câble de traction. Celui-ci, d'un diamètre de vingt-neuf millimètres et d'un poids de kg/m, est constituĂ© d'une âme en chanvre renforcĂ© de six torons d'acier. Compte tenu de sa longueur de 4,2 km, le câble pèse 12,6 tonnes et sa rĂ©sistance avant rupture est de dix tonnes.

Chaque terminus de la ligne est Ă©quipĂ© d'une roue de 2,50 mètres de diamètre, disposĂ©e horizontalement sous la chaussĂ©e, qui assure le retour du câble de traction. Ce dernier passe ensuite par une autre poulie qui a pour but d'assurer la tension du câble pour compenser son allongement[13] - [14]

Ce câble sans fin Ă©tait tractĂ© par deux machines Ă  vapeur, système Corliss, de cinquante chevaux, installĂ©es au dĂ©pĂ´t, situĂ© au no 97 de la rue de Belleville[15]. En usage normal, une seule machine Ă  vapeur fonctionnait, l'autre servant de machine de secours. Leur puissance Ă©tait fournie par trois chaudières multitubulaires, dont deux de 50 chevaux et une de 100[3].

Les vingt-et-un vĂ©hicules d'une longueur de cinq mètres et d'une largeur d'1,60 m seulement accueillent vingt-deux voyageurs dont quatorze sur des banquettes longitudinales. Le matĂ©riel roulant ne voit aucune Ă©volution ; les voitures restent Ă©clairĂ©es Ă  l'acĂ©tylène et ne sont pas chauffĂ©es en hiver, vu la courte durĂ©e des trajets.

Les vĂ©hicules sont Ă©quipĂ©s d'un système de « grip » ou pince dĂ©brayable qui plonge dans le caniveau axial pour agripper le câble. Le conducteur effectue un serrage progressif du câble qui met en mouvement le vĂ©hicule. Ce serrage plusieurs milliers de fois par an limite la durĂ©e de vie du câble Ă  moins de six mois. Le câble dĂ©file dans le caniveau Ă  la vitesse de 3 mètres par seconde soit 10,8 km/h la journĂ©e, et Ă  3,5 mètres par seconde, soit 12,6 km/h en soirĂ©e, avec la moindre circulation.

Pour l'arrĂŞt de la voiture, l'agent de conduite dispose d'un frein Ă  main qui agit sur les roues, ainsi que d'un frein Ă  patins sur rails[16].

L'infrastructure est réalisée par la Ville de Paris, sous la direction de Fulgence Bienvenüe, ingénieur de la Ville, qui se rendra célèbre en étant le maître d'œuvre du métro de Paris.

Exploitation

Le tramway funiculaire rue du Faubourg-du-Temple. La rame est constituée de deux voitures attelées.
Autre vue du tramway, rue du Faubourg-du-Temple.

Le tramway funiculaire dessert un quartier populaire de Paris ; pour cette raison, le tarif est unique et modeste : 0,10 franc. Ce tarif est rĂ©duit de moitiĂ© pour les circulations correspondant Ă  l'entrĂ©e ou Ă  la sortie des ateliers, en dĂ©but et en fin de service. MalgrĂ© les tarifs très bas, la compagnie du tramway funiculaire est celle qui, Ă  Paris, rĂ©alise les plus gros bĂ©nĂ©fices au kilomètre grâce Ă  la densitĂ© du trafic.

L'exploitation du tramway n'a pas changé durant toute son existence : un départ toutes les onze minutes de cinq à six heures du matin, puis toutes les six minutes jusqu'à minuit et demi. Le nombre total de départs quotidiens s'élève à trois cent soixante-quatre l'hiver, et trois cent quatre-vingt-deux l'été, dont respectivement trente-sept et trente en matinée à demi-tarif.

Les incidents d'exploitation sont relativement rares et sont surtout liés à l'usure du câble de traction. La rupture de fils provoque son enroulement autour du grip, empêchant le véhicule de s'arrêter : c'est ainsi que le tramway renverse des charrettes qui n'ont pu se dégager à temps et provoque une grande pagaille dans la rue.

Mais la forte déclivité de la rue de Belleville a provoqué quelques accidents bien plus spectaculaires. Le plus important est survenu le , quand la rupture du grip entraîne l'emballement du véhicule. Celui-ci dévale alors à toute allure la rue de Belleville, traverse la rue des Pyrénées à une vitesse avoisinant les 120 km/h selon la presse, avant de dérailler et de se mettre en travers dans la rue du Faubourg-du-Temple. Les voyageurs sont pris de panique et sautent en marche, ce qui provoque dix-sept blessés. En 1907 et 1909, le tramway ne pouvant freiner à temps, deux collisions surviennent entre les voitures et des automotrices Mékarski au carrefour de la rue des Pyrénées[11]. En , le câble se rompt à nouveau, et une des voitures qui descend la rue de Belleville la dévale jusqu'à la place de la République, en heurtant tous les obstacles du parcours. Cet accident fait quatorze blessés[2].

Le tramway funiculaire et la littérature populaire

Dans La Livrée du crime, Pierre Souvestre et Marcel Allain décrivent Fantômas de retour d’un rendez-vous avec les apaches, empruntant le funiculaire en haut de la rue de Belleville pour se rendre boulevard de Ménilmontant où l’attend la belle Adèle...

Notes et références

  1. Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui, « Notice communale : Belleville », sur ehess.fr, École des hautes études en sciences sociales (consulté le ).
  2. Andrée Jacob, op. cit. en bibliographie.
  3. A. LĂ©vy-Lambert, op. cit. en bibliographie.
  4. « Tramways - Établissement dans Paris d'un tramway funiculaire à câble sans fin entre la Place de la République et l'église de Belleville ; déclaration d'utilité publique (décret) », Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, no 12,‎ , p. 42 (lire en ligne).
  5. Nicholas Papayanis, « Les transports à Paris avant le métropolitain », Métro-cité : Le chemin de fer métropolitain à la conquête de Paris (1871-1945), Paris musées,‎ , p. 25 (ISBN 2-87900-374-1).
  6. « Voie publique : concession de l'exploitation du tramway funiculaire de Belleville », Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, no 8,‎ , p. 271 (lire en ligne).
  7. Jean Robert, Les tramways parisiens, p. 426.
  8. Jean Gennesseaux, Funiculaires et crémaillères de France, p. 31.
  9. « Arrêté préfectoral du 28 mai 1910, organisant la régie du tramway funiculaire de Belleville », Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, no 5,‎ , p. 405-410 (lire en ligne).
  10. Jean Gennesseaux, op. cit., p. 32.
  11. Jean Robert, op. cit., p. 430.
  12. De Burgraff et Lévy-Lambert mentionnent toutefois une longueur de 2325 mètres.
  13. Jean Robert, op. cit., p. 426 Ă  428.
  14. G. de Burgraff, art. cit. en bibliographie.
  15. Lévy-Lambert indique toutefois que le dépôt était situé au 101 de la rue de Belleville, « à environ 100 mètres du terminus ».
  16. Jean Robert, op. cit., p. 429.

Bibliographie

L'embarcadère du tramway, vu de la place de la République.
  • (fr) (en) G. De Burgraff (trad. Joe Thompson), « Le Tramway funiculaire de Belleville », Le Magasin Pittoresque, vol. SĂ©r. 2. T. 8,‎ (lire en ligne)
  • Maxime HĂ©lène, « Le funiculaire de Belleville Ă  Paris », La Nature, Revue des sciences et de leurs applications aux arts et Ă  l'industrie, Masson, vol. 18 (2e sem. 1890), no 905,‎ , p. 283-299 (ISSN 0369-3392) [lire en ligne sur Wikisource]
  • Albert-LĂ©on LĂ©vy-Lambert et Widmer, Chemins de fer funiculaires : Transports aĂ©riens, Paris, Librairie polytechnique Baudry et Cie., coll. « EncyclopĂ©die des travaux publics », , 334 p. (lire en ligne), p. 205-209 et 297-322
  • Sheila Hallsted-Beaumert, « Le funiculaire de Belleville : politique municipale et transports publics Ă  Paris », le XIXe arrondissement, une citĂ© nouvelle, DĂ©lĂ©gation Ă  l'action artistique de la Ville de Paris,‎ , p. 202-204
    Ouvrage coordonné par Béatrice de Andia
  • AndrĂ©e Jacob (prĂ©f. Jean DĂ©rens), Actes du colloque « Le mĂ©tropolitain » (21-22 septembre 1986) : Le funiculaire de Belleville, Ville de Paris, , 296 p., p. 59-64
  • Jean Gennesseaux, Funiculaires et crĂ©maillères de France, Ă©d. La Vie du Rail, 1992, 232 pages (ISBN 9-782902-808427)
  • Jean Robert, Les tramways parisiens, 1992, 573 p.
  • Pierre Monnot, « RĂŞveries sur le funiculaire de Belleville », Chemins de fer rĂ©gionaux et tramways, vol. 2010-5, no 341,‎ , p. 10-15 (ISSN 1141-7447)

Voir aussi

Articles connexes

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