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Traité de la Tafna

Le traité de la Tafna est signé le entre l'émir Abdelkader et le général Bugeaud.

Les termes du traité impliquent qu'Abdelkader reconnait la souveraineté impériale française en Algérie. Cependant, le prix que la France devait payer pour obtenir la reconnaissance impliquait la cession d'environ deux tiers de l'Algérie à Abdelkader (c'est-à-dire les provinces d'Oran, de Koléa, Médéa, Tlemcen et Alger)[1].

L'émir a utilisé le traité pour consolider son pouvoir sur les tribus de l'intérieur, établissant de nouvelles villes loin du contrôle français. Il a travaillé pour motiver la population sous contrôle français à résister par des moyens pacifiques et militaires. Cherchant à affronter à nouveau les Français, il revendiquait, en vertu du traité, le territoire qui comprenait la route principale entre Alger et Constantine. Lorsque les troupes françaises ont contesté cette revendication à la fin de 1839 en marchant à travers un défilé de montagne connu sous le nom de portes de fer, Abdelkader a revendiqué une violation du traité, et a renouvelé les appels au djihad.

Contexte

En 1832, à la suite du début de la conquête française de l'Algérie, Abdelkader devient le chef de guerre (émir) des tribus de la région de Mascara et réussit ensuite à établir son autorité dans la plus grande partie de l'Oranie (l'ancien beylik d'Oran de la régence d'Alger), sauf les lieux occupés par les Français, notamment Oran.

En 1834, un traité est conclu entre l'émir et le général Desmichels, commandant à Oran, mais, paraissant trop favorable à l'émir, il n'est pas réellement accepté par les autorités françaises : Desmichels est relevé de ses fonctions, ainsi que le commandant en chef Théophile Voirol, remplacé par le comte d'Erlon (1834-1835), premier gouverneur général, auquel succède le général Clauzel (1835-1837), qui lance une politique d'hostilités ouvertes contre Hadjout, Médéa, Larbaâ et Thénia.

Cette politique est un échec : les troupes françaises subissent des revers militaires face aux forces d'Abdelkader, en particulier lors la bataille de la Macta en 1835. Appelé à intervenir pour rétablir la situation, le général Bugeaud remporte la victoire de la Sikkak en .

Le gouvernement français désavoue cependant la politique du général Clauzel, qui est relevé en et remplacé par le général Damrémont : la perspective générale est désormais de consolider les possessions françaises du littoral, mais aussi de mettre fin à l'insoumission du bey de Constantine, Ahmed Bey, alors que Clauzel a échoué lors de la première expédition contre lui en .

C'est dans ce cadre qu'un traité est négocié entre Bugeaud et Abdelkader.

Le traitĂ© est signĂ© chap. 1er_2-0">[2] Ă  Rachgounchap. 1er_2-1">[2] près de l'embouchure de la Tafna.

Contenu

Les principales clauses des quinze articleschap. 1er_2-2">[2] du traitĂ© sont les suivantes.

Par l'article 1er, l'Ă©mir « reconnaĂ®t la souverainetĂ© de la France en Afrique »chap. 1er_3-0">[3].

La France accorde Ă  l'Ă©mir :

Mais l'Ă©mir ne peut « pĂ©nĂ©trer dans aucune autre partie de la RĂ©gence »chap. 1er_3-4">[3].

La France abandonne le camp de la Tafna ainsi que Tlemcen et le Mechouarchap. 1er_3-5">[3].

Les Kouloughlis alliĂ©s aux Français sont libres de demeurer Ă  Tlemcen ou de se retirer en conservant leurs bienschap. 1er_3-6">[3].

Le commerce intĂ©rieur entre Arabes et Français est librechap. 1er_3-7">[3]. Mais le commerce extĂ©rieur ne peut se faire que par les ports françaischap. 1er_3-8">[3].

L'Ă©mir obtient le droit de se fournir en poudre et en armes de guerre auprès des Françaischap. 1er_3-9">[3]. Mais il fait Ă  l'armĂ©e française un don de 1 800 hectolitres de froment et d'autant d'orge ainsi que de 5 000 bĹ“ufschap. 1er_3-10">[3].

Conservation

L'original bilingue du traitĂ© est perdun. 1chap. 1er_4-0">[4]. Seules nous en sont parvenues deuxn. 1chap. 1er_5-0">[5] copies, certifiĂ©es conformes Ă  l'original par le contreseing du gĂ©nĂ©ral-baron Simon Bernard, ministre de la Guerre au sein du second cabinet MolĂ©n. 1chap. 1er_4-1">[4] : elles consistent en un feuillet double format ministre, avec le texte français Ă  gauche et le texte arabe Ă  droiten. 1chap. 1er_4-2">[4] ; au bas de la troisième page, sous la signature : « Bugeaud », se trouvaient, Ă  gauche, le « cachet arabe » du gĂ©nĂ©ral et, au centre, celui de l'Ă©mirn. 1chap. 1er_4-3">[4]. Ces copies ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es en 1950 par Marcel Émerit (1899-1985)n. 1chap. 1er_5-1">[5].

Le traité

Les termes du traité demandent à Abdelkader de reconnaître la souveraineté de la France en Algérie. La contrepartie pour les Français est de reconnaître le pouvoir d'Abdelkader sur environ deux tiers de l'ancienne régence d'Alger, les anciens beyliks d'Oran et de Médéa (ou du Titteri), sauf les territoires définis par l'article 2 du traité.

Texte du traité

« Entre le lieutenant général Bugeaud, commandant les troupes françaises dans la province d'Oran, et l'émir Abd-el-Kader, a été convenu le traité suivant :

  • Article 1 : L'Émir Abd el Kader reconnaĂ®t la souverainetĂ© de la France en Afrique.
  • Article 2 : La France se rĂ©serve, dans la province d'Oran, Mostaganem, Mazagran, et leurs territoires, Oran, Arzew, et un territoire limitĂ© comme suit : Ă  l'Est par la rivière Macta, et les marais dont elle sort ; au Sud, par une ligne partant des marais prĂ©citĂ©s, passant par les rives sud du lac, et se prolongeant jusqu'Ă  l'oued Maleh dans la direction de Sidi SaĂŻd ; et de cette rivière jusqu'Ă  la mer, appartiendra aux Français. Dans la province d'Alger, Alger, le sahel, la plaine de la Mitidja – limitĂ©e Ă  l'Est par l'oued Khuddra (chez les AĂŻth AĂŻcha), en aval ; au Sud par la crĂŞte de la première chaĂ®ne du petit Atlas blidĂ©en, jusqu'Ă  la Chiffa jusqu'au saillant de Mazafran, et de lĂ  par une ligne directe jusqu'Ă  la mer, y compris KolĂ©a et son territoire – seront français.
  • Article 3 : L'Émir aura l'administration de la province d'Oran, de celle du Tittery, et de cette partie de la province d'Alger qui n'est pas comprise, Ă  l'Est, Ă  l'intĂ©rieur des limites indiquĂ©es par l'article 2. Il ne pourra pĂ©nĂ©trer dans aucune autre partie de la rĂ©gence.
  • Article 4 : L'Émir n'aura aucune autoritĂ© sur les Musulmans qui dĂ©sirent rĂ©sider sur le territoire rĂ©servĂ© Ă  la France ; mais ceux-ci seront libres d'aller rĂ©sider sur le territoire sous l'administration de l'Émir ; de la mĂŞme façon, les habitants vivant sous l'administration de l'Émir pourront s'Ă©tablir sur le territoire français.
  • Article 5 : Les Arabes habitant sur le territoire français jouiront du libre exercice de leur religion. Ils pourront construire des mosquĂ©es, et accomplir leurs devoirs religieux en tous points, sous l'autoritĂ© de leurs chefs spirituels.
  • Article 6 : L'Émir livrera Ă  l'armĂ©e française 30 000 mesures de blĂ©s, 30 000 mesures d'orge et 5 000 bĹ“ufs.
  • Article 7 : L'Émir aura la facultĂ© d'acheter en France, la poudre, le soufre, et les armes qu'il demandera.
  • Article 8 : Les kouloughlis dĂ©sirant rester Ă  Tlemcen, ou ailleurs, y auront la libre possession de leurs propriĂ©tĂ©s, et seront traitĂ©s comme des citoyens. Ceux qui dĂ©sirent se retirer dans le territoire français, pourront vendre ou louer librement leurs propriĂ©tĂ©s.
  • Article 9 : La France cède Ă  l'Émir, Rachgoun, Tlemcen, sa citadelle, et tous les canons qui s'y trouvaient primitivement. L'Émir s'engage Ă  convoyer jusqu'Ă  Oran tous les bagages, aussi bien que les munitions de guerre, appartenant Ă  la garnison de Tlemcen.
  • Article 10 : Le commerce sera libre entre les Arabes et les Français. Ils pourront rĂ©ciproquement aller s'Ă©tablir sur chacun de leurs territoires.
  • Article 11 : Les Français seront respectĂ©s parmi les Arabes, comme les Arabes parmi les Français. Les fermes et les propriĂ©tĂ©s que les Français ont acquises, ou pourront acquĂ©rir, sur le territoire arabe, leur seront garanties : ils en jouiront librement, et l'Émir s'engage Ă  les indemniser pour tous les dommages que les Arabes pourront leur causer.
  • Article 12 : Les criminels, sur les deux territoires, seront rĂ©ciproquement livrĂ©s.
  • Article 13 : L'Émir s'engage Ă  ne remettre aucun point de la cĂ´te Ă  aucune puissance Ă©trangère, quelle qu'elle soit, sans l'autorisation de la France.
  • Article 14 : Le commerce de la RĂ©gence ne passera que par les ports français.
  • Article 15 : La France maintiendra des agents auprès de l'Émir, et dans les villes sous sa juridiction, pour servir d'intermĂ©diaires aux sujets français, dans tous les diffĂ©rends commerciaux qu'ils pourront avoir avec les Arabes. L'Émir jouira de la mĂŞme facultĂ© dans les villes et ports français.

Tafna, le

Le lieutenant général commandant la province d'Oran, Bugeaud »

Conséquences

Massacre des Ben Zetoun (1837)

Le traitĂ© de la Tafna a remis entre les mains d'Abdelkader la petite tribu des Ben Zetoun, la seule de la Mitidja qui s'Ă©tait alliĂ©e Ă  la France et qui fut ensuite presqu’entièrement anĂ©antie, seuls 1 600 survivants seront recueillis par les Français.

Remise en cause du traité (1839)

En , le général Damrémont lance la seconde expédition contre Constantine, qui réussit, malgré la mort de Damrémont sous les murs de la ville (il est remplacé par le général Valée).

Constantine ne faisant pas partie des territoires de l'émir, la trêve se prolonge jusqu'en 1839, deux années qui permettent à l'émir de perfectionner son État.

Mais, en 1839, a lieu l’expédition des Portes de Fer : les troupes françaises établissent une jonction terrestre entre Alger et Constantine, passant de ce fait par des territoires (les Bibans) inclus dans le territoire de l'émir. Celui-ci en fait un casus belli et, le , informe le général Valée du retour à l'état de guerre. Celle-ci prendra fin en 1847 avec la reddition d'Abdelkader.

Notes et références

  1. « An Account of Algeria, or the French Provinces in Africa », Journal of the Statistical Society of London, vol. 2, no 2,‎ , p. 115-126 (DOI 10.2307/2337980, lire en ligne [PDF], consulté le )
  2. chap. 1er-2" class="mw-reference-text">Ageron 2005, chap. 1er, p. 22.
  3. chap. 1er-3" class="mw-reference-text">Ageron 2005, chap. 1er, p. 23.
  4. n. 1chap. 1er-4" class="mw-reference-text">Ageron 2005, chap. 1er, p. 23, n. 1.
  5. n. 1chap. 1er-5" class="mw-reference-text">Ageron 2005, chap. 1er, p. 29, n. 1.

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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