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Telema tenella

Distribution

Cette espèce est endémique des Pyrénées. Elle se rencontre dans des grottes du massif du Canigou dans les Pyrénées-Orientales en France et de la province de Gérone en Catalogne en Espagne[1] - [2]. En France on la rencontre notamment vers Montferrer et La Preste dans diverses grottes et une mine.

Description

Telema tenella mesure de 1,5 mm Ă  2,5 mm. Cette espèce troglobie ne possède ni yeux ni poumons.

Son prosoma ou céphalothorax, fauve-rougeâtre clair, est dépourvu d'yeux et de strie thoracique médiane contrairement à celui des Leptonètes ; l’anophtalmie y rend imprécises les limites du bandeau ou clypeus. Il porte des chélicères divergentes et de longues pattes grêles, garnies de poils sensoriels et de glandes prétendues "d’Emerit » qui ne sont pas caractéristiques car présentes aussi chez d’autres Araignées. Le mâle possède un bulbe copulateur simple, arrondi, avec un style très court, en apophyse unguiforme (fig.1) et les femelles, un réceptacle séminal impair, médian, remarquablement volumineux qu'ont aussi décrit Chunxia Wang, Ribera Carles et Shuqiang Li (2012).

Fig.1 - Bulbe de Telema mâle, microscope électronique à balayage

L’abdomen est court, globuleux, avec une rĂ©gion Ă©pigastrique convexe, deux paires de stigmates trachĂ©ens ventraux, un colulus, six filières terminales et prĂ©sente surtout une Ă©trange coloration d’un bleu-vert "bouteille" soulignĂ©e par divers auteurs (Simon, 1882 ; Fage, 1913 ; Lopez,1976[3],1977[4],1980[5]),  retrouvĂ©e d’ailleurs chez Usofila pecki (Nouvelle CalĂ©donie : Brignoli, 1980), mais avec une nuance « Ă©meraude" . Dans ses premières coupes histologiques de Telema tenella, A.Lopez (1976)[3] a constatĂ© que cette coloration particulière dĂ©pend de l’intestin moyen, plus prĂ©cisĂ©ment de ses diverticules chylentĂ©riques Ă  large lumière polycyclique contenant des "inclusions" (sphĂ©rites) de mĂŞme teinte.

Par ailleurs, l'abdomen renferme de grandes glandes coxales (Lopez & al.,1983)[6], un appareil sĂ©ricigène original (Lopez,1983)[7], chez le mâle des canaux dĂ©fĂ©rents très dĂ©veloppĂ©s qui Ă©laborent les spermatophores (Lopez & al.,1981) [8]et, chez la femelle, un rĂ©ceptacle sĂ©minal impair, mĂ©dian remarquablement volumineux, vu aussi par Chunxia Wang, Ribera Carles et Shuqiang Li (2012) et qui prĂ©sente une structure microscopique très particulière (Lopez,1983)[9].                  

Intérêt

Telema tenella présente non seulement un intérêt patrimonial en tant que troglobie, endémique et "fossile vivant" mais aussi un intérêt anatomo-physiologique majeur par la production et l'usage de spermatophores ( A. Lopez,1976[3],1977[4]), une étude histologique et ultrastructurale complémentaire (Lopez & Juberthie, 1980)[5] ayant également confirmé la présence de sphérocristaux ou sphérites intestinaux responsables de la coloration abdominale. L'existence de spermatophores (Fig.2), dont l'ultrastructure est aujourd'hui bien connue chez Telema (Lopez & al., 1981)[8], a été retrouvée dans le cas d'autres Telemidae (Lopez & Legendre, 1978)[10].Chunxia Wang, Ribera Carles et Shuqiang Li, 2012, n'en font aucune mention. Ils ne signalent pas de spermatophores ni dans le bulbe du mâle où ils sont pourtant présents après induction (Fig.2), ni dans la spermathèque de la femelle où ils sont également visibles après copulation.

Cet article souligne toute l'importance de l'anatomie microscopique dans la recherche de nouveaux organes, une meilleure compréhension de certains traits du comportement animal et l'apport de critères plus rigoureux dans la systématique.

Fig.2 -Spermatophore (S) dans le tube séminifère du bulbe. E, épithélium glandulaire; P, paroi ; T, tarse

Comportement

Fig.3 - Telema femelle sur sa toile

Telema tenella installe sa toile dans des « niches » très variées du milieu hypogée : anfractuosités des piliers, bornes et coulées stalagmitiques, interstices de murets et même dans les trous de barre à mine ! Cette toile est une nappe ténue (Fig.3), très légère, d’aspect non visqueux, à petites mailles irrégulières, haubanée par quelques fils tenseurs, subhorizontale, d’étendue variable, pouvant dépasser 15 cm de long, et à concavité inférieure plus ou moins marquée, où l’Araignée se tient ventre en l’air.

La femelle Ă©difie des cocons ovigères qui, d'après les observations sur le terrain de Lopez et celles de Juberthie (1985) dans ses Ă©levages, ont une forme discoĂŻdale en lentille plan convexe (Fig.4). Ils sont très petits, mesurent de 1,5 Ă  1,8 mm de diamètre, sont fixĂ©s sur les concrĂ©tions adjacentes ou dans un lacis de fils pĂ©riphĂ©riques tendant la toile et y adoptent une disposition alĂ©atoire, de verticale Ă  horizontale. La coexistence habituelle de plusieurs d'entre eux serait en rapport avec  l'espacement des pontes dans le temps et la lenteur du dĂ©veloppement embryonnaire. Chaque cocon ne contient que très rarement un seul Ĺ“uf, particularitĂ© admise comme constante Ă  la suite de Fage (1913 : pl.69, fig.21), en fait beaucoup plus souvent  deux, et surtout trois ou quatre (Juberthie,1985). Ces Ĺ“ufs ont un diamètre très rĂ©duit, d'environ 0,45 mm. Une mĂŞme femelle  construit chaque annĂ©e un nombre moyen de quatre cocons, un seul Ă  chaque ponte.

En ce qui concerne le cycle vital, Juberthie (1985) a  pu constater, toujours dans ses Ă©levages au Laboratoire souterrain de Moulis, que la durĂ©e du dĂ©veloppement embryonnaire, depuis la ponte jusqu'Ă  la mue suivant l'Ă©closion, est de l'ordre de 9 Ă  11 mois, donc exceptionnellement lente et, sans aucun doute, la plus longue connue Ă  ce jour chez les InvertĂ©brĂ©s souterrains troglobies. Le dĂ©veloppement post-embryonnaire, depuis la sortie du cocon jusqu'Ă  la mue imaginale, est de l'ordre de 3 ans. Quant Ă  la durĂ©e de vie adulte, du moins chez la femelle, elle peut ĂŞtre estimĂ©e Ă  une douzaine d'annĂ©es. Il s'ensuit que Telema tenella a une espĂ©rance totale de vie d'environ 16 ans, longĂ©vitĂ© extraordinaire pour un si petit animal !

Fig.4 - Cocons de Telema tenella suspendus dans la toile

 

Anatomie interne

Les premières coupes histologiques de Telema tenella effectuées par André Lopez[3] ont confirmé l’absence complète d’yeux, avec une régression cérébrale corrélative des centres visuels. Elles ont montré aussi deux glandes à venin banales, des glandes glandes gnathocoxales ou " salivaires " sans dimorphisme sexuel, de gros néphrocytes, du tissu réticulé, un réseau trachéolaire dense, de grosses glandes coxales et surtout, un appareil génital très particulier ainsi que des sphérites intestinaux lui donnant sa couleur abdominale particulière. Enfin, les glandes séricigènes présentent aussi des caractères originaux.

Glandes coxales

Au nombre d'une paire, elles s’ouvrent aux hanches des P I. Leur grand labyrinthe s’étend le long du cerveau jusqu’à la partie postérieure du prosoma (Fig.).

Ce labyrinthe a une "striation" typique dont l'Ă©tude a Ă©tĂ© effectuĂ©e ultĂ©rieurement au microscope Ă©lectronique Ă  transmission (M.E.T). ([null Lopez,1983d]). Elle est liĂ©e Ă  des replis membranaires  qui dĂ©coupent profondĂ©ment le hyaloplasme basal, très riche en mitochondries, et sont solidarisĂ©s par de  belles jonctions septĂ©es ("desmosomes cloisonnĂ©s") (Fig.)

Appareil génital

C'est le tractus gĂ©nital, femelle et surtout mâle,qui reprĂ©sente la particularitĂ© la plus singulière de cette AraignĂ©e pyrĂ©nĂ©enne[3] - [4], Ă  un degrĂ© moindre du genre Apneumonella (Afrique)[10] et, probablement aussi, des autres Telemidae.      

Appareil génital mâle

Il comporte une paire de testicules subsphĂ©riques et deux canaux dĂ©fĂ©rents  longs, très sinueux, convolutĂ©s, s’unissant sur la ligne mĂ©diane en un conduit terminal commun ouvert au gonopore, dans le sillon Ă©pigastrique.

Canaux déférents

L’ensemble des canaux est comparativement plus gros et surtout plus Ă©pais que dans les autres familles d’AraignĂ©es,. Avec son contenu, il forme un massif volumineux,  long d’environ 250 µm chez un mâle de 1,3 mm et occupe ainsi toute la partie antĂ©ro-ventrale de l’abdomen .  Chaque dĂ©fĂ©rent contient une substance amorphe, des spermatozoĂŻdes et, dans sa partie distale ou terminale diffĂ©renciĂ©e, une formation tubuleuse brun-jaunâtre, large d’environ 18 µm, triangulaire en coupe transversale, Ă©voquant un Â«Ă©tui» et pourvue de grĂŞles expansions latĂ©rales. Les gamètes se logent dans ce spermatophore,  superposĂ©s en « pile d’assiettes Â» ou groupĂ©s comme les Ă©rythrocytes dans un capillaire de VertĂ©brĂ©. RevĂŞtant avec ses expansions un  aspect caricatural de «Myriapode Â», le spermatophore se retrouve, apparemment tel quel, dans les coupes histologiques du palpe mâle, , plus prĂ©cisĂ©ment de son bulbe  et, chez la femelle, dans la spermathèque. Il diffère de celui d’Apneumonella sp., autre araignĂ©e Telemidae, qui est jaune-rougeâtre, lovĂ© sur lui-mĂŞme, contient aussi des gamètes empilĂ©s « comme les comprimĂ©s dans leur Ă©tui »mais a un aspect cylindrique, une cavitĂ© axiale rĂ©gulière et ne prĂ©sente aucune expansion (Lopez,1978[10]).

Portion proximale du canal déférent de Telema tenella coupée en long, avec les spermatozoïdes empilés.
Histologie

La structure du dĂ©fĂ©rent n’est pas uniforme. Ce conduit montre en effet une portion proximale sinueuse dont l’épithĂ©lium, très bas, rappelle un revĂŞtement endothĂ©lial, une portion  intermĂ©diaire Ă  cellules plus hautes et  une partie  distale longue et complexe. Renfermant le spermatophore, cette dernière  est formĂ©e par des cellules prismatiques beaucoup plus grandes, surtout ventralement (hauteur : 30 µm) et Ă  noyaux ovoĂŻdes très apparents.

Ultrastructure

Outre son Ă©pithĂ©lium interne, la paroi du dĂ©fĂ©rent montre au microscope Ă©lectronique Ă  transmission (M.E.T.) une lame basale et une couche de fibres musculaires dont le hyaloplasme contient des faisceaux de myofibrilles caractĂ©ristiques isolĂ©s.L'Ă©pithĂ©lium est simple, prismatique et sĂ©crĂ©toire. Ses cellules sont solidarisĂ©es par des zonulae adherens sub-apicales et de longues jonctions septĂ©es. Sa lumière est large, arrondie et rĂ©gulière dans la portion proximale, puis ovale au dĂ©but de la partie diffĂ©renciĂ©e ou portion intermĂ©diaire (Fig.), pourvue enfin d’une gouttière ventrale lui

Cellules épithéliales glandulaires du canal déférent de Telema tenella avec leurs organites vues au microscope électronique à transmission;

confĂ©rant un curieux aspect en « as de pique Â» dans le reste de la partie diffĂ©renciĂ©e ou portion distale. Il s’ensuit qu’au niveau de cette dernière la paroi dĂ©fĂ©rentielle prĂ©sente une zone dorsale mince et une zone ventrale ou accessoire plus Ă©paisse (SchĂ©ma-diagramme).

Dans la portion proximale, en continuitĂ© avec le testicule, les cellules Ă©pithĂ©liales aplaties ont un plasmalemme basal prĂ©sentant de nombreux replis. Leurs sommets  sont rĂ©unis par des jonctions sub-apicales. Le cytoplasme renferme des lysosomes (Fig.). Le  rĂ©ticulum endoplasmique est granulaire, très abondant et produit de petites vĂ©sicules s'ouvrant dans la lumière pour y dĂ©verser leur contenu sĂ©crĂ©toire. Ce mĂŞme matĂ©riel englobe les spermatozoĂŻdes encore dĂ©pourvus  de coque ou capsule d'enkystement, et, lorsque ces derniers s’empilent,  s’insinue entre leurs faces juxtaposĂ©es pour y former des disques plus opaques apparaissant comme des  bandes rĂ©gulières (600 A) dans les coupes longitudinales (Fig.).

Dans la partie diffĂ©renciĂ©e, les cellules Ă©pithĂ©liales  sont plus hautes, uniformĂ©ment (portion intermĂ©diaire), et  surtout dans

Cellules épthéliales glandulaires du canal déférent de Telema tenella. Détails de leurs organites vus au microscope électronique à transmission;

la zone ventrale de la grande portion distale (SchĂ©ma-diagramme). Leur noyau central renferme une chromatine fine et dispersĂ©e (Fig.). Le rĂ©ticulum endoplasmique est formĂ© par de nombreuses cisternae lisses et granulaires (Fig.16,18) dont dĂ©rivent des vĂ©sicules Ă  contenu peu contrastĂ©. L'appareil de Golgi est remarquablement dĂ©veloppĂ© (Fig.). Il se compose d’empilements sacculaires ou dictyosomes surtout nombreux dans la zone dorsale et Ă©laborant une grande quantitĂ© de vĂ©sicules Ă  contenu opaque.Les mitochondries sont peu nombreuses et pourvues de crĂŞtes parallèles. Les vĂ©sicules golgiennes et rĂ©ticulaires libèrent leur contenu dans la lumière au niveau des pĂ´les apicaux. Il s’y fusionne avec la sĂ©crĂ©tion provenant de la partie proximale pour former un matĂ©riel granuleux positif Ă  l’APS et Ă  la tĂ©trazorĂ©action de Danielli, donc glycoprotĂ©ique[8].

Les spermatozoĂŻdes mĂ»rs se sont formĂ©s dans le testicule Ă  partir de spermatides d’abord polymorphes et amiboĂŻdes, puis polarisĂ©es, pourvues d’un noyau  allongĂ©, enfin flagellĂ©es[8] . Chacun d’eux est entourĂ© par une capsule ou coque

Cellules épthéliales glandulaires du canal déférent de Telema tenella. Autres détails de leurs organites vus au microscope électronique à transmission;

d'enkystement glycoprotĂ©ique (Fig.) semblable Ă  celle des autres AraignĂ©es et peu condensĂ©. Son cytoplasme est abondant,  aucune phase d’élimination cytoplasmique  n’ayant Ă©tĂ© clairement observĂ©e au cours de la spermiogĂ©nèse ; il est

Spermatozoide de Telema tenella et l'axonème de son flagelle rétracté en 4 tours. Microscope électronique à transmission.

très riche en mitochondries Ă  crĂŞtes concentriques (Fig.), en vĂ©sicules ovoĂŻdes et en membranes enchevĂŞtrĂ©es d'origine golgienne vraisemblable.  Le noyau et la baguette acrosomienne sont Ă©tirĂ©s et enroulĂ©s sur eux-mĂŞmes, le premier suivant 1 tour et demi ou 2. L'axonème du flagelle, de type 9 + 3 comme chez les autres Araneides, est rĂ©tractĂ© dans le cytoplasme oĂą il s’enroule sur 4 Ă  5 tours (Fig. ). De plus, chaque gamète montre un « prolongement Â» qui pĂ©nètre dans une digitation, y est accompagnĂ© par la capsule et renferme lui aussi des organites (vĂ©sicules, , amas parallèles de membranes sinueuses, (Fig.).

Description

Le spermatophore s'individualise dans la portion distale du canal dĂ©fĂ©rent. ...  Il a bien la forme insolite d’un Ă©tui prismatique triangulaire (SchĂ©ma), avec deux grandes faces latĂ©rales un peu convexes et une face basale plus rĂ©duite, lĂ©gèrement concave. Il est ouvert Ă  ses deux extrĂ©mitĂ©s et selon une gĂ©nĂ©ratrice, au niveau de la mĂŞme  base qui montre donc une dĂ©hiscence longitudinale lui confĂ©rant aussi un aspect en gouttière (SchĂ©ma-diagramme , Fig.). Les rebords de cette fente portent chacun une sĂ©rie de digitations disposĂ©es en alternance, initialement sur un rang puis sur 2 files parallèles, dĂ©calĂ©es mais s’entrecroisant ( SchĂ©ma ). Ces digitations  contiennent les prolongements des spermatozoĂŻde La paroi du spermatophore est elle-mĂŞme formĂ©e par 3 couches superposĂ©es, interne, moyenne et externe Ă  l’exception toutefois des bords basaux (Fig.) et des digitations (Fig.) qui n’en ont qu’une seule, l’interne [9]Lopez,1981c).Cette couche interne est la plus Ă©paisse (0,45 µm) et possède une structure paracristalline (Fig.). Elle semble striĂ©e dans les coupes transversales (Fig.) mais montre dans les longitudinales et axiales un rĂ©seau polygonal très rĂ©gulier,

Fig. - Telema : coupe transversale du spermatophore dans le canal déférent. B, base avec sa fente - E, épithélium du déférent - L, lumière du déférent - P prolongements de spermatozoïdes. M.E.T.

en «nid d’abeilles», dont chaque Ă©lĂ©ment constitutif est centrĂ© par une fibre dense.  La distance moyenne entre 2 fibres est de 75 Ă… (Fig.). La  couche moyenne ou intermĂ©diaire est beaucoup plus mince  (500 Ă  600 Ă…) et formĂ©epar des agrĂ©gats de matĂ©riel dense lui donnant un aspect hĂ©tĂ©rogène alvĂ©olĂ© (Fig.). La couche externe, qui est la plus originale, se prĂ©sente comme un ensemble de piliers Ă©troits (diamètre = 150 Ă…), d’abord bas et granuleux dans la paroi en formation (Fig.) puis plus hauts (0,2 µm) et homogènes (Fig.). Ils s’alignent en sĂ©ries parallèles perpendiculairement Ă  l’axe de la gouttière et sont ainsi responsables d’une striation transversale. 

Cette ultrastructure est retrouvĂ©e dans la spermathèque lorsque le spermatophore y a Ă©tĂ© introduit (Fig.), d'abord inchangĂ©e (Fig.) puis avec des modifications  portant sur la couche  interne (aspect "flou") et la couche externe (inclinaison des piliers un mĂŞme sens) (fig.). La couche moyenne parait plus nette  tandis que la capsule ou coque d'enkystement gamĂ©tique semble s'effacer(Fig.).

Le "prolongement" de  chaque  spermatozoĂŻde pĂ©nètre avec sa capsule dans une digitation formĂ©e par la seule couche

Paroi du spermatophore de Telema tenella en formation, détail. Microscope électronique à transmission.

interne et qui l'englobe comme un petit Ă©tui individuel  (Fig.).

Commentaires

 Sur le plan anatomique, le canal dĂ©fĂ©rent de Telema tenella est remarquable par son volume, son intense activitĂ© sĂ©crĂ©toire d’origine golgienne et le fait qu’il Ă©labore  une structure ayant bien tous les caractères d’un spermatophore. Bien que ce dernier ne soit pas un produit de glandes annexĂ©es Ă  l’appareil gĂ©nital et n’ait pas la forme de capsules closes, plus ou moins complexes, souvent pĂ©diculisĂ©es comme chez les autres Arthropodes (dont les Scorpiones et Pseudoscorpions parmi les Arachnides), il n’en prĂ©sente pas moins les particularitĂ©s essentielles de ce type d’ Â« appareil ». Il s’agit en effet d'une formation autonome, bien individualisĂ©e, rĂ©gulière et gĂ©omĂ©trique, en gouttière digitĂ©e, possĂ©dant une paroi propre Ă  ultrastructure complexe, monolaminaire dans sa face basale et les digitations, trilaminaire ailleurs, avec une couche paracristalline et les curieux "piliers" externes. « piliers Â» externes.  Une telle organisation fait dĂ©faut chez toutes les autres

Paroi du spermatophore de Telema tenella plus évolué, détail. Microscope électronique à transmission.

AraignĂ©es, y compris celles qui prĂ©sentent  des « aggrĂ©gats Â» de spermatozoĂŻdes comme les Dysderidae ("sphĂ©rulation" :Lopez,1972) (Fig. ), les Filistatidae et mĂŞme certains Mygalomorphes dont les gamètes se groupent Ă  plusieurs dans une mĂŞme coque d'enkystement (Nemesia, M.E.T.:Lopez,1981). DĂ©crivant de semblables "aggrĂ©gats" dans le cadre de ses "coenospermies", Alberti (1988) y a inclus aussi les spermatophores des Telemidae,  considĂ©rĂ©s par lui comme une simple forme « complexe Â» des prĂ©cĂ©dentes. Les ultrastructures observĂ©es chez Telema tenella invalident dĂ©finitivement l'opinion critique de ce dernier auteur ainsi que ses assertions ultĂ©rieures, en collaboration, sur la mĂŞme espèce et sa famille (Albert & Coyle,1991; Michalik & Alberti,2004), toutes ses images diffĂ©rant des photos ci-contre . Les spermatozoĂŻdes empilĂ©s dans le spermatophore ont des caractères semblables Ă  ceux des autres AraignĂ©es (capsule glycoproteinique individuelle, triplet axial,  rĂ©traction de l’axonème enroulĂ© comme le noyau), mais en diffèrent nĂ©anmoins parce qu’ils conservent tout le cytoplasme de la spermatide.

SchĂ©ma-diagramme du spermatophore logĂ© dans le canal dĂ©fĂ©rent de Telema tenella. SpermatozoĂŻdes, en rose foncĂ© ; spermatophore, en vert-jaune clair et ses digitations, en vert-jaune foncĂ©  ; dĂ©fĂ©rent avec son Ă©pithĂ©lium, en bleu  et sa musculature, en rouge

Sur le plan fonctionnel,le spermatophore reprĂ©sente pour les gamètes mâles un «conditionnement» ou appareil d’ Â«emballage» renforçant leur protection dĂ©jĂ  assurĂ©e par les capsules individuelles tout en  leur permettant de progresser vers l’aval et le gonopore. Ce cheminement  dans le dĂ©fĂ©rent pourrait ĂŞtre facilitĂ© non seulement par la contraction des muscles pariĂ©taux, par l'"accrochage" des digitations Ă  la paroi du canal bien qu’elles ne prĂ©sentent pas d’ultrastructure motrice  et par la striation transversale jouant  Ă©galement un rĂ´le mĂ©canique.   Le spermatophore est initialement produit par le canal dĂ©fĂ©rent sur un mode ininterrompu, semble bien ouvert Ă  ses deux extrĂ©mitĂ©s et doit donc subir un « tronçonnement Â» ultĂ©rieur lors de la « transmission spermatique Â». Bien qu’il n’ait jamais Ă©tĂ©  observĂ©, ce processus existe sans aucun doute . Lors de l’« Ă©jaculation primaire Â», des fragments issus du gonopore pourraient ĂŞtre dĂ©posĂ©s sur une toile spermatique dĂ©pourvue de [null sĂ©crĂ©tion Ă©pigastrique] et absorbĂ©s ensuite dans les bulbes (induction spermatique). L’apophyse unguiforme de ces derniers, leur concavitĂ© et l’orifice en fente extensible permettraient le recueil puis la pĂ©nĂ©tration des fragments dans les tubes sĂ©minifères oĂą ils se pelotonnent jusqu’à l’accouplement (Fig . 5, 6)et leur insertion ultĂ©rieure (« Ă©jaculation secondaire Â») dans la [null spermathèque femelle].Coyle,1991

Sur le plan phylogĂ©nique, l’élaboration et l’usage d’un spermatophore chez Telema tenella et probablement aussi chez les autres Telemidae apparaissent comme le maintien d’un caractère archaĂŻque. Alexander et Ever (1957) avaient d’ailleurs envisagĂ© son existence chez les AraignĂ©es primitives et sa perte ultĂ©rieure  lors de l’évolution dans le tissage de la toile. Cette dernière hypothèse ne paraĂ®t toutefois pas applicable Ă  Telema car elle construit des cocons ovigères et un Ă©difice soyeux en nappe assez perfectionnĂ©s. Par ailleurs, et comme dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© par Lopez (1977) bien qu'il ne connaisse pas encore Telema tenella , le spermatophore des autres AraignĂ©es pourrait avoir Ă©tĂ© remplacĂ©, en cours d’évolution, par le produit sĂ©crĂ©toire des glandes prĂ©gonoporales (appareil Ă©pigastrique) qui serait alors son Ă©quivalent.

Sur le plan systĂ©matique, il apparait que grâce au spermatophore, les genres Telema et Apneumonella peuvent ĂŞtre rapprochĂ©s l’un de l’autre dans le cadre d’une parentĂ© Ă©troite mise en doute par Lehtinen (1967) trop axĂ© sur l’appareil visuel. La famille des TĂ©lĂ©mides se trouve ainsi validĂ©e, non seulement par la  structure particulière des organes gĂ©nitaux (Brignoli,1973) mais surtout par leur contenu. Elle est donc bien distincte de celle des Leptonetidae, auxquels  Fage (1913) les rattacha naguère, car ces derniers possèdent un bulbe copulateur plus complexe,  deux spermathèques  symĂ©triques et surtout, des gamètes mâles logĂ©s sans ordre apparent dans une substance amorphe inorganisĂ©e. 

Sphérocristaux (Sphérites)

Les cellules à ferment et absorbantes de l'intestin renferment une foule d’ « inclusions » arrondies, de taille assez variable, colorées naturellement en bleu-vert (Fig. 5), paraissant « encapsulées » et opaques ou de structure réticulée , retrouvées dans la poche cloacale et seules responsables, par leur pullulation, de la teinte

Fig.5 - Sphérites (S : colorés naturellement en vert) dans l'intestin de Telema. Coupe histologique.

gĂ©nĂ©rale de l’abdomen, d'abord interprĂ©tĂ©es comme des « microorganismes …peut ĂŞtre des symbiontes particuliers, contenant un pigment Ă  mĂ©tal chromogène, nĂ©cessaires pour la survie prĂ©caire de Telema tenella » ( Lopez,1976)[3].  En fait, l’étude au microscope Ă©lectronique Ă  transmission montra plus tard ( Lopez,1980)[5] qu’il s’agit de sphĂ©rites ou sphĂ©rocristaux, concrĂ©tions inertes, polymorphes, rondes ou ovoĂŻdes, zonĂ©es concentriquement, associant un « nucleus » opaque central et une sĂ©rie de strates pĂ©riphĂ©riques alternativement claires et sombres (Fig.6). Ces sphĂ©rites naissent dans des vĂ©sicules du rĂ©ticulum par condensation d’un matĂ©riel granuleux abondant : le « nucleus » y apparait en premier et s’entoure ensuite des strates concentriques dont le nombre semble augmenter avec l’âge et le volume de la concrĂ©tion. Leur analyse chimique sur coupes par microsonde Ă  rayons X (W.Humbert, Strasbourg) y a mis en Ă©vidence du calcium (le plus abondant : 100 chocs par seconde), de l’aluminium (un Ă©lĂ©ment pourtant rare dans ce type de concrĂ©tion : 10 chocs par seconde), du soufre, du phosphore, du potassium, mais pas de cuivre, pourtant prĂ©sent dans le biotope et qui aurait pu ĂŞtre responsable de la

Fig.6 - Sphérites ou sphérocristaux. M.E.T.

couleur verte des sphĂ©rites. Connus aussi chez les NĂ©matodes, les Opilions et surtout, de très nombreux Insectes, dont les Collemboles, les sphĂ©rocristaux jouent un rĂ´le dans les rĂ©gulations ionique, hydrique et dans l'excrĂ©tion par accumulation. Il en est probablement de mĂŞme pour ceux de  Telema tenella.

Appareil séricigène

L'appareil sĂ©ricigène offre lui  aussi   une activitĂ©  sĂ©crĂ©toire originale (Lopez,1983 c).     

Taxinomie

Cette espèce a été décrite en 1882 par l'arachnologiste français Eugène Simon (1848-1924). Elle est l'espèce-type du genre Telema.

Annexes

Bibliographie

  • Eugène Simon, « Études Arachnologiques. 13e MĂ©moire. XX. Descriptions d'espèces et de genres nouveaux de la famille des Dysderidae », Annales de la SociĂ©tĂ© entomologique de France, 6e sĂ©rie, vol. 2,‎ , p. 201-240 (lire en ligne)
  • (en) Chunxia Wang, Ribera Carles et Shuqiang Li, « On the identity of the type species of the genus Telema (Araneae, Telemidae) », ZooKeys, no 251,‎ , p. 11–19 (DOI 10.3897/zookeys.251.3616).
  • C. Juberthie et A. Lopez, « Ă€ propos du spermatophore et des sphĂ©rocristaux de l'araignĂ©e Telema tenella(Telemidae) : quelques donnĂ©es ultrastructurales », dans C. R. Vè. Colloque Arach. IX, 1979, Barcelone, (lire en ligne), p. 111-118
  • A. Lopez et H Salvayre, « L'AraignĂ©e cavernicole pyrĂ©nĂ©enne Telema tenella Simon et son habitat », Bulletin de la SociĂ©tĂ© d'Ă©tude des Sciences naturelles de BĂ©ziers, vol. 4, no 45,‎ , p. 17-23

Liens externes

Notes et références

  1. WSC, consulté lors d'une mise à jour du lien externe
  2. Entoflorachne, description de l'espèce Telema tenella par André Lopez-Moncet
  3. Lopez et Salvayre 1976.
  4. A. Lopez, « Sur un nouveau mode de reproduction chez les AraignĂ©es : existence de spermatophores chez Telema tenella Simon. Bull. Soc. Zool. France, 102, p. 261- 266. », Bull. Soc. Zool. France, 102, p. 261- 266.,‎
  5. Juberthie et Lopez 1980.
  6. A.Lopez, avec L.Juberthie-Jupeau et J.C.Bonaric., « Structure et ultrastructure des glandes coxales chez Telema tenella Simon (Araneae, Telemidae). », Mém.Biospéol.,X, p.433-437,‎
  7. A.Lopez avec J.Kovoor -, « Structure et ultrastructure de l'appareil sĂ©ricigène chez Telema tenella. Simon (Araneae, Telemidae). MĂ©m.BiospĂ©ol.,X, p.419-425. », MĂ©m.BiospĂ©ol.,X, p.419-425.,‎
  8. A. Lopez, avec C. Juberthie et J. Kovoor, « Spermiogenesis and spermatophore in Telema tenella Simon (Araneae : Telemidae). An ultrastructural study. », Int. J.Invert. Reprod., 3, 181-191.,‎
  9. A.Lopez, avec L.Juberthie-Jupeau, « Structure et ultrastructure de la spermathèque chez Telema tenella. Simon (Araneae, Telemidae). », MĂ©m.BiospĂ©ol.,X, p.413-418.,‎
  10. A. Lopez, avec R.Legendre, « PrĂ©sence d’un spermatophore dans le genre Apneumonella (Araneae : Telemidae) : valeur taxonomique et problèmes de biologie sexuelle. », Bull.Soc.Zool.France, 103, p.35-41.,‎
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