Tarot
Le tarot est le nom de plusieurs jeux de cartes et de plusieurs ensembles de cartes à jouer, généralement au nombre de 78. Le premier jeu de tarot a été créé au XVe siÚcle en Europe. Les différents jeux de tarot permettent de jouer à de multiples jeux tels le tarocchini (it) italien ou le tarot français. à partir de la fin du XVIIIe siÚcle, le tarot possÚde également un usage occulte et mystique.
Ătymologie
Le mot « tarot » est un emprunt Ă l'italien tarocchi (mĂȘme sens), qui dĂ©riverait de tara, « dĂ©duction, perte de valeur », le joueur devant, dans la plupart des cas, mettre des cartes de cĂŽtĂ©[1]. C'est l'Ă©cart ou « chien » des joueurs de tarot.
Le philosophe Emmanuel d'Hooghvorst, commentateur de plusieurs lames du tarot, renvoie aussi à une explication de Mandel : « Taroté se disait autrefois d'une superficie dorée à la feuille, lorsqu'elle était poinçonnée ou gravée avec un stylet ou un poinçon pour imprimer un dessin sur l'or. Les fonds des premiers tarots enluminés étaient obtenus de cette façon »[2]. D'Hooghvorst ajoute : « Un des plus anciens jeux de tarots que nous connaissions, les tarots des Visconti, nous montre, en effet, des personnages peints sur feuilles d'or tarotées[3]. »
Cependant, le participe passĂ© français « tarotĂ© », qui nâest pas attestĂ© avant le XVIIe siĂšcle, dĂ©signe un motif de dos imprimĂ© avec des ornements rĂ©pĂ©tĂ©s. Ce nâest donc pas le cas des tarots enluminĂ©s du XVe siĂšcle, qui ont des fonds dâor estampĂ©s « sur la face » de la carte (les dos sont gĂ©nĂ©ralement badigeonnĂ©s de noir ou de rouge sombre)[4]. Lâadjectif « tarotĂ© » (et le verbe, plus rare, « taroter », au sens dâimprimer les dos des cartes de petits motifs rĂ©pĂ©tĂ©s) nâest utilisĂ© quâen français. Il nâa pas dâĂ©quivalent en italien. Ainsi, la proposition de Gabriel Mandel, reprise par lâalchimiste belge Emmanuel d'Hooghvorst, relĂšve-t-elle dâune confusion et dâune connaissance mĂ©diocre des cartes.
D'autres étymologies encore plus fantaisistes ont été proposées, comme une référence à la riviÚre italienne Taro[5].
à l'origine, les cartes de tarot sont appelées trionfi en italien (« triomphes »). Le mot français est attesté depuis au moins 1505 ; François Rabelais appelle « tarau » l'un des jeux joués par Gargantua en 1534[1] - [6].
Selon le psychanalyste Hanania Alain Amar, reprenant une théorie née à la fin du XVIIIe siÚcle avec Court de Gébelin, le tarot est « un jeu populaire inspiré de la Kabbale », et Sigmund Freud y jouait[7].
Caractéristiques
Généralités
Comme un paquet de cartes ordinaire, le tarot comporte quatre enseignes (qui varient de rĂ©gion en rĂ©gion : enseignes françaises en Europe du Nord, enseignes latines en Europe du Sud et enseignes allemandes en Europe centrale). Chaque enseigne compte dix cartes Ă points, de l'as au dix, et quatre figures : valet, cavalier, dame et roi. En outre, le tarot se distingue par un ensemble de 21 cartes d'atout et une derniĂšre carte nommĂ©e le Fou ou lâExcuse ; suivant le jeu, cette derniĂšre sert d'atout ou peut ĂȘtre dĂ©faussĂ©e pour Ă©viter d'avoir Ă jouer une autre carte[8].
Il existe une grande variĂ©tĂ© de cartes de tarot et un certain nombre de types rĂ©gionaux ont Ă©mergĂ©. Historiquement, l'une des variĂ©tĂ©s les plus importantes est le tarot de Marseille ; certaines Ă©ditions actuelles basĂ©es sur ce tarot remontent Ă un paquet imprimĂ© par le cartier Nicolas Conver en 1760. Le Troccas (en) suisse remplace la Papesse et le Pape par Junon et Jupiter. Ă Florence, un jeu Ă©tendu, le Minchiate, est utilisĂ© au XVIe siĂšcle ; il comporte 97 cartes, dont des symboles astrologiques. Certains jeux existent avant tout comme Ćuvres d'art et ne contiennent parfois que les 22 cartes d'atout.
Le jeu de tarot varie Ă©galement. En Italie, le jeu est devenu moins populaire ; le tarocchini (en) de Bologne a toutefois survĂ©cu et il en existe des variĂ©tĂ©s jouĂ©es au PiĂ©mont. Le tarot français est le plus populaire en France et des tarots rĂ©gionaux sont jouĂ©s en Europe centrale, oĂč ils sont appelĂ©s tarock, tarok ou tarokk.
Enseignes latines
Les tarots aux enseignes latines (bùtons, coupes, deniers et épées) sont les plus vieilles formes de cartes de tarot, conçues au XVe siÚcle dans le nord de l'Italie. Quatre types sont encore utilisés de nos jours :
- Le tarot piĂ©montais (en) est constituĂ© de 14 cartes de chaque enseigne : roi, dame, cavalier, valet, suivis des nombres de 10 Ă 1. Les atouts sont l'Ange (numĂ©rotĂ© 20, mais nĂ©anmoins le plus fort), le Monde (21), le Soleil (19), la Lune (18), l'Ătoile (17), la Tour (16), le Diable (15), la TempĂ©rance (14), la Mort (13), le Pendu (12), la Force (11), la Roue de Fortune (10), l'Ermite (9), la Justice (8), le Chariot (7), les Amants (6), le Pape (5), l'Empereur (4), l'ImpĂ©ratrice (3), la Papesse (2) et le Bateleur (1). Ă ceux-ci s'ajoute le Fou (Matto).
- Le tarot de Besançon et le Troccas suisse sont similaires, mais le dessin est différent ; ils remplacent le Pape par Jupiter, la Papesse par Junon et l'Ange par le Jugement. Les atouts sont ordonnés suivant l'ordre numérique et la Tour est appelée la Maison Dieu.
- Le tarot de Bologne omet les cartes numĂ©rales de 2 Ă 5, conservant 62 cartes, et ses atouts sont diffĂ©rents : tous ne sont pas numĂ©rotĂ©s et quatre sont de mĂȘme rang. Le dessin est Ă©galement diffĂ©rent.
- Le tarot sicilien modifie certains atouts et remplace le 21 par une carte appelée Miseria. Il fait l'impasse sur le deux et le trois de denier, et les cartes entre l'as et le quatre des bùtons, coupes et épées : il comporte donc 64 cartes. Elles sont petites et là encore d'un dessin spécifique.
Les tarots destinés à un usage divinatoire sont généralement basés sur ce type de tarots.
Enseignes françaises
Les tarots munis d'enseignes françaises (cĆurs, carreaux, piques et trĂšfles) apparaissent en Allemagne pendant le XVIIIe siĂšcle. Ils sont appelĂ©s tarots animaliers (en) (Tiertarock en allemand) car les cartes dâatout dĂ©crivent des scĂšnes animaliĂšres. Le cartier Göbl de Munich est souvent crĂ©ditĂ© de cette innovation.
Ces cartes sont utilisées actuellement pour les tarots joués en France et en Europe centrale. Le symbolisme des atouts diffÚre considérablement des anciens modÚles italiens. Les tarots aux enseignes françaises sont utilisés presque exclusivement pour les jeux de cartes et trÚs rarement pour la divination.
- Tarot animalier, XVIIIe siĂšcle.
- Tarot d'Europe centrale, 54 cartes.
- Tarot nouveau français, vers 1910.
Tarot divinatoire
La divination Ă l'aide de cartes Ă jouer est prĂ©sente dĂšs 1540 dans le livre Le Sorti di Francesco Marcolino da ForlĂŹ qui dĂ©crit une mĂ©thode simple, oĂč les cartes ne servent qu'Ă choisir un oracle au hasard et n'ont aucune signification par elles-mĂȘmes. Des manuscrits de 1735 (The Square of Sevens) et 1750 (Pratesi Cartomancer) documentent une signification rudimentaire des cartes de tarots, ainsi qu'un systĂšme pour les prĂ©senter. Giacomo Casanova Ă©crit dans son journal qu'en 1765, sa maĂźtresse russe use frĂ©quemment d'un jeu de cartes pour la divination[9].
Si on se sert des lames du tarot comme moyen de prévoir l'avenir, c'est, selon E. d'Hooghvorst, « par une sorte d'amputation de leur principe, dans l'ignorance de l'intention primitive des imagiers. La divination vulgaire n'est plus que l'écorce vide de l'ancienne mantique ou prophétie dont le rÎle n'est pas d'annoncer ce qui arrivera demain ou aprÚs-demain, mais de dire le monde à venir ou ùge d'or, ce qui est trÚs différent[10]. »
Le tarot dans la culture populaire
Littérature
- Dans l'univers de Cardcaptor Sakura (ă«ăŒăăăŁăăżăŒăăă, KÄdokyaputÄ Sakura), manga de CLAMP adaptĂ© en sĂ©ries et films d'animation de type magical girl shoujo, la source des pouvoirs magiques du rĂŽle-titre prend la forme d'un lot de cartes inspirĂ© du tarot.
- Martyrs d'Olivier Peru, roman de fantasy, illustrations intérieures et couverture de l'auteur, éditions J'ai Lu
- Livre I,
- Livre II,
- Cycle des Princes d'Ambre de Roger Zelazny, roman de fantasy oĂč les atouts du tarot permettent de voyager. Florence Magnin dessina un magnifique tarot d'Ambre Ă©ditĂ© chez Descartes.
- JoJo's Bizarre Adventure, partie 3, dont les Stands des personnages sont représentés par les cartes de tarot.
- Aruosumente, un manga de Aki, utilise un jeu de carte magique inspiré du tarot comme élément central de son intrigue.
Cinéma
- Cléo de 5 à 7 (1962) d'AgnÚs Varda
Jeux vidéo
- Dans la sĂ©rie de jeux vidĂ©o Persona, des jeux de rĂŽle dĂ©veloppĂ©s par Atlus, les protagonistes de chaque jeu et leurs alliĂ©s sont tous associĂ©s Ă une arcane du tarot correspondant Ă leur caractĂšre. Certains peuvent mĂȘme invoquer une Persona, une sorte d'ange gardien reprĂ©sentant leur personnalitĂ©, Ă©galement associĂ©e Ă une arcane. Les intrigues des jeux utilisent beaucoup le tarot divinatoire comme Ă©lĂ©ment de l'histoire, particuliĂšrement en donnant aux protagonistes l'arcane du Mat (The Fool dans les versions japonaise et anglaise), symbolisant leur potentiel, dans la mesure oĂč ils sont les seuls Ă pouvoir manier plusieurs Personas.
Annexes
Liens internes
Références
- Informations lexicographiques et étymologiques de « tarot » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- G. Mandel, Les Tarots des Visconti, Paris, Vilo,
- E. d'Hooghvorst, Le Fil de PĂ©nĂ©lope, tome 1, Paris, La Table d'Ămeraude, , 358 p. (ISBN 978-2-903965-41-9), p. 212.
- Thierry Depaulis, Tarot jeu et magie, Paris, BibliothĂšque nationale, 1984.
- (en) Cassandra Eason, Complete Guide to Tarot, Crossing Press, , 249 p. (ISBN 1-58091-068-8), p. 3
- François Rabelais, Gargantua, « 22, Les Jeux de Gargantua »
- Dir. Thierry Feral (professeur agrĂ©gĂ© dâhistoire, directeur Ă©ditorial), Le racisme. TĂ©nĂšbres des consciences, Paris, LâHarmattan, 2005, 209 pp. Collection âAllemagne dâhier et dâaujourdâhuiâ., p. 66-67. Lire en ligne
- (en) Michael Dummett et Sylvia Mann, The game of Tarot : From Ferrara to Salt Lake City, , 600 p. (ISBN 978-0-7156-1014-5)
- (en) Giacomo Casanova, Arthur Machen, « The Complete Memoires of Jacques Casanova de Seingalt »
- E. d'Hooghvorst, Le Fil de PĂ©nĂ©lope, tome I, Paris, La Table d'Ămeraude, , 358 p. (ISBN 978-2-903965-41-9), p. 213.