TĂ©viec
Téviec ou Théviec[1] est un ßlot privé[2] situé à l'ouest de l'isthme de la presqu'ßle de Quiberon, à Saint-Pierre-Quiberon en Bretagne.
TĂ©viec Tevieg (br) | |||||
L'Ăźle de TĂ©viec (Ă droite) et le rocher de Guernic (Ă gauche) vus depuis la plage de PenthiĂšvre | |||||
GĂ©ographie | |||||
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Pays | France | ||||
Localisation | Golfe de Gascogne (océan Atlantique) | ||||
CoordonnĂ©es | 47° 33âČ 22âł N, 3° 09âČ 55âł O | ||||
Superficie | 0,053 5 km2 | ||||
CĂŽtes | 1,60 km | ||||
GĂ©ologie | Ăle continentale | ||||
Administration | |||||
Statut | Ăle privĂ©e | ||||
RĂ©gion | Bretagne | ||||
DĂ©partement | Morbihan | ||||
Commune | Saint-Pierre-Quiberon | ||||
DĂ©mographie | |||||
Population | Aucun habitant | ||||
Autres informations | |||||
Découverte | Préhistoire | ||||
GĂ©olocalisation sur la carte : arrondissement de Lorient
GĂ©olocalisation sur la carte : Morbihan
GĂ©olocalisation sur la carte : Bretagne
GĂ©olocalisation sur la carte : France
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Ăle de France | |||||
L'ßle est un important site archéologique du Mésolithique.
Protection
TĂ©viec fait partie des zones de protection spĂ©ciale (ZPS) du « massif dunaire GĂąvres-Quiberon et zones humides associĂ©es »[3] et de la « Baie de Quiberon »[4], des sites d'intĂ©rĂȘt communautaire (SIC) selon la directive Oiseaux.
L'Ăźlot fait l'objet d'un arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral de protection de biotope (APPB) qui vise la prĂ©servation de biotopes variĂ©s, indispensables Ă la survie dâespĂšces protĂ©gĂ©es spĂ©cifiques[5] - [6] depuis le (via le conservatoire du littoral). L'accostage sur la plage est autorisĂ© ; cependant lâaccĂšs Ă lâĂźlot est formellement interdit sous peine de poursuite judiciaire[7].
- L'Ăźle de TĂ©viec vue depuis la plage du Pouladen.
Site archéologique mésolithique
Contexte
TĂ©viec fait partie des rares sites du MĂ©solithique subsistant en Bretagne, avec la Pointe de la Torche, Hoedic et Beg er Vil sur la presquâĂźle de Quiberon[2]. Un habitat et un cimetiĂšre de cette pĂ©riode y ont Ă©tĂ© dĂ©couverts et fouillĂ©s de 1928 Ă 1930[8] ou 1928 Ă 1934[9] par un couple d'amateurs d'archĂ©ologie lorrains, Marthe et Saint-Just PĂ©quart.
à l'époque de l'occupation, entre 5 500 et 5 300 av. J.-C., l'ßlot était rattaché au continent[9] ; c'était au mésolithique une pointe rocheuse car le niveau de la mer était plus bas de 12 mÚtres par rapport à nos jours[10]. L'habitat était installé sur un amas coquillier ayant livré les restes de nombreux mollusques marins, de crustacés, de seiche, de poissons (labridés), d'oiseaux (dont des pingouins, des canards, des bécasses ou des pygargues), des cétacés et des mammifÚres terrestres (sanglier, cerf, aurochs[2], chevreuil, chien, etc.)[11], ainsi que des résidus de taille de silex[2].
C'est dans ces zones de vie et de rejet des déchets coquilliers que les chasseurs-cueilleurs ont enterré certains de leurs défunts. Les coquillages ont permis la trÚs bonne conservation des sépultures, leur carbonate isolant les ossements du sol acide[2].
DĂ©couvertes
TĂ©viec a ainsi livrĂ© dix sĂ©pultures, dont certaines contenaient plusieurs morts, pour un total de 23 individus, adultes et enfants[12]. CreusĂ©es dans l'amas coquillier, elles Ă©taient souvent associĂ©es Ă des foyers et pouvaient ĂȘtre recouvertes par des massifs de pierres ou des dalles[13].
Plusieurs des squelettes ont Ă©tĂ© datĂ©s, avec des rĂ©sultats qui indiquent une occupation globalement situĂ©e dans le courant du sixiĂšme millĂ©naire avant notre Ăšre[14]. Les problĂšmes particuliers posĂ©s par la datation au radiocarbone en milieu littoral (effet rĂ©servoir) ne permettent ni d'ĂȘtre plus prĂ©cis ni d'Ă©valuer exactement la durĂ©e d'utilisation du cimetiĂšre[15].
Trois des squelettes mis au jour se trouvent au MusĂ©e de la PrĂ©histoire de Carnac, deux au MusĂ©e des AntiquitĂ©s nationales de Saint-Germain-en-Laye, deux au MusĂ©e des Confluences Ă Lyon, neuf Ă lâInstitut de palĂ©ontologie humaine de Paris[16]. La sĂ©pulture A est conservĂ©e au musĂ©um de Toulouse. Dâautres ont Ă©tĂ© perdus ou dĂ©truits depuis leur dĂ©couverte[15].
Les Péquart ont aussi trouvé dans l'amas coquillier des centaines d'objets[17], principalement des outils en silex et des objets en os et en bois de cervidés. Les vestiges lithiques mis au jour comprennent de nombreux microlithes géométriques correspondant à des armatures de projectiles (« trapÚzes », « triangles scalÚnes larges », etc.).
Certains squelettes portent des traces de mort violente, dont la cause fait l'objet de suppositions : des traces de coups violents sont constatés en 2010 par des médecins légistes sur le crùne des individus de la sépulture A[2] - [16] - [18] - [19] - [20].
La sépulture K contenait six squelettes déposés successivement, mais à intervalles rapprochés. L'un des individus (le premier occupant ?) de cette sépulture, un homme d'une vingtaine d'années, a été daté au carbone 14 entre 5 600 et 5 300 avant J.-C. Il a été frappé simultanément par deux projectiles en silex[21]. Pour Grégor Marchand, chercheur au CNRS et spécialiste du Mésolithique, cette sépulture collective serait la trace d'une tuerie[2] - [18].
En 2016 Bruno Boulestin, anthropologue Ă l'universitĂ© de Bordeaux, fait une rĂ©vision bioarchĂ©ologique complĂšte ces sĂ©pultures et de celles du site contemporain d'HĆdic, rĂ©Ă©valuant les descriptions faites par les PĂ©quart Ă partir des documents qu'ils ont laissĂ©s et contrĂŽlant l'Ăąge et le sexe des dĂ©funts ; il rĂ©fute les donnĂ©es Ă©tablies depuis 2010[15], parlant pour la sĂ©pulture A de « mythe »[22].
- Colliers de coquillages et parures diverses trouvées dans une des tombes mésolithiques de Téviec (Musée de préhistoire de Carnac)
La sépulture A du muséum de Toulouse
Dans cette sépulture, les deux défunts ont été ensevelis avec beaucoup de soin dans une fosse creusée moitié dans le sous-sol et moitié dans l'amas coquillier, et recouverts par des bois de cervidés[8] - [15]. Le mobilier funéraire comprend des silex, un stylet en os, ainsi que des parures constituées de coquilles marines percées et assemblées en colliers ou bracelets.
Marthe et Saint-Just PĂ©quart, Ă la suite de TĂ©viec, ont travaillĂ© Ă la demande dâHenri Breuil au Mas dâAzil dans lâAriĂšge. C'est durant cette pĂ©riode toulousaine qu'ils ont donnĂ© la sĂ©pulture A au musĂ©um de Toulouse.
La reconstitution de cette tombe a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă Philippe Lacomme qui, au dĂ©but du XXe siĂšcle, Ă©tait le taxidermiste et prĂ©parateur du musĂ©um. Il a signĂ© cette Ćuvre en la datant de 1938. Cette piĂšce a Ă©tĂ© conservĂ©e depuis dans la galerie de la PrĂ©histoire du MusĂ©um, jusquâĂ sa refonte en 1997. En 2010, l'ensemble a Ă©tĂ© entiĂšrement rĂ©novĂ© et la restauration actuelle est due Ă BenoĂźt Gransac, prĂ©parateur du musĂ©um. Cette piĂšce fait partie dâune exposition temporaire au musĂ©um de Toulouse sur la PrĂ©histoire, qui a reçu le label dâintĂ©rĂȘt national.
Ă l'occasion de cette restauration, les deux squelettes que contient la sĂ©pulture ont Ă©tĂ© rĂ©examinĂ©s. Jusque-lĂ , le squelette de droite Ă©tait donnĂ© pour un homme et celui de gauche pour une femme, Ă la suite des dĂ©terminations effectuĂ©es par Marcellin Boule et Henri Victor Vallois[8]. L'Ă©tude de 2010 conclut quâil sâagit de deux femmes ĂągĂ©es de 25 Ă 30 ans[2] - [18]. La rĂ©vision dĂ©finitive rĂ©alisĂ©e en 2016 par Bruno Boulestin a montrĂ© quâen rĂ©alitĂ© ce diagnostic rĂ©cent est erronĂ© et que les attributions premiĂšres sont correctes : la sĂ©pulture contiendrait bien les restes dâune femme (de 18 Ă 23 ans) et dâun adolescent masculin de 15 Ă 19 ans[15].
Par ailleurs, une expertise menĂ©e par le palĂ©oanthropologue JosĂ© Braga et par deux mĂ©decins lĂ©gistes conclut en 2010 Ă l'existence de coups violents sur la tĂȘte d'un des individus et Ă la prĂ©sence de flĂšches ayant entraĂźnĂ© la mort[2] - [16] - [18] - [19] - [20]. Cette conclusion est rĂ©futĂ©e par Boulestin, pour qui il nây a aucune trace de mort violente sur les squelettes de la sĂ©pulture A de TĂ©viec[15], cette expertise lĂ©giste n'ayant « jamais fait l'objet d'une publication scientifique » et a Ă©tĂ© exploitĂ©e comme « scoop archĂ©ologique gore » par les mĂ©dias[22].
Des analyses de l'ADN ont également été tentées sur les deux squelettes. Là encore, contrairement à ce qui avait été avancé au moment de la préparation de l'exposition temporaire, elles n'ont donné aucun résultat fiable[23].
Notes et références
- Carte de Cassini
- Nicolas Guillas, « Les squelettes de TĂ©viec montent Ă Paris », Sciences Ouest, no 293,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Massif dunaire Gùvres-Quiberon et zones humides associées » - FR5300027. Fiche et cartographie ZPS Natura 2000.
- « Baie de Quiberon » - FR5310093. Fiche et cartographie ZPS Natura 2000.
- Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage, « Les ßles et ßlots, des espaces réglementés », Espaces protégés, sur golfedumorbihan.org (consulté le ).
- « ArrĂȘtĂ© de prĂ©fectoral de protection de biotope »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?)
- « Sécurité des baignades et des activites nautiques »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?)
- M. Péquart, S.-J. Péquart, Marcellin Boule et H. Vallois, Téviec, station nécropole mésolithique du Morbihan, Paris, Archives de l'Institut de Paléontologie Humaine, Mémoire n° 18, , 227 p..
- Marc Azéma, « La nécropole mésolithique de Téviec », Dossiers Sciences, sur futura-sciences.com, (consulté le ).
- Sciences Ouest n°319, « TĂ©viec, lâĂźle aux squelettes », (consultĂ© le ).
- M. Orliac et C. Masset, « Téviec et Hoëdic, Morbihan », dans André Leroi-Gourhan, Dictionnaire de la Préhistoire, PUF, , p. 1085-1086.
- P. Caillard, « L'habitat nĂ©cropole de TĂ©viec et les sĂ©pultures d'HoĂ«dic. Ătude comparative de certaines dimensions dentaires et crĂąniennes », Bulletins et MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© d'anthropologie de Paris, vol. 3, no 4,â , p. 363-382 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le ).
- Nathalie Molines, « Les pionniers de l'archĂ©ologie insulaire Marthe et Saint-Just PĂ©quart », Sciences Ouest, Espace des sciences no 164,â , « lien brisĂ© »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?).
- R.J. Schulting, « Nouvelles dates AMS Ă TĂ©viec et HoĂ«dic (Quiberon, Morbihan) [Rapport prĂ©liminaire] », Bulletin de la SociĂ©tĂ© PrĂ©historique Française, vol. 96, no 2,â , p. 203-207 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Bruno Boulestin, « Les sĂ©pultures mĂ©solithiques de TĂ©viec et Hoedic : rĂ©visions bioarchĂ©ologiques », Archaeopress, Oxford,â (lire en ligne)
- Nicolas Guillas, « Morts violentes Ă TĂ©viec, enquĂȘte prĂ©historique », ArMen, no 192,â (rĂ©sumĂ©).
- MYSTĂRE. TuĂ© de 2 flĂšches plantĂ©es dans le dos, qui Ă©tait K6 ? Sur l'Ăźle de TĂ©viec, l'Ă©nigme demeure
- François Simon, « Qui donc a occis les deux miss de l'ßle Téviec ? », sur ouest-france.fr, (consulté le ).
- Le MusĂ©um de Toulouse et l'invention de la PrĂ©histoire, Toulouse, Ăd. du MusĂ©um de Toulouse, , 228 p. (ISBN 978-2-906702-18-9, prĂ©sentation en ligne), p. 206-210.
- Patelles et bigorneaux, quand les derniers préhistoriques sillonnaient la Bretagne, de Vincent Charpentier (prod.) et de Dany Journo (réal.), France Culture - émission Le Salon Noir, 8 février 2012 [voir en ligne] : avec Grégor Marchand et Yaël Mandelbaum.
- « Marthe et Saint-Just PĂ©quart, archĂ©ologues des Ăźles - De Houat Ă HĆdic, 1923â1934 »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?) [dossier de prĂ©sentation de l'exposition du musĂ©e de prĂ©histoire Ă Carnac, 28 juin - 31 dĂ©cembre 2008, p. 10 du document pdf], sur inrap.fr (consultĂ© le ).
- Bruno Boulestin, « Rites funestes et mythes romanesques : la leçon de la sĂ©pulture A de TĂ©viec », Bulletin de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, t. 113, no 4,â , p. 811-813 (lire en ligne).
- Grégor Marchand, Gaëlle Cap-Jedikian, Françoise Berretrot, Nicolas Guillas, Squelettes de Téviec : vos questions aux scientifiques, conférence de l'Espace des sciences, 14 décembre 2011.
Voir aussi
Bibliographie
- Marthe et Saint-Just PĂ©quart, archĂ©ologues des Ăźles : De Houat Ă HĆdic, 1923â1934, Melvan, coll. « la revue des deux Ăźles », (ISBN 978-2-9520979-1-8). Voir compte-rendu par Boris Valentin, Bulletin de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, 2007 ; et la prĂ©sentation du livre par l'association Melvan.