Structure hyperfine
La structure hyperfine dâun niveau dâĂ©nergie dans un atome consiste en une sĂ©paration de ce niveau en Ă©tats dâĂ©nergie trĂšs proches. Il sâobserve essentiellement par une raie spectrale dans le domaine radio ou micro-onde, comme la raie Ă 21 centimĂštres de lâhydrogĂšne atomique.
La structure hyperfine sâexplique en physique quantique comme une interaction entre deux dipĂŽles magnĂ©tiques :
- Le dipÎle magnétique nucléaire résultant du spin nucléaire ;
- Le dipĂŽle magnĂ©tique Ă©lectronique liĂ© au moment cinĂ©tique orbital et au spin de lâĂ©lectron.
Sây ajoutent des corrections prenant en compte le moment quadripolaire du noyau atomique.
Historique
La structure hyperfine optique Ă©tait dĂ©jĂ observĂ©e en 1891 par Albert Abraham Michelson[1]. Elle nâa, cependant, uniquement pu ĂȘtre expliquĂ©e quâavec lâaide de la mĂ©canique quantique lorsque Wolfgang Pauli a proposĂ© lâexistence dâun petit moment magnĂ©tique nuclĂ©aire en 1924[2] - [3]. Cette proposition est intervenue afin dâexpliquer lâobservation, quelques mois auparavant, de la structure hyperfine du mercure et du bismuth par HantarĆ Nagaoka, Y. Sugiura et T. Mishima[4]. En 1927, Samuel Goudsmit et Ernst Back ont effectuĂ© une Ă©tude dĂ©taillĂ©e de la structure hyperfine du bismuth[3] - [5].
En 1935, Hermann SchĂŒler (de) et Theodor Schmidt (de) ont proposĂ© lâexistence dâun moment quadrupolaire nuclĂ©aire dans le but dâexpliquer les anomalies observĂ©es dans la structure hyperfine[3].
Théorie
DipÎle magnétique
Le terme dominant dans lâhamiltonien hyperfin est typiquement un terme dipolaire magnĂ©tique. Les noyaux atomiques avec un spin nuclĂ©aire non nul ont un moment magnĂ©tique dipolaire, exprimĂ© par
oĂč est le facteur g et est le magnĂ©ton nuclĂ©aire.
Il existe une Ă©nergie associĂ©e au moment magnĂ©tique dipolaire en prĂ©sence dâun champ magnĂ©tique. Pour un moment magnĂ©tique dipolaire nuclĂ©aire, ÎŒI, placĂ© dans un champ magnĂ©tique, B, le terme pertinent dans lâhamiltonien est donnĂ© par[6]
En lâabsence dâun champ extĂ©rieur appliquĂ©, le champ magnĂ©tique ressenti par le noyau correspond Ă celui associĂ© aux moments angulaires orbital (l) et de spin (s) des Ă©lectrons :
Le moment angulaire orbital de lâĂ©lectron est issu du mouvement de lâĂ©lectron par rapport Ă un certain point extĂ©rieur fixe qui correspond Ă la position du noyau. Le champ magnĂ©tique localisĂ© au noyau et causĂ© par le mouvement dâun seul Ă©lectron, avec la charge Ă©lectrique e, est donnĂ© par la relation :
oĂč r correspond Ă la position du noyau par rapport Ă lâĂ©lectron. En fonction du magnĂ©ton de Bohr, cette expression devient :
mev correspond Ă lâimpulsion de lâĂ©lectron, p, et rĂp/ħ est le moment angulaire orbital en unitĂ©s de ħ, l ; lâexpression devient :
Pour un atome Ă plusieurs Ă©lectrons, cette expression est gĂ©nĂ©ralement Ă©crite en termes de moment angulaire orbital total, , en sommant sur tous les Ă©lectrons et en utilisant lâopĂ©rateur de projection, , oĂč . Pour les Ă©tats avec une projection bien dĂ©finie du moment angulaire orbital, Lz, on peut Ă©crire , ce qui donne :
Le moment angulaire de spin Ă©lectronique est une propriĂ©tĂ© fondamentalement diffĂ©rente puisquâil est intrinsĂšque Ă la particule et quâil ne dĂ©pend ainsi pas du mouvement de lâĂ©lectron. NĂ©anmoins, il sâagit dâun moment angulaire et nâimporte quel moment angulaire associĂ© Ă une particule chargĂ©e conduit Ă un moment dipolaire magnĂ©tique ; câest la source du champ magnĂ©tique. Un Ă©lectron avec un moment angulaire de spin, s, a un moment magnĂ©tique, ÎŒs, donnĂ© par :
oĂč gs est le facteur g de spin de lâĂ©lectron et le signe nĂ©gatif indique que lâĂ©lectron est chargĂ© nĂ©gativement (considĂ©rant que des particules chargĂ©es nĂ©gativement et positivement avec une masse identique, voyageant sur des chemins Ă©quivalents, auront le mĂȘme moment angulaire, mais crĂ©eront des courants dans des directions opposĂ©es).
Le champ magnĂ©tique dâun moment dipolaire, ÎŒs, est donnĂ© par[7] :
La contribution complĂšte du dipĂŽle magnĂ©tique Ă lâhamiltonien hyperfin est ainsi donnĂ©e par :
Le premier terme donne lâĂ©nergie du dipĂŽle nuclĂ©aire dans le champ crĂ©Ă© par le moment angulaire orbital Ă©lectronique. Le second terme correspond Ă lâĂ©nergie de lâinteraction à « distance finie » du dipĂŽle nuclĂ©aire avec le champ crĂ©Ă© par les moments magnĂ©tiques de spin Ă©lectroniques. Le dernier terme, souvent appelĂ© « interaction de contact de Fermi (en) », dĂ©signe lâinteraction directe du dipĂŽle nuclĂ©aire avec les dipĂŽles de spin et est uniquement non nul pour les Ă©tats avec une densitĂ© de spin Ă©lectronique finie Ă la position du noyau (ceux avec des Ă©lectrons non appariĂ©s dans les sous-couches « s »). Il a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© que lâon obtient une expression diffĂ©rent lorsque lâon prend en compte la distribution de moment magnĂ©tique nuclĂ©aire dĂ©taillĂ©e[8].
Pour les Ă©tats avec l â 0, cela peut sâexprimer par
oĂč :
Si la structure hyperfine est petite comparĂ©e Ă la structure fine (parfois appelĂ©e couplage IJ par analogie avec le couplage LS), I et J sont des bons nombres quantiques et les Ă©lĂ©ments de matrice de peuvent ĂȘtre approximĂ©s par une diagonale dans I et J. Dans ce cas (gĂ©nĂ©ralement vrai pour les Ă©lĂ©ments lĂ©gers), on peut projeter N sur J (oĂč J = L + S est le moment angulaire Ă©lectronique total) et on obtient[9] :
Cela est habituellement Ă©crit comme
avec la constante de structure hyperfine qui est dĂ©terminĂ©e expĂ©rimentalement. Comme I.J = Âœ{F.F - I.I - J.J} (oĂč F = I + J est le moment angulaire total), cela donne une Ă©nergie de
Dans ce cas, lâinteraction hyperfine satisfait la rĂšgle de l'intervalle de LandĂ© (en).
QuadrupĂŽle Ă©lectrique
Les noyaux atomiques avec un spin dispose dâun moment quadrupolaire Ă©lectrique[10]. Dans le cas gĂ©nĂ©ral, il est reprĂ©sentĂ© par un tenseur dâordre 2, , avec des composantes donnĂ©es par[7] :
oĂč i et j sont les indices du tenseur allant de 1 Ă 3, xi et xj sont les variables spatiales x, y et z dĂ©pendant des valeurs de i et j respectivement, ÎŽij est le delta de Kronecker et Ï(r) est la densitĂ© de charge. Ătant un tenseur dâordre 2 Ă trois dimensions, le moment quadrupolaire a 3ÂČ = 9 composantes. Ă partir de la dĂ©finition des composantes, il est clair que le tenseur quadrupolaire est une matrice symĂ©trique (Qij = Qji) et quâil est Ă©galement sans trace (ÎŁiQii = 0) ce qui donne seulement cinq composantes dans la reprĂ©sentation irrĂ©ductible. En lâexprimant en utilisant la notation des tenseurs sphĂ©riques irrĂ©ductibles, on obtient[7] :
LâĂ©nergie associĂ©e avec un moment quadrupolaire Ă©lectrique dans un champ Ă©lectrique ne dĂ©pend pas de la force du champ, mais du gradient de champ Ă©lectrique, identifiĂ© par , un autre tenseur dâordre 2 donnĂ© par le produit dyadique de lâopĂ©rateur nabla avec le vecteur de champ Ă©lectrique :
avec les composantes données par :
De nouveau, il apparait quâil sâagit dâune matrice symĂ©trique et, du fait que la source du champ Ă©lectrique au noyau est une distribution de charge entiĂšrement Ă lâextĂ©rieur du noyau, quâelle peut sâexprimer comme un tenseur sphĂ©rique Ă 5 composantes, , avec[11] :
oĂč :
Le terme quadrupolaire dans lâhamiltonien est ainsi donnĂ© par :
Un noyau atomique typique se rapproche Ă©troitement dâune symĂ©trique cylindrique ce qui conduit au fait que tous les Ă©lĂ©ments en dehors de la diagonale sont proches de zĂ©ro. Pour cette raison, le moment quadrupolaire Ă©lectrique nuclĂ©aire est souvent reprĂ©sentĂ© par Qzz[10].
Structure hyperfine moléculaire
Lâhamiltonien hyperfin molĂ©culaire inclut les termes dĂ©jĂ dĂ©rivĂ©s du cas atomique avec un terme dipolaire magnĂ©tique pour chaque noyau avec et un terme quadrupolaire Ă©lectrique pour chaque noyau avec . Les termes dipolaires magnĂ©tiques ont Ă©tĂ© dĂ©rivĂ©s pour la premiĂšre fois pour des molĂ©cules diatomiques par Robert A. Frosch et Henri M. Foley[12] et les paramĂštres hyperfins rĂ©sultants sont souvent appelĂ©s les paramĂštres hyperfins de Frosch-Foley.
En plus des effets décrits ci-dessus, il existe des effets spécifiques au cas moléculaire[13].
Spin-spin nucléaire direct
Chaque noyau avec a un moment magnĂ©tique non nul qui Ă la fois est la source du champ magnĂ©tique et qui dispose dâune Ă©nergie associĂ©e du fait de la prĂ©sence du champ combinĂ© Ă tous les autres moments magnĂ©tiques nuclĂ©aires. Une sommation sur chaque moment magnĂ©tique ressentant le champ induit par chaque « autre » moment magnĂ©tique donne le terme spin-spin nuclĂ©aire directe de lâhamiltonien hyperfin, [13].
oĂč α et αâ sont es indices reprĂ©sentant respectivement le noyau contribuant Ă lâĂ©nergie et le noyau qui est la source du champ. En remplaçant dans cette expression le moment dipolaire par le moment angulaire nuclĂ©aire et le champ magnĂ©tique du dipĂŽle, les deux Ă©tant donnĂ© ci-dessus, on obtient :
Spin-rotation nucléaire
Les moments magnétiques nucléaires dans une molécule existe dans un champ magnétique du fait du moment angulaire, T (R est le vecteur de déplacement internucléaire), associés à la rotation de la molécule[13].
Applications
Astrophysique
Ătant donnĂ© que la sĂ©paration hyperfine est trĂšs petite, les frĂ©quences de transition ne sont en gĂ©nĂ©ral pas visibles, mais se situent dans le domaine radio ou micro-onde.
La structure hyperfine donne la raie à 21 centimÚtres observée dans les régions HI dans le milieu interstellaire.
Carl Sagan et Frank Drake ont considĂ©rĂ© que la transition hyperfine de lâhydrogĂšne Ă©tait un phĂ©nomĂšne suffisamment universel pour quâelle soit utilisĂ©e comme unitĂ© de temps et de longueur sur la plaque de Pioneer et plus tard sur le Voyager Golden Record.
En radioastronomie, les rĂ©cepteurs hĂ©tĂ©rodynes sont largement utilisĂ©s dans la dĂ©tection de signaux venant dâobjets cĂ©lestes. Les sĂ©parations parmi les divers composants de la structure hyperfine sont gĂ©nĂ©ralement assez petites pour sâadapter Ă la bande de frĂ©quence intermĂ©diaire (en) du rĂ©cepteur. Du fait que lâĂ©paisseur optique varie avec la frĂ©quence, les rapports de force entre les composants hyperfins diffĂšrent de leur intensitĂ© intrinsĂšque. Ă partir de cela, il est possible de dĂ©duire des paramĂštres physiques de lâobjet[14].
Technologie nucléaire
Le processus de sĂ©paration isotopique par laser sur vapeur atomique (SILVA) utilise la sĂ©paration hyperfine entre les transitions optiques de lâuranium 235 et 238 pour photo-ioniser sĂ©lectivement les atomes dâuranium 235 pour ensuite sĂ©parer les particules ionisĂ©s de ceux qui ne le sont pas[15]. Les lasers Ă colorant rĂ©glĂ©s prĂ©cisĂ©ment sont utilisĂ©s comme source pour obtenir la longueur dâonde exacte.
Utilisation dans la définition de la seconde et du mÚtre du SystÚme international
La transition de structures hyperfines peut ĂȘtre utilisĂ©e pour crĂ©er un filtre notch (filtre coupe-bande) au niveau des micro-ondes avec une trĂšs grande stabilitĂ©, reproductibilitĂ© et facteur Q, qui peut donc ĂȘtre utilisĂ© comme base pour une horloge atomique trĂšs prĂ©cise. Typiquement, la frĂ©quence de transition de structures hyperfines d'un isotope particulier d'un atome de cĂ©sium ou de rubidium est utilisĂ©e comme base pour ces horloges.
Ătant donnĂ© la prĂ©cision des horloges atomiques basĂ©es sur les transitions hyperfine, ces transitions sont maintenant utilisĂ©es comme base de la dĂ©finition de la seconde. Une seconde est dĂ©finie depuis 1967 comme la durĂ©e de 9 192 631 770 pĂ©riodes de la radiation correspondant Ă la transition entre les deux niveaux hyperfins de lâĂ©tat fondamental de lâatome de cĂ©sium 133.
Le , la dix-septiÚme Conférence générale des poids et mesures a défini le mÚtre comme la longueur du chemin parcouru par la lumiÚre dans le vide pendant un intervalle de temps de 1299792458 de seconde[16] - [17].
Test de prĂ©cision de lâĂ©lectrodynamique quantique
La sĂ©paration hyperfine dans lâhydrogĂšne et dans le muonium a Ă©tĂ© utilisĂ© pour mesurer la valeur de la constante de structure fine α. Des comparaisons avec des mesures de cette constante effectuĂ©es dans dâautres systĂšmes physiques permettent un test de prĂ©cision de l'Ă©lectrodynamique quantique.
Qubit dans lâinformatique quantique Ă ions piĂ©gĂ©s
Les Ă©tats hyperfins dâun ion piĂ©gĂ© sont couramment utilisĂ©s pour stocker des qubits dans les ordinateurs quantiques Ă ions piĂ©gĂ©s. Ils ont lâavantage dâavoir des temps de vie trĂšs longs, dĂ©passant expĂ©rimentalement la dizaine de minutes (Ă comparer Ă la seconde pour les niveaux Ă©lectroniques mĂ©tastables)[Note 1].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Hyperfine structure » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Des temps plus longs ne sont pas atteints du fait de fluctuations non contrĂŽlĂ©es du champ magnĂ©tique crĂ©ant un dĂ©phasage alĂ©atoire entre les niveaux de lâion choisis pour encoder lâinformation[18].
Références
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Bibliographie
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