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Soukhoï Su-24

Le Soukhoï Su-24 (code OTAN Fencer) est un bombardier tout-temps à géométrie variable de première ligne soviétique. Au total, environ 1 400 exemplaires en ont été produits.

Soukhoï Su-24
Vue de l'avion.
Soukhoï Su-24 de l’Armée de l’air russe

Constructeur Soukhoï
Rôle Bombardier
Premier vol
Mise en service
Date de retrait Toujours en service
Nombre construits 1 400
Équipage
2 hommes (1 pilote et 1 opérateur de système d'armes)
Motorisation
Moteur Saturn/Lyulka AL-21F-3A
Nombre 2
Dimensions
vue en plan de l’avion
Envergure voilure déployée : 17,64 m
voilure repliée : 10,37 m
Longueur 24,60 m
Hauteur 6,19 m
Masses
À vide 22 300 kg
Maximale 39 570 kg
Performances
Vitesse maximale 2 320 km/h (Mach 2,18)
Plafond 16 500 m
Rayon d'action 1 400 km
Armement
Interne 1 canon GSh-6-23M de 23 × 115 mm avec 500 obus
Externe 8000 kg comprenant des bombes lisses, guidées (Laser et TV) et nucléaires, roquettes, missiles, nacelle ECM

Conception

Contexte

Lors de l'entrée en service du Soukhoï Su-7b en 1961, le gouvernement, sur l'insistance des militaires, chargea Soukhoï de mettre au point une version tout temps de cet appareil, capable de frappes de précision. Des études préliminaires avec les prototypes S-28 et S-32 révélèrent que la cellule du Su-7 était trop petite pour accueillir l'intégralité de l'avionique nécessaire à cette mission[1]. L'OKB-794 (connue ultérieurement sous le nom de Leninets)[2] était de fait chargée de mettre au point un système de navigation et d'attaque très perfectionné dénommé Puma[1].

Un Su-24MR de reconnaissance russe sur le tarmac en 2013. On distingue bien la configuration biplace côte à côte du cockpit.

Lorsque les Soviétiques virent les premières images du F-111 américain, ils prirent conscience du retard qu'ils avaient dans le domaine du bombardier de pénétration à basse altitude. N'ayant à opposer que de modestes et anciens Yak-28 Brewer et Iliouchine Il-28 Beagle, ils s'inspirèrent du design de l'américain pour concevoir le leur.

Initialement, ils ne retinrent pas les ailes à géométrie variable du F-111 qui leur semblaient par trop complexes. En 1962, ils dessinèrent et construisirent la maquette du S-6, un avion biplace à aile delta, motorisé par deux turboréacteurs Tumansky R-21, et dont l'équipage était installé en tandem, c'est-à-dire l'un derrière l'autre[3]. Néanmoins, la mise au point du système de navigation Puma ayant pris du retard, le développement du S-6 n'alla pas plus loin[1].

En 1964, Soukhoï commença à travailler sur le S-58M, une évolution de l'intercepteur Soukhoï Su-15 (ou S-58 dans la nomenclature du constructeur). Dans le même temps, l'armée de l'air soviétique modifia ses exigences: elle désirait maintenant un avion d'attaque ADAC qui puisse voler au-dessus de la vitesse du son à basse altitude pendant de longues périodes pour percer les défenses anti-aériennes ennemies[1]. L'appareil était conçu pour être équipé de deux turboréacteurs Tumansky R-27 à postcombustion pour le vol en croisière et de quatre turboréacteurs Rybinsk RD-36-35 utilisés lors des phases de décollage et d'atterrissage. Les deux membres d'équipage purent être placés côte à côte car la taille de l'antenne du radar Orion nécessitait un avion de grande largeur[1]. Pour tester la configuration à six réacteurs, le premier prototype du Su-15 fut converti en appareil d'essai S-58VD qui fut utilisé entre 1966 et 1969[1].

Mise au point

Le développement de cet avion (qui reçut la désignation T-6) fut officiellement autorisé le 24 août 1965. Le premier prototype ou T-6-1 fut achevé en mai 1967 et vola pour la première fois le 2 juillet avec Vladimir Iliouchine aux commandes[1]. L'information n'arrivera en Occident qu'en 1971. Les premiers vols furent effectués sans les quatre réacteurs de sustentation qui ne furent installés qu'en octobre 1967. Dans le même temps, les deux Tumansky R-27 furent remplacés par des  turboréacteurs Lyulka AL21F. Les essais de décollage et atterrissage courts confirmèrent les résultats obtenus avec le S-58VD, à savoir que ces capacités étaient obtenues au détriment de l'autonomie et de la capacité d'emport car les six réacteurs occupaient un espace qui aurait pu être dévolu aux réservoirs de carburants internes et aux points d'emport placés sous le ventre de l'avion. L'appareil présentait de plus une instabilité prononcée au moment des phases de transition entre vol de croisière et vol ADAC[1]. Pour toutes ces raisons, l'idée d'installer six réacteurs dans l'avion fut abandonnée.

En 1967, le F-111 était entré en service et avait fait la démonstration des avantages pratiques de l'aile à géométrie variable ainsi que des solutions techniques à employer pour remédier à ses problèmes. Le 7 octobre 1968, Soukhoï fut donc officiellement chargé d'étudier l'installation d'une aile à géométrie variable sur le T-6. Le résultat de ces études, le T-6-2I, vola le 17 janvier 1970, toujours piloté par Vladimir Iliouchine. Les essais gouvernementaux durèrent ensuite jusqu'en 1974 du fait de la complexité des systèmes embarqués[1]. Pour la première fois, un avion tactique soviétique disposait d'une capacité de frappe tout-temps, et ce grâce au système de navigation et d'attaque Puma composé de deux radars Orion-A superposés pour la navigation et l'attaque, d'un radar de suivi de terrain Relyef qui permettait un pilotage automatique lors des vols à basse et très basse altitude et, enfin, d'un ordinateur de bord Orbita-10-58[1]. L'équipage était installé sur deux sièges éjectables Zvezda K-36D, afin de pouvoir évacuer l'appareil à n'importe quelle vitesse et altitude, y compris pendant les phases de décollage et d'atterrissage[1].

Les essais du Su-24 furent endeuillés par dix accidents mortels qui coutèrent la vie à treize pilotes d'essais de Soukhoï et des forces aériennes soviétiques et l'avion subit ensuite cinq crashs par an en moyenne au cours de sa carrière[4].

Le premier avion de série vola le 31 décembre 1971 piloté V.T. Vylomov et le T-6 entra officiellement en service en tant que Su-24 le 4 février 1975[1].

Caractéristiques techniques

Le Su-24 est un avion à ailes hautes et à géométrie variable. Les ailes peuvent être repliées selon quatre angles différents: 16° pour les décollages et atterrissages, 35° et 45° pour le vol de croisière (le choix de la position dépendant de l'altitude) et 69° pour les vols à grande vitesse et en ligne droite[3]. L'empennage est constitué d'une dérive simple (à la flèche prononcée sur le bord d'attaque, moins sur le bord de fuite) ainsi que de stabilisateurs horizontaux placés à mi-fuselage. Deux dérives centrales sont positionnées sous le ventre de l'avion au niveau des réacteurs[3].

Le Fencer était avant tout une plateforme d'attaque au sol qui mettait l'accent sur la vitesse au détriment de la maniabilité. Sa mission était de voler aussi vite que possible sous la couverture radar ennemie pour aller attaquer les cibles qui lui étaient assignées[3].

Variantes

S6[5]

Un ancêtre lointain du Su-24 apparu très tôt dans le processus de développement. Il peut être considéré comme une sorte de fusion des Su-7 et Su-15[5].

T-6-1

Le premier prototype équipé d'ailes delta et de réacteurs de sustentation[5].

T-6-2I/T-6-3I/T-6-4I

Prototypes équipés d'ailes à géométrie variable[5].

Su-24

À noter qu'en dépit de leurs différences, pour les soviétiques, les Fencer A, B et C ne constituent qu'une seule et même version : le Su-24[3]. Cette variante fut produite entre 1971 et 1983[1] et son armement inclut les missiles guidés air-sol Kh-23 et Kh-28 ainsi que des missiles air-air R-55[1].

  • Fencer A: première version de production.
  • Fencer B: l'arrière du Fencer A fut, entre autres améliorations, modifié sur le Fencer B afin d'améliorer l'aérodynamique[3].
  • Fencer C: cette version disposait de contremesures électroniques améliorées[3].

Su-24M (Fencer D)

Les études pour mettre au point une version améliorée du Su-24 commencèrent en 1971. Le Su-24M pouvait être ravitaillé en vol et pouvait désormais embarquer des armements plus perfectionnés. Le prototype T-6M-8 vola pour la première fois le 29 juin 1977 tandis que le premier avion de série effectua son premier vol le 20 juin 1979. L'appareil entra en service en 1983. Le fuselage du Su-24M est rallongé de 70cm à l'avant du cockpit, ce qui permet d'y loger une perche de ravitaillement rétractable tandis que le radôme est raccourci. Cette version peut être facilement identifié car elle ne comporte qu'une seule sonde pitot au lieu des trois de la version initiale. Un système de navigation inertielle PNS-24M ainsi qu'un calculateur numérique furent également installés de même que des systèmes de visée et de guidage pour le tir d'armement guidés par laser ou par voie électro-optique. L'éventail de munitions que l'avion pouvait emporter fut également élargi: comprenant maintenant les missiles guidés air-sol Kh-25, Kh-29L/T, Kh-58 et air-air R-60, ainsi que des bombes guidées de 500 et 1000 kilos. La production dura de 1981 à 1993[1].

Su-24MK (Fencer D)

Il s'agit d'une version pour l'exportation du Su-24M, aux performances et à l'avionique dégradées par rapport à la version soviétique[3], qui vola pour la première fois en 1987. Entre 1988 et 1992, le Su-24MK fut exporté en Algérie, Irak, Iran, Libye et Syrie[1].

Su-24M2 (Fencer D)

Il s'agit d'une modernisation du Su-24M équipé du nouveau système de visée électronique SVP-24 Gefest[6].

Su-24MR (Fencer E)

Il s'agit de la version dédiée à la reconnaissance du Su-24[1]. La plupart des équipements servant à l'attaque au sol furent déposés et remplacés par des caméras de reconnaissance ainsi que par un radar à visée latérale prenant place dans le nez de l'avion[3]

Su-24MP (Fencer F)

Il s'agit de la version de reconnaissance électronique du Su-24 dont seuls 10 exemplaires furent construits. Le premier vol eut lieu en 1983[1]. Il se distingue par l'adoption de nombreux capotages abritant des équipements de guerre électronique mais conserve son canon interne[3].

Engagements

Le Su-24 Fencer a été engagé lors de plusieurs conflits ou crises locales.

Un Su-24MK Fencer-D iranien (ex-irakien) au-dessus de l'aéroport international de Chiraz en 2009.

Pays utilisateurs

  • Utilisateurs actuels
  • Anciens utilisateurs

En 2015, selon une estimation, la flotte mondiale de Su-24 équivalait à 403 appareils en activité, soit 2,8 % de la flotte mondiale d'avions de combat[15].

  • Drapeau du Soudan Soudan (12)[15]
    • Force aérienne soudanaise - En 2013, le Soudan achète 12 Fencer-D à la Biélorussie[17]. En 2015, seuls 3 Su-24MK ont été transférés au Soudan.
  • Drapeau de la Syrie Syrie (16)[15]
    • Armée de l'air syrienne - Un total de 22 appareils a été reçu par la Syrie dont 20 Su-24MK de provenance d'Union Soviétique, et 1 Su-24MK et 1 Su-24MR de Libye[18]. Tous les Su-24MK ont été améliorés à la norme SU-24M2, entre 2009 et 2013. Aujourd'hui, en pleine guerre civile, la Syrie possède encore 16 appareils en activité.
  • Drapeau de l'Ukraine Ukraine (12)[15]
    • Force aérienne ukrainienne - À la suite de la dissolution de l'Union soviétique, l'Ukraine aurait récupéré près de 250 appareils Su-24 Fencer-A, Su-24M Fencer-D et Su-24MR Fencer-E. En raison de la guerre qui affecte le pays depuis 2014, ainsi que d'un mauvais entretien des appareils, l'Ukraine ne possède, en 2015, plus que 11 Su-24M.

Anciens utilisateurs

Un Su-24M biélorusse en 2010.

Retiré de l'armement :

Références

  1. (en) « Sukhoi Su-24 history » [archive du ], sur sukhoi.org, (consulté le ).
  2. (en) « Sukhoi Company (JSC) - Airplanes - Military Aircraft - Su-24МК - Historical background » [archive du ].
  3. (en) « Sukhoi Su-24 (Fencer) - Long Range Strike / Attack Aircraft - Page 2 of 2 » [archive du ] (consulté le ).
  4. (en) Wings of Russia documentary, episode "Attack Aircraft - The Jet Strike"; Wings TV, 2008.
  5. (en) Vladimir antonov, Suckhoï : A history of a design bureau and its aircraft, Earl Shilton, Aerofax, , 296 p. (ISBN 1-85780-012-5).
  6. « Su-24 bombers are equipped with "Gefest" system » [archive du ], sur engineeringrussia, (consulté le ).
  7. https://fr.news.yahoo.com/syrie-strat%C3%A9gie-russe-b%C3%A2tir-forteresse-assad-105051545.html.
  8. Ekaterina Sinelchtchikova, « Comment le second pilote du Su-24 a été retrouvé », sur Russia Beyond The Headlines, (consulté le ).
  9. « Un avion militaire russe s’écrase en Syrie, l’équipage tué », sur lemonde.fr, .
  10. « La Turquie abat deux avions militaires syriens dans le ciel d’Idlib », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  11. (en-US) Richard Pérez-Peña et Christiaan Triebert, « Ukraine Live Updates: Russia Lost at Least Eight Warplanes in Crimea, Satellite Images Show », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  12. Oryx, « Attack On Europe: Documenting Russian Equipment Losses During The 2022 Russian Invasion Of Ukraine », sur Oryx (consulté le ).
  13. L’armée ukrainienne dit avoir abattu un bombardier tactique russe près de Bakhmout.
  14. https://t.me/kpszsu/2428.
  15. « World Air Forces 2015 », sur Flightglobal.com, (consulté le ).
  16. « Sukhoï Su-24 (OTAN : Fencer) », sur AviationsMilitaires.net, (consulté le ).
  17. (en) « Sudan gets second hand Belarusian Su-24 Fencer attack planes. And here are some photos. », sur The aviationist, (consulté le ).
  18. Oryx, « Oryx Blog », sur spioenkop.blogspot.de (consulté le ).
  19. (ru) « Белоруссия отказалась от бомбардировщиков Су-24 », sur Lenta, (consulté le ).
  20. "Libya conflict." CNN. Retrieved: 5 mars 2011.
  21. Oryx, « Oryx Blog », sur spioenkop.blogspot.fr (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Vladimir Antonov et al., OKB Sukhoi : A History of the Design Bureau and Its Aircraft, Earl Shilton, Aerofax, , 296 p. (ISBN 1-85780-012-5).
  • (en) Paul Eden (éditeur), Encyclopedia of modern military aircraft, Londres, Amber Books Ltd, , 512 p. (ISBN 978-1-904687-84-9).
  • (en) Yefim Gordon, Sukhoi Su-24, New York, IP Media, Inc., 2005 (ISBN 978-1-932525-01-4 et 1-932525-01-7).
  • (en) Stewart Wilson, Combat aircraft since 1945, Shrewsbury, Airlife, , 155 p. (ISBN 1-875671-50-1).

Aéronefs comparables

Ordre de désignation

Su-7 - Su-9/Su-11 - Su-15 - Su-17/Su-20/Su-22 - Su-24 - Su-25 - Su-27 et dérivés

Articles connexes

Soukhoï

Liens externes

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