Navigation inertielle
La navigation inertielle (en anglais, inertial navigation system ou INS) est une technique utilisant des capteurs dâaccĂ©lĂ©ration et de rotation afin de dĂ©terminer le mouvement absolu dâun vĂ©hicule (avion, missile, sous-marinâŠ). Elle a lâavantage dâĂȘtre totalement autonome.
Historique
La navigation inertielle a été utilisée sur les V1 et V2 allemands. Charles Stark Draper est connu comme le « pÚre de la navigation inertielle ».
Généralités
Dans le cas aéronautique, les asservissements de trajectoire comportent plusieurs fonctions[1] :
- le guidage consiste Ă maĂźtriser lâĂ©volution de la trajectoire de lâengin. Il vise Ă suivre une trajectoire de rĂ©fĂ©rence dĂ©ïŹnie par les contraintes gĂ©omĂ©triques et cinĂ©matiques du problĂšme et fournit Ă cet effet des consignes dâaccĂ©lĂ©rations et dâangles dâattitude (exemple : Guidage de missile) ;
- le pilotage consiste Ă rĂ©aliser les consignes exprimĂ©es par le guidage, et Ă stabiliser lâengin. Le pilotage se fait principalement par actionnement des gouvernes ;
- la navigation assure le bouclage de lâasservissement en fournissant une estimation de la position, vitesse et attitude de lâengin tout au long du vol.
Parmi les autres systĂšmes de navigation, il y a le positionnement par satellites, la navigation astronomiqueâŠ
La navigation inertielle permet une navigation Ă lâestime, câest-Ă -dire en connaissant le point de dĂ©part et le parcours entre celui-ci et le point courant, on retrouve les coordonnĂ©es Ă tout instant.
Mesure du mouvement
Une centrale inertielle est un ensemble de capteurs permettant de mesurer le mouvement d'un point dâintĂ©rĂȘt dans ses 6 degrĂ©s de libertĂ©, Ă savoir 3 en translation modĂ©lisĂ©s par le vecteur vitesse linĂ©aire du point, et 3 en rotation modĂ©lisĂ©s par le vecteur rotation instantanĂ©e du repĂšre. Une centrale inertielle possĂšde donc 6 capteurs soit : 3 accĂ©lĂ©romĂštres et 3 gyromĂštres. On notera le point important que la vitesse linĂ©aire n'est pas mesurĂ©e, on doit intĂ©grer numĂ©riquement les accĂ©lĂ©romĂštres pour obtenir une estimation plus ou moins bonne du vecteur vitesse, et c'est lĂ un des gros problĂšmes. Pour obtenir la position estimĂ©e du point dâintĂ©rĂȘt, on doit encore une fois intĂ©grer numĂ©riquement l'estimation de vitesse, amplifiant les erreurs basses frĂ©quences contenues dans l'estimation de vitesse. Un autre gros problĂšme est que l'on ne mesure pas l'attitude de la centrale (les 3 angles par rapport aux Ă©toiles), mais seulement une vitesse de rotation de ces 3 angles et que l'on doit la encore intĂ©grer numĂ©riquement ces vitesses de rotation mesurĂ©es pour obtenir une estimation des angles.
La situation est encore gravement compliquĂ©e sachant que les accĂ©lĂ©romĂštres ne mesurent pas le vecteur gravitĂ© de la planĂšte. En effet, on doit fournir une estimation du vecteur gravitĂ© qui rĂšgne au point dâintĂ©rĂȘt (ce dernier point est indispensable pour le cas « SNLE »), que l'on ajoute aux mesures accĂ©lĂ©romĂ©triques (dâoĂč l'importance cruciale de la trĂšs bonne qualitĂ© des angles inertielles estimĂ©es par la centrale). Une erreur d'un dixiĂšme de degrĂ© sur un angle inertiel devient en quelques secondes intolĂ©rable, par exemple Ă cause de l'erreur de projection faite. Ces gros problĂšmes font qu'en pratique, une centrale inertielle de qualitĂ© (centrale laser de plusieurs millions d'euros), ne peut reconstruire une trajectoire correcte que durant quelques minutes. Les performances dĂ©pendent Ă©normĂ©ment du contexte : trĂšs manĆuvrant ou non, prĂ©sence de chocs sur la centrale et bien sĂ»r durĂ©e de l'estimation sans recalage extĂ©rieur). En pratique, il est indispensable d'utiliser d'autres capteurs extĂ©rieurs (GPS, Doppler, flux optique, magnĂ©tomĂštres, pressomĂštres, etc.) pour augmenter la qualitĂ© de reconstruction de la trajectoire du point dâintĂ©rĂȘt ainsi que sa « durĂ©e de vie ».
LâaccĂ©lĂ©ration du mobile par rapport Ă un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en est mesurable grĂące Ă des accĂ©lĂ©romĂštres ; il en faut trois, un pour chaque axe de lâespace. Dans une centrale « Ă plate forme stabilisĂ©e », les accĂ©lĂ©romĂštres sont stabilisĂ©s par des gyroscopes, ce qui permet de maintenir les capteurs alignĂ©s avec les axes Nord-Sud, Ouest-Est et la verticale. Dans une centrale « strap-down », les accĂ©lĂ©romĂštres sont fixes par rapport au vĂ©hicule, mais la vitesse de rotation est mesurĂ©e par trois gyromĂštres, le traitement de signal permet ensuite de faire les changements de repĂšres[2].
Ces mesures ont lâavantage de ne pas dĂ©pendre de sources extĂ©rieures ; elles ont de plus un rafraĂźchissement de plusieurs centaines de hertz, nĂ©cessaire Ă la fonction de pilotage. Toutefois, Ă cause des problĂšmes de dĂ©rive (dĂ©gradation de la prĂ©cision au fil du temps), les donnĂ©es peuvent ĂȘtre corrigĂ©es par un recalage avec une source complĂ©mentaire, par exemple un systĂšme de positionnement par satellites. L'aspect militaire est prĂ©pondĂ©rant et trĂšs secret : missiles (quelle est ma vitesse ?, oĂč est la cible ?), sous marins lanceurs d'engins (oĂč suis je sous l'eau ? , quel cap ? dois je faire surface pour recaler ma position et risquer dâĂȘtre dĂ©couvert ?), avions de combat en mode furtifâŠ
Traitement du signal
GrĂące Ă des calculs tenant compte des effets de pesanteur et des accĂ©lĂ©rations dâentrainement et de Coriolis (liĂ©es Ă la rotation de la Terre) et utilisant des changements de repĂšres, les donnĂ©es de la centrale inertielle permettent de fournir lâattitude de lâengin (lacet, tangage et roulis) et ses coordonnĂ©es dans le repĂšre terrestre (latitude, longitude, altitude[2]).
Applications
Ce type de guidage est principalement utilisé avec les missiles à longue portée (missiles balistiques et missiles de croisiÚre), lancés de silos ou de navires de guerre, puisque leurs cibles (immeubles, bunkers, etc.) sont fixes.
L'ensemble des avions de ligne modernes sont dotés d'un guidage inertiel sous la forme d'une IRS (Inertial Reference System), permettant de connaßtre la position et toutes les données liées, couplé à un systÚme de navigation pour le guidage de type FMC « Boeing » (Flight Management Computer) / FMGS « Airbus » (Flight Management and Guidance System). Les systÚmes de positionnement par satellites, ainsi que les systÚmes de radionavigation au sol ne sont utilisés que dans un but de recaler sa position du fait de la dérive inertielle du systÚme. Les avions plus anciens (autour des années 1970) étaient dotés d'une INS (Inertial Navigation System) qui assurait à la fois la détermination de la position et la navigation d'un point à un autre. Cependant le systÚme était beaucoup plus limité.
Il est Ă©galement employĂ© avec certaines armes Ă longue portĂ©e comme les missiles anti-navires ou air-air, de maniĂšre Ă leur permettre de se rendre sur la localisation gĂ©nĂ©rale d'une cible sans ĂȘtre dĂ©tectĂ©s, le systĂšme de guidage actif Ă©tant activĂ© en fin de course. Les sous-marins ne pouvant capter les ondes des systĂšmes de positionnement par satellites sous l'eau, disposent Ă©galement de guidage inertiel.
Les torpilles sont également concernées (ce sont en fait des missiles sous marin).
Le guidage des sous marins lanceurs d'engins : Ce cas est certainement un des plus critique pour le militaire. Il nĂ©cessite les meilleures centrales inertielles possibles qui sont mĂȘme redondĂ©es puisque l'on en dĂ©nombre 3 par SNLE. Certains disent que 3 n'est pas encore assez mais une chose est sĂ»re, le coĂ»t du systĂšme de navigation inertielle pour un SNLE dĂ©passe de beaucoup la centaine de millions d'euros. Il est nĂ©cessaire tout de mĂȘme de s'assurer de sa position et attitude juste avant un tir, le SNLE est trĂšs vulnĂ©rable durant cette phase.
Avec lâĂ©lectronique moderne et le dĂ©veloppement du « low cost », le fantassin possĂšde un Ă©quipement lĂ©ger et peu encombrant Ă base de centrale inertielle permettant de transmettre sa position Ă un poste de commandement distant dans le cas militairement important du GPS non disponible (fantassin en « indoor »), dans un but de suivi de la progression, de transmission de consignes, pour aller chercher un fantassin Ă terre⊠On utilise des capteurs autres comme des magnĂ©tomĂštres. Le cas dimensionnant est ici les gradients de champ magnĂ©tique trop faibles.
Un cas un peu à part est la correction de trajectoire de satellites : Les accéléromÚtres sont peu utiles ici (on le répÚte, pas de mesure de gravité et c'est pratiquement la seule accélération présente), les perturbations sont ici les couples gravitationnels et la pression de vent solaire, on utilise les gyromÚtres pour orienter correctement le satellite avec l'aide, bien entendu, de capteurs extérieurs : senseurs polaires, solaires, lunaires⊠On en déduit les cas dimensionnants : éclipse de soleil (senseur solaire inopérant), étoile polaire masquée ou trop proche du soleil (senseur polaire inopérant), lune masquée par la Terre ou trop proche du soleil (senseur lunaire inopérant) et qui permettent de dimensionner la qualité des gyromÚtres embarqués dans le satellite.
On note aussi l'utilisation d'une centrale inertielle laser SAGEM sigma 30 pour le positionnement et l'attitude du tube du 155 mm CAESAr, le GPS (s'il est disponible) est couplé avec la centrale. Le cas dimensionnant est trop peu de temps d'alignement de la centrale pour avoir un angle de cap assez précis et bien sur le GPS non disponible, en particulier si la trajectoire du porteur a été trÚs heurtée.
Notes et références
- Flament 2009, 1.3 Structure de commande dâun vĂ©hicule autonome
- Flament 2009, 1.5.1 Navigation inertielle
Voir aussi
Bibliographie
- Mathieu Flament, Apport du filtrage particulaire au recalage altimétrique dans un contexte de navigation hybridée, , 116 p. (lire en ligne)
- Anne-Christine Escher, « IntĂ©gration du GPS avec les systĂšmes de navigation inertielle », Techniques de l'ingĂ©nieur,â , p. 21 (lire en ligne)