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Navigation astronomique

La navigation astronomique est une technique de navigation qui consiste à déterminer sa position à l'aide de l'observation des astres et la mesure de leur hauteur (c'est-à-dire l'angle entre la direction de l'astre et l'horizon). Elle est utilisée traditionnellement par les Polynésiens[1] (voir Peuplement de l'Océanie > Navigations austronésiennes). En Europe, elle est mise au point à partir de la Renaissance par les navigateurs portugais.

En navigation maritime, comme autrefois en navigation aérienne[2], la détermination de la position nécessite l'emploi d'un sextant, la consultation d'éphémérides, un identificateur d'étoiles, la mesure de l'heure exacte, et l'application de formules de mathématiques[3].

En navigation spatiale, l'engin spatial embarque un viseur d'Ă©toiles.

Ces mĂ©thodes, indĂ©pendantes de tout systĂšme extĂ©rieur, peuvent ĂȘtre mises en Ɠuvre en complĂšte autonomie et sans aucun appareil Ă©lectrique. La navigation astronomique n'est dĂ©pendante que des seules conditions mĂ©tĂ©orologiques : sans astres visibles, aucune mesure n'est possible.

La navigation astronomique est restée longtemps l'unique technique permettant aux navigateurs de se situer hors de vue de terre, à condition que l'heure soit connue avec une trÚs bonne précision et que leur estime soit bien tenue. Le Soleil est l'astre utilisé le plus souvent, mais les mesures les plus précises sont obtenues à l'aide d'autres étoiles, au crépuscule parce qu'il est nécessaire que l'horizon soit visible. Il est aussi possible de viser la Lune et les planÚtes, (avec des résultats moins précis) pourvu qu'elles soient décrites dans des éphémérides. L'observation de plusieurs étoiles permet d'obtenir une bonne position à l'aube et au coucher du soleil (point crépusculaire) ainsi que celle du Soleil, à toute heure de la journée ou à la méridienne (point à midi).

Principe de base

Le cercle rouge est le lieu des points d'oĂč l'on voit le Soleil Ă  la mĂȘme hauteur Ă  un instant donnĂ© ; le bleu, celui de la Lune, au mĂȘme instant ; l'observateur se trouve Ă  l'intersection de ces deux cercles (les cercles sont dĂ©formĂ©s par la projection cartographique utilisĂ©e).

Le lieu des points, d'oĂč l'on relĂšve un astre donnĂ© Ă  un instant donnĂ© Ă  une certaine hauteur au-dessus de l'horizon, dessine un cercle sur la sphĂšre terrestre. Le centre de ce cercle correspond Ă  la position Ă  laquelle cet astre est au zĂ©nith. On connaĂźt avec exactitude (par les Ă©phĂ©mĂ©rides) la latitude et la longitude de cette position[4], aussi appelĂ© "pied" de l'astre ou point substellaire. Le rayon du cercle est le produit du rayon de la Terre et de la distance zĂ©nithale de l'astre, oĂč , Ă©tant la hauteur de l'astre au-dessus de l'horizon.

En mesurant plusieurs hauteurs d'astres diffĂ©rents ou en Ă©tablissant des mesures du mĂȘme astre Ă  des heures diffĂ©rentes, il est possible de dĂ©terminer une position Ă  l'intersection de ces diffĂ©rents cercles. Des mĂ©thodes de calculs, Ă  partir de tables de logarithmes ou d'une calculatrice scientifique, permettent de dĂ©terminer ces positions Ă  partir des angles mesurĂ©s.

Mesure de la hauteur au sextant

Animation de l’utilisation d’un sextant de marine pour mesurer l’altitude du soleil par rapport à l’horizon.
Animation de l’utilisation d’un sextant de marine pour mesurer l’altitude du soleil par rapport à l’horizon.

La précision des outils de mesure a évolué avec le temps. Une méthode simple et trÚs approximative est de lever la main avec le bras tendu. La largeur d'un doigt correspondant environ à 1,5°. La nécessité de disposer d'outils de mesure plus précis a entrainé le développement de nombreux outils de plus en plus performant, le bùton de Jacob, le kamal, le quadrant, l'astrolabe, l'octant et aujourd'hui le sextant, qui permet par un jeu de miroirs de mesurer la hauteur de l'astre au-dessus de l'horizon avec une bonne précision.

Deux officiers de navire mesurent au sextant la hauteur du soleil

La lecture d'un sextant bien réglé permet une précision de 0,2' d'arc. En théorie, un observateur peut donc déterminer sa position avec une précision de 0,2 milles marins[5]. Dans la pratique, les navigateurs obtiennent une précision de l'ordre de 1 ou 2 milles marins (mouvements du navire, houle, horizon plus ou moins net, imprécisions de l'heure).

L'observation consiste Ă  «faire descendre» l'image rĂ©flĂ©chie de l'astre sur l'horizon et la faire tangenter l'horizon (d'oĂč le mouvement de balancier de la main qui tient le sextant). S'il s'agit du Soleil ou de la Lune, on fait tangenter son bord infĂ©rieur ou supĂ©rieur. Pour les Ă©toiles et les planĂštes, il est conseillĂ© de «monter l'horizon» au voisinage de l'astre en retournant le sextant, puis d'observer normalement.

La hauteur mesurĂ©e au sextant doit ĂȘtre corrigĂ©e d'un certain nombre de paramĂštres propres Ă  l'optique du sextant utilisĂ©, Ă  la hauteur de l'observateur au-dessus de l'eau, Ă  la rĂ©fraction astronomique et Ă  l'astre visĂ©.

La hauteur vraie est déduite de la hauteur mesurée par la formule :

avec :
, l'excentricité du sextant, affichée dans la boßte du sextant ;
, la collimation du sextant Ă  mesurer et Ă©ventuellement Ă  corriger avant chaque observation ;
, la dĂ©pression de l'horizon, fonction de la hauteur de l'Ɠil de l'observateur, donnĂ© par les Ă©phĂ©mĂ©rides ;
, la réfraction astronomique ;
, la parallaxe (négligeable pour les étoiles et les planÚtes) ;
, le demi-diamÚtre (apparent) de la Lune ou du Soleil, affecté du signe + si on a visé le bord inférieur, du signe - si on visé le bord supérieur.
Pour le Soleil, les éphémérides donnent la valeur journaliÚre de ainsi que la somme ; étant le demi-diamÚtre moyen et on applique une deuxiÚme correction : pour le bord inférieur et pour le bord supérieur.
Pour la Lune on applique une formule analogue avec des valeurs données par les éphémérides.
Pour les étoiles et planÚtes : est négligeable ; est négligeable, sauf pour Mars et Vénus. La somme est fournie par les éphémérides ainsi que la valeur de pour Mars et Vénus.

La droite de hauteur

On a vu que le lieu des points, d'oĂč l'on relĂšve un astre donnĂ© Ă  un moment donnĂ© Ă  une hauteur donnĂ©e est un cercle sur la sphĂšre terrestre. Ce cercle, dit cercle de hauteur, ne peut gĂ©nĂ©ralement pas ĂȘtre tracĂ© entiĂšrement pour des raisons matĂ©rielles (taille et planĂ©itĂ© des cartes utilisĂ©es) mais, pour dĂ©finir une position rĂ©elle, il suffit d'en tracer un arc proche de la position estimĂ©e de l'observateur. En pratique, cet arc peut ĂȘtre confondu avec sa tangente, Ă  plusieurs conditions : observation de l'astre Ă  une hauteur au-dessus de l'horizon infĂ©rieure Ă  65° et longueur infĂ©rieure Ă  60 milles[6]. Cette portion de tangente est appelĂ©e « droite de hauteur ».

Le calcul consiste alors à déterminer à partir de sa position estimée la hauteur à laquelle on devrait observer l'astre et à la comparer à la hauteur observée . La différence est appelée intercept (en minutes d'angle, et 1'= 1 mille marin). On trace la droite de hauteur depuis sa position estimée perpendiculairement à l'azimut d'observation de l'astre à une distance égale à l'intercept (à l'opposé, si négatif).

La hauteur estimée est donnée par la formule :

avec :
, la latitude du point estimée à l'heure de l'observation ;
, la déclinaison de l'astre à l'heure de l'observation, donnée par les éphémérides
, l'angle horaire de l'astre à l'heure de l'observation et à la longitude estimée :
pour le Soleil, la Lune et les planÚtes principales : ; l'angle horaire au méridien d'origine est donné par les éphémérides
pour les étoiles : ; l'angle horaire du point vernal (temps sidéral) au méridien origine et l'ascension verse de l'étoile , , sont donnés par les éphémérides.

Autrefois, le calcul était effectué au moyen de tables logarithmiques spécifiques (tables de Friocourt [7], tables 900 qui ne sont plus éditées ou HO 211 du Hydrographic Office de l'U.S. Navy). On pouvait aussi utiliser des tables, comme les HO-249, donnant des résultats pré-calculés pour un trÚs grand nombre de points du globe. Dans ce cas, on n'utilisait pas sa position estimée mais la position la plus proche disponible dans la table. Aujourd'hui, on peut utiliser une calculette scientifique ou un logiciel adhoc sur micro-ordinateur.

De jour, on relÚve le Soleil à différents instants en rapportant le déplacement du navire, et généralement, on couple ces observations avec une hauteur méridienne.

À l'aube ou au coucher du soleil, on repĂšre Ă  l'identificateur d'Ă©toiles les astres qui seront visibles pendant la pĂ©riode crĂ©pusculaire ainsi que les secteurs du ciel Ă  surveiller pour les identifier. Puis on vise successivement ces Ă©toiles et planĂštes. Ce point crĂ©pusculaire, oĂč les observations sont presque simultanĂ©es, n'est pas entachĂ© de l'erreur due Ă  l'incertitude de l'estime entre chaque observation comme les droites du matin et la mĂ©ridienne. On calcule l'intercept en utilisant pour chaque droite le mĂȘme point estimĂ©, Ă  l'heure de la derniĂšre observation, mais on reporte sur la carte les azimuts et intercepts depuis les points estimĂ©s dans l'ordre inverse des instants d'observation (mĂ©thode dite du point estimĂ©).

Le point Ă  midi

La méridienne

L'observation d'un astre à son passage supérieur dans le méridien du lieu permet de déterminer la latitude par la simple addition algébrique de la distance zénithale et de la déclinaison de l'astre :

étant la hauteur et la déclinaison de l'astre, donnée par les éphémérides. La distance zénithale est affectée du signe du pÎle auquel on tourne le dos pour l'observation.

Le plan du mĂ©ridien n'Ă©tant pas matĂ©rialisable en mer, le passage de l'astre dans ce plan est dĂ©fini par l'heure, heure qui n'a pas besoin d'ĂȘtre connue avec une grande prĂ©cision[8] puisque la distance zĂ©nithale de l'astre varie peu aux environs du passage.

Pratiquement, cette observation n'est rĂ©alisable qu'avec le Soleil, car la culmination d'autres astres ne sera observable que de nuit, alors que l'horizon n'est, en gĂ©nĂ©ral, plus visible. On peut observer la mĂ©ridienne entre une minute avant et une minute aprĂšs l'heure calculĂ©e ; dans ces limites on notera la hauteur obtenue au moment oĂč le contact est le meilleur.

Le report d'une ou plusieurs droites de hauteur observées dans la matinée permet avec la méridienne d'obtenir un point à midi.

Circumméridienne

Si l'observation de la méridienne n'a pas pu se faire (un nuage par exemple) dans les limites de temps (+ ou - 1 minute), la circumméridienne permet d'exploiter rapidement l'observation faite.

Circumzénithales correspondantes

Lorsqu'un astre culmine prÚs du zénith , on peut déduire en quelques minutes la position du navire[9]. La latitude est la latitude méridienne et la longitude est déduite de l'heure de la culmination :

avec :
la longitude estimée ;
la différence entre l'heure réelle et l'heure estimée de culmination

L'heure réelle de la culmination ne peut s'observer directement ; on l'obtient en prenant la moyenne des heures de passage à des hauteurs égales observées de part et d'autre du méridien, ni trop prÚs parce que la variation de la hauteur serait peu sensible, ni trop loin parce que la moyenne des heures de passage s'écarterait trop de l'heure de la culmination.

  • Calcul de l'heure prĂ©cise (en temps universel) de la culmination au mĂ©ridien (longitude estimĂ©e) :
avec :
, heure de passage de l'astre au mĂ©ridien. Pour le Soleil le passage au mĂ©ridien origine est donnĂ©e par les Ă©phĂ©mĂ©rides ainsi que la variation journaliĂšre qui doit ĂȘtre pondĂ©rĂ©e de la longitude estimĂ©e ;
, vitesse du navire en latitude (positive si composante nord)
, variation de la déclinaison , donnée par les éphémérides
  • commencer les observations Ă  environ (13 min pour une distance zĂ©nithale entre 8 et 10° ; Ă  diminuer progressivement et jusqu'Ă  6 min si elle est infĂ©rieure Ă  2°) en observant des hauteurs croissantes de 3' en 3' (Ă  augmenter progressivement et jusqu'Ă  7' si la distance zĂ©nithale est infĂ©rieure Ă  2°) ;
  • observer la hauteur de culmination ;
  • observer la sĂ©rie des hauteurs dĂ©croissantes Ă©gales Ă  celles prises avant la culmination ;
  • calculer l'heure de culmination par la moyenne des heures de passage Ă  hauteurs Ă©gales ; en tirer d'oĂč
  • calculer la latitude :

En 1965, à bord de Rehu Moana, le britannique David Lewis navigue de Tahiti jusqu'au nord de la Nouvelle-Zélande, en utilisant les méthodes de navigation des Polynésiens[10] - [11]. Sans sextant et sans compas, il parcourt prÚs de 2000 milles, s'aidant notamment d'une table avec palier de coucher et de lever de soleil[12].

Notes et références

  1. Georges Boulinier et GeneviĂšve Boulinier, « Les PolynĂ©siens et la navigation astronomique », Journal de la SociĂ©tĂ© des ocĂ©anistes, t. 28, no 36,‎ , p. 275–284 (lire en ligne)
  2. cette méthode n'est plus utilisée aujourd'hui en aéronautique, au profit des systÚmes de positionnement radioélectriques terrestres ou par satellites. Les sextants utilisés en aéronautique - comme ceux utilisés dans les périscopes de sous-marins - devaient disposer d'un systÚme gyroscopique donnant un horizon artificiel
  3. trigonométrie sphérique
  4. elles correspondent aux coordonnées horaires de l'astre : la latitude est égale à la déclinaison de l'astre et la longitude à son angle horaire
  5. puisque 1 mille correspond Ă  1' d'arc de grand cercle
  6. Navigation Astronomique M. DE KERVILER (C.R)
  7. Diverses tables utilisées depuis la fin du XIXe siÚcle
  8. d'oĂč le grand intĂ©rĂȘt de la mĂ©ridienne et ce qui explique pourquoi, autrefois avant l'invention de chronomĂštres fiables au XVIIIe siĂšcle, seule la latitude Ă©tait connue avec prĂ©cision en mer
  9. ne peut donc se pratiquer avec le Soleil qu'en zone tropicale et selon la saison
  10. S'orienter en mer sans instrument : le savoir-faire des tahitiens
  11. Science et savoir-faire, l'exemple de la navigation astronomique des Polynésiens
  12. (en) Ben Finney, Voyage of Rediscovery : A Cultural Odyssey through Polynesia, , 401 p. (ISBN 978-0-520-08002-7, lire en ligne), chap. 2 (« Experimental voyaging : Rehu Moana »), p. 35-36

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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