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Roue pĂŽle-homme

La roue pÎle-homme est un instrument « marinisé » au XVe siÚcle par les Portugais (roda do homen do polo)[1], qui fournit au marin un cadran des heures, un cadran aux étoiles, un cadran compas, un cadran solaire, un cadran lunaire et un cadran des marées, avec les rÚglements pour chaque cadran. Il présente une double fonction, en 24 secteurs et 32 aires.

Roue PĂŽle-Homme de Pierre Garcie, Le Grant Routtier, 1520, MĂ©diathĂšque de Niort

Le Grant Routtier, que Pierre Garcie dit Ferrande[2], termine en 1483, est publiĂ© en 1502 et 1520 jusqu’en 1662. Il donne Ă  la communautĂ© maritime française le moyen de naviguer au large. Pierre Garcie rappelle l’importance de cette avancĂ©e scientifique maritime : comment naviguer sans voir la terre et sans instrument de marine autre que la roue pĂŽle-homme.

« [J’ai] composĂ© et [t’ai] envoyĂ© le prĂ©sent livret, qui t’apprendra Ă  reconnaĂźtre et connaĂźtre les noms des vents et leurs rhumbs, en prĂ©supposant toutefois que tu saches, toi ou un autre, distinguer [le cycle de] la Lune [de celui] du Soleil. Le Soleil et la Lune sont les guides et gardiens de tous les braves compagnons qui voguent et naviguent Ă  travers les ondes innombrables de la mer, pour ce qui a trait tant au transport de marchandises qu’à la pĂȘche. Toutefois, bien que le Soleil et la Lune te permettent de reconnaĂźtre et connaĂźtre les heures - le Soleil, de jour et la Lune, de nuit - j’ai voulu te donner Ă  savoir et reconnaĂźtre sans voir ni Soleil ni Lune l’heure de minuit et l’aube du jour. Et tu pourras tout savoir par la figure suivante, sans avoir d’horloge mesurant les heures ou les demies, ni compas, par nuit claire. S’ensuit la figure qui apprend Ă  reconnaĂźtre et savoir les heures de nuit, c’est-Ă -dire minuit et l’aube du jour, sans Soleil ni Lune ni compas, et sans horloge mesurant les heures ou les demies, avec les noms et les rhumbs des vents, ce qui est une chose trĂšs dĂ©licate et nĂ©cessaire pour l’habile et ingĂ©nieux mĂ©tier de la mer. »

— Pierre Garcie dit Ferrande, Le Grant Routtier, f° 2r (p. 3)[2]

Introduction

Le XVe siĂšcle est une pĂ©riode charniĂšre pour la navigation cĂŽtiĂšre[3]. Celle-ci prend son essor vers le large grĂące Ă  l’avancĂ©e scientifique.

Elle va bĂ©nĂ©ficier de deux apports, celui du monde arabe et celui du Portugal (dont Christophe Colomb, 1451 - 1506 est l’éclatant tĂ©moignage). Les mĂ©thodes des navigations arabes et occidentales ne sont pas des copies identiques. Elles ont, cependant, le point commun d’ĂȘtre le rĂ©sultat d’une collaboration entre des scientifiques et des marins. La transmission des savoirs scientifiques est affaire de savants, alors que la transmission des techniques est affaire de professionnels. Pierre Garcie dit Ferrande (1441-1502) est un marin français et un savant qui expĂ©rimente cette science. Il en fera un trĂ©sor avec le premier routier europĂ©en, Le Grant Routtier - 1483, 1502 et 1520, viatique indispensable pour tous les marins europĂ©ens jusqu’au milieu du XVIIe siĂšcle.

Des instruments de navigation marinisés

Avant le XIVe siĂšcle, les instruments d’astronomie sont Ă©tablis pour un usage Ă  terre. Les arabes, puis les portugais, cherchent Ă  les mariniser. La vraie nouveautĂ© des marins portugais rĂ©side dans les instruments utilisĂ©s : l’astrolabe nautique, le quadrant de navigation, l'arbalestrille, la roue pĂŽle-homme (ancĂȘtre du nocturlabe)[4].

L'astrolabe, qui mesure la hauteur du Soleil, sera adaptĂ© en mer sous une forme trĂšs simplifiĂ©e, l’astrolabe nautique (en bois au dĂ©but). En raison du roulis et de la difficultĂ© d’observer le Soleil directement, il sera utilisĂ© Ă  terre, Ă  l’escale. Le marin utilise aussi l’arbalestrille ou bĂąton de Jacob, sur le bateau, lorsque la mer est calme. La hauteur du Soleil n’est pas fixe dans la durĂ©e en raison de la variation journaliĂšre de sa dĂ©clinaison. Il faut donc impĂ©rativement passer par le dĂ©tour du calcul de la latitude pour pouvoir comparer des valeurs comparables et non plus se contenter du chemin Nord-Sud parcouru. Le calcul est dans les deux sens : si on connaĂźt l’heure, la latitude et la hauteur du Soleil, on a la dĂ©clinaison du Soleil ; mais aussi si on connaĂźt l’heure, la dĂ©clinaison et la hauteur du Soleil, on a la latitude.

Roue pÎle-homme de Pierre Garcie © dessin CRHIP

Pour effectuer des mesures astronomiques Ă  bord, il va falloir inventer un nouvel instrument spĂ©cifique : le quadrant de navigation. C’est un instrument dĂ©rivĂ© du quadrant astronomique, simplifiĂ©, qui ne sert qu’à prendre la hauteur de l’astre. On se sert d’un quart de cercle graduĂ©. On vise directement l’étoile selon un des cĂŽtĂ©s droits du quadrant, un fil Ă  plomb est fixĂ© au centre du cercle et marque la verticale. On lit la hauteur de l’astre visĂ© Ă  l’intersection du fil Ă  plomb et de la graduation sur le secteur circulaire. En fait, on prend, non pas la hauteur, mais la distance zĂ©nithale, qui est le complĂ©ment de cette hauteur. La prĂ©cision de l’instrument est mĂ©diocre et surtout variable selon les mouvements du navire qui influent sur les mouvements du fil Ă  plomb et donc sur la prĂ©cision de lecture : par expĂ©rience de 0,5 Ă  3 degrĂ©s, selon que le temps est calme ou la mer agitĂ©e.

Roue pĂŽle-homme

Le quadrant est dĂ©rivĂ© d'un instrument ancien, utilisĂ© dans le cadre religieux pour dĂ©finir la latitude des lieux Saints et l’heure nocturne en vue de l'appel Ă  la priĂšre dans les monastĂšres : la « roue des heures ». Les astronomes vont offrir aux navigateurs un instrument marinisĂ©, la roue pĂŽle-homme, avec une mĂ©thode pratique et largement utilisĂ©e pour repĂ©rer le passage de l’étoile polaire au mĂ©ridien infĂ©rieur ou au mĂ©ridien supĂ©rieur, qui se remarque par le minimum ou le maximum de hauteur de l’astre durant son circuit dans le ciel.

Cet instrument dessinĂ© est une double roue de 24 et 32 secteurs. Sur la 2e couronne (en jaune), que l’on peut appeler un cadran-horloge, le marin lit les 24 secteurs pour 24 heures ou 24 quinzaines. Sur la 1re couronne (en bleu), avec les Ă©toiles (en rouge), la roue dĂ©finit les 32 aires de vent. Deux Ă©toiles sont sĂ©parĂ©es par 4 quarts de Ÿ d'heure chacun, soit la valeur d’un rhumb. Ces 32 aires de vent dĂ©limitent 4 points cardinaux, 8 rhumbs ou points inter-cardinaux. Cette premiĂšre couronne de la Roue, on peut l’appeler un cadran-compas. Les deux couronnes dĂ©finissent ainsi une Ă©quivalence : chaque rhumb vaut 3 heures (2e couronne) et 4 quarts de Ÿ d’heure chacun (1re couronne). Pierre Garcie insiste sur le fait que la rose des vents, Ă  24 divisions et 32 aires, est Ă  la fois une boussole et une horloge. Quand Pierre Garcie dit que le Soleil est au NE, il ne s’agit pas d’une visĂ©e, mais qu’il est 3 heures.

Historique de son développement

extrait du manuscrit, ms. 214, BibliothĂšque de Chartres

VIIe siĂšcle

L’existence et l’utilisation de la roue pĂŽle-homme sont l’aboutissement d’une recherche scientifique trĂšs ancienne, dont la premiĂšre trace Ă©crite est du VIIe siĂšcle, celle de SĂ©vĂšre Sabok (
 ca 659), Ă©vĂȘque syriaque : l’astrolabe plan servait surtout Ă  la dĂ©termination de l’heure diurne ou nocturne.

L’allusion[1] la plus ancienne que nous connaissions Ă  un instrument du type de la roue pĂŽle-homme est celle de l’horologium nocturnum de Pacificus de VĂ©rone[5] (
 ca 844). Ce que l’on sait de cet instrument provient du poĂšme de Pacificus, Spera coeli quater, illustrĂ© d’une figure. La plus ancienne reprĂ©sentation date du Xe siĂšcle et se trouve dans un manuscrit de la BibliothĂšque du Vatican[6]. Une reprĂ©sentation analogue, datant du XIIe siĂšcle ou XIIIe siĂšcle, apparaĂźt dans un manuscrit conservĂ© Ă  la bibliothĂšque Marciana de Venise[7]. Ces dessins montrent un observateur visant une Ă©toile ou Polaris Ă  travers un tube optique montĂ© sur un pied. L’extrĂ©mitĂ© du tube, autour de l’étoile, est entourĂ©e d’un disque comprenant trois cercles concentriques, le cercle extĂ©rieur Ă©tant graduĂ© en 24 heures.

Le manuscrit 235[8] de la BibliothĂšque d’Avranches, issu du scriptorium de l’abbaye du Mont-Saint-Michel au XIIe siĂšcle, contient la reprĂ©sentation et la description sommaire d’une roue pĂŽle-homme semblable Ă  l’horologium nocturnum de Pacificus. L’horlogium nocturnum sera diffusĂ© dans tous les lieux monastiques pour poser le dĂ©but des priĂšres de Laudes Ă  3 h du matin.

XIe siĂšcle, en Catalogne

École des interprùtes de Tolùde

Par la suite[1], cette diffusion se fera par les transfuges mozarabes (chrĂ©tiens espagnols vivant en Al-Andalus selon l’ancienne foi chrĂ©tienne de rite wisigothique). Ils ont Ă©tĂ© arabisĂ©s, Ă  l’apogĂ©e de la dynastie Omeyyade de Cordoue. Ces mozarabes, tentĂ©s par la vie monastique, ne peuvent la rĂ©aliser en terre arabe et gagnent les monastĂšres d’Occident. C’est avec eux qu’est transmise l’étude de la culture arabe par une coopĂ©ration intellectuelle entre moines occidentaux et moines mozarabes[9]. C’est dans ces monastĂšres catalans que Gerbert d’Aurillac (945
) entre en contact avec les mathĂ©matiques arabes. Cet intellectuel deviendra le pape Sylvestre II, mais auparavant, il est le grand responsable du renouveau du quadrivium, c’est-Ă -dire de l’étude des sciences dans l’enseignement occidental. Il est Ă  l’origine de l’Abaque, la premiĂšre forme du calcul numĂ©rique en Occident et il y introduit les chiffres arabes, sauf le zĂ©ro. À la fin d’un manuscrit des Sententiae astrolabii, conservĂ© Ă  Chartres, on trouve une image illustrant l’utilisation d’un instrument de calcul de hauteur de la Polaire. Les savants se succĂ©deront pour amĂ©liorer cet instrument :

  • 1130-1141, Raymond de Marseille avec un TraitĂ© sur l ’ astrolabe, un Liber cursuum planetarum, Ă  partir des acquis de l’astronomie d’Al-ZarqĂąlluh ;
  • 1142, AdĂ©lard de Bath traduit les Tables astronomiques (820) d’Al-Khawarizmi, école de Bagdad ;
  • 1147, Robert de Chester traduit les Tables astronomiques (929) d’Al-Battani, école de Bagdad ;
  • 1150, Moshe et Jacob Ibn Tibbon' Ă  Marseille et Montpellier traduisent des TraitĂ©s sur l’arithmĂ©tique et l’astronomie arabes ;
  • 1158-1161, Abraham ibn Ezra, Ă©crit sur les usages des Tables astronomiques et sur un autre traitĂ© en hĂ©breu.
  • v. 1280, la Carte pisane, de GĂȘnes, est le plus ancien portulan d’origine occidentale connu.
  • 1276-1292, Robert AnglĂšs compose le TraitĂ© du quadrant.
  • 1299, le majorquin Raymond Lulle[10] dĂ©crit l’opĂ©ration d’une horloge nocturne ou Roue des heures par la Polaire, appelĂ© astrolabii nocturni (connu comme NoturlĂĄbio). Il Ă©crit dans son Arbor scientiae en 1295 Ă  propos des marins « habent chartam, compassum, acum et stella maris. » Acus c’est l’aiguille, (autrement dit la boussole) ; stella maris, l'Étoile Polaire et son mouvement la Roue polaire.
  • 1375, Jehuda Cresques (vers 1350-1427) rĂ©alise, avec son pĂšre, Abraham Cresques l’Atlas catalan, sur la commande du roi d’Aragon. Vers 1420, Henri le navigateur accueille ce cartographe majorquin, qui devient maĂźtre Jaime Ribes « homme trĂšs versĂ© dans l’art de naviguer ».

XIIIe siĂšcle, en Occident

La diffusion arabe, espagnole et portugaise gagne les pays qui vont se lancer dans la course aux Grandes Découvertes océaniques[1].

  • 1438, le portugais D. Duarte dĂ©crit une Roue polaire ou horloge nocturne dans Leal Conselheiro (pt) (1428-1438). Aucune copie de cet instrument n’est connue.
  • 1457, l'espagnol Jehuda ibn Verga (en) Ă©crit Ă  Lisbonne un TraitĂ© d’astronomie.
  • 1472, Joannes de Sacrobosco Ă©crit un Tractatus de Sphaera.
  • 1473, Abraham Zacuto, professeur d’astronomie Ă  Salamanque (1474-1492, puis au Portugal dĂšs 1492) commence l’Almanach perpetuum. Il est terminĂ© en 1478, imprimĂ© en 1496 Ă  Leiria, Portugal. Il donne les Tables de dĂ©clinaison : la distance du Soleil Ă  l’équateur, c’est-Ă -dire sa dĂ©clinaison.
  • 1473-1484, prĂ©sence de Christophe Colomb au Portugal.
  • 1475, Regiomontanus publie les ÉphĂ©mĂ©rides et les Tabula directionum.

Pierre Garcie dit Ferrande (1441-1502)

En France, Pierre Garcie dit Ferrande[2] est le premier français à diffuser son art de la navigation par l'astronomie. Sa publication sera diffusée jusqu'en 1662, tant elle devint indispensable aux marins qui partent en haute mer.

  • 1483, Pierre Garcie dit Ferrande signe son manuscrit, Le Routier de la Mer. Il est imprimĂ© en 1502 et prendra pour nom Le Grant Routtier, en 1520. Il sera publiĂ© jusqu’en 1662.
  • 1484, Martin Behaim arrive Ă  Lisbonne. Il prĂ©pare son Erdapfel, le plus vieux globe du monde encore existant, qu'il a conçu pour Nuremberg.
  • C’est pour rĂ©soudre le problĂšme des Tables de dĂ©clinaison Ă  l’usage des marins, que le roi Jean II rĂ©unit une commission, Junta dos matematicos do Rei. 1484 ?-1490 ? Elle aura pour mission d’extraire des traitĂ©s d’astronomie et d’astrologie des tables permettant de prĂ©voir les Ă©carts du Soleil par rapport Ă  l’équateur.

XVe siÚcle, les voyages océaniques

La recherche scientifique fondamentale et pratique connaßtra un formidable bond avec les voyages océaniques. Peu à peu les instruments de marine, confrontés à leur utilisation sur un bateau vont se perfectionner.

  • 1487-1488, Bartolomeu Dias part pour la dĂ©couverte du cap de Bonne EspĂ©rance.
  • 1492-1493, Christophe Colomb part pour son premier voyage vers le Nouveau Monde. « FormĂ© Ă  la navigation au milieu du XVe siĂšcle, il a dĂ©jĂ  abordĂ© la navigation astronomique. Il connaĂźt et pratique les hauteurs mĂ©ridiennes de la Polaire, mais sans trop semble-t-il maĂźtriser le calcul de la latitude. En revanche, il ignore tout des mĂ©ridiennes de Soleil. Elles ne seront mises au point qu’un peu avant son premier voyage. À cette Ă©poque, Christophe Colomb ne rĂ©side plus au Portugal et n’a donc pas accĂšs Ă  ces recherches. Il n’en reste pas moins que son journal est l’Ɠuvre d’un professionnel de la mer, un maĂźtre de l’estime. C’est la premiĂšre Ɠuvre centrĂ©e sur la technique pratique de la navigation dont nous disposons en Occident. C’ est une source aussi essentielle que celle de son contemporain oriental, Ibn Majid (1430-1500)[3] ».
  • 1496, Abraham Zacuto fait imprimer l ’ Almanach Perpetuum. C’est un ensemble de tables de dĂ©clinaison[11], reprises des ouvrages de cet  astrologue juif. RĂ©digĂ© d’abord en hĂ©breu, l’Almanach Perpetuum fut traduit en latin par Joseph Vizinho, trĂšs probablement MaĂźtre Joseph, mĂ©decin royal, membre de la Commission installĂ©e par le roi, D. JoĂŁo II. Ces tables furent introduites sous les titres de Regimento del sol e del norte et Regimento do Astrolabio e do Quadrante[1]. (Regimento au sens de RĂšgle : RĂ©glement de la Polaire).
  • 1503, la traduction du TraitĂ© de l’astrolabe de Masha'allah ibn AtharĂź (astronome musulman, 740-815) par Jean de SĂ©ville est imprimĂ©e.
  • 1509, RĂšglement de l’astrolabe et TraitĂ© de la sphĂšre[12] (Munich)[13]. C’est le premier document connu qui traite de la mĂ©thode du calcul des latitudes, d’aprĂšs la hauteur du Soleil et de la Polaire. Ce RĂšglement dĂ©termine chaque jour la dĂ©clinaison, l’emplacement du Soleil et la position de l’étoile polaire ; 1. calcul des latitudes d’aprĂšs la hauteur du Soleil ; 2. rĂšglement de l’étoile polaire ; 3. liste des latitudes pour les cĂŽtes occidentales d’Afrique jusqu’à l’Équateur ; 4. rĂšglement pour Ă©valuer le chemin parcouru par le navire ; 5. calendrier sans indication d’annĂ©e donnant la position du Soleil dans les signes du zodiaque, sa dĂ©clinaison et tables nautiques pour une annĂ©e bissextile.
  • 1514, le TraitĂ© de la boussole, par JoĂŁo de Lisboa Ă©tudie la dĂ©viation de l’aiguille et l’observe Ă  l’aide de l’astrolabe.
  • 1516-1518, le RĂšglement d’Évora[12] traite les mĂȘmes sujets que le RĂšglement de Munich, ajoutant : 6. le rĂšglement pour dĂ©terminer l’heure, la nuit, Ă  l’aide de l’étoile polaire ; 7. le rĂšglement pour dĂ©terminer l’heure de la marĂ©e haute. Le  instruments utilisĂ©s sont l’astrolabe, le quadrant et la Roda do Homen do Polo ou roue pĂŽle-homme.
  • 1518, Valentim Fernandes publie le RepertĂłrio dos Tempos. Il prĂ©sente la Roue polaire comme horloge nocturne et comme quadrant pour le calcul de la mĂ©ridienne Nord-Sud. À cette utilisation, Valentim Fernandes va apporter la correction de la dĂ©clinaison de la Polaire. À cette Ă©poque, l’étoile polaire Ă©tait Ă©loignĂ©e de 3,5° du PĂŽle, suivant sa place dans le ciel.
  • 1520, Fernand de Magellan dĂ©couvre le dĂ©troit de MagalhĂ nes. L’expĂ©dition revient en Espagne avec la Victoria en 1522.
  • 1520, le manuscrit de Pierre Garcie dit Ferrande (1441-1502) est imprimĂ© en 1520 sous le titre Le Grant Routtier : impression avec 200 pages imprimĂ©es, 59 dessins d’amer, la figure de la roue pĂŽle-homme et son utilisation. Ce marin français a reçu de son pĂšre espagnol, Jean Ferrande, la science de la navigation hauturiĂšre naissante que le RĂšglement d’Évora a mis en forme pratique. Il est le premier en France Ă  avoir rendu publique la mĂ©thode du calcul de l’heure nocturne et celle de la latitude d’un lieu. Dans son ouvrage de 1502, puis surtout de 1520, il propose : le rĂšglement de l’étoile polaire ; la liste des latitudes (distances) des ports et havres ; le rĂšglement pour Ă©valuer le chemin parcouru par le navire ; le rĂšglement pour dĂ©terminer l’heure, la nuit, Ă  l’aide de l’étoile polaire ; le calendrier julien et calcul pour le Nombre d’or d’une annĂ©e et d’une annĂ©e bissextile ; le calcul de la Nouvelle Lune en dĂ©but d’annĂ©e () ; le calcul de l’ñge de la Lune et des marĂ©es suivant l’établissement du port.
  • La recherche scientifique pratique se poursuivra avec Duarte Pacheco Pereira qui fait imprimer Esmeralda de situ Orbis, Ă©crit entre 1505/1508.
  • 1523-1524, la premiĂšre expĂ©dition du florentin Giovanni da Verrazzano et du français Antoine de Conflans, en AmĂ©rique du Nord, commanditĂ©e par le roi de France, François Ier, est Ă  l’origine de la fondation de New York. Dans la liste des ouvrages nautiques d’Antoine de Conflans, il y a Le Grant Routtier de Pierre Garcie.

Les volvelles

La roue pÎle-homme devient un instrument de marine pratique à partir du milieu du XVIe siÚcle, par la création de plusieurs volvelles articulées (roues pivotantes les unes sur les autres).

  • 1524, Petrus Apianus publie Cosmographicus Liber. Dans la seconde Ă©dition (1530) du De Principiis Astronomiae & Cosmographiae de Gemma Frisius est apparue une figure de Pierre Apian : la volvelle. Cette derniĂšre, associĂ©e Ă  un cadran solaire, peut ĂȘtre utilisĂ©e comme horloge pour dĂ©terminer l’heure de la nuit. Le disque interne est configurĂ© pour afficher la phase actuelle de la Lune Ă  travers la fenĂȘtre. AprĂšs avoir dĂ©terminĂ© l’angle horaire de la Lune (avec un cadran solaire utilisĂ© comme cadran lunaire et solaire) et ayant rĂ©glĂ© le cadran lunaire de la volvelle sur cet angle horaire, on peut trouver l’emplacement du Soleil et dĂ©terminer l’heure de la nuit.
  • 1526, Pedro Nunes publie l’Astronomici epitome sphƓra, puis en 1527 le TraitĂ© de la sphĂšre et Ă©tudes nautiques. Il prĂ©sente la Roue polaire, qu’il appelle « astrolabii Nocturni ». Cet instrument permet de calculer l’heure durant la nuit avec la Polaris, sa position, les marĂ©es et l’ñge de la Lune.
  • 1538 - 1541, les trois Roteiros de JoĂŁo de Castro, Roteiro de Lisboa a Goa - Roteiro de Goa a Dio - Roteiro de Goa a Soez, terminent les travaux portugais dans la premiĂšre moitiĂ© du XVIe siĂšcle. Ses trois Roteiros traitent toutes les questions nautiques d’importance : les courants maritimes, la rĂ©gularitĂ© des vents, la cĂŽte, les ports, les marĂ©es, instruments nautiques, les horloges, les Ă©clipses et enfin la dĂ©viation de l’aiguille et le calcul des longitudes. Ils reprennent la logique Ă©ditoriale du Grant Routtier (1520) de Pierre Garcie dit Ferrande.
Nocturlabe, HMS Maidstone, 1747, © photo CRHIP
  • 1545, Alphonse de Saintonge adapte l’Ɠuvre de MartĂ­n FernĂĄndez de Enciso (1519) : La Cosmographie avec l’espĂšre et rĂ©gime du Soleil du nord par Jean Fonteneau dit Alfonse de Saintonge, capitaine-pilote de François Ier. Il reproduit les tables du RĂšglement d’Évora, calculĂ©es pour un cycle de 4 ans, et la dĂ©clinaison du PĂŽle.
  • 1545, Pedro de Medina Ă©dite Arte de navegar en espagnol en 1545 puis en français en 1554.
  • 1551, MartĂ­n CortĂ©s de Albacar, cosmographe du roi d’Espagne, publie des tables plus simples de la dĂ©clinaison du Soleil dans son manuel pour marins : Breve Compendio de la sphera y de la Arte de navegar con nuevos instrumentos y reglas, exempliïŹcado comn muy subtiles demonstraciones. Sevilha : casa de Anton Alvarez, 1551. Il est traduit en anglais en 1561 sous le titre de The arte of navigation.
  • 1573, A Regiment of the Sea de William Bourne reprend les tables de Martin CortĂ©s (1551) qu’il simplifie pour les mettre Ă  la portĂ©e des navigateurs.
  • 1670, Oronce Fine est un astronome français (1494-1555), ses travaux sont imprimĂ©s : Cosmographie avec la figure d’une roue pĂŽle-homme.

XVIIIe siĂšcle, le nocturlabe

Le nocturlabe sera la derniĂšre Ă©tape de cette science pratique de la roue pĂŽle-homme. Il sera remplacĂ© par le sextant, lorsque l'appareil pourra ĂȘtre utilisĂ© en regardant le soleil sans abĂźmer les yeux.

  • 1745, la roue pĂŽle-homme devient un instrument de construction plus complexe, avec deux volvelles pivotantes et une alidade. Elle sera connue comme nocturlĂĄbio de ponteiro ou nocturlabe[14]. Celui-ci se compose de deux volvelles concentriques. La premiĂšre est un cadran des mois. La deuxiĂšme, mobile et munie d’un index, est un cadran des heures. La troisiĂšme partie est une alidade mobile. Cette alidade est dirigĂ©e sur l’étoile Kochab. Sa position permet de lire l’heure sur la deuxiĂšme volvelle, Ă  n’importe quel moment de l’annĂ©e. Au dos de l’instrument, on peut calculer l’établissement du port, Ă  partir d’un cadran des Ăąges de la Lune[15].

Utilisation

cadran des heures

La roue pĂŽle-homme est un cadran des heures qui est Ă©talonnĂ© en 24 heures par l’aiguille cĂ©leste : Ă©toile polaire > Gardes (Kochab et Perkhab).

Pierre Garcie annonce un instrument nautique, en l’absence de sablier (horloge), quadrant et boussole (compas). Cette roue pĂŽle-homme prĂ©sente une roue de 24 secteurs, utilisĂ©e comme 24 quinzaines de jours pour la 1re couronne et 24 heures (2 fois 12 heures) pour la 2e couronne avec un corps humain au centre. Le sens est direct d’est en ouest (sens inverse des aiguilles d’une montre). En cas de destruction de cet appareil, le corps d’ un marin peut servir de repĂšre mnĂ©motechnique.

Utilisation de la roue pÎle-homme © dessin CRHIP

En Atlantique, un marin qui veut calculer l’heure la nuit du met la Roue PĂŽle-Homme face Ă  soi, contrairement Ă  une utilisation normale d’une rose des vents qui est placĂ©e horizontalement pour les mesures d’ angle. Du point de vue astronomique, et contrairement Ă  une carte terrestre, on observe des objets situĂ©s au-dessus de vous et non en dessous : d’oĂč le fait que l’est et l’ouest sont respectivement Ă  gauche et Ă  droite ; le haut est le sud et le bas est le nord.

Si on observe le ciel on constate que les Ă©toiles tournent autour du PĂŽle, de la droite vers la gauche, quand on les observe, face au nord sous nos latitudes. Le Soleil et la Lune tournent, quant Ă  eux, de la gauche vers la droite toujours dans l’hĂ©misphĂšre nord mais on les observe face au sud. Pourtant le mouvement apparent des astres Ă©tant dĂ» Ă  la rotation terrestre, les astres tournent d’ un mĂȘme mouvement dans l’espace, c’est la position de l’observateur qui les fait paraĂźtre changer de sens. Il faudrait spĂ©cifier chaque fois la position de l’observateur : face au sud ou face au nord ; les explications deviennent alors pĂ©nibles. Pour y remĂ©dier, on prend pour repĂšre cet homme de la roue pĂŽle-homme, Ă©pinglĂ© sur le PĂŽle Nord cĂ©leste et qui regarde donc toujours vers le sud et on parlera de la position d’ un astre en disant qu’ il est dans le bras droit ou bien dans le bras gauche.

Cadran horloge de Pierre Garcie, 1520, © dessin CRHIP

La Polaire Ă©tant au nombril du bonhomme, le mĂ©ridien coupe l’horizon par les pieds au nord et dans le prolongement de la tĂȘte au sud. On sait dĂ©sormais de quoi on parle d’une façon simple. s’agit donc d’ une simple convention de signe exactement comme on a inventĂ© tribord et bĂąbord qui sont des directions repĂ©rĂ©es par rapport Ă  l’avant du navire, alors que les mots de droite et gauche sont un repĂ©rage par rapport Ă  l’observateur.

§ Exemple d'utilisation pour calculer l’heure nocturne du 15 fĂ©vrier 1520

  • 1re couronne, [mi-janvier] orientĂ©e vers EST ;
  • Ă©toile polaire au centre de la roue ;
  • pointer Kochab sur le bord extĂ©rieur ;
  • sur la 2e couronne, compter les heures entre la position/Kochab et la position/mi-janvier soit 4 heures ;
  • sur la 1re couronne, positionner la date du et lire l’écart avec la position/mi-janvier, soit 2 heures ;
  • faire la diffĂ©rence entre l’ heure relevĂ©e de Kochab et l’ heure de la date d’ observation, soit 4 - 2 = 2 heures ;
  • Kochab est aprĂšs la date de lecture du -minuit, d’oĂč rajout Ă  minuit ; il est 2 heures aprĂšs minuit, au moment de l’ observation.

cadran aux Ă©toiles

La roue pÎle-homme, comme compas © dessin CRHIP

Pierre Garcie propose le calcul de la hauteur de l’étoile polaire, Polaris, et de sa dĂ©clinaison au pĂŽle nord, avec la roue pĂŽle-homme utilisĂ©e comme quadrant. De lĂ , le marin peut dĂ©finir la latitude du lieu d'observation. La 3e couronne au centre de 360° reprĂ©sente 8 vents, Ă©talonnĂ©e par quart de 1 vent = 45° ; la 2e couronne de 24 quarts reprĂ©sente 360°, Ă©talonnĂ©e par quart de 15° ; la 1re couronne de 32 quarts (dessin Ă©toilĂ©), reprĂ©sente 360°, Ă©talonnĂ©e en quart de 11,25° (ou 11°15’).

Déclinaison, + ou - 3,5°, © dessin CRHIP

§ Exemple pratique pour calculer la hauteur de la Polaire d'un lieu déterminé

  • tenir la roue devant soi, l’axe nord-sud dans l’axe du corps TĂȘte/Pied ;
  • orienter la roue de maniĂšre que la cardinale EST soit sur l’ horizontale ou ligne d’ eau ;
  • trouver l’azimut de Polaris (rĂ©fĂ©rence A) sur le bord extĂ©rieur de la 1re couronne, en tendant + ou - le bras qui tient la roue ;
  • compter le nombre de quarts de l’est Ă  Polaris, soit ici : 4 quarts (pour un cadran de 32 aires) ou 3 quarts (pour un cadran de 24 heures) ;
  • chaque quart valant 11,25° (360°, par 32 quarts, 1re couronne) ; ou 15° (360°, par 24 heures, 2e couronne), l’ exemple donne : 45° ;
  • la mesure se fait Ă  minuit et au moment du calcul de l’ heure, il est possible de relever la dĂ©clinaison de Polaris par rapport au pĂŽle nord (+ ou - 3°), en positionnant cette Ă©toile sur le bord du nombril. Cette valeur sera utilisĂ©e pour corriger la hauteur de la Polaire. Cette forme de nombril se rapproche de la forme que propose Ibn Majid : la lettre (arabe) lam : ل. Le marin applique la rectification en plaçant la Polaris sur le bord du nombril dĂ©formĂ© et mesurer l'Ă©cart avec le bord de la Polaris en rĂ©fĂ©rence A ;
  • la dĂ©clinaison donne +1°30', la latitude serait ainsi : 45°+1°30' = 46°30', soit la latitude au niveau du port des Sables-d'Olonne.
Cadran compas-route par Pierre Garcie, © dessin CRHIP

cadran compas

Un marin considĂšre que le navire ne suit jamais la route qu’il est supposĂ© suivre[3]. Les problĂšmes Ă  rĂ©soudre au quotidien sont donc des problĂšmes de dĂ©rive. Pierre Garcie propose un RĂšglement des lieues et de la dĂ©rive Ă  estimer. L’estime est une mĂ©thode de navigation oĂč la position actuelle du navire est dĂ©duite en reportant la direction suivie et la distance parcourue Ă  partir d’un point de dĂ©part parfaitement connu. C’est, Ă  ce moment, une mĂ©thode graphique qui doit ĂȘtre reportĂ©e sur une carte marine ou portulan. La transcription graphique de la route est le cadre dans lequel s’inscrit le graphique de l’estime. Cela semble sĂ»r, on part sur une route oblique Nord-Sud jusqu’à couper la parallĂšle du port d’arrivĂ©e et, de ce point, on continue sur une route Est-Ouest jusqu’au port d’ arrivĂ©e. Mais l’expĂ©rience montre que le navire pourra rarement suivre cette route tout du long ; des sautes de vent vont engendrer des parcours parasites qu’il faudra prendre en compte.

Il faut donc Ă  la moindre altĂ©ration forcĂ©e de la route ĂȘtre capable de tracer sur la route initiale le point oĂč cet incident a lieu. Pour cela il suffit de connaĂźtre le nombre de milles parcourus depuis le dĂ©part et de les reporter sur la carte aprĂšs les avoir transformĂ©s en distance sur la carte par le truchement de l’échelle portĂ©e en marge.

Le pilote trace sa route en utilisant les lignes entrecroisĂ©es (marteloire) du portulan inscrites Ă  partir de rose des vents sur une carte portulan. Il trace ainsi une route surface Ă  partir de la vitesse estimĂ©e et du temps passĂ©, et en consĂ©quence, indique la distance parcourue. Puis il applique une premiĂšre correction qui concerne la dĂ©rive estimĂ©e due au courant et une deuxiĂšme correction qui concerne la dĂ©rive due au vent. On obtient alors le cap vrai, qui est l’ angle avec le nord que l’ on doit suivre au compas pour courir sur la route fond. En utilisant la mĂ©thode de calcul par la fin, le pilote estimait le point oĂč il Ă©tait.


Cette estimation Ă©tait source d’erreurs accumulĂ©es, Ă  la suite de plusieurs jours de route. Un degrĂ© en erreur plus ou moins pouvait reprĂ©senter 20 lieues ou 110 km d’ écart avec le point recherchĂ©.

§ Exemple pour calculer la dérive

Pierre Garcie dĂ©crit une roue pĂŽle-homme, utilisable comme compas, constituĂ© de 8 rumbs de vent ou 32 quarts de vent. La figure reprĂ©sente les huit directions premiĂšres [N - NO - O - SO - S - SE - E - NE] avec huit Ă©toiles intercalĂ©es pour les directions secondaires [NNO - ONO - OSO - SSO - SSE - ESE - ENE - NNE]. Le marin a ainsi un cadran compas de 16 directions reprĂ©sentĂ©es (chacune de 1/2 rumb ou 2 quarts) et 16 autres directions imaginaires. Ce compas permet d’ exprimer le cap suivi par le navire avec 32 quarts de vent, et par Ă©quivalence avec deux fois 12 heures ou huit fois 45°.

Cet ensemble permet d’ évaluer succinctement la dĂ©rive d’ un bateau en fonction de sa route, des courants et du vent. Voici un extrait du RĂšglement des Lieues : « (...) Exemple familier : si tu veux naviguer sur une route qui vise le nord et le sud comme [de La Rochelle Ă  Santander] et que tu prennes un quart de nord-est ou de sud-ouest ou de nord-ouest ou de sud-est, ce quart de vent te dĂ©portera [de] 16 lieues en 80 lieues. Sache qu’ en 80 lieues, un demi-rhumb de vent qui fait 2 quarts de vent porte un navire 32 lieues au nord ou au sud. » Le Grant Routtier, f° 7r (p. 13)[2]

Cela signifie que si vous faites 80 lieues Ă  un cap diffĂ©rent de 2 quarts de vent de votre route dĂ©sirĂ©e, vous serez Ă©cartĂ© de 32 lieues de votre point dĂ©sirĂ©. C'est le rĂ©sultat de la formule : Écart = Longueur parcourue x Sinus de 11°1/4. Cette question Ă©tait rĂ©solue graphiquement, sans calcul, par le marteloire.

cadran lunaire - cadran des marées

Pierre Garcie dĂ©crit dans Le Grant Routtier un mode opĂ©ratoire pour calculer l’ñge de la Lune et celui des marĂ©es avec la roue pĂŽle-homme. Chaque cadran (celui des dates, celui de l’ñge de la Lune, celui des rhumbs et celui des marĂ©es) sont sur la mĂȘme figure. Un marin qui veut calculer, en un lieu donnĂ©, l’ñge de la Lune et le dĂ©roulement des marĂ©es, doit d’ abord connaĂźtre le nombre d’ or de l’annĂ©e d’ observation, puis l’épacte. Une fois dĂ©fini le Nombre d’or et l’épacte calculĂ©s, le marin Ă©tablit la Nouvelle Lune du dĂ©but de l’ annĂ©e solaire en mars de l’annĂ©e considĂ©rĂ©e (annĂ©e mĂ©diĂ©vale). Il est alors possible d’ utiliser la roue pĂŽle-homme pour calculer l’ñge des marĂ©es, dĂ©finissant ainsi l’établissement du port, ou le cycle des marĂ©es de ce port Ă  un moment donnĂ©[16].

En astronome et marin pĂ©dagogue, Pierre Garcie dĂ©crit quatre Ă©tapes pour utiliser la roue pĂŽle-homme. Étape 1 : calculer le Nombre d’or de l’annĂ©e en cours et dĂ©termination de l’épacte ; Étape 2 : calculer la Nouvelle Lune (et Pleine Lune) en mars (dĂ©but de l’annĂ©e mĂ©diĂ©vale) [ou Étape 1 et 2 : Pierre Garcie donne une autre possibilitĂ© par la liste des dates du jour de PĂąques, dimanche qui suit la Pleine Lune aprĂšs l’équinoxe de printemps, le 21 mars] ; Étape 3 : lire l’établissement du port, lieu oĂč le pilote veut arriver, dans le chapitre de la zone dĂ©crite par Le Grant Routtier[2]. Pointer sur la roue pĂŽle-homme cet azimut ou direction, soit A (figure 5) ; Étape 4 : calculer l’ écart entre le 15e jour de lunaison (cadran date), soit B (figure 5), et l’établissement du port, soit A, ce qui donne un nombre de rhumb, soit C (figure 5) [ou Étape 4 : Pierre Garcie donne deux possibilitĂ©s de calcul, soit par le cadran heure, soit par le cadran jour (« qui veut compter la Lune par les heures, puis par les jours »)]. La roue pĂŽle-homme est prĂȘte. Étape 5 : pour calculer l’heure de la pleine mer un jour dĂ©fini de l’annĂ©e, il propose de pointer l’ñge de la Lune sur la roue et d’ajouter l’écart C dĂ©jĂ  dĂ©fini prĂ©cĂ©demment.

§ Exemple de calcul de l'établissement du port

Cadran des marées © dessin CRHIP

Pierre Garcie propose cinq Ă©tapes pour utiliser la roue pĂŽle-homme. Ci-aprĂšs, en exemple, le calcul de l’ heure de la pleine mer du , aux Îles Anglo-Normandes.

Étape 1 : RĂšglement de la Lune, suivant Le Grant Routtier (1520) : calcul du Nombre d’ or de l’ annĂ©e 1520. Ce nombre et celui de l’ Épacte Ă©taient donnĂ©s le dimanche par le prĂȘtre lors de son prĂȘche. Pierre Garcie explique comment les calculer, lorsqu’ il est en mer : division de 1520 par 19 et ne retenir que le RESTE de la division. Cela s’ écrit [1520%19] ou [1520 modulo 19] donne un RESTE = 0. À ce rĂ©sultat, ajouter + 1. Nous sommes en calendrier julien.

Le Nombre d’ or est 1, il correspond Ă  la premiĂšre annĂ©e du cycle de 19 ans.

Étape 2 : Calculer l’Épacte pour connaĂźtre la Nouvelle Lune (et Pleine Lune) en mars (dĂ©but de l’ annĂ©e mĂ©diĂ©vale) : l’épacte, ou concurrence, est le nombre de jours que l’annĂ©e civile du Soleil surpasse celle de la Lune ou bien c’est l’ñge qu’avait la Lune le dernier jour de l’annĂ©e qui prĂ©cĂšde celle qu’on demande. Chaque annĂ©e, la lune prend un retard sur le soleil de 11 jours. Ce nombre de l’épacte dĂ©pend du Nombre d’Or. Pierre Garcie propose ce calcul avec les doigts et mentalement. Son annĂ©e mĂ©diĂ©vale commence le , lendemain de l’ équinoxe de printemps. Calcul : A — le Nombre d’Or est 1. B — compter ce nombre sur les trois doigts, soit 1 fois qui aboutit au premier doigt. Ce 1er doigt a un montant de 18. C — assembler le chiffre 1 (doigt) et 18, soit 1 + 18 = 19. D — Pierre Garcie poursuit en tout 3 fois ce calcul ; soit Nombre d’Or 1 sur le 2e doigt (montant 28) qui donne 29 ; enfin Nombre d’ Or 1 sur le 3e doigt (montant 38) qui donne 39. E — assembler le rĂ©sultat : 19 + 29 + 39 = 87. F — ĂŽter 3 fois 30 (durĂ©e d’une lunaison) = 90 de 87 (en E). G — il reste - 3.

L’épacte est – 3. L’annĂ©e mĂ©diĂ©vale commence le . La Nouvelle Lune est 3 jours auparavant (19-20-21), soit le ; la pleine mer du est Ă  6 h solaire.

Étape 3 : Établissement du port au mois de , avec Le Grant Routtier : pour connaĂźtre le mouvement de la marĂ©e au voisinage d’un port particulier, Pierre Garcie donne des tables qui indiquent l’heure de la pleine mer au mĂ©ridien du jour de la Nouvelle Lune dans un lieu donnĂ©. Nous trouvons ces tables d’établissement du port pour la zone Manche nord et ouest France, Manche sud Angleterre et nord Espagne, dans Le Grant Routtier. La situation du port est l’heure de la haute mer du matin le jour de la nouvelle Lune (Ăąge = 0). « À Chausey, Guernesey, Jersey, Sercq et Herm, la Lune [est] au sud basse mer, Ă  terre,et Ă  l’ouest, [Ă ] plaine mer[2] ».

Cela signifie qu’au premier jour de la lunaison, Ă  la Nouvelle Lune du , aux Îles Anglo-Normandes, la pleine mer est « ouest », ou 6 heures du matin. Comme c’est le premier jour de la lunaison, par dĂ©finition le Soleil passe en mĂȘme temps que la Lune au mĂ©ridien, il est donc 6 heures du matin au Soleil. La pleine mer du soir sera donc 12 heures aprĂšs, Ă  18 heures ou 6 heures de l’aprĂšs-midi.

Étape 4 : calculer l’ñge de la lune et de la marĂ©e du aux Îles Anglo-Normandes, avec la Roue PĂŽle-Homme : Pierre Garcie a besoin de : A —  un cadran de lunaison de 30 jours qu’il rĂ©duit Ă  une demi-lunaison de 15 jours (cercle bleu) sur 360°. B — un cadran compas de 32 rumbs qu’il rĂ©duit Ă  16 quarts ou rumbs (cercle blanc) sur 360°. C — un cadran de marĂ©es de 24 heures (cercle vert) sur 360°. D — un cadran annuel des marĂ©es, rĂ©duit Ă  une demi-annĂ©e de 360 h (cadran bleu) sur 360°.

  • Roue pĂŽle-homme et Ă©tablissement du port
  • cadran solaire annuel © dessin CRHIP
    cadran solaire annuel © dessin CRHIP
  • cadran annuel des marĂ©es
    cadran annuel des marées
  • cadran lunaire annuel
    cadran lunaire annuel
  • cadran journalier des marĂ©es
    cadran journalier des marées
  • mĂ©thode de calcul sur les doigts © dessin CRHIP
    méthode de calcul sur les doigts © dessin CRHIP

Étape 5 : poursuite du calcul : E — rappel des donnĂ©es acquises pour 1520, le Nombre d‘Or est 1 ; l’épacte est -3 ; la Nouvelle Lune de mars est le , soit un doigt en B sur la roue pĂŽle-homme. La pleine mer est Ă  6 h aux Îles anglo-normandes. F — mĂ©thode utilisĂ©e, 3 [NO 1 + mars + 1er] + 4 (d’avril Ă  juillet) + 1 (1er aoĂ»t) = 8. L’annĂ©e finissant le , au mois d’aoĂ»t, la date de dĂ©part est le . La Nouvelle Lune est 8 jours avant, soit le . La pleine mer est Ă  midi ou minuit. G — la situation du port des Îles Anglo-Normandes, le est 6 h : soit un doigt A posĂ© sur le cadran compas Ă  6 h ou ouest ou 4 quarts. H — Le , dont l’ ñge de la Lune est 7 jours [20-13 aoĂ»t], est Ă  positionner par le cadran lunaison blanc : soit un doigt C posĂ© sur S1/4SO ou 174 h (7 jours x 24 h + 6 h) ou entre 7 et 8 quarts. I — Lire sur le cadran vert des marĂ©es, l’heure de pleine mer, soit +/- 11 h 30’.

Par un calcul moderne, elle est dĂ©finie le Ă  10 h 46’. La prĂ©cision relative est suffisante pour arriver en sĂ©curitĂ© une Ă  deux heures avant et aprĂšs sur ce lieu.

Références

  1. BensaĂșde, Joaquim. L’astronomie nautique au Portugal Ă  l ’ époque des grandes dĂ©couvertes, 1912.
  2. Bernard de Maisonneuve, Pierre Garcie dit Ferrande ; le routier de la mer, v-1490, 1502, 1520, CRHIP, 2015 (ISBN 978-2-7466-8417-1) Prix de l'Académie de marine, 2016
  3. Com’ NouguĂ©, Michel. Les Nouvelles MĂ©thodes de Navigation durant le Moyen Âge, Conservatoire national des arts et mĂ©tiers - CNAM, 2012.
  4. Amiral François Bellec, Histoire universelle de la navigation, Volume 1, Les découvreurs d'étoiles - J.P de Monza, 2016
  5. Dutarte, Philippe. Les instruments de l ’  astronomie ancienne de l ’  AntiquitĂ© Ă  la Renaissance, Paris, Vuibert, 2006.
  6. Vaticanus lat. 644 fol. 76r
  7. bibliothĂšque Marciana de Venise (Ms lat. VIII.22 fol.1r)
  8. « BibliothÚque d'Avranches »
  9. École des interprĂštes de TolĂšde, sous la forme de binĂŽmes (moine chrĂ©tien-lettrĂ© arabe), unissant deux spĂ©cialistes d’une mĂȘme matiĂšre : un lettrĂ© arabisant traduit les textes de l’arabe vers le vernaculaire. Juan Vernet et Julio Samso, Les dĂ©veloppements de la science arabe en Andalousie in Roshdi Rashed (Ă©d.), Histoire des sciences arabes. T.1. Astronomie, thĂ©orique et appliquĂ©e. Paris, Seuil, 1997, p. 285 Ă  287.
  10. Guy Beaujouan et Emmanuel Poulle, Les origines de la navigation astronomique du XIVe au XVe siĂšcle in Le navire et l’économie maritime du Moyen Âge au XVIIIe siĂšcle principalement en MĂ©diterranĂ©e. SEVPEN, Paris, 1957.
  11. Deux siĂšcles avant le Christ, l’étoile polaire se trouvait environ Ă  12° du PĂŽle. Cette Ă©toile se rapproche du PĂŽle de plus en plus jusqu’à l’an 2095. Elle arrivera alors Ă  26’ d’écartement ; ensuite elle commencera Ă  s’en Ă©loigner.
  12. « Navigation Portugaise »
  13. Regimento de Munique et Regimento de Evora (GuĂ­a NĂĄutico)
  14. « nocturlabe »
  15. Bernard et Mireille de Maisonneuve, Le Maidstone, miroir d'une mémoire, Arhims, 1992. (ISBN 978-2-9500688-2-8)
  16. Com ’ NouguĂ©, Michel. Le calcul des marĂ©es au Moyen Âge, Chronique d ’  Histoire Maritime – SFHM, n°78, juin 2015.

Voir aussi

Bibliographie

  • Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.
    BensaĂșde Joaquim, ingĂ©nieur et historien portugais, a apportĂ© une contribution remarquable Ă  l’histoire des grandes dĂ©couvertes maritimes portugaises et en particulier sur le RĂšglement de l’astrolabe, appelĂ© aussi RĂšglement de Munich [1509] et RĂšglement d’Évora [1516]. Dans cette synthĂšse est utilisĂ© son ouvrage : L’astronomie nautique au Portugal Ă  l’époque des grandes dĂ©couvertes. [1912].
  • Beaujouan Guy, Poulle Emmanuel, Les origines de la navigation astronomique du xive au xve siĂšcle, in Le navire et l’économie maritime du Moyen Âge du XVe au XVIIIe principalement en MĂ©diterranĂ©e ; Travaux du 1er colloque international d’histoire maritime, 1956 - Paris, SEVPEN. [1960].
  • Amiral François Bellec, Histoire universelle de la navigation, Volume 1, Les dĂ©couvreurs d'Ă©toiles - J.P de Monza, 2016.
  • Com ’ NouguĂ© Michel, ingĂ©nieur et historien français, a contribuĂ© Ă  l’apport de la science nautique arabe avant l’essor des Portugais. Doctorat CNAM : Les Nouvelles MĂ©thodes de Navigation durant le Moyen Âge. [2012].
  • Com ’ NouguĂ©, Michel. Le calcul des marĂ©es au Moyen Âge, Chronique d’Histoire Maritime – SFHM, no 78, .
  • Dutarte, Philippe. Les instruments de l ’  astronomie ancienne de l ’  AntiquitĂ© Ă  la Renaissance, Paris, Vuibert, 2006.
  • Maisonneuve Bernard de, Pierre Garcie dit Ferrande - le routier de la mer, v.1490 - 1502 - 1520, CRHIP, 2015.
  • Texeira da Mota Avelino, L’art de naviguer en MĂ©diterranĂ©e du XIIIe au XVIIe siĂšcle et la crĂ©ation de la navigation astronomique, in Le navire et l’ économie maritime du Moyen Âge au XVIIIe siĂšcle principalement en MĂ©diterranĂ©e ; Travaux du 2e colloque international d’histoire maritime, 1957 - Paris, SEVPEN. [1958].

Articles connexes

Liens externes

  • Association MĂ©ridienne, Nantes
  • Association Sciences en Seine et Patrimoine, ASSP Rouen
  • Association As Horas Nocturnas
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