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Shirƍ Ishii

Shirƍ Ishii (石äș• 曛郎, Ishii Shirƍ, 1892-1959) Ă©tait le gĂ©nĂ©ral de division de l’unitĂ© 731, chargĂ© de la recherche sur les armes bactĂ©riologiques pendant la Seconde Guerre sino-japonaise. Il poussa le Japon Ă  adopter une stratĂ©gie de guerre bactĂ©riologique alors que le pays Ă©tait signataire du Protocole de GenĂšve de 1925 interdisant le recours aux armes chimiques. Il fut la clĂ© de voĂ»te de l'organisation de programmes massifs d'expĂ©rimentations biomĂ©dicales, sur des cobayes humains notamment[1]. Bien qu'il fĂ»t Ă  ce titre suspectĂ© de crimes de guerre, il ne fut jamais jugĂ© ni condamnĂ© comme tel.

Shirƍ Ishii
Shirƍ Ishii en 1932.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  67 ans)
Tokyo
Nom dans la langue maternelle
石äș•ć››
Nationalité
Allégeance
Formation
Activités
Période d'activité
Ă  partir de

Jeunesse et années d'études : 1892-1920

Shiro Ishii naĂźt le dans l’ancien village de Chiyoda dans la prĂ©fecture de Chiba au Japon (Ă  deux heures de voiture du centre actuel de Tokyo[2]) dans une famille de riches propriĂ©taires terriens[3]. Il entre au dĂ©partement de mĂ©decine de l’universitĂ© impĂ©riale de Kyoto en 1916 et en sort diplĂŽmĂ© en 1920.

Débuts dans l'armée : 1922-1932

Il rejoint l'armée en tant que chirurgien Lieutenant peu aprÚs avoir obtenu son diplÎme[4], obtenant son transfert durant l'été 1922 à l'hÎpital de la premiÚre Armée de Tokyo[5].

À cette Ă©poque, il apparaĂźt brillant, charismatique, parfois instable, versatile, extravagant et ambitieux[1]. Il est aussi ultra-nationaliste, cherchant avec ferveur Ă  faire du Japon un leader en Asie[1]. Son travail le distingue aux yeux de ses supĂ©rieurs, qui le renvoient en 1924 Ă  l'universitĂ© de Kyoto, prĂ©parer un doctorat. L'annĂ©e suivante, Shiro Ishii et son Ă©pouse, la fille du directeur de l'universitĂ© impĂ©riale de Tokyo[6], donnent naissance Ă  leur fille aĂźnĂ©e Harumi Ishii[7]. Un an plus tard, Shiro Ishii obtient son doctorat en microbiologie.

Au cours de ses travaux scientifiques, Shiro Ishii lit un rapport qui va changer sa vie : Ă©crit par le Premier Lieutenant de Seconde Classe Harada, il se concentre sur les armes bactĂ©riologiques, au cƓur de la ConfĂ©rence de GenĂšve de 1925 Ă  laquelle Harada, en tant que membre du bureau de la Guerre, a assistĂ©. Ishii y voit un potentiel Ă©norme pour l'armĂ©e japonaise et dĂ©cide de s'y intĂ©resser[8].

Membre de plusieurs sociétés secrÚtes influentes dans les milieux militaires, son charisme et ses talents de persuasion le font vite remarquer auprÚs des personnalités influentes de l'armée, notamment l'ex-général chirurgien de l'armée et ex-ministre de la santé, Koizumi Chikahiko, qui lui obtient le poste de professeur d'Immunologie à l'Université médicale militaire de Tokyo, l'école médicale militaire la plus prestigieuse du Japon[9].

Au dĂ©but de l’annĂ©e 1928, il fait un voyage de deux ans en Europe et en AmĂ©rique oĂč il se lance dans des recherches intensives sur les effets des armes bactĂ©riologiques et chimiques. Il y Ă©tudie notamment les armes chimiques utilisĂ©es pendant la Grande Guerre[3], visitant plusieurs instituts mĂ©dicaux europĂ©ens, canadiens et amĂ©ricains.

En 1930, de retour d'Europe, Ishii est promu commandant. Ses recherches sur les armes bactĂ©riologiques suscitent l'intĂ©rĂȘt des hautes sphĂšres militaires. Devant l'infĂ©rioritĂ© du Japon par rapport aux États-Unis et Ă  l'URSS en termes de population et de capacitĂ© de production de guerre, les armes bactĂ©riologiques apparaissent en effet comme une solution pour inverser le rapport de force[10]. Dans ce contexte, Shiro Ishii reçoit le soutien du ministre de la Guerre Araki Sadao, du chef du bureau militaire des Affaires Nagata Tetsuzan et de colonels de factions ultra-nationalistes. GrĂące Ă  ses contacts, Shiro Ishii monte rĂ©guliĂšrement en grade (tous les trois ans jusqu'Ă  obtenir le grade de lieutenant-gĂ©nĂ©ral en 1930)[1].

Il intĂšgre, en 1930, le service de la prĂ©vention des Ă©pidĂ©mies de l’école de mĂ©decine de l’armĂ©e. Il s'intĂ©resse alors autant Ă  la prĂ©vention des maladies qu'Ă  la mise au point des armes bactĂ©riologiques. Il commence Ă  cette date Ă  conduire secrĂštement des expĂ©riences sur des cobayes humains non consentants dans son laboratoire Ă  Tokyo[1].

En 1931, il invente un filtre Ă  eau capable de nettoyer l’eau des bactĂ©ries, dispositif utilisĂ© dans la Marine impĂ©riale japonaise.

Les expérimentations : 1932-1945

DÚs 1930, réalisant que Tokyo n'est pas l'endroit approprié pour conduire des expérimentations à grande échelle, Shiro Ishii voit dans le Mandchoukouo l'endroit adapté à ses projets et commence les opérations en 1932[11].

AprĂšs le stade de Harbin, le village de Beiyinhe de 1932 Ă  1936

En 1932, il reçoit la permission du ministre de l'ArmĂ©e, Sadao Araki, de dĂ©velopper un programme de recherche bactĂ©riologique et de mener des expĂ©riences sur les humains. Il dirige donc, de 1932 Ă  1934, le laboratoire de recherches sur la prĂ©vention des Ă©pidĂ©mies chargĂ© en rĂ©alitĂ© d'Ă©tudier les armes bactĂ©riologiques[3], qu'il installe d'abord en 1932 Ă  Harbin, ville cosmopolite du Nord de la Mandchourie, non loin de la frontiĂšre sino-russe. Il achĂšte de nombreux bĂątiments, dispose d'un personnel (300 hommes) et d'un Ă©quipement importants, et un budget lui est allouĂ© (200 000 yens). Les recherches sur les armes bactĂ©riologiques restent secrĂštes et la structure est dĂ©signĂ©e sous le nom d'UnitĂ© Tƍgƍ[l 1] - [12]. Il devient vite manifeste cependant qu'Harbin est encore trop ouverte pour prĂ©server le secret des expĂ©riences. Le choix se porte alors, fin 1932, sur Beiyinhe, petite ville isolĂ©e Ă  soixante kilomĂštres au sud de Harbin. Shiro Ishii y fait construire un bunker-laboratoire gigantesque surnommĂ© « La Forteresse Zhongma ». Il mĂšne des expĂ©riences sur des prisonniers politiques et, lorsque ces derniers viennent Ă  manquer, sur d'autres prisonniers[12]. Il doit cependant interrompre les expĂ©riences qui s'y dĂ©roulent fin 1934 Ă  cause d'une rĂ©volte des cobayes humains et de l'explosion d'un dĂ©pĂŽt de munition voisin qui endommage les installations[13]. Certains prisonniers-cobayes s'Ă©tant Ă©chappĂ©s[3], le secret de l'opĂ©ration Ă©tait menacĂ©. Shiro Ishii obtient alors la construction d'un nouvel ensemble de soixante-dix bĂątiments Ă  Pingfang (Ă  24 kilomĂštres, au sud de Harbin)[13].

Le camp de Pingfang : 1938-1945

Shiro Ishii bĂ©nĂ©ficie du soutien, dont le caractĂšre volontaire ou non reste inconnu, de l'empereur Hirohito qui, le , passe un dĂ©cret impĂ©rial Ă©tablissant une nouvelle unitĂ© de l'armĂ©e, la Boeki Kyusui Bu[12] ou « administration de fourniture d’eau et de prophylaxie de l’armĂ©e du Guandong ». Ishii est promu colonel lors de l'ouverture du nouveau centre en 1938[13].

Si l'UnitĂ© effectue un travail de purification des eaux, l'essentiel de sa tĂąche est secret. Chef de bureau, Shiro Ishii peut organiser le projet avec une ample marge de manƓuvre. Il ajoute Ă  l'UnitĂ© Tƍgƍ des mĂ©decins civils et des soldats qui lui sont loyaux car venus de son village d'origine. Cette nouvelle unitĂ© prend le nom d'UnitĂ© Ishii et sera renommĂ©e « UnitĂ© 731 »[l 2], en 1941[12]. Il se retrouve alors Ă  la tĂȘte d'une organisation plus importante, qui emploie prĂšs d'un millier de chercheurs (mĂ©decins, biologistes, vĂ©tĂ©rinaires et chimistes)[13]. Ses deux frĂšres participent activement au projet : Takeo supervise les systĂšmes de sĂ©curitĂ© des prisonniers humains afin d'Ă©viter les Ă©vasions pendant que Mitsuo supervise les espĂšces animales et la reproduction des divers cobayes animaux (rats, bacilles, puces)[7].

Une fois l'installation de Pingfang terminĂ©e, d'autres unitĂ©s plus rĂ©duites sont crĂ©Ă©es, d'abord en Mandchourie, Ă  Anda, 140 kilomĂštres au nord de Harbin et Dalian, un port du sud de la Mandchourie. L'influence de Shiro Ishii s'Ă©tend aux parties occupĂ©es de la Chine, Ă  la Mongolie intĂ©rieure, puis aux autres territoires occupĂ©s par le Japon au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale : Singapour, etc. Au sommet de son pouvoir, Shiro Ishii contrĂŽle une flotte aĂ©rienne, un personnel scientifique et mĂ©dical composĂ© de plusieurs milliers d’individus et une armĂ©e de soldats. Plus important, il gĂšre Ă  lui seul des sommes Ă©normes[14]. Il est Ă©galement en Ă©troite relation avec les hĂŽpitaux japonais : les mĂ©decins de l’UnitĂ© sont des mĂ©decins civils et les conclusions des expĂ©riences sont communiquĂ©es rĂ©guliĂšrement au monde mĂ©dical japonais. Enfin, il bĂ©nĂ©ficie Ă©galement du concours de la kenpeitai, la police militaire de l'armĂ©e de terre, qui lui fournit ses cobayes humains[3].

La taille du complexe lui permet d'organiser dĂšs 1938 des tests Ă  l'air libre sur des soldats et des civils : Chinois, Mandchous, CorĂ©ens et Russes blancs. L’affirmation selon laquelle des prisonniers de guerre britanniques et amĂ©ricains auraient Ă©tĂ© « utilisĂ©s » lors de ces tests prĂȘte Ă  dĂ©bat. Selon Sheldon Harris[15] cette affirmation est infondĂ©e, mais le journal personnel de Robert Peaty, major du Royal Army Ordnance Corps (RAOC) et prisonnier de guerre au camp de Mukden, mentionne en janvier et l'inoculation de maladies infectieuses aux prisonniers de guerre amĂ©ricains par des mĂ©decins de l'UnitĂ© 731 sous prĂ©texte de faire des vaccins[16].

L'application de ses expériences

Dans le cadre des recherches de l'Unité 731, Shiro Ishii est amené à donner des conférences et à faire des démonstrations de vivisection devant des personnalités médicales, militaires et politiques japonaises. Viennent notamment y assister les princes Chichibu, et Mikasa, jeunes frÚres de l'empereur Hirohito, ainsi qu'Higashikuni Naruhiko, l'oncle de l'empereur[17].

Il organise dans son centre des essais de toutes sortes visant Ă  Ă©tudier les effets sur les « marutas » (surnom donnĂ© aux cobayes signifiant « bĂ»ches » ou « billes de bois ») de nouvelles armes, des tempĂ©ratures extrĂȘmes, de l'inoculation de souches bactĂ©riologiques. Ces expĂ©riences conduisent Ă  l'utilisation d'armes bactĂ©riologiques visant Ă  transmettre principalement la maladie du charbon, le tĂ©tanos et la peste. Les mĂ©thodes imaginĂ©es pour rĂ©pandre les bactĂ©ries sont diverses : distribution de nourriture ou de vĂȘtements infectĂ©s, bombes, largage de puces, infestation des sols et de l'eau[18]...

Entre 1937 et 1945, des dizaines de milliers de Chinois dĂ©cĂšdent de la peste bubonique, du cholĂ©ra, de l’anthrax, de la tuberculose, de la typhoĂŻde et d’autres virus. Le nombre total de morts chinois qui rĂ©sulte des armes bactĂ©riologiques utilisĂ©es par l'armĂ©e japonaise est estimĂ© Ă  208 000, dont 187 000 civils par R.J Rummel[19]. Sheldon Harris fixe quant Ă  lui le nombre de morts aux alentours des 250 000[20]. Quant Ă  Shiro Ishii et l'UnitĂ© 731, ils sont responsables de la mort d'entre 3 000 et 12 000 Â« cobayes » selon Sheldon Harris[3].

Parmi ses projets figure l'opération "Cerisiers en fleurs dans la nuit" ou Opération PX. Finalisé par l'Unité 731 le 26 mars 1945, il prévoit le largage sur la région de San Diego en Californie du Sud d'insectes porteurs de pathogÚnes, tel celui de la peste depuis quinze Aichi M6A embarqués sur cinq sous-marins classe I-400 le 22 septembre 1945[21] - [22] - [23] - [24].

Défaite japonaise et démantÚlement : 1945

Deux jours aprĂšs l'explosion de la bombe nuclĂ©aire Ă  Hiroshima, le , l'Union soviĂ©tique entre en guerre et ses troupes avancent rapidement en Mandchourie. Les prisonniers du complexe de PingFang sont tuĂ©s par injections d’acide prussique et incinĂ©rĂ©s en trois jours. La centrale thermique, la prison le puis tout le reste sont dĂ©truits, sauf les bĂątiments de l'entrĂ©e. Le groupe des aviateurs est chargĂ© de dynamiter les bĂątiments. Les trains se succĂšdent pour acheminer les nombreux membres du personnel de l'UnitĂ© 731 jusqu'en CorĂ©e. Le dernier train part le au soir. Le , l'empereur Hirohito dĂ©clare Ă  la radio la fin de la guerre[25].

Cinq jours plus tard, le dernier convoi d'Ă©vacuation du complexe de Pingfang arrive Ă  Busan (ou Pusan), sur le littoral corĂ©en. Shiro Ishii y attend les membres de l'UnitĂ© 731. L'UnitĂ© est dĂ©finitivement dissoute, mais les membres de l'UnitĂ© sont contraints au silence, avec ordre de dire qu'ils veillaient Ă  empĂȘcher la propagation d'Ă©pidĂ©mies et Ă  la purification des eaux. Shiro Ishii commande une Ă©quipe qui rejoint secrĂštement Tokyo en s'arrĂȘtant chaque soir dans des temples amis. Il atteint Tokyo Ă  la fin du mois d'aoĂ»t et dĂ©couvre une ville dĂ©vastĂ©e, en attente des dĂ©cisions amĂ©ricaines[26].

Le pacte avec les États-Unis : 1945

Shirƍ Ishii en 1939.

Douglas MacArthur arrive Ă  la fin du mois de au Japon accompagnĂ© d'un personnel nombreux comprenant des avocats, des dĂ©tectives et des forces de police pour traquer les criminels de guerre japonais. De nombreux propos sont rapportĂ©s aux forces de police amĂ©ricaines quant aux agissements de l'UnitĂ© 731 et Ă  la personne de Shiro Ishii, souvent anonymes, et, quand dĂ©clarĂ©s, souvent envoyĂ©s par les partis communistes chinois ou japonais. La prĂ©cision et l'exhaustivitĂ© de certains renseignements laissent Ă  penser que l'UnitĂ© avait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© infiltrĂ©e par une cellule des partis Communistes chinois ou soviĂ©tique[6].

En consĂ©quence, le , l'ordre est donnĂ© par l'agence de contre-espionnage amĂ©ricaine d'arrĂȘter Shiro Ishii pour lui faire subir un interrogatoire. Contrairement aux principaux criminels de guerre japonais, il n'est alors pas emprisonnĂ©, mais assignĂ© Ă  rĂ©sidence dans sa demeure de Tokyo[27]. Ce dernier s'est jusque-lĂ  cachĂ© dans la montagne[3]. Shiro Ishii et d'autres individus ayant jouĂ© un rĂŽle important dans l'UnitĂ© 731, tels que Ryƍichi Naitƍ , sont alors interrogĂ©s. Des dĂ©lĂ©gations de scientifiques envoyĂ©es de Fort Detrick, dans le Maryland, Ă  Tokyo Ă  l'automne 1945 (conduites par le lieutenant-colonel Murray Sanders), en 1946 (lieutenant-colonel Arvo Thompson), en 1947 (Dr Norbert H. Fell) et en 1948 (Dr Edwin V. Hill) rencontrent Ă©galement Ishii et les autres dirigeants de l'UnitĂ© 731[28]. Ces dĂ©lĂ©gations, intĂ©ressĂ©es par les rĂ©sultats scientifiques des expĂ©riences menĂ©es par l'UnitĂ©, jouent un rĂŽle important dans la gestion de l'affaire.

Alors qu’en Europe en 1947, le procĂšs de Nuremberg met en Ă©vidence les responsabilitĂ©s des nazis, un pacte secret est conclu entre Douglas MacArthur et Shiro Ishii. Ce pacte lui garantit l’immunitĂ© et le secret sur les atrocitĂ©s commises en Ă©change des rĂ©sultats qu’il a obtenus. Une entente est conclue et tous les membres de l'UnitĂ© sont exonĂ©rĂ©s de poursuites devant le Tribunal de Tƍkyƍ. Ils reçoivent en plus une allocation Ă  vie, sans doute de l’armĂ©e amĂ©ricaine[3].

Certains mĂ©decins capturĂ©s par les SoviĂ©tiques sont toutefois jugĂ©s en 1949 lors du procĂšs de Khabarovsk, mais cela ne reprĂ©sente que douze membres de l’UnitĂ© 731[3]. Shiro Ishii n’est pas inquiĂ©tĂ©. Richard Drayton, maĂźtre de confĂ©rence en histoire Ă  l'universitĂ© de Cambridge, Ă©crit que Shiro Ishii a donnĂ© plus tard une confĂ©rence dans le Maryland Ă  propos des armes bactĂ©riologiques[29]. D'autres sources disent qu'il est restĂ© au Japon et a dirigĂ© une pension[30]. Il meurt d'un cancer de la gorge le [31].

MĂ©moire

Alors que les milieux mĂ©dicaux, militaires et aristocratiques (la famille impĂ©riale notamment) connaissaient l'histoire de l'UnitĂ© 731, longtemps les Japonais ignorĂšrent son existence. Sur les neuf Ă©diteurs de livres d'histoire de l'enseignement secondaire, un seul consacre quelques lignes Ă  l'UnitĂ© 731 et ses crimes. Ceux qui veulent briser le silence ou critiquer les agissements criminels japonais sont sujets Ă  des pressions et menaces[32]. La premiĂšre Ă©tude japonaise sĂ©rieuse sur l’UnitĂ© 731 est faite en 1976[33]. En 1981, la parution du livre-enquĂȘte de Seiichi Morimura UnitĂ© 731 porte pour la premiĂšre fois les activitĂ©s de l'UnitĂ© 731 Ă  la connaissance du grand public[3]. Dans la foulĂ©e, la publication d’articles de John Powell dans le Bulletin of Concerned Asian Scholars et dans le Bulletin of Atomic Scientists confirment Ă©galement l'existence de l'UnitĂ© 731[7]. Un an plus tard, le ministĂšre de la SantĂ© japonais reconnaĂźt officiellement l'existence de l'UnitĂ© 731 mais pas les expĂ©rimentations, sous prĂ©texte d'insuffisance de preuves[3]. Cette mĂȘme annĂ©e, la fille de Shiro Ishii, Harumi Ishii, donne une interview Ă  Masanori Tabata, journaliste du Japan Times. Elle y explique qu'elle a travaillĂ© comme secrĂ©taire particuliĂšre de son pĂšre au quartier-gĂ©nĂ©ral de Pingfang (prĂšs de Harbin) en 1945 et aprĂšs la reddition, au domicile des Ishii Ă  Tokyo, stĂ©nographiant une grande partie des entrevues livrĂ©es par celui-ci aux enquĂȘteurs amĂ©ricains. L’article publie une photo la montrant assise Ă  une table de banquet entre deux de ces enquĂȘteurs.

En 1982, le site de Pingfang est Ă©galement classĂ© au patrimoine mondial et devient un lieu de mĂ©moire. Les bĂątiments administratifs sont amĂ©nagĂ©s en musĂ©e[34]. Ce dernier prĂ©sente une maquette du complexe de l'UnitĂ© 731, composĂ© de laboratoires, d'une prison et de logements de fonctions pour le personnel japonais. Il contient aussi des scĂšnes de vivisections avec mannequins, des photographies de prisonniers hagards, des rĂ©pliques des bombes porteuses de maladies infectieuses lĂąchĂ©es dans des rĂ©gions isolĂ©es oĂč des prisonniers cobayes Ă©taient placĂ©s[3].

En , une grande quantitĂ© d'ossements est dĂ©couverte sur le site de l'ancienne Ă©cole de MĂ©decine de l'armĂ©e Ă  Tokyo. Aucune enquĂȘte n'est menĂ©e pour savoir d'oĂč ils proviennent[35].

Entre 1993 et 1994, une exposition itinĂ©rante sur l'UnitĂ© 731 attire plus de 200 000 visiteurs[3]. Cette mĂȘme derniĂšre annĂ©e une liste officielle de 2 000 ex-membres de l'UnitĂ© 731 est publiĂ©e[3]. En 1995, un mouvement d'opinion demande que lumiĂšre soit faite sur les agissements de Shiro Ishii et des autres membres de l'UnitĂ© 731[3].

Tokyo s'est engagé à débarrasser la Chine de stocks d'armes chimiques produites pendant la guerre sur l'ßle d'Okonoshima. Plus de la moitié se trouve dans l'ancien Mandchoukouo[36].

En dépit des recherches d'historiens japonais et américains, des preuves apportées par les Chinois et des témoignages de certains ex-membres de l'Unité, le Japon refuse de faire véritablement la lumiÚre sur les agissements de Shiro Ishii et l'Unité 731. En 2002 cependant, une Cour de justice japonaise reconnaßt officiellement le rÎle de l'Unité 731 dans la guerre bactériologique qui s'est déroulée en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale, mais elle dédouane le gouvernement japonais de toute réparation envers les plaignants chinois et russes[37].

Similitudes avec Mengele

Shiro Ishii compte parmi les symboles de la mĂ©decine dĂ©voyĂ©e qui ont marquĂ© le XXe siĂšcle, Ă  l'instar de Joseph Mengele, mĂ©decin nazi connu notamment pour ses expĂ©rimentations mĂ©dicales sur des cobayes parmi les prisonniers au sein du camp d'Auschwitz lors de la Seconde Guerre mondiale. Si le but des expĂ©rimentations diffĂ©rait — les expĂ©rimentations de Shiro Ishii avaient une finalitĂ© surtout militaire, puis mĂ©dicale, tandis que celles de Josef Mengele visaient Ă  Ă©tayer scientifiquement la thĂ©orie raciale nazie —, Shiro Ishii et Josef Mengele ont employĂ© les mĂȘmes mĂ©thodes — l'utilisation de cobayes humains forcĂ©s dans le cadre d'expĂ©riences mĂ©dicales — et bĂ©nĂ©ficiĂ© de la mĂȘme impunitĂ©.

Notes et références

Notes lexicales bilingues

  1. UnitĂ© Tƍgƍ (東郷郚隊, Tƍgƍ butai).
  2. UnitĂ© 731 (郹隊, Nana-san-ichi butai).

Références

  1. Harris 2003, p. 476.
  2. Gold 2003, p. 23.
  3. Philippe Pons, Les crimes indicibles de l'Unité 731, Le Monde, .
  4. Harris 2003, p. 475.
  5. Gold 2003, p. 24.
  6. Harris 1994, p. 242.
  7. Harumi Ishii et Masanori Tabata, Daughter'eye View of Lt. General Ishii, Chief of Devils's Brigade, The Japan Times, .
  8. Harris 1994, p. 19.
  9. Harris 2003, p. 475-478.
  10. (en) Werner Gruhl, Imperial Japan's World War Two, 1931-1945, Transaction Publishers, 2010, p. 82.
  11. Ibid, p. 475-478.
  12. Harris 2003, p. 478.
  13. Margolin 2007, p. 252.
  14. Harris 2003, p. 480.
  15. Harris 1994, p. 151-176.
  16. (en) Christopher Hudson, Doctors of depravity, Daily Mail, .
  17. Harris 2003, p. 469.
  18. Margolin 2007, p. 253.
  19. (en) Rudolph Joseph Rummel, China's Bloody century : Genocide and Mass Murder, 1991, p. 158.
  20. Harris 1994, p. 330.
  21. John Geoghegan, Operation Storm : Japan's Top Secret Submarines and Its Plan to Change the Course of World War II, Broadway Books, , 478 p. (ISBN 978-0-7704-3573-8 et 0-7704-3573-4), p. 312.
  22. « Weapons of Mass Destruction - Plague as Biological Weapons Agent », GlobalSecurity.org (consulté le ).
  23. Amy Stewart, « Where To Find The World's Most 'Wicked Bugs' - Fleas », National Public Radio, .
  24. Russell Working, « The trial of Unit 731 », The Japan Times, .
  25. Viallet 2004, 38 min 0 s.
  26. Viallet 2004, 39 min 0 s.
  27. Harris 1994, p. 243.
  28. Harris 2003, p. 492.
  29. Richard Drayton, An ethical blank cheque, The Guardian, .
  30. Viallet 2004, 42 min 0 s.
  31. (en) Russel Working, the Trial of Unit 731, The Japan Times, .
  32. Viallet 2004, 40 min 0 s.
  33. Williams et Wallace 1990, p. 198-200.
  34. Viallet 2004, 44 min 0 s.
  35. Laurent Zecchini, Le pacte avec le diable des Américains, Le Monde, .
  36. Viallet 2004.
  37. (en) The Japan Times, Ruling recognizes Unit 731 used germ warfare in China, .

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Hal Gold, Unit 731 Testimony, .
  • (en) Sheldon Harris, Factories of Death : Japanese Biological Warfare 1932–45 and the American Cover-Up, Routledge, .
  • (en) Sheldon Harris, Japanese Biomedical Experimentation during the World War II Era, vol. 2, Military Medical Ethics, .
  • Paul-Yanic Laquerre, Quand MacArthur signait un pacte avec le Diable, 2e Guerre Mondiale #52, janvier-, p. 52
  • Paul-Yanic Laquerre, ShirĂŽ Ishii, le dĂ©mon de Mandchourie, 2e Guerre Mondiale #24, fĂ©vrier-, p. 55
  • Jean-Louis Margolin, L'armĂ©e de l’empereur, violences et crimes du Japon en guerre 1937-1945, Armand Colin, .
  • Peter Williams et David Wallace, La Guerre bactĂ©riologique – Les secrets des expĂ©rimentations japonaises, Paris, Albin Michel, .

Documentaires télévisés

Liens externes

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