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Scute (bateau)

Le terme d'origine flamande « scute », aussi appelé barge hollandaise[1], recouvre une famille architecturale de bateaux multitâches, bateaux de pêche ou de transport — très différenciés suivant qu'ils soient côtiers ou fluviaux — présente dans toute l'Europe continentale, nordique et atlantique, du Moyen Âge jusqu'à il y a peu[2].

Le scute cĂ´tier de Blankenberge (reconstitution).

Son origine est incertaine mais on trouve en Flandre belge mention du mot « scuta » dans une charte signĂ©e en 1163 par Philippe d'Alsace et la ville de Nieuport, tandis que les Vikings, dont on sait qu'ils descendirent aussi jusqu'Ă  la Loire, appelaient dĂ©jĂ  ainsi leur plus petit modèle de drakkar[3]. Sur le littoral flamand, on relève Ă©galement deux mots d'origine ancienne et germanique : scĂŞot et skjĂ´tr qui signifient « rapide » et la contraction de « rapide et penchĂ© ». Pour les scutes cotiers locaux, il est donc possible que cela dĂ©signe un petit navire Ă  voiles rapide [3].

Description

Le scute serait plus un terme générique, avec au départ une base ayant probablement servit de matrice à l'évolution vers divers bateaux traditionnels selon leur usage local respectif, mais ayant conservé des traits communs caractéristiques. Ainsi, les scutes sont tous des voiliers rustiques à voiles carrées, en bois à clins, à fond plat (sole) rectangulaire, sans quille (pour faciliter l'échouage sur la grève ou une plage).

Malgré la variété de leurs déclinaisons, deux types se distinguent nettement :

Scutes cĂ´tiers

Les scutes (ou schlitte/schuyt) cĂ´tiers (ou estuariens), spĂ©cifiques Ă  l'Europe du nord sont un type particulier de galiote, ou une sorte de chasse-marĂ©e flamand[4] - [5], comportant gĂ©nĂ©ralement deux mâts, le petit mât de pointe Ă©tant l'Ă©volution d'un bout du dehors au cours du XVIe siècle. Leur coque est arrondie et leur Ă©trave et l'Ă©tambot sont recourbĂ©es en vue latĂ©rale. Ils portent souvent une, ou deux, dĂ©rives latĂ©rales pour compenser l'absence de quille[3]. Les bateaux Ă©taient robustes pour pouvoir accoster directement sur la plage par haute marĂ©e[6]. Ce sont des bateaux de pĂŞche ou de transport. Au XVe siècle, Ă  Blankenberge (Belgique flamande), on en trouve sous le nom de « haringbuize » spĂ©cialisĂ©s dans la pĂŞche aux harengs[3]. En Flandres, vers 1600, apparaissent les premiers scutes tels qu'on les connaĂ®tra ensuite, mis Ă  part l'Ă©volution de leurs mâts dĂ©jĂ  signalĂ©e[7]. On en trouve actuellement dans leur forme d'origine notamment en Flandre belge, par exemple Ă  La Panne (sous le nom de « grenadier Â»)[5] et neĂ©rlandaise. Leurs lignes et type de construction s'apparentent alors aux « kogge de ZĂ©lande » et au « dogger ». Ils font environ 11 mètres de longueur, 5 m de large, un grand creux de 3 m et un très faible tirant d'eau. L'Ă©quipage d'un scute est gĂ©nĂ©ralement composĂ© de 5 hommes : le capitaine, trois pĂŞcheurs et le garçon de cabine[6]. Au XIXe siècle on en trouve une forme particulière Ă  hunier en mer Caspienne, beaucoup plus longs, de 25 Ă  45 mètres[5].

Scutes fluviaux transportant du vin sur la Loire Ă  Tours vers 1787.

Scutes fluviaux

Les scutes fluviaux, proches d'une petite gabare de Loire, comportent un mât. Leurs flancs sont plans, plus ou moins évasés et l'étrave et l'étambot sont généralement relevés de façon symétrique et rectiligne, contrairement à la gabare qui possède, en outre, un treuil arrière (guinda). Ils se gouvernent avec une piautre (appelée une roëpe à Saint-Omer)[5]. En France on trouve des scutes de différentes versions, de différentes tailles, sous différents noms : « miole » sur la Garonne, « besogne » en Normandie, « foncet » en Basse-Seine (pouvait avoir une charge équivalente à celle des grands navires de mer)[8], « bacop » (ou bacôve, du flamand cogghe = bateau de marchandise) sur l'Aa en Flandre française[2] - [9] ou « escute » dans le marais audomarois où ces barques sont toujours fabriquées[10]. Ce sont des embarcations de travail servant pour les grands travaux d’aménagement des fleuves ou au transport qui naviguèrent notamment sur les fleuves et rivières de la côte atlantique et de la Manche (Garonne, la Loire, la Seine, la Meuse, en passant par les marais de la Flandre française), mais aussi sur tous les fleuves de l’Europe du Nord et même jusqu’à la Volga où le scute s’y est maintenu inchangé et pratiquement identique au Scute de Loire[11].

Reconstitutions

Sur la foi de quelques vestiges et d'indications retrouvées, plusieurs répliques ont été réalisées, illustrant ainsi les deux types de scute.

Sint Pieter

En Flandre belge, le scute (ou chaloupe) de Blankenberge, baptisĂ© « Sint Pieter Â», lancĂ© en 1999[3], est la reconstitution d'un scute cĂ´tier traditionnel, Ă  l'initiative de l'association belge (asbl) « De Scute » implantĂ©e Ă  Blankenberge. Il s'agit d'un bateau de pĂŞche anciennement rĂ©pandu dans la rĂ©gion. Localement, il y avait peu d'indices pour entreprendre sa construction car il n'existe pas de plans du fait que, vraisemblablement, les charpentiers de l'Ă©poque utilisaient des gabarits. NĂ©anmoins, le chantier qui a durĂ© 7 ans, a pu s'appuyer sur un plan de la chaloupe de Blankenberge dessinĂ© par les ingĂ©nieurs de NapolĂ©on, retrouvĂ© dans les archives de l'Arsenal de Cherbourg[3]. Le bateau mesure 12,5 m de long sur 4,80 m de large, avec deux mâts de 13 m et 7 m supportant 80 m2 de voilure au total. Sa coque est en chĂŞne. Son tirant d'eau est de 0,40/0,50 m[3]. Le scute de Blankenberge s'est par exemple montrĂ© Ă  la cĂ©lĂ©bration du centenaire du trois-mâts Duchesse Anne Ă  Dunkerque en 2001.

Dame PĂ©rinelle

Le scute Dame Périnelle de Savonnières (37) en juillet 2012 (reconstitution).

En France, une reconstitution Ă  l'ancienne a Ă©tĂ© entreprise Ă  Savonnières (près de Tours) d'un scute fluvial mĂ©diĂ©val ligĂ©rien tel qu'il naviguait sur le Cher et la Loire Ă  l'Ă©poque. Ce chantier qui a nĂ©cessitĂ© un travail de recherche archĂ©ologique approfondi menĂ© notamment par François Beaudouin s'est finalement fondĂ© sur un faisceau d'indications diverses et l'analyse de vestiges, rĂ©duits Ă  l'Ă©tat de traces, rĂ©unis par l'Ă©comusĂ©e de Montjean (Maine-et-Loire). Pour ce chantier, il s'agissait de retrouver les matĂ©riaux, les gestes et les techniques d'autrefois. Ainsi, par exemple : ni clous, ni vis, ni boulons; le calfatage s'est fait Ă  la mousse vĂ©gĂ©tale[12]. Les chevilles sont en aulne. La coque est en chĂŞne (principalement en provenance des arbres du château de Langeais)[13], le mât et les deux perches sont en pin et le grĂ©ement est Ă  livarde. Le bateau mesure 18,80 m de long hors tout sur 3,60 m de large, avec un tirant d'eau de 0,50 m[14]. Après 3 ans de construction sous l'Ă©gide de l'association « Les bateliers du Cher », la mise Ă  l'eau du scute s'est faite le , lors de la fĂŞte annuelle de la Batellerie oĂą il a Ă©tĂ© baptisĂ© sous le nom de Dame PĂ©rinelle [15]. Il a dĂ©sormais une finalitĂ© touristique et pĂ©dagogique, dans le respect du patrimoine ligĂ©rien et pour la transmission du savoir-faire. Il participe aux manifestations fluviales rĂ©gionales comme le Festival de Loire Ă  OrlĂ©ans[12]. Le scute est classĂ© bateau d'intĂ©rĂŞt patrimonial (BIP) Ă  dater du par la Fondation du patrimoine maritime et fluvial[14] - [16].

Notes et références

  1. Graham Blackburn, The Illustrated Encyclopaedia of Ships and Boats, I B Taurus, (ISBN 1-86064-839-8, lire en ligne), p. 302
  2. Selon le site archéologique Bateliers du Cher.
  3. Selon le site De Scute
  4. Selon la définition qu'en donne le "Dictionnaire de la Marine à voile" des amiraux Bonnefoux et Paris, de 1885.
  5. Selon Alain Clouet, Voiliers de travail, 2500 bateaux à voile et à rame à travers les siècles et les océans, La Rochelle, La Découvrance éditions, 2008, p. 267 (Lire en ligne)
  6. (nl) De Blankenbergse Scute B1 Sint-Pieter.
  7. On retrouve une des premières représentations de scute flamand sur un tableau de l'école de Lancelot Blondeel datant de 1550. On y voit quelques bateaux ayant des caractéristiques similaires, naviguant sur l'Yser devant les remparts de la ville de Nieuport. Cependant, ces bateaux ne possédaient qu'un mât et un bout dehors qui deviendra par la suite un petit mât de misaine placé à la pointe. D'autre part ils n'étaient pas encore équipés de dérives latérales qui ne feront leur apparition, sur les côtes atlantiques et du Nord, que vers l'année 1600 (Cf. La chaloupe de pêche, ou scute, de Blankenberge).
  8. Claire König, Voyage en Haute Normandie, Futura-Sciences Voyage, 14 août 2007, p. 16 (Lire en ligne)
  9. Bulletin n°2 des Bateliers du Cher, juin 2007, p. 10
  10. L'escute, barque de l'audomarois sur le site de RĂ©my Colin, artisan fluvial
  11. Notice sur le Scute sur le site des Canaux de Bretagne
  12. Selon le site archéologique Bateliers du Cher.
  13. Bulletin n°0 des Bateliers du Cher, décembre 2006, p. 3.
  14. Dame PĂ©rinelle sur le site officiel de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial.
  15. Le scute de Loire s'est glissé dans le lit du Cher vidéo et autre vidéo sur Youtube.
  16. Voir le document apposé sur les lieux de l'amarrage du bateau sur Wikimedia Commons.

Voir aussi

Bibliographie

  • François Beaudoin :
    • Les bateaux du grand Ayreau, Ă©tudes de trois courbes Ă©paves conservĂ©es Ă  l'Ă©comusĂ©e de Montjean-sur-Loire, Fiches archĂ©ologique n°3, Voiles de Loire 2002 (Lire en ligne)
    • Les Anciens bateaux de Loire, Cahiers du MusĂ©e de la batellerie, n° 55, 2005
    • ArchĂ©ologie fluviale : les scutes de Loire, Chasse-MarĂ©e, n° 233, , pp. 44 et s
  • Alexandre Berqueman, Un curieux bateau belge : le Scute, Neptunia, n°016, 1949
  • Jean Bourgeois, Hubert Pasquier, Des hommes et des bateaux sur la Loire, Bourgeois-Pasquier, (ISBN 9782953247305)
  • Flamme (M.), Image (B.), Le Scute de Savonnières, une construction Ă  l'ancienne, Revue Fluvial, n° 170, , pp. 62-65
  • D. Evershed, The Dutch Barge Book (UK: David Evershed Pubs, 1998). (ISBN 0-9532231-1-6)
  • The Barge Buyer's Handbook (DBA Publications, 2001). Barge Association
  • Martens & Loomeijer, Binnenvaartschepen (Alkmaar: Uitgeverij de Alk bv, 1977).
  • J&J Griffin, The Quick Reference Guide to Dutch Barges, (UK: Life At An Angle, 2007).

Articles connexes

Liens externes

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