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Saut du Tarn

La Société des hauts-fourneaux, forges et aciéries du Saut-du-Tarn est une ancienne entreprise sidérurgique à Saint-Juéry, dans le département du Tarn. Elle tire son nom de la chute d'eau de la rivière Tarn dont l'exploitation a donné naissance à l'activité métallurgique.

Saut du Tarn
illustration de Saut du Tarn

Création
Disparition
Fondateurs LĂ©on Talabot
Siège social France
Actionnaires Tyco International
Activité Construction de véhicule (d)[1] et industrie métallurgique (d)[1]
Produits Lime, faux, vanne et machine-outil
Société mère Tyco International
Effectif 1 200 ()

L'entreprise a été fondée par Léon Talabot et Compagnie en 1824. Elle s'est spécialisée dans la fabrication d'outillage manuel comme les limes et les faux, pour évoluer vers la fabrication d'éléments de machines dont notamment les vannes. L'entreprise ferme en 1983 et est liquidée en 1984. Quelques entreprises reprennent alors quelques installations et maintiennent un reste d'activité industrielle.

Cadre naturel

A Saint-JuĂ©ry (Tarn), Ă  km Ă  l’est d’Albi, la rivière Tarn quitte les durs micaschistes du Massif Central pour rejoindre les terrains argileux tertiaires du Bassin Aquitain. Ă€ cet endroit, l’érosion a donnĂ© naissance Ă  une chute naturelle de près de 20 m, qui fournit une force hydraulique considĂ©rable.

Premières exploitations de la chute

Dès le XIIe siècle, une chaussée est construite au Saut de Sabo, répartissant l’eau sur les deux rives, et alimentant les nombreux moulins (à blé, à huile), foulons (à papier, à feutre), et martinets (à cuivre), qui s’y sont installés.

Vers 1787, le marquis François-Gabriel de Solages dĂ©couvre une mine de fer près d’Alban (Ă  environ 20 km de Saint-JuĂ©ry). Très rapidement, il installe au Saut de Sabo un forge catalane, qui pouvait fournir 150 kg de fer en cinq ou six heures. Mais la première rĂ©elle tentative d’implantation industrielle revient aux rĂ©volutionnaires. En 1793, l’ingĂ©nieur Dodun Ă©tablit un rapport signalant les possibilitĂ©s offertes par le Saut de Sabo pour la crĂ©ation d’une usine mĂ©tallurgique : la force hydraulique sur place, le minerai Ă  20 km, et le charbon de bois (forĂŞt de SĂ©rĂ©nac) et de terre (Carmaux) Ă  proximitĂ©. Des travaux d’amĂ©nagement sont engagĂ©s, mais le successeur de Dodun Ă  la conduite des travaux fait un rapport très dĂ©favorable, insistant sur le coĂ»t des travaux supplĂ©mentaires pour l’alimentation en coke. Le , le ComitĂ© de salut public fait cesser les travaux.

Le marquis de Solages rachète au gouvernement les ouvrages réalisés et, en , le Comité de salut public l’autorise à construire deux hauts fourneaux et les usines nécessaires à leur roulement. Un autre décret lui accorde la concession des mines de fer d’Alban pour cinquante ans.

Solages s’associe à Jean-Baptiste Garrigou, négociant de Bordeaux, pour exploiter les établissements de Saint-Juéry. Deux sociétés sont fondées, mais elles échouent, faute de capitaux : le grand complexe industriel voulu par le vicomte ne verra jamais le jour. Les travaux sont arrêtés en 1804, et les premières constructions, connues sous le nom de « Pont de la Canal », sont en délabrement dès 1806.

Garrigou et Massenet

Marie-Joseph Garrigou, frère de Jean-Baptiste, et Alexis Massenet (le père du compositeur Jules Massenet) exploitent, en 1820, les forges du Bazacle Ă  Toulouse, oĂą l’on fabrique de l’acier, des faux et des limes. Cherchant un emplacement avantageux pour installer une seconde usine capable de produire de l’acier et d’élaborer des Ă©bauches, pendant que le Bazacle ne s’occuperait plus que des finitions et de la vente, ils projettent, dès 1823, d’établir des usines mĂ©tallurgiques Ă  Saint-JuĂ©ry. Leurs arguments sont les mĂŞmes que ceux de Dodun : force hydraulique et proximitĂ© des matières premières. Ils demandent donc Ă  la commune de leur louer les terrains situĂ©s au Saut de Sabo. Le conseil municipal accepte le , et cela sera confirmĂ© par une ordonnance royale du : « la commune de Saint-JuĂ©ry est autorisĂ©e Ă  vendre au Sieur A. Massenet, agissant au nom des Sieurs Garrigou, Massenet et Compagnie, diffĂ©rentes portions de terrains contenant ensemble 56 ares et 49 centiares ». En mĂŞme temps, ces industriels achètent le moulin du Sieur Cavalier et les droits d’eau qui vont avec, et qui garantissent l’usage des eaux pour assurer la force motrice des premières installations. En peu de temps, Garrigou et Massenet acquièrent la quasi-totalitĂ© des terrains et droits d’eau de la rive gauche du Tarn.

Il faut cependant des capitaux pour commencer les travaux, mĂŞme si l’ordonnance royale qui autorise la crĂ©ation de l’usine n’arrivera qu’en 1828. Le , l’actionnariat de « Garrigou, Massenet et Compagnie », sociĂ©tĂ© de commandite, se constitue pour une somme de 2 100 000 francs, grâce Ă  l’appui du marĂ©chal Soult, enfant du pays, qui achète 3 actions de 300 000 francs chacune.

L’entreprise a bien démarré ; dans les premiers bâtiments, les premiers moyens de production sont installés : un double four à cémenter et 22 martinets hydrauliques. Cela permet à l’usine de se spécialiser, dans un premier temps, dans l’élaboration de l’acier (cémenté, étiré, corroyé), et la fabrication des ébauches de faux, qui sont ensuite terminées au Bazacle.

Garrigou et Massenet vont rester à la tête de l’usine jusqu’en 1832.

La dynastie Talabot

LĂ©on TALABOT
LĂ©on TALABOT

En 1831, Joseph Léon Talabot, industriel réputé, est nommé par Soult troisième gérant de l’entreprise. De graves différends l’opposent à Garrigou et Massenet, qui démissionnent l’un après l’autre. En , Léon Talabot se retrouve seul gérant de l’usine, et sa société « Léon Talabot et Compagnie » devient propriétaire des établissements du Saut du Tarn. Il achète de nouveaux terrains et droits d’eau. Il développe les moyens de production en installant de nouveaux fours et deux trains de laminoirs, qui permettent d’entreprendre la fabrication des ressorts de voitures. Mais, en ne donnant pas suite aux tentatives d’installation d’un four Martin, il rate l’occasion d’un développement inespéré.

MalgrĂ© tous ses efforts, quand il meurt en 1864, l’usine n’emploie que 220 personnes et connaĂ®t une pĂ©riode de stagnation depuis environ 10 ans, alors que, paradoxalement, la mĂ©tallurgie de la Loire, avec notamment les aciĂ©ries de Firminy, connaĂ®t un essor prodigieux.

Léon Talabot est remplacé jusqu’en 1867 par son frère Jules, qui entreprend de recentrer sur Saint-Juéry les quelques activités qui existent encore au Bazacle. Puis, Charles Vissac prend la direction de l’usine.

Projets de développement technologiques

En , une nouvelle société, la Société des Aciéries du Saut du Tarn est créée. Pour la première fois, les Aciéries de Firminy sont représentées au sein du Conseil d’Administration. C’est une période difficile qui s’ouvre, après la guerre franco-allemande, caractérisée par une augmentation du prix des matières premières. La nouvelle société réalise cependant d’importants investissements, tel l’achat du foulon. Sur ce nouveau terrain est construit un atelier moderne et bien équipé, où l’on installe la fabrication des ressorts, branche en voie de développement.

Ă€ cette Ă©poque, le Saut du Tarn emploie 350 ouvriers, et fabrique (par an) :

  • 200 000 faux et faucilles
  • 100 000 limes
  • 100 tonnes de ressorts de voitures
  • mais seulement 70 tonnes d’acier.

Le directeur, Charles Vissac, décide alors de s’approvisionner en acier aux Aciéries de Firminy. Parallèlement, la Société s’efforce de diversifier ses productions. Peu à peu, la fabrication des faux et des ressorts, qui constituait jusqu’alors l’essentiel des revenus de l’usine, est supplantée par la fabrication d’outils aratoires (pelles et pioches, surtout destinées aux colonies africaines), et surtout, des limes. Tout ceci nécessite bien sûr de nouveaux travaux (installation d’une nouvelle turbine et d’un moteur plus puissant, creusement d’un nouveau canal d’amenée d’eau), l’acquisition d’outils spéciaux, et l’installation de nouvelles machines : un laminoir pour les pioches, et un deuxième pilon. Peu après, on crée un atelier entièrement nouveau pour la fabrication des pièces forgées.

Malgré cela, le Saut du Tarn souffre de la concurrence des productions allemandes et anglaises, et finit par renoncer, momentanément, à la fabrication des pioches.

Charles Vissac meurt en 1876, et est remplacĂ© par un jeune ingĂ©nieur de Firminy, Adolphe Espinasse, Ă  la tĂŞte de l’usine qui emploie dĂ©sormais 460 ouvriers.

Adolphe ESPINASSE
Adolphe ESPINASSE

Adolphe Espinasse veut avant tout développer la production d’acier sur le site. Il commence par remplacer l’outillage vieilli et modifie les méthodes de fabrication : il équipe la fonderie de fours à creusets Siemens, qui donnent des aciers de très bonne qualité à un prix de revient intéressant. Le pilon précédemment acquis permet de reprendre le puddlage du fer et de l’acier.

Le Saut du Tarn redevient compétitif pour les faux et les limes, dont la fabrication s’intensifie. La presque totalité des aciers est maintenant fabriquée sur place, et les transactions avec Firminy deviennent insignifiantes. Les produits fabriqués au Saut du Tarn sont d’ailleurs remarqués lors de l’Exposition Internationale de 1878, et obtiennent la médaille d’or pour la perfection de leur fabrication. Parallèlement, Adolphe Espinasse obtient la médaille de bronze pour sa politique de modernisation.

Cependant, en 1881, la consommation de fonte est d’environ 1 200 tonnes, qu’il faut toujours faire venir d’Ariège ou du PĂ©rigord (Fumel). Or, Ă  cette pĂ©riode, l’usine dĂ©gage des bĂ©nĂ©fices importants, et fait l’achat de la concession des mines de fer et de manganèse d’Alban. D’autre part, on commence Ă  parler de la construction du chemin de fer d’Albi, qui doit suivre la rive gauche du Tarn et passer Ă  Saint-JuĂ©ry, et qui faciliterait tant l’approvisionnement en matières premières que le transport des produits finis, puisqu’il est question de crĂ©er un embranchement particulier jusqu’à l’usine.

Profitant de cette excellente conjoncture, le directeur de l’usine propose un ambitieux programme de développement, divisé en 4 séries de travaux, et prévoyant, entre autres :

  • la construction de 2 hauts fourneaux, de 15 Ă  20 tonnes par jour
  • l’agrandissement de l’atelier de puddlage, et l’ajout de 5 fours Ă  puddler
  • l’installation de 2 fours Martin-Siemens
  • des ateliers pour la fabrication d’essieux et de bandages pour les chemins de fer (bâtiments et matĂ©riel)
  • la construction d’une halle de laminage avec un train gros Mill complet et un train petit Mill double.

Pour rĂ©aliser ces travaux, il faut doubler le capital de l’usine. En 1881, la « SociĂ©tĂ© des AciĂ©ries du Saut du Tarn » devient la « SociĂ©tĂ© Anonyme des Hauts-Fourneaux, Forges et AciĂ©ries du Saut du Tarn », au capital de 1 200 000 francs, divisĂ© en 2400 actions de 500 francs

Haut Fourneau
Haut Fourneau

Le , le premier haut fourneau est mis en activitĂ© (le deuxième ne sera jamais construit). Cette annĂ©e-lĂ  voit la production des limes dĂ©passer les 250 000 pièces. On fabrique plus de 720 tonnes d’acier et 1 100 tonnes de fonte depuis l’installation du haut fourneau. Pour la première fois, le chiffre d’affaires dĂ©passe le million de francs.

Malheureusement, les années qui suivent ne sont pas roses pour le Saut du Tarn. Si la sidérurgie a connu un important essor à partir de 1860, dû aux besoins nés de l’exploitation des chemins de fer, elle connaît un brutal déclin dès 1883. Les prix de vente des produits connaissent une baisse considérable. Si les productions d’acier, de fer fin et de fonte augmentent au Saut du Tarn, il est de plus en plus difficile de les écouler. En outre, une grève des mineurs de Carmaux oblige le Saut du Tarn à chercher plus loin son approvisionnement en charbon.

En 1885, l’instabilité politique que connaît la France, aggravée par le début de la crise sociale, ralentit la politique de grands travaux, et ne permet pas à la sidérurgie française de lutter contre la concurrence étrangère. Au Saut du Tarn, le stock de fonte augmente. Malgré la découverte de 2 nouveaux gisements de fer à Alban, avec un minerai d’une pureté remarquable, le haut fourneau est mis hors feu le .

Parallèlement, la ligne de Saint-Juéry à Saint-Affrique n’est toujours achevée. Les seuls investissements réalisés sont pour le secteur des limes, le seul qui continue à progresser.

À partir de 1889, la situation économique s’améliore enfin. Le haut fourneau est remis en service le ; le télégraphe arrive à Saint-Juéry, ce qui permet au Saut du Tarn de communiquer directement et plus facilement avec sa clientèle. Mais, si les affaires s’améliorent, des difficultés d’ordre interne apparaissent. Le , les ouvriers de l’usine se sont réunis pour former un syndicat, avec l’aide des mineurs déjà syndiqués de Carmaux. C’est l’époque des premières grèves ouvrières : grève des puddleurs en 1892, suivie d’une grève aux laminoirs et aux limes en 1893 et 94.

Groupe d'ouvriers
Groupe d'ouvriers

En 1895, après le retour au calme, les investissements et les progrès reprennent. L’usine, qui emploie maintenant 800 ouvriers, dĂ©cide de faciliter son accès Ă  son personnel : elle participe au rachat du pont Ă  pĂ©age d’Arthès (Ă  hauteur de 10 000 francs), ainsi qu’à la construction d’une ligne de tram Albi – St JuĂ©ry (pour 30 000 francs). La construction du chemin de fer avance, mais la ligne ne sera ouverte qu’en 1900. On installe le tĂ©lĂ©phone en 1897. Les efforts de mĂ©canisation s’intensifient, et c’est dans l’atelier des limes qu’ils sont les plus importants.

À la fin du XIXe siècle, l’usine du Saut du Tarn a enfin atteint son objectif : elle est devenue productrice de matières premières, dégage suffisamment de bénéfices pour investir, et occupe l’une des premières places dans un secteur, la fabrication des limes.

L'essor

Le début du XXe siècle est marqué par l’arrivée de l’électricité.

Centrale no 1
Centrale no 1

En 1898, une première centrale hydroĂ©lectrique a Ă©tĂ© mise en service au Saut du Tarn, suivie d’une deuxième en 1906. Dès 1902, le Saut du Tarn dispose donc d’une nouvelle force motrice pour ses ateliers modernes. Ă€ cette mĂŞme date, l’usine s’agrandit par l’acquisition des Fonderies Gillet, comprenant entre autres, l’usine des Avalats et ses droits d’eau (600 CV), et un Ă©tablissement de fonderie ainsi qu’un atelier de construction Ă  Albi.

Eugène ESPINASSE
Eugène ESPINASSE

En 1903, Eugène Espinasse prend la succession de son père. Mais, le poste de Directeur Général ayant été supprimé, il n’est que directeur technique, et on lui adjoint un directeur administratif et commercial : Victor Gallas.

Les travaux de modernisation se poursuivent : aux limes, on continue à mécaniser, et on construit un nouvel atelier complet. Le nombre croissant de machines permettra d’atteindre une production de 2,8 millions de pièces en 1910. Un four Martin est mis en marche, et un Service Général d’essais, ainsi qu’un laboratoire chimique et mécanique, sont aménagés, dans le but d’améliorer la qualité des aciers. On installe un nouveau pilon, et une presse à forger Bilss.

En 1906, un four électrique Héroult, alimenté par la centrale II, est mis en marche. Il va permettre de fabriquer des aciers de très bonne qualité. Le Saut du Tarn est l’une des premières usines en France à utiliser ce type de fours, et fournit, en 1914, 12,2 % de l’acier électrique du pays. Du coup, l’aciérie s’agrandit, et des laminoirs modernes sont installés dans de nouvelles halles. D’autre part, la fonderie d’Albi connaît un fort développement grâce à l’adaptation de moteurs électriques. Eugène Espinasse y met en place la fabrication d’un nouveau type de faucheuses (un modèle américain « amélioré ») qui donne toute satisfaction.

Ă€ partir de 1910, l’usine acquiert de nombreuses machines-outils modernes, qui apportent des rĂ©sultats très positifs. Pour rĂ©pondre Ă  cette modernisation, il devient urgent de trouver une quantitĂ© d’énergie suffisante ; l’usine des Avalats n’étant pas rentable, elle va ĂŞtre transformĂ©e, en 1912, en une nouvelle station hydroĂ©lectrique. En 1922, la centrale d’Ambialet viendra ajouter sa production. Ă€ cette date, l’ensemble produit une force Ă©lectrique de 10 000 CV.

  • Centrale N°2
    Centrale N°2
  • Centrale des Avalats
    Centrale des Avalats
  • Centrale d'Ambialet
    Centrale d'Ambialet


Toutes ces modernisations, ainsi que la diversification des produits, entraĂ®nent une augmentation du personnel : en 1911, le Saut du Tarn emploie 1 300 personnes. Parallèlement, la population de Saint-JuĂ©ry a doublĂ© en 20 ans.

Pendant la Première Guerre mondiale, les productions traditionnelles vont se trouver ralenties, et le Saut du Tarn, participant Ă  l’effort de guerre, doit s’adapter Ă  la fabrication d’obus en acier et en fonte. Cette pĂ©riode va permettre un dĂ©veloppement encore plus important de l’aciĂ©rie. En effet, 2 nouveaux fours Martin sont installĂ©s pour rĂ©pondre aux commandes du Ministère de la Guerre : en 1916, la production d’obus atteint 24 000 pièces par mois. L’usine d’Albi s’équipe pour le tournage et le finissage des obus. En 1917, 3 455 ouvriers travaillent au Saut du Tarn. L’acier Ă©tant presque en totalitĂ© utilisĂ© pour les productions de guerre, et la pĂ©nurie d’ouvriers spĂ©cialisĂ©s se faisant sentir, il devient impossible de rĂ©pondre aux commandes civiles. Le , le Saut du Tarn acquiert l’usine Ă  limes Aubert, Ă  Cosne (Nièvre), qui doit apporter une augmentation intĂ©ressante de la production de limes. Parallèlement, pour accroĂ®tre la production d’électricitĂ©, le Saut du Tarn achète la centrale hydroĂ©lectrique d’Arthès, appartenant Ă  la SociĂ©tĂ© PyrĂ©nĂ©enne d’Énergie.

À la fin de la guerre, l’usine est réorganisée pour la « production de paix ». Le développement du programme hydroélectrique devient prioritaire, pour asseoir l’indépendance énergétique du site face au prix élevé du charbon.

Four Ă©lectrique
Four Ă©lectrique

La crise industrielle de l’après-guerre touche quand mĂŞme l’usine, dont l’effectif baisse de 30 %. Cependant, la diversitĂ© des productions et la fidĂ©litĂ© de la clientèle attĂ©nuent les effets de cette crise. La fonderie d’Albi reprend la fabrication des instruments agricoles. Quelques investissements sont rĂ©alisĂ©s : installation d’une nouvelle turbine de 800 CV, agrandissement de l’atelier des limes, construction d’un bâtiment pour la mĂ©canique gĂ©nĂ©rale. Un deuxième four Ă©lectrique est installĂ© en 1919, puis un troisième en 1927. Celui-ci, d’une capacitĂ© plus importante que les autres, provoque l’arrĂŞt dĂ©finitif du haut fourneau.

Mais la marche de l’entreprise reste chaotique, et, en 1926, à la suite d’une importante baisse des commandes, 20 % de l’effectif total est licencié. La crise de 1929 va avoir des répercussions sur le Saut du Tarn dès les premiers mois de 1930. La crue dévastatrice de cette même année ralentit encore les travaux. Malgré un élargissement des productions (mèches en 1925, treuil à air comprimé en 1930), les stocks augmentent, les prix baissent, et certains ateliers connaissent un chômage partiel. Les salaires diminuent, et en 1934, les effectifs passent sous la barre des 1500.

Le lent déclin

À partir de 1936, l’entreprise subit le contrecoup des Accords Matignon : adaptation des ateliers et des productions à la semaine de 40 heures, augmentation des salaires, hausse des taxes et impôts divers nécessaires à la mise en application des lois sociales. De 1933 à 1940, le problème du chômage va rester au premier plan. La municipalité de Saint-Juéry tente de prendre en charge ces chômeurs, en alimentant le fonds de chômage et en développant un programme de travaux pour utiliser cette main d’œuvre. Elle en profitera d’ailleurs pour rénover les routes et les chemins de la commune et pour entreprendre des travaux d’assainissement.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Saut du Tarn s’oriente vers de nouvelles fabrications : les productions traditionnelles (outils, faux…) font place aux machines à commandes numériques et aux machines-outils (fraiseuse, aléseuses, perceuses…). En 1947, la société prend le nom de « Société Anonyme des Forges et Aciéries du Saut du Tarn ».

Vanne
Laminoirs

À partir de 1959, une nouvelle production, les vannes à boisseaux sphériques, intensifie les activités, et devient rapidement une spécialité de l’usine.

En 1960, un laminoir suédois est installé, pour la fabrication des aciers à limes. Mais ces investissements importants sont suivis d’essais plus longs et plus onéreux que prévu, qui détériorent la santé financière de l’établissement. D’autre part, les années 1960 sont marquées par une importante agitation syndicale et de nombreuses grèves, qui atteignent leur paroxysme après les événements de mai 68.

Dès , l’usine d’Albi a Ă©tĂ© vendue au profit du groupe pĂ©trolier Stela. En juillet, un plan social prĂ©voit la mise Ă  la retraite de 67 personnes et des plus de 60 ans, ainsi que la suppression de l’école d’apprentissage.

En , la SociĂ©tĂ© des Forges et AciĂ©ries du Saut du Tarn est dĂ©clarĂ©e en Ă©tat de règlement judiciaire. 1 500 personnes sont licenciĂ©es. Dans le but de maintenir l’emploi, et avec le soutien de l’État, la « SociĂ©tĂ© Nouvelle du Saut du Tarn » est crĂ©Ă©e Ă  la fin de l’annĂ©e. Elle va rĂ©embaucher 1 380 personnes. Le premier objectif est de restaurer une certaine confiance chez la clientèle et les fournisseurs. De 1968 Ă  1971, on assiste Ă  une phase de redressement. L’espoir renaĂ®t. La sociĂ©tĂ© nouvelle renforce sa situation dans les activitĂ©s sidĂ©rurgiques et l’outillage, et aborde de nouvelles activitĂ©s, tels les sĂ©cateurs et les perforatrices. Mais le domaine qui connaĂ®t le plus fort dĂ©veloppement est celui des vannes. Ă€ partir de 1971, l’essor de cette fabrication permet Ă  l’entreprise de dĂ©marrer une pĂ©riode de prospĂ©ritĂ©, qui va durer jusqu’en 1976. Afin d’augmenter sa production de vannes pour les marchĂ©s en pleine expansion du gaz et du pĂ©trole, le Saut du Tarn fait construire en 1970-71 un nouveau bâtiment, Ă©quipĂ© de machines modernes. L’entreprise rĂ©alise d’énormes commandes pour l’URSS, et parallèlement, dĂ©veloppe un secteur des vannes pour les sous-marins nuclĂ©aires. Cet essor entraĂ®ne une progression de l’effectif, qui repasse Ă  2 000 en 1976. Les chiffres d’affaires de la pĂ©riode sont monumentaux.

Manifestations de 1968
Manifestations de 1968

Malheureusement, Ă  partir de 1976, les marchĂ©s vitaux dans le secteur des vannes ne sont pas reconduits. Dès lors, le Saut du Tarn retourne dans une phase de rĂ©cession qui conduit Ă  une nouvelle vague de licenciements. Fin 1977, l’effectif n’est plus que de 1 200 personnes. La restructuration europĂ©enne de la sidĂ©rurgie, et la fermeture d’un gros marchĂ© algĂ©rien n’arrangent pas les choses. Le chĂ´mage partiel augmente, et, malgrĂ© une nouvelle sĂ©rie de plans sociaux, la sociĂ©tĂ© reste dĂ©ficitaire. Elle est mise Ă  nouveau en règlement judiciaire le .

Après quelques derniers soubresauts et de nombreuses manifestations, la fin du Saut du Tarn est annoncée en , et sa liquidation est terminée dès .

Situation en 2010

Après la fermeture du Saut du Tarn, 5 nouvelles entreprises ont vu le jour sur le site, dans les anciens ateliers, reprenant certaines activités, et assurant la continuité avec la tradition métallurgique de Saint-Juéry.

La fabrication des limes et râpes a été reprise par la société MOB, sous l’appellation « Limes et râpes du Saut du Tarn », mais a fermé ses portes en 2007.

Les outils ont été repris par le groupe Experton-Revollier, sous le nom « Forges du Saut du Tarn ».

En 1983, deux sociétés actionnaires ont racheté les activités d’aciérie électrique et des laminoirs : les Forges de Claivaux et Bujeon SMC. En 1998, deux personnes privées ont repris les activités de laminage, mais sans l’aciérie. Depuis 2016 l'activité de laminage a été reprise par Vol-stahl, société de métallurgie d'origine russe : OMP (Omutninsk metal plant) elle emploie actuellement environ 70 personnes et ses activités, outre le laminage d'aciers spéciaux (aciers à limes, aciers d'outillage et d'usure) comporte une unité de parachèvement (dressage et finition à longueur des produits laminés) ainsi qu'un atelier de rectification et de mise à longueur, fournissant des ébauches de limes.


Quelques ouvriers du Saut du Tarn ont crĂ©Ă© une SociĂ©tĂ© coopĂ©rative de production spĂ©cialisĂ©e dans la maintenance industrielle, la sociĂ©tĂ© Amster qui a fermĂ© ses portes en mai 2010 après 27 annĂ©es d'activitĂ©.

Enfin, le secteur des vannes a été repris en 1983 par un investisseur texan, sous le nom « SDT Valves » ; il est repris en 1990 par la Phocéenne de métallurgie, sous l’appellation « SDT Vannes », et est racheté en 2000 par le groupe américain Tyco (« Flow Control Technologies FCT »)

Quatre de ces entreprises fonctionnent encore en 2009, et emploient environ 350 personnes. En outre, EDF a repris l’exploitation des 5 centrales jusqu’en 1990, date à laquelle une nouvelle centrale est construite sur la rive droite du Saut de Sabo. Seules les centrales des Avalats et d’Ambialet ont été modernisées et remises en service. D’autre part, des PME et des artisans occupent quelques bâtiments rachetés au Syndicat Mixte de reconversion du Saut du Tarn.

Enfin, en 1995, le musĂ©e du Saut-du-Tarn a ouvert ses portes sur l’initiative d’anciens employĂ©s regroupĂ©s en association depuis 1989. InstallĂ© dans l’ancienne centrale hydroĂ©lectrique no 1, il retrace les 160 ans de l’histoire du Saut du Tarn, et accueille environ 10 000 visiteurs par an.

  • EntrĂ©e du musĂ©e du Saut-du-Tarn
    Entrée du musée du Saut-du-Tarn
  • Diorama du Martinet
    Diorama du Martinet
  • Atelier de taille de limes reconstituĂ©
    Atelier de taille de limes reconstitué
  • Maquette du Saut de Sabo
    Maquette du Saut de Sabo
  • Dynamo
    Dynamo

Au cinéma

Le film Ce vieux rêve qui bouge du réalisateur Alain Guiraudie a été tourné dans les aciéries du Saut-du-Tarn. Le générique de fin défile devant un plan large longeant le Tarn et montrant l'ancienne entreprise ainsi que l'église en arrière-plan.

Notes et références

  1. Pressearchiv 20. Jahrhundert, (organisation), consulté le

Bibliographie

  • Jean Lenoble, Les frères Talabot. Une grande famille d'entrepreneurs au 19e siècle, Limoges, Limoges, Impr. A. Bontemps, , 316 p. (ISBN 2-905262-36-2)
  • Jean de Dieu SOULT : MarĂ©chal de France (1769-1851), Saint Alban, Editions G.R.B., coll. « "Du Pays d'Oc" », , 161 p.
  • JĂ©rĂ´me BonhĂ´te, Le Site mĂ©tallurgique du Saut du Tarn Ă  Saint-JuĂ©ry, Tarn, Toulouse, Association pour la promotion du Patrimoine en Midi-PyrĂ©nĂ©es Bibliothèque MusĂ©e, coll. « ItinĂ©raire du Patrimoine N° 107 », , 16 p. (ISBN 978-2-905564-39-9 et 2-905564-39-3)
  • Auteurs collectifs, Le Tarn, mĂ©moire de l'eau, mĂ©moires des hommes, Editions Belles Pages, n.d, 134 p. (ISBN 978-2-908750-00-3 et 2-908750-00-7)
  • Jean Lambert Dansette, « Histoire de l'entreprise et des chefs d'entreprise en France » (2003)

Voir aussi

Liens externes

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