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RĂ©cif artificiel

Un récif artificiel est une structure immergée volontairement, à des fins d'étude scientifique, de protection physique d'un lieu (contre les vagues et les effets du vent), de production halieutique ou de loisir (plongée et photo sous-marine). La plupart des récifs artificiels concernent des milieux marins, mais quelques expérimentations ont porté sur des eaux douces ou saumùtres estuariennes[2]. Dans la plupart des cas, les récifs artificiels sont colonisés en quelques mois, en attirant de nombreuses espÚces de poissons et crustacés[3].

Le principe du récif artificiel est d'utiliser et valoriser la capacité naturelle de colonisation des espÚces pionniÚres et de bioconstruction des organismes aquatiques.
En 2006, l'USS Oriskany (CV-34), un porte-avions de l'US Navy, devient un récif artificiel dans le golfe du Mexique et le plus gros du genre[1].
De simples parpaings, reliĂ©s en attendant une accrĂ©tion naturelle, pour qu'ils rĂ©sistent aux tempĂȘtes, Ă  un Ă©ventuel accrochage par filet, chalut ou ancre de mouillage.
Un banal tuyau de PVC est colonisé en quelques semaines par des algues, des éponges et des invertébrés. Ici, un poisson y trouve un habitat de substitution.

Principes

Les rĂ©cifs artificiels sont d'abord colonisĂ©s par des espĂšces pionniĂšres, puis ils offrent un milieu de substitution Ă  une biodiversitĂ© plus importante. S'ils sont riches en micro-habitats (qui ne sont pas nĂ©cessairement des structures rigides ; il peut s'agir de cordes ou algues synthĂ©tiques pouvant onduler dans le courant, permettant une meilleure oxygĂ©nation du milieu et/ou un meilleur contact avec les nutriments en suspension), qui elles-mĂȘmes se couvriront d'organismes Ă©piphytes vivants) Ce sont des lieux oĂč les alevins et jeunes organismes peuvent mieux se protĂ©ger de la prĂ©dation.

Le principe est d'offrir aux espĂšces un habitat leur convenant, en matĂ©riaux les plus « biocompatibles » possibles, et le cas Ă©chĂ©ant une offre en nourriture, qui peut elle-mĂȘme croĂźtre sur la structure artificielle.

Le gestionnaire, pour des raisons de protection de la nature ou halieutique peut viser Ă  favoriser quelques espĂšces cibles. Un plan de restauration ou de rĂ©introduction peut alors ĂȘtre associĂ© au projet. Des rĂ©ensemencements en larves issues de culture ont Ă©tĂ© testĂ©s, par exemple en Sicile[4].

Certains rĂ©cifs peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©s pour stabiliser, en dissipant l'Ă©nergie des vagues, le trait de cĂŽte, des digues, des jetĂ©es ou des brise-lames[5].

Le Japon, modÚle d'une politique du récif artificiel

Le Japon est le premier et seul pays Ă  avoir dĂ©veloppĂ© une stratĂ©gie Ă  grande Ă©chelle de dĂ©veloppement de rĂ©cifs artificiels[6]. Il est le seul pays Ă  avoir rĂ©ussi Ă  quasi-stabiliser et localement restaurer sa ressource halieutique marine, environ 350 modĂšles de rĂ©cifs rĂ©pondant aux besoins de diffĂ©rentes espĂšces et aux conditions de milieu ont Ă©tĂ© construits sur environ 20 000 sites (en 2001, avec un budget annuel d'un milliard d'euros pour l’étude et bio-amĂ©nagement des fonds marins) aprĂšs des travaux empiriques, puis scientifiques, basĂ©s sur l’étude in-situ des comportements, besoins et capacitĂ©s de migration/recolonisation des espĂšces locales.

Ces rĂ©cifs protĂšgent et attirent aujourd’hui des dizaines de millions de poissons et crustacĂ©s. Les plus grands de ces rĂ©cifs mesurent plusieurs milliers de mĂštres cubes et 80 mĂštres de haut.

En France, seules une quarantaine d’expĂ©riences ont Ă©tĂ© mises en place, essentiellement Ă  l’initiative de deux chercheurs spĂ©cialisĂ©s de l'UniversitĂ© de Montpellier, dont Sylvain Pioch, chercheur au laboratoire GESTER (Gestion des sociĂ©tĂ©s, des territoires et des risques) Ă  l’UniversitĂ© Paul-ValĂ©ry de Montpellier formĂ© au Japon[7]. Quelques autres projets sont en cours (dont ceux Ă©tudiĂ©s par Egis-eau, qui doit installer 200 rĂ©cifs au large d'Agde, HĂ©rault) (10 m3 chacun environ, posĂ©s Ă  des profondeurs de 10 Ă  30 mĂštres), avec le concours et suivi de l'Ă©cole des mines d'AlĂšs et le CNRS[8]. La Ville de Marseille a Ă©galement lancĂ© en 2008 l'opĂ©ration « RĂ©cifs Prado » dans la rade sud de Marseille, pour repeupler les fonds quasi dĂ©sertiques de cette zone[9] - [10][11].

Outre-Mer, La RĂ©union s'est engagĂ©e dans un programme expĂ©rimental depuis 2002, Ă  l'initiative des pĂȘcheurs professionnels. Depuis 2007, de nouveaux prototypes en bĂ©ton recyclĂ© ont Ă©tĂ© conçus et immergĂ©s dans le cadre d'un programme baptisĂ© « CORAIL RĂ©union », ayant aussi comme objectif de promouvoir la colonisation corallienne sur ces structures[12].

Dispositifs d'attraction

Un cas particulier et ancien est celui de structures de bambous ou branches construites par des pĂȘcheurs et maintenues sous la surface de l'eau par un flotteur. Ces structures attirent et regroupent des poissons qu'il est alors plus facile de piĂ©ger ou pĂȘcher. Ces dispositifs d'attraction contribuent aussi Ă  nourrir et protĂ©ger des poissons.

En MĂ©diterranĂ©e, on pĂȘche depuis longtemps les pieuvres en les piĂ©geant dans des amphores immergĂ©es.

Le premier exemple de rĂ©cif artificiel connu est citĂ© par l’empereur Go-Kƍmyƍ en 1652 : des Ă©paves coulĂ©es aprĂšs avoir Ă©tĂ© remplies de pierres attiraient et abritaient les poissons, ainsi plus faciles Ă  pĂȘcher, prĂšs des ports.

Limites, risques, Ă©checs

Un rĂ©cif artificiel est Ă  la fois un dispositif d'attraction et d'augmentation de la productivitĂ© biologique[13]. S'il est exploitĂ© en tant que ressource halieutique, au-delĂ  d'un certain seuil, comme toute ressource, il peut ĂȘtre surexploitĂ©. En tant que DCP, dispositif d'attraction, il peut alors devenir un puits Ă©cologique, voire un piĂšge Ă©cologique.

Quelques tentatives de récifs constitués de matériaux polluants ont été des échecs.

Certains rĂ©cifs trop fragiles, ou trop lĂ©gers[14] ont Ă©tĂ© dĂ©truits par les tempĂȘtes d'Ă©quinoxe (par exemple devant le port de Morgat en Bretagne dans les annĂ©es 1970). Avec l'augmentation du nombre de cyclones dans certaines rĂ©gions, du monde, des prĂ©cautions doivent ĂȘtre prises[15], en tenant compte des courants et des irrĂ©gularitĂ©s spatiale dans le forçage du vent[16].

Des récifs artificiels de troisiÚme génération

Ce sont des récifs expérimentés depuis la fin des années 1990.

  • Ils cherchent Ă  imiter la nature en augmentant l'offre en micro-habitats. Des structures prĂ©fabriquĂ©es peuvent ainsi ĂȘtre mieux colonisĂ©es, dont dans les digues artificielles (module Ecopode par exemple[17] pour les carapaces de digues). Ils peuvent en outre ĂȘtre teints dans la masse pour mieux ressembler Ă  des rochers naturels et s'intĂ©grer dans le paysage[17].
  • Ils sont parfois construits via des mĂ©thodes de gĂ©nie Ă©cologique, par exemple au moyen de l'accrĂ©tion minĂ©rale Ă©lectrolytique fondĂ©e sur l'entretien d'un faible courant Ă©lectrique sur une structure porteuse mĂ©tallique. Dans ce cas, le courant facilite l'accrĂ©tion du calcaire sur la structure formant le dĂ©but d'un rĂ©cif colonisable par de nouveaux coraux. Sur cette structure qui durcit avec le temps, s'installent spontanĂ©ment ou sont « greffĂ©s » des coraux. Selon les promoteurs de cette mĂ©thode, c'est la seule mĂ©thode disponible pour rapidement restaurer un rĂ©cif, et notamment des rĂ©cifs morts Ă  grande Ă©chelle Ă  la suite d'un tsunami ou Ă  la suite du phĂ©nomĂšne de blanchiment des coraux[18].

Conditions de réussite

Le rĂ©cif doit ĂȘtre positionnĂ© Ă  un endroit oĂč assez de nutriments et de lumiĂšre sont disponibles. Ils doivent prĂ©senter un volume, une structure[19] et des caractĂ©ristiques de micro-habitats convenant Ă  l'attraction, la protection et la nourriture des espĂšces qu'il doit attirer et abriter (espĂšces facilitatrices et bioconstructrices notamment).

Il doit aussi rĂ©sister aux vagues, courants et tempĂȘtes ou Ă  un tremblement de terre le cas Ă©chĂ©ant, voire aux tsunamis, dans la mesure du possible. Des introductions volontaires de coraux et organismes (GĂ©nie Ă©cologique) permettent une colonisation plus rapide.

Le rĂ©cif doit ĂȘtre constituĂ© de matĂ©riaux environnementalement neutres (« Ă©co-compatibles »), non toxiques, non Ă©cotoxiques et ĂȘtre biogĂ©ographiquement judicieusement positionnĂ©. Il doit prĂ©senter les conditions de vie des espĂšces qu'on veut y attirer. Les cavitĂ©s ombreuses, longues et Ă©troites sont adaptĂ©es pour le congre ou la rascasse qui apprĂ©cient que leur corps soit en contact direct avec les parois. Le loup ou le sar recherchent une cavitĂ© plus grande oĂč ils peuvent nager plus Ă  l'aise. Ces deux derniers poissons attendront que quelques pionniers de leurs espĂšces aient inspectĂ© et adoptĂ© ce nouveau dĂ©cor, avant de le coloniser massivement.

Pour des raisons de sĂ©curitĂ© (dont sĂ©curitĂ© alimentaire) et d'Ă©cotoxicologie les rĂ©cifs, sauf s'ils ont aussi un rĂŽle de dĂ©pollution ne doivent pas ĂȘtre exposĂ©s Ă  des panaches de pollution organique ou chimique, ou posĂ©s Ă  proximitĂ© de zones de munitions immergĂ©es ou de zones mortes.

Des rĂ©cifs artificiels en eau douce, par exemple notamment testĂ©s[20] dans l'Indiana (port en eau douce du sud du lac Michigan, pour accueillir les pontes de touladi), peuvent ĂȘtre colonisĂ©s par une espĂšce invasive (moule zĂ©brĂ©e dans ce cas). La moule zĂ©brĂ©e semble inhiber leur utilisation comme lieu de ponte du touladi[20]. Sur des galets propres (sans moules zĂ©brĂ©es), les pontes Ă©taient de 11 Ă  29 fois plus Ă©levĂ©es (selon le dispositif de collecte utilisĂ©es)[20]. En incubateur de laboratoire les rĂ©ussites en termes de taux d'Ă©closion sont comparables, mais in situ, la prĂ©sence des moules zĂ©brĂ©es semble rĂ©duire la ponte et d'augmenter les dommages aux Ɠufs[20]. De tels rĂ©cifs artificiels pourraient peut-ĂȘtre ĂȘtre plus utiles aux touladis s'ils sont installĂ©s en eau plus profonde, plus Ă  l'abri du batillage et de l'effet des ondes de tempĂȘte, et lĂ  oĂč les moules zĂ©brĂ©es ne pullulent pas[21].

L'évaluation correctrice : Elle est importante pour améliorer les dispositifs et comprendre pourquoi un récif est ou non occupé par certaines espÚces. Les principaux moyens sont :

  • l'observation visuelle in situ (plongĂ©e sous-marine), avec ou sans Ă©chantillonnage, de jour et de nuit, Ă  diffĂ©rentes saisons et Ă  court (pĂ©riode de colonisation), moyen et long terme ;
  • l'observation par robot ou vidĂ©o avec appĂąts (ou Ă©clairage de nuit) attirant les poissons ou certains crustacĂ©s ;
  • l'observation sans appĂąt ;
  • l'observation d'indices de braconnage ou pollution, etc.

Ces modes d'évaluation présentent chacun des biais de surveillance, et semblent complémentaire pour repérer à la fois les espÚces cryptiques (cachées dans le récif et les autres)[22].

Des tests portant sur diffĂ©rents Ă©chantillons de matĂ©riaux peuvent Ă©galement ĂȘtre faits en amont.

Aspects environnementaux

Ocean Conservancy (ONG environnementale basĂ© Ă  Washington) estime que le bilan inconvĂ©nients/avantages des rĂ©cifs artificiels tels qu'ils ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en Floride (souvent Ă  partir de carcasses mĂ©talliques de navires, avions, vĂ©hicules terrestres) doit ĂȘtre rĂ©examinĂ©. Selon Jack Sobel, chercheur au sein de cette ONG, quand on tient compte des problĂšmes de toxicitĂ©, de dommages collatĂ©raux aux Ă©cosystĂšmes et de phĂ©nomĂšnes de concentration du poisson (piĂšge Ă©cologique ?) qui peuvent encourager une surexploitation de la ressource halieutique, « Il y a peu de preuves que ces rĂ©cifs artificiels ont un avantage net »[23].

Camouflage de décharges

Environ 2 millions de pneus ont Ă©tĂ© dĂ©versĂ©s au large des cĂŽtes de Fort Lauderdale (Floride), dans les annĂ©es 1970, en prĂ©sentant l'opĂ©ration comme rĂ©cif artificiel expĂ©rimental. Ce fut un Ă©chec. Les pneus contiennent des molĂ©cules toxiques dont du cadmium, du noir de carbone toxiques ou rĂ©pulsives pour les organismes marins. De plus les tempĂȘtes ont dĂ©stabilisĂ© le rĂ©cif. AprĂšs 3 dĂ©cennies, des plongeurs militaires ont commencĂ© Ă  retirer les pneus[23].

Suivant l'exemple ci-contre, des millions de pneus, souvent assemblĂ©s par des sangles de nylon ou des cĂąbles en acier, ont Ă©tĂ© jetĂ©s en mer (en Australie, Nouvelle-ZĂ©lande, Malaisie et au large des États amĂ©ricains de New York, New-Jersey, de la Caroline du Nord, de Californie et de Floride)[23]. Les cĂąbles en acier ont rouillĂ©, des sangles ont cĂ©dĂ©, et des milliers de pneus ont Ă©tĂ© rejetĂ©s sur les littoraux amĂ©ricains, en particulier pendant les ouragans (dont le long des cĂŽtes de Caroline du Nord aprĂšs le passage de l'ouragan Fran en 1996)[23]. les États amĂ©ricains ont depuis interdit les rĂ©cifs faits de pneus.

Certains rĂ©cifs artificiels ou dispositifs d'attraction pourraient ĂȘtre assimilĂ©es Ă  des tentatives de se dĂ©barrasser Ă  moindre coĂ»t de dĂ©chets toxiques ou encombrants. Des rĂ©cifs artificiels peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă  des structures de dĂ©chets en mer, en particulier ceux qui ont ainsi Ă©tĂ© constituĂ©s de milliers de pneus, qui n'ont d'ailleurs pas Ă©tĂ© colonisĂ©s (en raison de leur Ă©cotoxicitĂ© pour la flore et la faune marines). D'autres constituĂ©s d'accumulation de chars d'assaut, ou de carcasses de navires (avec moteurs, antifouling toxique, etc.) sont bien moins propices Ă  la colonisation que des structures spĂ©cialement conçues.

Néanmoins, il a été démontré que certaines épaves pouvaient localement jouer un rÎle d'oasis pour la biodiversité[24].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Généralités

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  • Pioch S. 2004. Bilan des immersions de rĂ©cifs artificiels en Languedoc-Roussillon. MĂ©moire de Master « activitĂ©s et amĂ©nagements littoraux et maritimes ». 85 p. + annexes.
  • Pioch S. 2007. Les RĂ©cifs Artificiels et le Repeuplement au Japon. BCEOM – UniversitĂ© Montpellier 3 – IFREMER. 133 p.
  • Pioch, S., Raynal, J.C., Lasserre, G. (2008) « Les habitats artificiels, une composante Ă©volutive de la stratĂ©gie de gestion intĂ©grĂ©e des zones cĂŽtiĂšres » Actes du Colloque franco japonais d’ocĂ©anographie ;, Marseille, France, 7- ; 7 p.
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Notes et références

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  16. Module Ecopode, Brochure de présentation[PDF].
  17. Exemple « Copie archivée » (version du 26 mai 2008 sur Internet Archive) de technique de restauration de récif coralliens, illustrations 1 « Copie archivée » (version du 17 mai 2008 sur Internet Archive), 2 « Copie archivée » (version du 13 février 2009 sur Internet Archive) (Ihuru, Maldives) photos « Copie archivée » (version du 28 septembre 2008 sur Internet Archive) d'une restauration récifale à Bali, plaquette[PDF] « Copie archivée » (version du 17 mai 2008 sur Internet Archive) (en anglais) sur les récifs artificiels « de 3e génération ».
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  24. Université de Montpellier, présentation de l'auteur.
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