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Robert MĂ©rand

Robert Mérand, né le à Chamalières (Puy-de-Dôme) et mort le dans le 12e arrondissement de Paris[1]) était professeur d�a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">éducation physique et sportive. Formateur, il a enseigné principalement à l�a href="%C3%89cole_normale_d'%C3%A9ducation_physique.html" title="École normale d'éducation physique">École normale supérieure d’éducation physique et est nommé, en fin de carrière, à l�a href="Institut_fran%C3%A7ais_de_l'%C3%A9ducation.html" title="Institut français de l'éducation">INRP (1983) où il fut chargé de recherche. Il a joué un rôle important dans les évolutions des conceptions et des réalisations dans les domaines du sport et de l�a href="Education_Physique_et_Sportive.html" title="Education Physique et Sportive">EPS. C’est en s’appuyant sur la référence culturelle propre aux activités physiques, sportives et artistiques qu'’il promeut la rénovation des contenus et des pratiques d’enseignement. Il fut membre du PCF, militant associatif à la FSGT et syndicaliste au SNEP.

Robert MĂ©rand
Robert Mérand Discours inaugural lors de la rentrée universitaire de l’ENSEP en 1967
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Robert Antoine Albert MĂ©rand
Nationalité
Activité

Repères professionnels

Ses études se sont déroulées au sein de l�a href="%C3%89cole_normale_primaire.html" title="École normale primaire">école normale d’instituteurs de Clermont-Ferrand puis, de 1940 à 1942 au sein de l�a href="%C3%89cole_normale_d'%C3%A9ducation_physique.html" title="École normale d'éducation physique">école normale d’éducation physique qui deviendra en 1944 l’ENSEP : école normale supérieure d’éducation physique. Il juge sa formation marquée par une résistance à la doctrine nationale imposée par la politique pétainiste de la jeunesse et des initiatives d’étudiants pour promouvoir le sport avec, notamment, la création par les étudiants des « notes techniques »[2].

Sa carrière sportive s’inscrit dans l�a href="Liste_des_sports_nationaux_par_pays.html" title="Liste des sports nationaux par pays">équipe nationale de handball (1942) mais surtout dans le basket-ball : équipe nationale universitaire (jeux mondiaux universitaires de 1939), entraîneur du PUC.

En 1946, il est nommé professeur à l’ENSEP fonction qu’il assurera jusqu’�la suppression de cette école en 1973.

R. Mérand adhère à la Fédération sportive et gymnique du travail, en 1948, fédération organisatrice des Stages Maurice Baquet de 1965 à 1980. Ces stages, centrés sur « le sport de l’enfant » ont rassemblé de nombreux participants dont une majorité de professeurs d’EPS[3].

De 1974 à 1983, il s’implique dans la formation professionnelle des enseignants d�a href="%C3%89ducation_Physique_et_Sportive.html" title="Éducation Physique et Sportive">EPS. Cette dernière prend progressivement l’orientation d’une formation centrée sur les problèmes professionnels concrets formulés et résolus par les enseignants eux-mêmes.

Il termine sa carrière professionnelle à l�a href="Institut_fran%C3%A7ais_de_l%E2%80%99%C3%A9ducation.html" title="Institut français de l’éducation">Institut national de la recherche pédagogique (INRP) où il est nommé chargé de recherche dans le département des didactiques des disciplines[4].

Tous les historiens de l'EPS se retrouvent pour « considérer que son importance a été grande voire décisive dans la 2e moitié du 20e siècle ». Cité comme « un pionnier» par Gilles Klein[5]son « influence s'est manifestée par l'intermédiaire de ses étudiants et par les instructions officielles en EPS de 1967 qui reprennent certaines de ces idées »[6].

Options fondamentales

Une conception de la culture

En s’appuyant fortement sur l’œuvre d�a href="Henri_Wallon_(1879-1962).html" title="Henri Wallon (1879-1962)">H. Wallon dont il était un bon connaisseur, R. Mérand a développé une conception dialectique de la culture qui pose que l’individu est inséparable de son milieu naturel et que le but de l’éducation est de permettre à l’individu de s’extraire progressivement du milieu naturel pour se socialiser et s�a href="Empowerment.html" title="Empowerment">autonomiser. Comment justifie-t-il la place du sport dans la culture ? « La culture, c’est la présence en chaque homme de toute l�a href="Humanit%C3%A9.html" title="Humanité">humanité. Or le sport est une activité universelle et de tous les temps. La culture, c’est ensuite l’activité spécifiquement humaine : l’acte de créer des valeurs ; la culture, c’est enfin l’ensemble des significations et des moyens dont l’homme dispose pour construire son avenir »[7], or le sport, ajoute t-il, malgré certaines perversions est créateur de valeurs et permet le développement d�a href="Aptitude_(sport).html" title="Aptitude (sport)">aptitudes et capacités.

Une conception de l’activité humaine

Celle-ci valorise, dans les relations d’un individu avec le milieu culturel sa capacité à créer des voies originales d�a href="Adaptation_(biologie).html" title="Adaptation (biologie)">adaptation. Toute conduite humaine est faite de stéréotypes mais elle contient aussi des tentatives d’adaptation ingénieuses et créatrices. Ce sont ces dernières que les éducateurs doivent apprendre à repérer (d’où l’importance de l’observation) pour les stimuler afin qu’elles deviennent les points d’appui de progrès ultérieurs. Cette position est à l’opposé de la détection des manques et des tentatives pédagogiques pour les combler.

Une conception démocratique du sport

R. Mérand prend acte de la revendication d’un droit au sport pour tous et de la reconnaissance du sport comme moyen d’éducation pour tous[8]. À partir de là, il développe une problématique, non de définition du sport[9] mais de recherche des conditions à remplir pour que le droit au sport comme moyen d’éducation devienne réalité.

  • La pratique sportive ne doit pas s’arrĂŞter Ă  un certain moment, elle doit se poursuivre tout au long de lâ€?a href="Existence.html" title="Existence">existence. « Elle est une composante de la formation de l’homme citoyen [10]
  • Cette formation est donc spĂ©cifique aux diffĂ©rentes Ă©tapes du dĂ©veloppement mais elle est aussi indissociable des apprentissages, donc le sport n’est pas seulement pratique mais aussi apprentissages.
  • Pour les enfants et les adolescents, il est prĂ©conisĂ© « une pratique prĂ©coce et multiforme[10]» dans des structures omnisports : clubs omnisports, Ă©ducation physique omnisports Ă  l’école.
  • Ces structures doivent ĂŞtre animĂ©es par « l’esprit omnisports » et permettre d’élaborer, certes des problèmes spĂ©cifiques mais surtout des problèmes plus gĂ©nĂ©raux « comme lâ€?a href="Entra%C3%AEnement_sportif.html" title="EntraĂ®nement sportif">entraĂ®nement, lâ€?a href="Apprentissage.html" title="Apprentissage">apprentissage, lâ€?a href="Observation.html" title="Observation">observation de l’activitĂ© des pratiquants[10] ».
  • La pĂ©riode de formation dĂ©bouche sur l’orientation et la spĂ©cialisation « imposant de concevoir les rapports entre un enseignement sportif fondamental et une pratique Ă  options[11] ».

Une conception des relations théorie/pratique

R. Mérand adopte à ce sujet une position originale. Sa démarche est construite sur l’idée que la pratique est au centre de toute réflexion mais qu’elle ne peut trouver sa justification en elle-même. La pratique se vit pour les praticiens. Elle ne reçoit pas des leçons de la science. Toute démarche déductive ne conduit pas à l’amélioration de celles-ci. Il s’agit donc d’éviter l’écueil déductif et l’écueil consistant à croire que la pratique trouve en elle-même ses propres transformations. « Je n’ai jamais fait comme un universitaire aurait fait. Je ne me serai jamais présenté devant des étudiants en leur disant, j’ai lu Wallon, voilà ce que vous devez en retenir. Par contre, je leur disais, voilà je rencontre un problème dans mes pratiques, voilà comment il est éclairé par tel passage de Wallon �/i>[12] »
R. Mérand propose un modèle qui prend en compte les pratiques afin de les transformer. La pratique est analysée à partir d’une grille de lecture de l’activité humaine. Les difficultés rencontrées sont extraites de ces pratiques et problématisées. Ce travail de théorisation permet ensuite d’aborder les connaissances scientifiques ou théoriques disponibles. R. Mérand puise dans les connaissances qui sont utiles à l’amélioration des pratiques, hors de toute considération épistémologique. Ces connaissances aident à résoudre les problèmes identifiés. Dès lors des propositions enrichies sont proposées aux pratiquants et praticiens pour être testées et adaptées aux diverses pratiques rencontrées.

Des problématiques originales

Le sport Ă©ducatif de masse

Le sport éducatif de masse concerne différentes institutions : les centres éducatifs pour la jeunesse, certaines fédérations affinitaires, certaines actions des fédérations sportives et bien sûr, le milieu scolaire ; les convergences se faisant sur la base des finalités ou sur l’orientation générale du projet éducatif.
Quelle analyse des spécialités sportives en tant qu’objets éducatifs pour que les pratiquants entrent dans la voie d’un développement illimité[13] ?
La différenciation en fonction de l’âge des pratiquants ; les propositions de R. Mérand se concentreront sur la tranche d’âge de 6 à 14 ans, période dite de « formation fondamentale ».
Les différents temps de la démarche sont ensuite :

  • L’analyse approfondie de la construction sociale de la spĂ©cialitĂ© sportive que l’on se propose de faire pratiquer. Ici le basket-ball.
  • Une rĂ©flexion autour de la technique.
  • Une rĂ©fĂ©rence renouvelĂ©e Ă  la haute performance.
  • La formation fondamentale
    Cette période est dite fondamentale au sens où des acquisitions déterminantes pour le développement doivent être faites sous peine d’atteintes graves au Développement de l'enfant et de l�a href="Adolescence.html" title="Adolescence">adolescent.
    L’outil déterminant est « le sport de l’enfant » distingué du « sport pour l’enfant » dont les caractéristiques principales sont :
    • Des pratiques envisagĂ©es dans l’ensemble de leurs aspects : socio-culturel, institutionnel, technique.
    • Des pratiques polytechniques organisant et coordonnant des pratiques et des techniques de nature diffĂ©rente.
    • Des apprentissages impliquant l’investissement complet de la personne et visant des transformations aux diffĂ©rents plans de la personnalitĂ©.
  • La construction sociale du basket-ball :

Il s’agit d’examiner comment et pourquoi un jeu de règles crée en 1891 dans le cadre d’une institution éducative (YMCA) et en référence à une conception culturelle définie à priori se prête à la transmutation en sport moderne. Comment et pourquoi aussi on peut envisager sa pratique dans le cadre de la formation fondamentale : compatibilité des valeurs et règles avec le projet éducatif.

  • Une rĂ©flexion autour de la technique : R. MĂ©rand a menĂ© cette rĂ©flexion Ă  diffĂ©rents moments et sous diffĂ©rents angles.
    • Ă€ l’ENSEP et avec ses Ă©tudiants, il remet en cause la façon dont on Ă©tudiait les sports collectifs[14] et dont on les enseignait. Ces critiques sont fondĂ©es sur l’utilisation de rĂ©fĂ©rents philosophiques et psychologiques (matĂ©rialisme dialectique et critiques de lâ€?a href="Associationnisme.html" title="Associationnisme">associationnisme notamment). Il substitue Ă  cette perspective celle d’un match conçu comme un rapport de forces et de joueurs qui, pour s’adapter aux alĂ©as du match doivent, sans cesse transformer leurs techniques et en crĂ©er de nouvelles[15].
    • Par la suite et dans le cadre de lâ€?a href="Education_Physique_et_Sportive.html" title="Education Physique et Sportive">EPS R. MĂ©rand parle plutĂ´t « d’acte technique » qu’il prĂ©sente, s’appuyant sur Wallon, comme un acte crĂ©atif par excellence ; acte dont le mouvement, abstraction physiologique ou mĂ©canique n’est que l’instrument.
    • Enfin il distingue, pour l’enseignement de lâ€?a href="Education_Physique_et_Sportive.html" title="Education Physique et Sportive">EPS trois Ă©tapes d’appropriation des techniques formulĂ©es Ă  partir des finalitĂ©s de l’institution dans laquelle elles sont enseignĂ©es : *accroĂ®tre en acte sa connaissance de l’activitĂ© physique ou sportive pratiquĂ©e, *avancer dans l’appropriation de cette activitĂ©, *apprendre, au travers des techniques spĂ©cifiques Ă  se transformer soi-mĂŞme[16]. Ce dernier point devenant essentiel pour l’EPS scolaire.
  • Une rĂ©flexion sur la coordination des diffĂ©rentes activitĂ©s pratiquĂ©es : la « juxtaposition de cycles d’apprentissage ne permet pas de satisfaire les objectifs d’une formation fondamentale[17] ». R. MĂ©rand propose de rĂ©soudre ce problème, non par la prise d’appui sur les classifications dâ€?a href="Activit%C3%A9_physique%2C_sportive_et_artistique.html" title="ActivitĂ© physique, sportive et artistique">APS mais par les produits de recherche spĂ©cifiant les caractĂ©ristiques aux diffĂ©rents plans de l’activitĂ© des pratiquants. Ă€ dĂ©faut de disposer de ces points d’appui, il s’est livrĂ© Ă  un travail incessant d’étude et d’intĂ©gration de ces produits de recherches et Ă  une collaboration avec des spĂ©cialistes Ă©minents.
  • Le statut de « la haute performance » : Son analyse est indispensable pour tous les Ă©ducateurs. Mais, lorsqu’on se situe dans le cadre d’un sport Ă©ducatif de masse, on ne se focalise pas sur la performance elle-mĂŞme mais sur les stratĂ©gies d’adaptation dĂ©ployĂ©es aux diffĂ©rents plans : espace, perceptivo-moteur, reprĂ©sentations[18]. C’est aussi l’étude de la haute performance qui permet l’actualisation des techniques et des contenus Ă  enseigner.

La formation des Ă©ducateurs

  • Tout Ă©ducateur est d’abord un pratiquant qui va acquĂ©rir globalement, de façon personnelle et par le moyen du faire, l’ensemble des significations et des caractĂ©ristiques d’une spĂ©cialitĂ© sportive. En accord avec B. Jeu[19], qui pose que « le sport ne se rĂ©duit ni ne se dĂ©duit », le pratiquant doit « se confronter Ă  tout un hĂ©ritage d’expĂ©rience accumulĂ©e, ramassĂ©e, codifiĂ©e, Ă  des comportements instinctifs aux significations obscures, Ă  l’action persistante, insistante et surtout motivante d’une affectivitĂ© ressentie dans la participation Ă  une sorte dâ€?a href="Inconscient_collectif.html" title="Inconscient collectif">inconscient collectif ». Etre, d’abord « un pratiquant pour de bon » impose de pratiquer dans une institution ou une organisation authentique (Associations Sportives ou clubs). Cela pose le problème de ce type de pratiques dans le cadre de la formation initiale des enseignants dâ€?a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">EPS[20].
  • Il doit aussi ĂŞtre un pratiquant Ă©clairĂ© : d’oĂą des procĂ©dures analytiques lui permettant de savoir ce qu’il fait : descriptions techniques mais aussi explications techniques appuyĂ©es sur des donnĂ©es scientifiques, convoquĂ©es, non de façon formelle mais comme mode explicatif.
  • Il va aussi ĂŞtre considĂ©rĂ© comme futur Ă©ducateur : Son expĂ©rience doit ĂŞtre transformĂ©e en objet d’enseignement avec une centration sur l’observation de l’activitĂ© des pratiquants, moment dĂ©cisif dans la formation. Les stages M. Baquet ont Ă©laborĂ© une mĂ©thodologie de l’observation qui passe par les Ă©tapes suivantes :
    • le choix des situations Ă  observer : des situations de jeu au sens wallonnien du terme c’est-Ă -dire des situations non utilitaires, permettant une exploration large de toutes les possibilitĂ©s.
    • l’observation des diffĂ©rentes composantes de l’activitĂ©. (affectivitĂ©, acte moteur, connaissance).
    • lâ€?a href="Inf%C3%A9rence.html" title="InfĂ©rence">infĂ©rence des obstacles rencontrĂ©s, eux-mĂŞmes rĂ©fĂ©rĂ©s Ă  un cadre explicatif prĂ©alable (quelques repères sur ce cadre seront donnĂ©s dans le point suivant).
  • Il va enfin ĂŞtre considĂ©rĂ© comme « didacticien » c’est-Ă -dire porteur de savoirs et de contenus Ă  enseigner.
    Les prises de décisions en vue d’interventions supposent :
    • Un rĂ©fĂ©rent concernant l’activitĂ© de l’enfant et plus gĂ©nĂ©ralement l’activitĂ© humaine en situation dâ€?a href="Apprentissage.html" title="Apprentissage">apprentissages. Sur ce point, R. MĂ©rand s’est largement rĂ©fĂ©rĂ© Ă  H. Wallon et a construit un rĂ©fĂ©rent original coordonnant les propositions de cet auteur et ses propres connaissances empiriques[21]. Ă€ titre d’exemple et concernant les sports collectifs, les savoirs Ă  transmettre sont organisĂ©s autour du thème de l’anticipation : anticipation mentale ou comment passer de rapports spatiaux spontanĂ©ment rĂ©fĂ©rĂ©s Ă  la balle Ă  « une schĂ©matisation mentale qui englobe et retentit sur les actions sur la balle ». « Anticipation motrice Ă  la fois rĂ©gulation motrice et anticipation des Ă©vènements Ă  survenir[22] ». (ThĂ©orie de l’attitude de Wallon[23]).
    • Un rĂ©fĂ©rent concernant le dĂ©veloppement et les apprentissages. R. MĂ©rand se situe dans une perspective interactionniste : la pĂ©dagogie a pour fonction, en dĂ©finitive d’imposer Ă  l’enfant quelque chose qui lui prĂ©existe : le monde des adultes. D’oĂą l’importance de l’amĂ©nagement du milieu pour que l’enfant puisse utiliser les possibilitĂ©s qui sont les siennes[24]. Notons que le milieu a le sens très large d’organisation de la totalitĂ© de la communautĂ© Ă©ducative.

Quant aux apprentissages R. Mérand se réfère aux apprentissages réalisés au cours d’actions instrumentales « actions finalisées dont le résultat est connu du sujet grâce à des informations en retour[25] ».

Une recherche « organiquement liée aux innovations et à la formation »

R. Mérand ne dissocie pas la recherche de la pratique professionnelle et de la formation. Cette orientation est sous tendue par la primauté de la pratique comme mode de connaissance de l’homme en action. Il faut entendre par pratique, la pratique du pratiquant et celle du praticien. Fort de ce principe R. Mérand va privilégier une étude attentive de l’homme confronté à la culture de son époque. La pratique est la manifestation de la dynamique transformatrice de l’homme. La pratique vit et se transforme sous l’effet des innovations des enseignants. Les innovations sont des réponses à des difficultés professionnelles rencontrées. La recherche tient son objet dans l’analyse des pratiques, de ses difficultés à ses innovations. C’est ce creuset qui donne son sens à la recherche. Les visées utiles qu’accorde R. Mérand à la recherche le conduisent à considérer comme liées indéfectiblement, innovations, recherche et formation. Ces trois termes sont pensés en une circularité permanente. La pratique est par exemple le point d’appui de la formation.
C’est par l’analyse des pratiques et de ses innovations que la formation s’enracine dans le réel. Former un individu ou un enseignant, c’est s’appuyer sur les réalités de la pratique mais se dégager de l�a href="Empirisme.html" title="Empirisme">empirisme pour accéder à une théorisation des difficultés rencontrées. Le caractère général d’une théorisation de la pratique permet sa transmission à des fins de formation. La formation en confrontant les individus à leurs propres pratiques, permet l’émergence de nouveaux problèmes que la recherche va préciser et pour lesquels elle ouvre des orientations de travail.
Ainsi, s’établit chez R. Mérand un positionnement original vis-à-vis de la recherche. Celle-ci ne trouve son sens que dans un appui premier sur les réalisations pratiques et dans une constante articulation avec les innovations et la formation.

Des réalisations pratiques

Stages de type nouveau

Les stages de type nouveau se construisent à partir d’une analyse des pratiques des participants et de la mise en évidence des problèmes rencontrés. Ceux-ci donnent naissance à un travail de problématisation. La mise en problème des difficultés rencontrées donnent lieu à un approfondissement à partir des connaissances scientifiques, théoriques, pratiques existantes. Les perspectives ouvertes par cet approfondissement sont ensuite confrontées à la réalité des pratiques et testées en situation réelle. Ces nouvelles avancées s’individualisent chez chaque acteur qui intègre à partir de ses pratiques habituelles les avancées collectives effectuées. Les avancées se rodent aux pratiques quotidiennes et donnent naissance à de nouvelles interrogations et questionnement du réel. De nouveaux problèmes sont soulevés et abordés selon un modèle identique. Les stagiaires participent ainsi à leur propre transformation.
Cette stratégie de formation engage une remise en question régulière des stagiaires à partir de l’existant. Elle est non pas centrée sur l’acquisition de savoirs formels ou académiques mais sur le développement de savoirs utiles aux praticiens ou pratiquants dans leur engagement quotidien.

Sessions de travail théorique pour les dirigeants de la FSGT

Dans les années 1980, R. Mérand propose des stages de travail théorique aux dirigeants de la FSGT. Cette initiative est à la conjonction de deux avancées importantes. Le stage M. Baquet et le développement de la FSGT. La FSGT s’est engagée de plus dans un programme de démocratisation des activités physiques et sportives où les contenus distribués sont essentiels. Cette orientation politique l’a conduit à engager un processus d�a href="Autogestion.html" title="Autogestion">autogestion dans les décisions politiques, aux différents niveaux de responsabilité de la fédération. Cette décision ambitieuse a modifié le regard posé les problèmes de la formation au sein de la fédération. R. Mérand propose aux dirigeants FSGT des stages de formation en appui sur les orientations fondamentales développées lors des stages M. Baquet (voir paragraphe suivant). Ces dirigeants sont ainsi confrontés à partir de l’analyse de leurs pratiques à l’appropriation de documents théoriques sélectionnés.

Stages Maurice Baquet[26]

Les stages M. Baquet se sont déroulés à partir de 1964, pendant 20 ans, à Sète. Ils ont accueilli de très nombreux éducateurs (500 en 1973) qui prenaient en charge des séquences quotidiennes d’activité physique et sportive pour les jeunes de 6 à 14 ans d’une colonie de vacances.
S’inscrivant dans l’objectif essentiel de la FSGT : « faire du sport une composante essentielle de la vie de notre pays », il s’est attaché à concevoir et à promouvoir « un sport éducatif de masse[27] ».
Deux conditions ont été posées comme incontournables : la création d’un milieu humain sollicitant :

  • L’organisation de la colonie en RĂ©publique avec la participation et des prises de responsabilitĂ© des enfants Ă  l’ensemble des taches liĂ©es Ă  la vie de la colonie. La transformation des contenus habituellement proposĂ©s lorsqu’on programme des pratiques sportives (cf. le sport Ă©ducatif).
  • Le dĂ©veloppement par les stagiaires « d’une attitude expĂ©rimentale en pĂ©dagogie »[28]. Cette attitude s’appuie sur lâ€?a href="Intelligence.html" title="Intelligence">intelligence pratique qui, aux prises avec le rĂ©el, recherche en s’adaptant la solution efficace. Mais comment Ă©viter de tomber dans l’automatisme ou dans le jeu de l’intelligence spĂ©culative ? En s’engageant dans un processus de distanciation qui comprend deux temps : un temps dâ€?a href="Observation.html" title="Observation">observation destinĂ© Ă  Ă©tudier, en diffĂ©rĂ© (et ici, avec l’aide de la vidĂ©o) ce qui s’est effectivement passĂ© et un temps d’analyse, d’interprĂ©tation et d’incorporation de connaissances.

Les expériences en établissements scolaires

Comment permettre à des élèves d’être des joueurs de Basket-ball ? En organisant la classe (groupes de 3+3), le temps (séquences de 3 minutes suivies d’un temps mort de 1 minute, pour éviter un jeu à l’économie). Comment permettre à des étudiants d’observer « les routines et les innovations des élèves, » les innovations étant le point d’intervention privilégié[29]. L’enregistrement (films puis vidéo) s’avère indispensable ainsi qu’un référent d�a href="Observation.html" title="Observation">observation. Ce référent est construit à partir de la question : que font les élèves lorsqu’ils tentent des actions originales, sortant des normes habituellement édictées ? Les élèves sont aussi sollicités sur ce type de situations.
Ces premières expériences se sont ensuite formalisées et approfondies en 1965 durant un stage de l’Amicale des anciens élèves de l’ENSEP pour proposer une démarche commune aux sports collectifs et aux sports de combat :

  • Une organisation de la classe en 2 clubs sensiblement de mĂŞmes compĂ©tences ; chaque club comprenant une Ă©quipe première et une Ă©quipe rĂ©serve.
  • Un calendrier rĂ©partissant les moments de compĂ©tition et les moments de match (rassemblĂ©s dans un cycle : environ 10 sĂ©ances dâ€?a href="Education_Physique_et_Sportive.html" title="Education Physique et Sportive">EPS).
  • La dĂ©termination des thèmes dâ€?a href="Entra%C3%AEnement_sportif.html" title="EntraĂ®nement sportif">entraĂ®nement par l’apprĂ©ciation de la situation concrète et les connaissances du sport et de l’activitĂ© physique humaine.

Des exemples de formation initiale et continue

Le modèle d’analyse et de transformation de l�a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">éducation physique et sportive préconisés par R. Mérand se diffuse dans les diverses académies de France et dans les UEREPS. R. Mérand aura pour mission avec J. Marsenach, (1974-1983) l’animation des stages de formation continue sur tout le territoire national. L�a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">éducation physique et sportive, irriguée par les participants aux stages M. Baquet, se développe ainsi qu'une forte adhésion aux orientations données par R. Mérand à l�a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">EPS.
Les stages donnent part belle à la pratique des enseignants en situation réelle. Cette pratique est ensuite analysée et des propositions de remédiation sont émises avant d’être testées sur le terrain de la pratique. Ce modèle immuable permet un ancrage réel de la formation continue dans les problèmes concrets rencontrés par les enseignants. Une démarche identique sera réalisée dans certaines UEREPS pour assurer la formation professionnelle des futurs enseignants.

Un programme de recherche à l’Institut National de la Recherche Pédagogique (INRP[30])

Nous nous centrerons sur la première recherche « l’évaluation formative dans les collèges[31] » significative des options fondamentales développées ci-dessus.

  • Une recherche enracinĂ©e dans les prĂ©occupations des enseignants.
    • L’objet de recherche : « lâ€?a href="%C3%89valuation_formative.html" title="Évaluation formative">Ă©valuation formative » Ă©merge de l’analyse de nombreux projets d’établissements scolaires et de l’étude des outils utilisĂ©s. En effet, cette analyse montre que lâ€?a href="Enseignant.html" title="Enseignant">enseignant dâ€?a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">EPS, rĂ©gule en situation ce qu’il voit faire aux Ă©lèves ; il Ă©value constamment indĂ©pendamment des formes prises. D’oĂą un projet centrĂ© sur l’étude de ces rĂ©gulations.
  • Une recherche associant les enseignants dâ€?a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">EPS de nombreux collèges. Mais ces enseignants Ă©taient d’abord invitĂ©s Ă  innover, en matière dâ€?a href="%C3%89valuation_formative.html" title="Évaluation formative">Ă©valuation formative en passant d’activitĂ© d’évaluateur intuitive et implicite Ă  une Ă©valuation formative rationalisĂ©e.
  • Des donnĂ©es de recherche (audio et vidĂ©o) recueillies sur des sĂ©ances en transformations ce qui prĂ©sente l’avantage d’impliquer fortement les enseignants (R. MĂ©rand parle, Ă  ce propos de recherches en didactique-formation) et de centrer le chercheur sur un milieu en mouvement dont il connaĂ®t les intentions et le sens.

Critiques

Les travaux de Robert Mérand ont subi des critiques de différentes natures :

  • Sur le plan des options Ă©ducatives fondamentales : les propositions de R. MĂ©rand se sont heurtĂ©es aux travaux de Jean Le Boulch et de Pierre Parlebas. Ces deux derniers auteurs posent le principe d’une Ă©ducation de l’individu en conformitĂ© avec les travaux scientifiques de l’époque. L’objet de l’éducation est de dĂ©velopper prĂ©cautionneusement les diffĂ©rentes facettes de l’individu hors de toute considĂ©ration culturelle.
  • Sur le plan des orientations politiques Ă  donner Ă  lâ€?a href="%C3%89ducation_physique_et_sportive.html" title="Éducation physique et sportive">Ă©ducation physique et sportive : Robert MĂ©rand s’est mis en opposition aux responsables politiques de l’époque en n’adhèrent pas Ă  leur vision du rĂ´le de l’éducation physique dans la sociĂ©tĂ©. Le ministère de la Jeunesse et des Sports envisage une perspective très utilitaire Ă  l’éducation physique et sportive : initier sportivement tous les enfants scolarisĂ©s pour garantir Ă  terme l’éclosion de champions sportifs, gage de rĂ©ussite des Ă©tats dans la pĂ©riode de guerre froide. R. MĂ©rand prĂ´ne donc, Ă  l'inverse, un travail de transposition des contenus sportifs « civils » afin de les adapter aux missions de l’école. Ces travaux peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme les premières avancĂ©es en didactique de l'Ă©ducation physique et sportive.
  • Sur le sport comme culture : Jean-Marie Brohm estime que le sport est infĂ©odĂ© aux exigences Ă©conomiques du capitalisme. Le sport est une courroie de transmission des valeurs marchandes. L’entraĂ®nement, le chronomètre, la performance sont des moyens d’intĂ©gration, par le sport, des normes d’une sociĂ©tĂ© de lâ€?a href="Exploitation_sociale.html" title="Exploitation sociale">exploitation de l’individu.

R. Mérand oppose à cette position, une critique raisonnée qui préserve le sport comme culture de l’homme.

Publications[32]

MERAND R. (1947). Progressions et agrès. Notes techniques de l’ENSEP. Février - .
MERAND R. (1947). Progressions et agrès. Notes techniques de l’ENSEP. .
MERAND R. (1947). L’évolution des sports collectifs �Vers le principe du corps obstacle. Notes techniques de l’ENSEP. .
MERAND R., RIVAL R. (1951). Les enseignements des championnats d’Europe de Basket. La vie de la FSGT n°104.
MERAND R., RIVAL R. (1951). Les enseignements des championnats d’Europe de Basket. La vie de la FSGT n°105.
MERAND R., RIVAL R. (1951). « Un stage de basket de type nouveau : le stage Henri Martin ». La vie de la FSGT n°110 - 1951.
MERAND R., RIVAL R. (1951). « Nouveau dans son esprit, le stage Henri Martin le fut aussi dans la méthode ». La vie de la FSGT n°111.
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Notes et références

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. R. MĂ©rand, « Les dĂ©terminants historiques des formations actuelles en EPS Â», Dossier EPS n° 27 : La formation au mĂ©tier d’enseignant, Ă©ditions EPS, 1996.
  3. P.Goirand, J.Journet, R.Moustard, J. Marsenach, M.Portes, Les stages Maurice Baquet, L’Harmattan, 2005.
  4. Le parcours de R. Mérand dans : M. Vandevelde, Éducation physique et basket-ball, éditions Syllepse, 2007
  5. Gilles Klein, Une affaire de discipline. L'Ă©ducation physique en France et en Europe; 1970-2000, Paris, Ă©ditions revue EPS,2003
  6. Patrick Seners, L'EPS son histoire, sa genèse, jusqu'aux programmes de 2002. Paris, Vigot, 2004
  7. R. Mérand : Pour une rénovation du sport et de l’éducation in Stage Maurice. Baquet, FSGT, N° spécial Sport et plein air.
  8. Les Instructions Officielles du ministre aux professeurs et maitres d’éducation physique et sportive de 1967 soulignent que « parmi toutes les activités physiques, le sport doit dans la majorité des cas, tenir la plus grande place ».
  9. R. Mérand, dit « faire volontairement l’impasse sur une définition du sport dont B. Jeu montre la difficulté voire l’impossibilité « le sport ayant plusieurs définitions, utiles, explicatives en fonction des contextes dans lequel le discours se situe ».in La référence culturelle au sport, à quelles conditions pour l’enseignant d’EPS, aujourd’hui ? Revue Contre-pied N°1, centre EPS et Société, 76 rue des Rondeaux, 75020 Paris.
  10. R. Mérand : création du CPS FSGT et problèmes d’aujourd’hui, in Stage Maurice Baquet, Sport et plein air spécial, CPS FSGT».
  11. Ibid.
  12. Entretien avec C. Martinez non publié
  13. Cette démarche, nous a semblé intéressante à rapporter dans un contexte d’apparition exponentielle d’activités physiques et sportives nouvelles pour lesquelles on se pose rarement la question de leur pertinence pour les milieux éducatifs.
  14. Etude critique du film « à l’école du B.B » d’André Barrais.
  15. M. Vandevelde, dans son livre : éducation physique et Basket-ball, éditions syllepse 2007 présente une analyse approfondie de ce 1er temps.
  16. J. Marsenach en collaboration avec R. Mérand, L’évaluation formative en EPS, dans les collèges, INRP, didactiques des disciplines, 1987.
  17. R. Mérand : la rénovation des contenus en EPS, in la formation des enseignants d’EPS et recherches en didactique, INRP, 1990.
  18. L’éducateur face à la haute performance, ouvrage collectif, FSGT, éditions Sport plein air, 1977.
  19. B. Jeu, le sport, l’émotion et l’espace, Vigot, 1977.
  20. Ces propositions, non suivies d’effet ont été faites, dans le cadre de la commission chargée d’élaborer le projet pédagogique de la future UEREPS de l’université d’Orsay. On le trouvera dans « l’entretien avec R. Mérand, revue EPS N°186.
  21. R. Mérand. Bilan psycho-moteur et interprétation d’observations in R. Mérand, J. Marsenach, M. Viala : Motricité et jeux sportifs collectifs, revue belge de l’éducation physique vol X, 3, 1970.09.
  22. R. Mérand donne l’exemple du dribbleur en B.B : « chez les joueurs peu évolués le bras non dribbleur contribue à la compensation des déséquilibres produits par l’action dynamique du dribble. Chez le joueur évolué, la partie non dribbleuse anticipe sur les évènements à venir après le dribble et organise l’équilibre du dribbleur par rapport au futur. In R. Mérand : bilan psychomoteur, op. cité.
  23. H. Wallon : l’évolution psychologique de l’enfant, Paris, Armand Colin, 1968 et notamment le chapitre X « l’acte moteur ».
  24. La république Gai Soleil in Les stages Maurice Baquet op.cit.
  25. C. George : apprendre par l’action, Paris, PUF, 1983
  26. P. Goirand, J. Journet, Jacqueline Marsenach, R. Moustard, M. Portes : les stages Maurice Baquet, Paris, L’Harmattan, 2004. M. Baquet est un dirigeant de la FSGT. Il défend l’idée d’un sport éducatif et d’un sport des jeunes différent de celui des adultes.
  27. R. Mérand : forme de la pratique sportive et éducation de masse. Revue : stages M. Baquet, N° spécial de la revue Sport et plein air.
  28. Expression empruntée à Aurélien Fabre, revue Enfance.
  29. Article cité Revue EPS N°315.
  30. En 1983, R. Mérand fut nommé, avec J. Marsenach, dans le département « didactiques des disciplines » de cet institut.
  31. J. Marsenach, R. Mérand, l’évaluation formative en éducation physique et sportive dans les collèges, INRP, collection rapports de recherche, 1987, N°2.
  32. Ces publications sont extraits, en grande partie, du livre de M. Vandevelde (2007) « Repères chronologiques sur le parcours professionnel et militant de Robert Mérand » Education physique et basket-ball. Robert Mérand : un regard neuf sur l’activité de l’élève. Paris : éditions Syllepse.
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