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Autoformation

L'autoformation est le fait pour une personne de se former elle-mĂȘme, dans un cadre qui lui est propre, d’une façon plus ou moins Ă©loignĂ©e des structures et institutions enseignantes et formatives.

Le peintre autodidacte Nikifor Krynicki (1966).

L'autoformation apparaĂźt ainsi comme un mode d'auto-dĂ©veloppement des connaissances et des compĂ©tences par le sujet social lui-mĂȘme, selon son rythme, avec l'aide de ressources Ă©ducatives et de mĂ©diation sociale les plus choisies possibles.

Si l'autodidacte est habituellement prĂ©sentĂ© comme une personne poursuivant une dĂ©marche solitaire, il est de plus en plus facile de trouver des ressources d'autoformation collective : groupe d'Ă©change de savoirs, rĂ©seaux sociaux d'apprentissage... Les courants de l'Ă©ducation populaire, l'universitĂ© populaire, les rĂ©seaux d'Ă©change rĂ©ciproque de savoir et les phĂ©nomĂšnes collaboratifs comme le wiki, illustrent ce phĂ©nomĂšne important de la sociĂ©tĂ© du XXIe siĂšcle. À l'inverse, l'autoformation est souvent conduite au savoir grĂące Ă  la pratique. C'est en rĂ©alisant les choses, donc en « mettant la main Ă  la pĂąte » que l'autodidacte acquiert des connaissances, d'oĂč l'importance de l'apprentissage par la pratique.

Lectures théoriques

Pour Joffre Dumazedier, le concept d'autoformation est un concept ambigu. S'il permet d'appréhender les pratiques du sujet de ce qu'il a nommé « la société des loisirs », il a ses limites et n'est pas sans danger en ce qu'il peut alimenter le mythe d'un autoengendrement. En fait d'auto-engendrement, « on apprend seul mais jamais sans les autres ». L'autodidacte serait en fait un sociodidacte envisageant l'autre simultanément en tant que ressource et que destinataire des informations qui s'élaborent dans un contexte social[1].

Jean-Jacques Rousseau, qui se revendique d'autodidaxie, avait dĂ©jĂ  entrevu cet Ă©cueil. Sa thĂ©orie des trois maĂźtres (nature-hommes-choses) se rapproche de la thĂ©orisation de Gaston Pineau, qui propose un triangle de l'autoformation reposant sur trois pĂŽles (Ă©co- le monde ; hĂ©tĂ©ro- les autres ; auto- soi-mĂȘme).

Enfin, pour le pédagogue Philippe Meirieu, « il n'y a d'apprentissage véritable qu'en autoformation ». Ces différents auteurs s'attachent ainsi à affirmer la formation comme l'acte d'un sujet désirant qui peut se former avec, contre ou sans les institutions éducatives[2].

Georges Le Meur indique que dans la modernitĂ© « la lutte contre l'obsolescence des savoirs professionnels provoque l'apparition d'un autodidacte nouveau » et il dĂ©veloppe le concept de nĂ©o-autodidaxie. Celle-ci « dĂ©signe un phĂ©nomĂšne Ă©ducatif majeur de la sociĂ©tĂ© post-industrielle [
] qui appelle des apprentissages ininterrompus de savoirs rĂ©cents dans tous les domaines ». Ainsi aujourd’hui la nĂ©o-autodidaxie recouvre la dĂ©marche pĂ©dagogique qui consiste Ă  assurer soi-mĂȘme l'acquisition de connaissances choisies en principe hors des systĂšmes Ă©ducatifs, donc sans enseignant ».

Au XXIe siÚcle, de nouvelles potentialités et les souhaits d'autonomie autorisent des cursus de formation dans l'agir quotidien. Ainsi, le nouvel autodidacte peut recevoir le savoir à domicile [(France Henry)] par des médias multiples, garantissant ses acquisitions hors des organismes qu'il prend parfois en compte. De nos jours « L'autodidaxie se révÚle un mode d'apprentissage existentiel ou cognitif dans lequel le sujet social apprenant conserve toutes les responsabilités sur son action formative ». Le nouvel autodidacte exerce toujours un pouvoir total sur ses activités éducatives.

En 2016, parait Apprendre par soi-mĂȘme aujourd’hui. Les nouvelles modalitĂ©s de l'autoformation dans la sociĂ©tĂ© digitale sous la direction de Marc Nagels et Philippe CarrĂ©[3]. Cet ouvrage vient consolider et actualiser les connaissances sur l'autoformation Ă  la lumiĂšre de l'usage des ressources numĂ©riques. L'autoformation se voit analysĂ©e sous trois angles spĂ©cifiques : l'environnement, avec l'influence du milieu familial et professionnel ; les ressources et le rapport aux ressources numĂ©riques ou sociales mobilisĂ©es par l'autoformation ; l'approche cognitive qui met l'accent sur l'organisation cognitive de l'activitĂ© d'autoformation et les ressources individuelles d'auto-efficacitĂ©. Les rĂ©sultats, aprĂšs Ă©tude de 80 entretiens renforcent la perspective de l'apprenant devenu particuliĂšrement capable de diriger ses apprentissages, opportuniste dans la gestion des ressources et combinant au service de ses buts les apports des dispositifs formels et informels dans leurs formes les plus rĂ©centes. Ceci amĂšne Ă  penser que cette notion d'autoformation relĂšve de l'un des processus d'apprentissage chez l'adulte.

La notion d'agentivité

Dans le cadre de l’auto-formation, la notion d’agentivitĂ© est, selon Philippe CarrĂ© (professeur Ă  l'universitĂ© Paris-Nanterre en Sciences de l'Ă©ducation) et Annie JĂ©zĂ©gou (professeur Ă  l'universitĂ© de Lille en Sciences de l'Ă©ducation et de la formation), un Ă©lĂ©ment important Ă  mettre en lumiĂšre. Annie JĂ©zĂ©gou utilise la dĂ©finition de Bandura sur l’agentivitĂ© qui est « le contrĂŽle exercĂ© par les sujets sur leur propre fonctionnement, leurs conduites et l’environnement »[4]. Philippe CarrĂ© apporte un Ă©claircissement sur cette notion en l’identifiant comme le « dĂ©nominateur commun aux diffĂ©rentes conceptions sous-jacentes de l’autoformation »[5] . En effet, dans le cadre de l’auto-formation, l’apprenant est valorisĂ© dans son autonomie mais aussi responsabilisĂ© dans son rapport Ă  son apprentissage. L’agentivitĂ© se rĂ©fĂšre donc au pouvoir d’action de l’individu « de façon intentionnelle, par anticipation, planification de l’action et l’autorĂ©gulation de ses conduites » [6].

Elle se manifeste de trois maniÚres différentes[7] :

  1. Directement : le but est atteint à la suite de l’intervention directe de l’individu
  2. Par procuration : l’individu attends l’action de l’autre pour atteindre son but
  3. Collective : c’est la coordination de l’effort du groupe qui permet d’atteindre le but

Ces manifestations se passe Ă  l’intĂ©rieur d’un modĂšle, d’un systĂšme oĂč se trouve l’individu « qui nĂ©gocie systĂ©matiquement ses comportements, ses motivations et ses affectes avec son environnement physique ou social ».

Cette notion est une « variable clĂ© », terme utilisĂ© par la thĂ©orie sociale-cognitive, de l’auto-efficacitĂ© car selon Bandura « les croyances d’efficacitĂ© forment le fondement de l’agentivitĂ© humaine »[8].

Historique

Avant 1960

L’autodidaxie en GrĂšce antique: Socrate et Platon valorisaient cet effort qu’ils percevaient comme une forme de sagesse. Toujours en usage, c’est le terme « autodidacte », du grec ancien Î±áœÏ„ÎżÎŽÎŻÎŽÎ±ÎșÏ„ÎżÏ‚ / autodidaktos signifiant « qui s’est instruit lui-mĂȘme », qui a le premier servi Ă  traduire cette rĂ©alitĂ©.

Apparition du terme self-directed learning: Dans son ouvrage The Meaning of Adult Education qui paraĂźt en 1926, l’AmĂ©ricain Eduard C. Lindeman utilise le terme self-directed learning (apprentissage autodirigĂ©) avançant que « les adultes ont un besoin profond de s’autodiriger ». Ce terme sera adoptĂ© plus tard par le courant amĂ©ricain pour dĂ©signer ce que les francophones appelleront l’autoformation.

Pionnier canadien : du terme « autoformation » à la notion de projet

En 1967, le Canadien Allen Tough publie sa thĂšse Learning without a teacher dans laquelle il prĂ©sente les dimensions de la « formation par soi-mĂȘme » et utilise le terme « autoformation ». Dans son ouvrage phare The Adult’s Learning Projects, paru en 1971, Tough se penche sur les apprentissages des adultes en dehors des cadres institutionnels et met en lumiĂšre l’importance de la notion de projet dans leur apprentissage qu’il dĂ©finit comme un effort majeur et intentionnel de gagner des connaissances ou un savoir-faire.

L’autoformation dans l’éducation des adultes

À la fin des annĂ©es 1960 Ă©merge l’idĂ©e que l’adulte est un apprenant distinct qui donnera naissance au concept d’andragogie (voir L’adulte : un apprenant distinct). Malcolm Knowles, l’un des fondateurs de l’andragogie, publie en 1975 Self-Directed Learning : A Guide For Learners and Teachers, un guide d’apprentissage de l’autodirection par la mĂ©thode du contrat entre l’étudiant, dit « apprenant » et l’enseignant, dĂ©sormais « facilitateur ». Knowles dĂ©finit l’apprentissage autodirigĂ© comme « une dĂ©marche dans laquelle un individu prend l’initiative, avec ou sans l’aide des autres, d’établir ses besoins d’apprentissage, de formuler ses objectifs d’apprentissage, d’identifier les ressources (humaines et matĂ©rielles) nĂ©cessaires Ă  l’apprentissage, de choisir et de mettre en Ɠuvre des stratĂ©gies d’apprentissage appropriĂ©es et d’évaluer les rĂ©sultats de l’apprentissage ». Apprendre par soi-mĂȘme Ă  l’intĂ©rieur de dispositifs pĂ©dagogiques ouverts devient une voie de choix en andragogie.

Courant amĂ©ricain centrĂ© sur l’individu

Aux États-Unis le terme self-directed learning (apprentissage autodirigĂ©) commence Ă  dĂ©signer ce mouvement d’études et de pratiques qui met l’emphase sur la responsabilitĂ© de l’individu (le self) dans son apprentissage. InfluencĂ© notamment par les valeurs amĂ©ricaines et l’individualisme, le courant qui se base sur l’idĂ©e que l’individu occupe une « place centrale, nĂ©cessaire et suffisante » Ă  son apprentissage. Le concept d’« autodirection », qui se trouve au cƓur de l’apprentissage autodirigĂ©, peut se rĂ©sumer Ă  la capacitĂ© ou la volontĂ© de l’apprenant d’assumer la responsabilitĂ© de ses apprentissages. Dans l’AmĂ©rique du Nord de la fin des annĂ©es 1960, le concept d’apprentissage autodirigĂ© est reconnu Ă  la fois par la science et la pĂ©dagogie.

Travaux fondateurs de la vision française

En France, paraĂźt en 1973 Vers l’autoformation assistĂ©e de Bertrand Schwartz faisant de ce dernier le fondateur du courant Ă©ducatif (ou pĂ©dagogique) de l’autoformation. Le concept d’éducation tout au long de la vie se fait connaĂźtre en Occident grĂące Ă  l’ouvrage de Paul Lengrand L’Homme du devenir : Vers une Ă©ducation permanente (1975) qui sera traduit en 18 langues. En plus d’ĂȘtre le pionnier français de la sociologie du loisir, Joffre Dumazedier sera pour sa part un grand prĂ©curseur de l’autoformation en France; lui qui voyait l’éducation comme une fonction sociale globale deviendra plus prĂ©cisĂ©ment l’instigateur de l’autoformation dite « sociale ». En 1978, il fait une contribution marquĂ©e au premier numĂ©ro collectif de la revue Éducation permanente. Une vision française de l’autoformation se dessine peu Ă  peu. Cette mouvance examinera le concept tant du point de vue de la sociologie que de la psychologie et de la mĂ©thodologie du travail.

Outil de développement de soi

En 1983, Gaston Pineau publie Produire sa vie : autoformation et autobiographie, une thĂšse qui laissera son empreinte Ă  la fois en France et au QuĂ©bec. Comme il l’expose dans cet ouvrage phare, pour lui : « l’autoformation n’est pas un loisir, c’est un travail, une lutte pour se conquĂ©rir, se libĂ©rer, prendre sa vie en main, exister Ă  part entiĂšre, donner un sens Ă  ce qui est polyvalent et ambivalent ». Pineau est Ă  l’origine du courant dit « existentiel » de l’autoformation, oĂč cette approche est vue comme un outil de construction de soi, voire un outil ayant un potentiel psychothĂ©rapeutique.

La galaxie des théories

Le Français Philippe CarrĂ© met de l’ordre dans les thĂ©ories proposĂ©es jusqu’alors pour expliquer l’autoformation en cernant ses 5 grands courants dans une proposition qu’il nomme La galaxie de l’autoformation. Les courants qu’il distingue sont :

  1. L’autoformation intĂ©grale (ou autodidaxie) : est synonyme d’autodidaxie. Il s’agit pour l’apprenant d’apprendre en dehors de tout systĂšme institutionnel de formation. Une des formes de l’autoformation intĂ©grale, c’est la formation basĂ©e sur sa propre expĂ©rience (l’apprentissage expĂ©rientiel: va construire son savoir personnel Ă  partir de son expĂ©rience).
  2. L’autoformation existentielle : apprendre Ă  ĂȘtre. Elle fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’histoire de vie, l’autobiographie.
  3. L’autoformation sociale : apprendre dans et par le groupe social. L’autoformation est rĂ©alisĂ©e grĂące au caractĂšre collectif des Ă©changes et des interactions sociales.
  4. L’autoformation Ă©ducative : apprendre dans des dispositifs ouverts de formation — incluant la formation en ligne — dans le cadre d’institutions Ă©ducatives
  5. L’autoformation cognitive : « apprendre Ă  apprendre ». L’intĂ©rĂȘt est portĂ© sur la maniĂšre dont la personne rĂ©alise son propre apprentissage.

En rĂ©examinant des travaux effectuĂ©s sur des notions clĂ©s de l’autoformation — projet, proactivitĂ©, contrĂŽle, mĂ©tacognition (« apprendre Ă  apprendre ») —, CarrĂ© tente de comprendre les enjeux liĂ©s Ă  la motivation en autoformation. Il conclut en l’an 2000 que l’autodirection en formation exige plus que la seule intentionnalitĂ© : « D’un point de vue psychologique, l’apprentissage autodirigĂ© demande, par-delĂ  l’intention d’apprendre, l’exercice d’un contrĂŽle proactif et mĂ©tacognitif du processus d’apprentissage. La seule prĂ©sence d’une intention est une condition nĂ©cessaire de l’apprentissage autodirigĂ©, mais elle est loin d’ĂȘtre suffisante ».

Sociodidacte : l’autodidacte Ă  l’ùre du numĂ©rique

« On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. » Cette citation de Philippe CarrĂ© convient bien Ă  la conception actualisĂ©e de l’autodidacte que certains ont nommĂ© « le sociodidacte ». Bien que l’idĂ©e que l’on n’apprend jamais sans les autres soit intemporelle, elle devient sans doute plus Ă©vidente en cette Ăšre du numĂ©rique et des rĂ©seaux sociaux. Tel que le dĂ©crit Denis Cristol dans son Dictionnaire de la formation : apprendre Ă  l’ùre du numĂ©rique (2018), cet autodidacte contemporain aborde sa relation avec l’autre en le considĂ©rant Ă  la fois comme ressource et destinataire des informations qui s’élaborent, par ailleurs, dans un contexte social.

AprĂšs avoir revisitĂ© les diffĂ©rentes thĂ©ories proposĂ©es au fil des ans sur l’autoformation, Nicole Anne Tremblay en est arrivĂ©e Ă  distinguer les 8 courants suivants :

Le courant extrascolaire

C’est Tough qui est Ă  l’origine de ce courant. Il a montrĂ©, Ă  l’aide d’une mĂ©thodologie efficace et pertinente, que les projets d’apprentissage auto-planifiĂ©s Ă©taient trĂšs importants Ă  l’ñge adulte, et d'autres personnes apprenaient diverses choses en se joignant Ă  un groupe, en suivant des leçons avec un instructeur ou encore en se rĂ©fĂ©rant Ă  un guide mĂ©thodologique, toutes formes d’apprentissage autres que scolaires.

L’importance et la diversitĂ© des ressources que l’on peut consulter dĂšs que l’apprentissage s’exerce en dehors de l’école.

AprĂšs ces travaux, il devenait impossible de nier la part primordiale de l’apprentissage informel dans l’apprentissage de l’adulte et la place importante que cela tenait dans nos sociĂ©tĂ©s. Il a contribuĂ© Ă  prouver l’existence d’une autre Ă©cole, une Ă©cole souterraine, celle de la vie, Ă  en prĂ©ciser les contours et Ă  affirmer la place primordiale de l’individu.

Le courant socioculturel

Ce courant a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans le modĂšle de CarrĂ© (1997) sous le terme d’« autoformation sociale » et par Galvani (1991) dans le courant sociopĂ©dagogique. Tous deux attribuent ce courant Ă  Joffre Dumazedier qui englobe, dans sa dĂ©finition, autant les milieux scolaires qu’extrascolaires, contrairement au courant prĂ©cĂ©dent et, surtout, situe clairement l’autoformation comme une tendance lourde de notre Ă©poque.

Le courant développemental

  • Ce courant est dĂ©jĂ  bien identifiĂ© dans la typologie de Galvani qui est nommĂ© « courant bio-Ă©pistĂ©mologique » pour bien mettre en Ă©vidence que l’autoformation se situe au cƓur de la vie mĂȘme du sujet qui apprend.
  • Le terme « dĂ©veloppemental », empruntĂ© Ă  la psychologie, s’agissait d’un courant axĂ© sur le dĂ©veloppement d’une personne dans la perspective de lui faire bĂ©nĂ©ficier d’un plus grand pouvoir sur sa vie ou sur l’environnement dans lequel elle se trouve.

Le courant psychométrique

Comme son nom l’indique, le courant psychomĂ©trique s’intĂ©resse Ă  la mesure de l’autonomie des individus en regard de l’apprentissage. Ce courant de recherches a Ă©tĂ© aussi important que celui entrepris par Tough Ă  la fin des annĂ©es 1960 puisqu’il a donnĂ© cours Ă  un trĂšs grand nombre de recherches axĂ©es sur la mesure de l’autodirection, en AmĂ©rique du Nord.

Le courant épistémologique

Ce courant regroupe les recherches qui se sont intĂ©ressĂ©es Ă  la nature du phĂ©nomĂšne en analysant sa logique et en tentant d’en saisir la valeur et la portĂ©e. Essentiellement, les Ă©tudes de ce courant proposent des explications sur la nature de l’autoformation au-delĂ  des diverses formes qu’elle peut prendre.

Le courant organisationnel

Ce courant s’est dĂ©veloppĂ© en fonction des besoins du monde du travail en regard des transformations profondes qui y ont eu cours rĂ©cemment et qui ont une influence sur la formation.

Autoformation et organisation apprenant

C’est dans sa thĂšse de doctorat qu’AndrĂ© Moisan (1994) a Ă©laborĂ© un modĂšle d’organisation apprenante autoformatrice. Comme il le signale par le sous-titre de sa thĂšse, il a procĂ©dĂ© Ă  une analyse en termes de construits de nature plus sociale que psychologique. Dans cette analyse, on assiste Ă  un rĂ©el effort de rompre avec les approches jusqu’ici fondĂ©es sur l’individu pour se tourner vers l’organisation oĂč « l’ensemble est plus grand que la somme de ses parties ».

Vers une organisation autoformatrice

De l’« organisation apprenante » Ă  l’« organisation autoformatrice », il n’y a qu’un pas. Toute organisation qui se veut innovante, qui connaĂźt la valeur de son capital humain et qui souhaite le bonifier aurait intĂ©rĂȘt Ă  explorer les nouvelles approches en matiĂšre de formation de la main-d’Ɠuvre dont l’autoformation fait partie. Dans sa thĂšse Vers un modĂšle d’organisation autoformatrice, JĂ©rĂŽme Eneau conclut : « L’autoformation rĂ©pond ainsi Ă  de nouvelles pratiques managĂ©riales nĂ©cessitant plus d’autonomie des acteurs, une plus forte dĂ©centralisation du pouvoir et des responsabilitĂ©s, des qualitĂ©s d’adaptabilitĂ©, de flexibilitĂ© ou encore de tolĂ©rance Ă  l’incertitude. Les organisations sembleraient donc avoir tout intĂ©rĂȘt Ă  formaliser le recours Ă  l’autoformation [
] ».

Le courant didactique

Ce courant est ainsi nommĂ© parce qu’il rĂ©fĂšre surtout Ă  l’enseignement. Il regroupe l’ensemble des pratiques et des Ă©tudes qui gravitent autour de la mise en pratique d’une mĂ©thode ou d’une technique d’enseignement ou d’apprentissage. Il a connu de nombreux dĂ©veloppements au cours des derniĂšres annĂ©es. Initialement identifiĂ© au milieu scolaire (enseignement individualisĂ©, programmes par objectifs, contrat d’apprentissage, approche par problĂšmes, etc.) il a connu un rĂ©cent essor dans les domaines de la formation professionnelle continue et de la formation en entreprise.

Le courant didactique en autoformation contient Ă©galement d’autres approches mĂ©thodologiques axĂ©es sur l’acquisition d’une plus grande autonomie de l’élĂšve ou de l’étudiant ou encore sur des dispositifs ouverts d’enseignement ou d’apprentissage. Ce courant est habituellement identifiĂ© au monde scolaire quel qu’en soit le niveau.

Le courant cognitif

Le courant cognitif regroupe les travaux des chercheurs qui se sont intĂ©ressĂ©s aux caractĂ©ristiques du processus d’apprentissage en situation d'auto direction ou encore qui ont Ă©tudiĂ© les stratĂ©gies nĂ©cessaires Ă  l’exercice de l’apprentissage autodirigĂ©. On peut remarquer trois sous-courants principaux qui se regroupent autour de la mĂ©tacognition et de quelques travaux sur la motivation : l’« apprendre Ă  apprendre », la mĂ©tacognition, l’étude de la motivation.

DĂ©clinaison pratique

L'Ă©tude de l'APEC sur l'acquisition de compĂ©tences en entreprise, en juin 2008[9], considĂšre que l'autoformation est une forme d'auto-apprentissage qui peut rĂ©sulter de l'acquisition de connaissances formelles comme l'observation puis la reproduction mimĂ©tique de savoir-faire et savoir-ĂȘtre sur le terrain ; dans ce cas il s'agit d'apprentissage informel[10].

Parmi les caractĂ©ristiques qui ressortent d'un Ă©chantillon d'apprenants qui ont Ă©tĂ© enquĂȘtĂ©s, il ressort que l'autoformation est :

  • un apprentissage qui se fait « naturellement »
  • liĂ©e Ă  la personnalitĂ© de l'apprenant, Ă  son Ă©tat d'esprit
  • dĂ©pendant d'une dĂ©marche active souvent informelle et peu structurĂ©e.

Tiers, relations professionnelles comme extraprofessionnelles, tout contact peut servir à l'« autoapprenant ».

Sociologie

L'autodidaxie est souvent présentée ou imaginée comme une alternative, voire un acte de rébellion contre un systÚme éducatif dominant, ou encore comme une nécessité dans des situations de handicap physique, géographique, financiers, etc.

Dans ces trois cas, la maniĂšre autre d'apprendre et d'ĂȘtre accompagnĂ© dans cet apprentissage Ă©chappe aux catĂ©gories habituelles de l'entendement. D'oĂč l'attribution du processus et du mĂ©rite d'apprendre au seul apprenant.

Il est parfois considĂ©rĂ© comme Ă  part ne faisant pas partie d'un rĂ©seau, de par l'absence de « lĂ©gitimitĂ© » de sa formation. Cela dit, avec des systĂšmes comme celui de la Validation des Acquis de l'ExpĂ©rience (VAE), les autodidactes ont aujourd’hui la possibilitĂ© de donner une valeur Ă  ce qu'ils ont appris par eux-mĂȘmes en le valorisant par un diplĂŽme, sous certaines conditions.

Il apparaĂźt par exemple chez Jean-Jacques Rousseau ou encore dans Dom Juan ou le Festin de pierre de MoliĂšre, acte 3 scĂšne 1, lorsque Sganarelle discourt avec Don Juan. Il apparaĂźt Ă©galement dans les textes de vulgarisation scientifique (essais, vade-mecum) qui font l'objet d'une rĂ©appropriation sociale de la part des classes moyennes en quĂȘte d’ascension sociale, Pierre Bourdieu appelant ce phĂ©nomĂšne l'« autodidaxie lĂ©gitime »[11].

Dans Les Nouveaux Autodidactes, Georges Le Meur signale que dans la vie quotidienne, « l'autodidacte représente souvent la réussite socio-professionnelle d'une personne qui ne devait « normalement » pas s'élever dans la hiérarchie sociale ». Toutefois, si les souhaits d'ascension sociale constituent un moteur important pour se former, il montre aussi que l'on peut apprendre de maniÚre indépendante et sans souci de promotion. Il met en évidence des démarches de formation existentielles et/ou cognitives que le sujet pilote intégralement pour le plaisir. Il rappelle qu'autrefois le métier de base s'apprenait avec un maßtre et qu'à la manufacture l'autodidacte n'avait pas sa place. Les autodidactes « emblématiques » qui appartenaient à la classe dominée étudiaient dans les domaines généraux, non professionnels, et manifestaient un respect fort à l'égard de l'institution éducative. Ils s'appropriaient par des voies non scolaires le capital culturel qui leur faisait défaut.

Mais avec la massification de la formation initiale et le développement de la formation continue tout au long de la vie, la démarche d'autonomie de l'apprenant, l'autoformation et l'autodidaxie sont devenues des exigences de l'économie. Cette dépendance de l'autoformation aux exigences de l'économie a été interprétée par quelques sociologues critiques comme une conduite de soumission aux rapports sociaux dominants et non pas comme une démarche d'affranchissement ou encore d'émancipation individuelle. Dans cette perspective, Jacques Guigou montre comment cette « autonomisation des apprentissages » constitue une composante majeure de ce qu'il nomme « la société capitalisée » et prive l'auto-formation des dimensions libératrices que veulent y voir ses promoteurs.

Classification des méthodes

En Ă©ducation des adultes, il est souvent nĂ©cessaire de distinguer entre diffĂ©rentes formes d’éducation puisque le champ recouvre autant la formation institutionnelle scolaire que la formation en entreprise ou les activitĂ©s Ă©ducatives des milieux associatifs ou communautaires. Il est possible de distinguer trois formes d’éducation : formelle, non formelle et informelle (Tremblay et coll., 1994, p. 5-6) :

Contexte DĂ©finition
Formel
  • dispensĂ© dans un contexte organisĂ© et structurĂ© (par exemple dans un Ă©tablissement d’enseignement ou de formation, ou sur le lieu de travail).
  • explicitement dĂ©signĂ© comme apprentissage (en termes d’objectifs, de temps ou de ressources).
  • intentionnel de la part de l’apprenant; il dĂ©bouche gĂ©nĂ©ralement sur la validation et la certification.
Non-formel
  • intĂ©grĂ© dans des activitĂ©s planifiĂ©es qui ne sont pas explicitement dĂ©signĂ©es comme activitĂ©s d’apprentissage (en termes d’objectifs, de temps ou de ressources) mais qui comportent un important Ă©lĂ©ment d’apprentissage.
  • intentionnel de la part de l’apprenant.
Informel
  • dĂ©coule des activitĂ©s de la vie quotidienne liĂ©es au travail, Ă  la famille ou aux loisirs.
  • n’est ni organisĂ© ni structurĂ© (en termes d’objectifs, de temps ou de ressources).
  • possĂšde la plupart du temps un caractĂšre non intentionnel de la part de l’apprenant.

Les recherches sur l’autoformation se sont dĂ©veloppĂ©es autour de trois idĂ©es : autoformation, hĂ©tĂ©ro-formation et Ă©co-formation. Le terme gĂ©nĂ©rique d’« autoformation », dont le prĂ©fixe « auto » ramĂšne Ă  soi-mĂȘme, fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’acte d’auto-apprentissage. L’autonomie qui en rĂ©sulte peut ĂȘtre partielle ou totale. Au contraire de l’hĂ©tĂ©ro-formation, au cours de laquelle l’apprentissage est dĂ©livrĂ© de façon transmissive, et dĂ©pend donc de l’enseignant. L’éco-formation quant Ă  elle, de façon plus anecdotique, fait rĂ©fĂ©rence Ă  une Ă©ducation par la nature (les humains s’adaptent et apprennent de leur environnement les savoirs nĂ©cessaires Ă  leur survie).

Le tableau ci-dessous présente les points communs entre les contextes: formel, informel et non formel et les types : hétéro-formation, autoformation et éco-formation.

Contexte Formel Non-formel Informel
Hétéro-formation
  • cours magistral
  • exposĂ©
  • confĂ©rences
  • l’apprenant subit l’apprentissage conduit par le formateur.
  • formation individualisĂ©e.
Eco-formation
  • cours traditionnel appliquĂ© au groupe
  • rĂ©seaux sociaux
  • sites internet
  • appel Ă  l’expĂ©rience
  • rĂ©seaux sociaux
Autoformation
  • formation individualisĂ©e
  • formation Ă  distance ou hybride.
  • auto-apprentissage
  • assister aux confĂ©rences en ligne.
  • activitĂ©s de la vie quotidienne.

Notes et références

  1. Denis Cristol, Dictionnaire de la formation à l'Úre du numérique, Paris, ESF, , 240 p., p. 179
  2. Pascal Galvani, quĂȘte de sens et formation, l'Harmattan, 1998
  3. Nagels Marc et CarrĂ© Philippe, Apprendre aujourd’hui. Les nouvelles modalitĂ©s de l'autoformation dans la sociĂ©tĂ© digitale, Paris, Éditions des Archives contemporaines, , 166 p. (ISBN 978-2-8130-0221-1, prĂ©sentation en ligne)
  4. P 270 L’agentivitĂ© humaine : un moteur essentiel pour l’élaboration d’un environnement personnel de travail Annie JĂ©zĂ©gou
  5. P64 Pourquoi et comment les adultes apprennent Philippe Carré
  6. P110 Pourquoi et comment les adultes apprennent Philippe Carré
  7. Nagels Marc, Abel Marie-HélÚne, Tali Fatiha, Le focus sur l'agentivité des apprenants pour innover en pédagogie,
  8. Traité des sciences et des techniques de la formation chapitre co-écrit par Philippe Carré et Alain Rieunier
  9. « L'acquisition des compétences en entreprise », sur cadres.apec.fr, (consulté le )
  10. Denis Cristol, Anne Muller, « Les apprentissages informels dans la formation pour adultes », Savoirs,‎ , p. 11-59 (lire en ligne)
  11. Pierre Bourdieu, La Distinction : critique sociale du jugement, Minuit, , p. 23-24

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges Le Meur et al, UniversitĂ© ouverte, formation virtuelle et apprentissage, communications francophones du cinquiĂšme colloque europĂ©en sur l'autoformation, Barcelone, dĂ©cembre 1999, (ISBN 2-7475-2958-4)
  • Georges Le Meur, Les nouveaux autodidactes. NĂ©oautodidaxie et formation, 1998.
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