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Relation des choses du Yucatán

Relation des choses du Yucatán (RelaciĂłn de las cosas de Yucatán) est un ouvrage Ă©crit en 1566 par le moine franciscain Diego de Landa, et publiĂ© pour la première fois Ă  Paris en 1864 par l'archĂ©ologue français Brasseur de Bourbourg.

Page extraite de l'ouvrage, dans laquelle Diego de Landa explique l'alphabet maya.

L'ouvrage traite des divers aspects de la province du Yucatán (Mexique) et plus spécialement de la culture, des croyances et de la religion des autochtones, les Mayas yucatèques.

Contexte

Le Yucatán fut conquis par Francisco de Montejo et son fils (qui portait les mĂŞmes nom et prĂ©nom) postĂ©rieurement Ă  la conquĂŞte du Mexique (siège et chute de Mexico en 1521) après une longue et difficile campagne (1527 - 1545) au cours de laquelle les Espagnols Ă©prouvèrent de cuisants revers et durent mĂŞme Ă©vacuer totalement ce pays avant de parvenir Ă  le dominer (fondation de Merida  en 1542 et de Valladolid en 1543), ce qu’ils parvinrent Ă  rĂ©aliser en instaurant un rĂ©gime de terreur contre les indigènes asservis par le rĂ©gime de l’encomienda et christianisĂ©s sous la contrainte. Pour ce faire, Francisco de Montejo, dès la conquĂŞte assurĂ©e, fit venir des missionnaires, d’abord du Guatemala, conquis en 1527, puis d’Espagne.

L'auteur Diego de Landa, évêque du Yucatán

C’est ainsi que Diego de Landa arriva au Yucatán en 1549 avec cinq autres frères pour assurer l’évangĂ©lisation des Indiens. Il Ă©tait nĂ© en 1524 Ă  Cifuentes, près de Guadalajara, en Castille, et avait Ă©tĂ© ordonnĂ© prĂŞtre en 1541 dans l’ordre des franciscains. NommĂ© Ă  Izamal, les indigènes semblèrent accepter de bon grĂ© la religion catholique, mais leurs croyances ancestrales Ă©taient si fortement enracinĂ©es que certains, baptisĂ©s, continuèrent secrètement d’adorer leurs idoles et de pratiquer leurs anciens rites. Landa, informĂ©, procĂ©da Ă  une inquisition dans la province de ManĂ­ oĂą les relapses furent soumis Ă  la question pour obtenir des aveux puis punis par le fouet ou le port du san-benito au cours d’un autodafĂ© (12 juillet 1562) menĂ© avec le concours des autoritĂ©s espagnoles. Pendant cet autodafĂ© furent dĂ©truits tous les livres des Mayas (les Codex) que Landa avait pu faire rassembler (au nombre de 27), 5 000 idoles et d’autres choses encore.

Cette mĂŞme annĂ©e 1562 un autre franciscain, Francisco Toral, fut nommĂ© Ă©vĂŞque du Yucatán. Il venait de Mexico oĂą il avait passĂ© vingt ans. Protecteur de Bernardino de SahagĂşn, c’était un homme Ă©clairĂ© intĂ©ressĂ© par les cultures indigènes ; aussi, dès son arrivĂ©e au Yucatán, rĂ©voltĂ© par les mĂ©thodes inquisitoriales de Landa, il le dĂ©savoua, annula toutes les dispositions que celui-ci avait prises Ă  l’encontre des Indiens et l’envoya Ă  Mexico (1563), oĂą il fut dĂ©cidĂ© de le faire partir en Espagne pour y ĂŞtre jugĂ© par le Conseil Royal des Indes. Diego de Landa arriva en Castille en 1564 oĂą une commission ecclĂ©siastique spĂ©cialement constituĂ©e pour le juger mit plusieurs annĂ©es Ă  statuer avant de l’absoudre (1569). C’est pendant cette pĂ©riode, vers 1566, que Landa Ă©crivit sa RelaciĂłn de las Cosas de Yucatán. L’évĂŞque Toral Ă©tant mort en 1571, Landa fut nommĂ© Ă©vĂŞque du Yucatán (1572). Il s’embarqua pour son diocèse en 1573 et en prit possession la mĂŞme annĂ©e. Il devait mourir au Yucatán quelques annĂ©es plus tard, en 1579.

Le livre

Contrairement Ă  ce que l’on pourrait penser en regard de la carrière de Landa, la Relation des choses du Yucatán est un ouvrage quasi scientifique, objectif, dĂ©pourvu de prosĂ©lytisme, dans lequel sont exposĂ©s les croyances, les cĂ©rĂ©monies, les systèmes d’écriture et de numĂ©ration des Mayas ainsi que leur calendrier[N 1]. La Relation des choses du Yucatán, ouvrage fondamental pour la connaissance des Mayas, constitue la première Ă©tude ethnologique menĂ©e en occident, avant mĂŞme l’Historia general de las cosas de la Nueva España de Bernardino de SahagĂşn qui ne fut achevĂ©e qu’en 1575, mĂŞme si ce dernier avait commencĂ© Ă  mener ses enquĂŞtes auprès d’Indiens du Mexique en 1555. Alors que SahagĂşn avait employĂ© une vĂ©ritable mĂ©thode scientifique basĂ©e sur des enquĂŞtes de terrain dont les rĂ©sultats Ă©taient systĂ©matiquement recoupĂ©s, l’approche de Landa, quelque peu diffĂ©rente, repose essentiellement sur les connaissances d’un grand seigneur maya, don Juan Cocom, qui Ă©tait devenu l’ami de Landa qui  le qualifie d’« homme de grande rĂ©putation, très savant pour ce qui regarde les choses de son peuple. Â»

Chapitres

Le contenu de la Relation des choses du Yucatán se subdivise en diverses parties traitant de sujets diffĂ©rents :

  • Chapitres[N 2] 1 et 2 : gĂ©ographie du Yucatán
  • Chapitres 3 et : histoire de la dĂ©couverte du Yucatán
  • Chapitres 5 Ă  10 : histoire du Yucatán au cours des cent annĂ©es qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l’arrivĂ©e des Espagnols
  • Chapitres 11 Ă  16 : histoire de la conquĂŞte du Yucatán par les Espagnols.
  • Chapitres 17 Ă  19 : arrivĂ©e des frères franciscains, mauvaise conversion des Indiens, inquisition, arrivĂ©e de l’évĂŞque Toral, dĂ©part de Landa pour l’Espagne
  • Chapitres 20 Ă  33 : description des coutumes et mĹ“urs des Indiens yucatèques
  • Chapitres 34 Ă  41 : le calendrier yucatèque, cĂ©rĂ©monies pratiquĂ©es Ă  la fin de l’annĂ©e pendant les jours nĂ©fastes
  • Chapitre 42 : les monuments indiens d’Izamal et de ChichĂ©n Itza
  • Chapitre 43 : profession de foi de Landa empreinte de mysticisme
  • Chapitres 54 Ă  51 : les animaux et les plantes du Yucatán
  • Chapitre 52 : conclusion exposant les bienfaits de la colonisation espagnole.

Sont notamment prĂ©sentĂ©s :

  • aux chapitres 34 et 40 les signes (glyphes) des jours et des mois des calendriers mayas[N 3].
  • au chapitre 41 :
    • « la Roue des katuns Â»[N 4] ou « le siècle des mayas Â», pĂ©riode de 13 fois de 7 200 jours
    • l’« alphabet Â» de Landa[N 5], prĂ©cĂ©dĂ© de quelques exemples d’écriture syllabique maya, dont « ma in ka ti Â».

Manuscrit

Rédigé pendant son séjour contraint en Espagne, le manuscrit original de Landa était beaucoup plus volumineux que celui que nous connaissons. Le manuscrit que nous possédons n’est qu’un condensé du manuscrit original, des morceaux choisis en quelque sorte, dont on ne sait si le choix fut celui de Landa et s’il fut écrit de sa main. Il se présente sous la forme d’un document rédigé d’une traite, sans aucune subdivision, mais à certaines indications et références à des numéros de chapitres inexistants, on peut assurer que l’original était subdivisé en chapitres et paragraphes – ce qui tendrait à montrer que l’abrégé fut rédigé plutôt hâtivement.

Le manuscrit a été découvert par l’abbé Brasseur de Bourbourg en 1862 à la bibliothèque de l’Académie Royale d’Histoire à Madrid, où il est toujours conservé.

Publications

  • La première publication de la RelaciĂłn fut celle de Brasseur de Bourbourg qui Ă©tablit le texte espagnol avec la traduction française en regard, Ă©ditĂ©e Ă  Paris en 1864. Il subdivisa le texte du manuscrit en chapitres numĂ©rotĂ©s et sous titrĂ©s, mais s’arrĂŞta Ă  son chapitre 42 (les monuments indiens), nĂ©gligeant la suite, la jugeant sans doute de moindre intĂ©rĂŞt.
  • En 1884, vingt ans plus tard, Juan de Dios de la Rada y Delgado, partant du manuscrit original, Ă©tablit une autre version espagnole du texte de Landa. C’est une version intĂ©grale, non divisĂ©e en chapitres, qui fut publiĂ©e Ă  Madrid en Appendice Ă  la traduction espagnole de l’Essai sur le dĂ©chiffrement de l'Ă©criture hiĂ©ratique de l'AmĂ©rique centrale de LĂ©on de Rosny paru Ă  Paris en 1876, Ă©tude largement basĂ©e sur les indications donnĂ©es par Landa.
  • En 1928 et 1929, Jean Genet a publiĂ© en deux volumes sa propre traduction de Landa dont il donne le texte espagnol en regard. Ses notes, assez nombreuses, pour la plupart basĂ©es sur des sources livresques, sont encore valables aujourd’hui. Le troisième tome qui aurait permis une version française intĂ©grale ne fut jamais publiĂ©, Genet Ă©tant mort auparavant.
  • En 1937, William Gates publie Ă  Baltimore (États-Unis) une traduction du texte de Landa intitulĂ©e Yucatan before and after the Conquest by friar Diego de Landa.
  • En 1941, Alfred Tozzer publie une seconde traduction anglaise intitulĂ©e Landa’s RelaciĂłn de las cosas de Yucatan, a translation edited with notes by Alfred M. Tozzer, Cambridge, Massachusetts, États-Unis. Les notes, très nombreuses et très fournies, couvrant parfois des pages entières, sont toujours valables. C’est l’ouvrage de rĂ©fĂ©rence, incontournable pour qui s’intĂ©resse Ă  Diego de Landa.
  • En 1997, Ă©dition au Mexique, sous le titre de Fray Diego de Landa (Ediciones Alducin), du texte de la RelaciĂłn avec les reproductions exactes des dessins et des cartes (non reproduites par Brasseur de Bourbourg, Juan de Dios de la Rada, Genet ou Tozzer) figurant au manuscrit.
  • En 2014, publication Ă  Paris par Les Belles Lettres de la première traduction française intĂ©grale du texte de Diego de Landa : Relation des choses du Yucatán suivie de la traduction du Livre IV, chapitres 1 Ă  9, de l’Historia de Yucatán de Francisco LĂłpez de Cogolludo, oĂą cet historien traite des mĂŞmes sujets que Landa. Introduction, traduction et notes de François Baldy d’après l’édition Alducin avec les dessins et cartes originales de Landa. Des Appendices font le point des connaissances actuelles sur les Mayas, permettant d’expliciter les erreurs ou incomprĂ©hensions de Landa. Sont Ă©galement exposĂ©es en notes les diffĂ©rences d’interprĂ©tation de lecture du manuscrit repĂ©rables Ă  la lecture comparĂ©e des diverses versions espagnoles.

Notes et références

Références

    Notes

    1. Les Mayas possédaient non pas un calendrier, mais deux, ce que Diego de Landa ne semble pas avoir bien compris :
      • un calendrier rituel appelĂ© Tzolkin comptant 260 jours ayant 20 noms diffĂ©rents comptĂ©s de 1 Ă  13
      • un calendrier civil nommĂ© Haab, comptant 360 jours rĂ©partis en 18 mois de 20 jours, plus cinq jours nĂ©fastes appelĂ©s Wayeb.
    2. la division en chapitres de la Relation des choses du Yucatán est due à Brasseur de Bourbourg, le découvreur du manuscrit de Landa.
    3. Les glyphes des jours et des mois des calendriers mayas peuvent être visualisés au chapitre XL, pages 240 à 310, de la Relation de Brasseur de Bourbourg, consultable sur Gallica ou sur Google books. On y trouve également un tableau synthétique des 20 jours du tzolkin (chapitre XXXIV, page 204).
    4. La « roue des Katuns » peut être visualisée sur Internet dans la Relation de Brasseur de Bourbourg, chapitre XLI, page 312.
      Nota : L’unitĂ© de temps des calendriers mayas Ă©tait le jour (uinal) ; l’annĂ©e de 360 jours Ă©tait appelĂ©e tun et 20 tuns valaient 1 katun (7 200 jours). Ă€ l’époque de la conquĂŞte espagnole et depuis cinq cents ans environ, l’ancien calendrier maya appelĂ© « compte long », dĂ©butant Ă  l’hypothĂ©tique date de 3114 av. J.-C., Ă©tait tombĂ© en dĂ©suĂ©tude au profit du système des katuns dont la durĂ©e maximum Ă©tait de 13 katuns, soit 260 annĂ©es mayas (annĂ©es vagues) ou 256, 26 jours selon notre calendrier grĂ©gorien.
    5. Landa avait cru que les signes que lui avait donnés Juan Cocom étaient les lettres d’un alphabet. Mais il se trompait car c’étaient en fait quelques éléments d’un syllabaire, ce dont il aurait dû se douter ayant lui-même dessiné les symboles graphiques des phonèmes Ca, Pp, Cu, Ku, qui ne sont donc pas des lettres mais des syllabes, donnant en plus un exemple d’écriture syllabique avec la phrase ma in ka ti (« je ne veux pas ») représentée par quatre autres signes correspondant à ces syllabes. Tous ces signes figurent dans l’illustration page 45 du manuscrit de Landa ; ils sont plus lisibles si l’on se reporte au chapitre XLI, page 318, de la Relation de Brasseur de Bourbourg. Nota 1 : Ayant reproduit avec une grande fidélité les glyphes des jours et des mois du calendrier maya (exactement semblables à ceux du Codex de Dresde) en donnant leurs noms, tels que Imix, Akbal, Chicchan ou Cumku, Landa s’était bien rendu compte qu’il s’agissait de signes représentant des noms (et pas des lettres ou des syllabes). Il écrit d’ailleurs lui-même qu’ils écrivaient aussi por partes (par syllabes) en donnant l’exemple ma in ka ti. La conclusion logique de tout cela est que le système d’écriture maya était mixte, à la fois syllabique (140 signes représentant des phonèmes) et hiéroglyphique (plus de 700 glyphes représentant des noms ou des situations, telles que né le…, accède au pouvoir le…, mort le…).
      Nota 2 : Le déchiffrement effectif de l’écriture maya a commencé très tardivement (1945) avec les travaux d’un jeune linguiste russe, Yuri Knorosov, qui appliqua au Codex de Dresde les éléments figurant au syllabaire de Landa. Sa méthode ayant été ensuite, non sans peine, reconnue et validée en occident, les mayanistes américains parvinrent assez rapidement (1990) au déchiffrement presque total des trois Codex – dit de Paris, de Dresde et de Madrid, envoyés en 1519 par Cortés à Charles Quint – comme de toutes les inscriptions figurant sur les monuments mayas du Mexique, du Guatemala ou du Honduras.

    Voir aussi

    Sur Internet

    On ne peut y trouver en français que la version incomplète de Brasseur de Bourbourg (1864), texte espagnol et français en regard. La prĂ©face de Brasseur de Bourbourg illustre parfaitement le degrĂ© de mĂ©connaissance des Mayas qu’un spĂ©cialiste reconnu pouvait avoir sur la question au XIXe siècle :

    • Brasseur de Bourbourg (1864), Relation des choses de Yucatan de Diego de Landa, texte espagnol et français 
      • Gallica (site de la BNF)
      • Google books 

    En espagnol, diverses versions sont disponibles, notamment celle de Juan de Dios de la Rada :

    • Ensayo sobre la interpretaciĂłn de la escritura hierática de la AmĂ©rica Central, Appendice 1, page 101 : Manuscrito de Diego de Landa tomado directamente del Ăşnico ejemplar que se conoce y se conserva en la ACADEMIA DE HISTORIA : bvpb.mcu.es/consulta/registro.cmd?id=469690

    Et bien d’autres :

    Auteurs ayant utilisé la Relation des choses du Yucatán
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