Raymond du Puy
Raymond du Puy, né vers 1080 et mort entre 1158 et 1160, est le supérieur de L'Hospital de Saint-Jean de Jérusalem de 1121/1123 à sa mort[1] - [2]. Nous ne savons pas où il est né et à quelle famille il est possible de le rattacher. Il est chevalier dauphinois[3], de la langue de Provence.
Raymond du Puy | |
Raimond Dupui, par J.-F. Cars, c. 1725 | |
Biographie | |
---|---|
Naissance | vers |
Décès | entre et |
Ordre religieux | Ordre de Saint-Jean de Jérusalem |
Langue | Langue de Provence (?) |
Supérieur de l'Ordre | |
1121/1123 –1158/1160 | |
Biographie
Raymond du Puy fut officiellement le second supérieur de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem[1]. Il succéda entre 1121 et 1123[4] à Gérard l'Hospitalier, fondateur de la congrégation de l'Hôpital, après un ou deux intérims de Pierre de Barcelone et Boyant Roger.
En 1140, Raymond du Puy se rend en Occident, il fallait régler l'accroissement territorial que les Hospitaliers avait obtenu de la part d'Alphonse Ier le Batailleur, roi d'Aragon et de Navarre[5]. Ce roi, sans héritier, avait fait de L'Hospital son légataire avec les Templiers et le Saint-Sépulcre. À sa mort, à l', le testament ne fut pas respecté. Raymond du Puy, chargé de représenter les Templiers et le Saint-Sépulcre, vient en Espagne et entame des négociations avec Raimond-Bérenger IV[6]. Un accord fut trouvé le . Ils abandonnaient leurs droits territoriaux, sauf si Raimond-Béranger mourait sans descendance. En échange, ils obtiennent les droits exercés par la couronne sur les habitants et les biens, à l'exception du droit d'ost, à Barbastro, à Calatayud, à Daroca, à Huesca, à Jaca, à Saragosse et dans toutes les villes que l'Aragon conquérerait par la suite ainsi que dans tous les châteaux et villes du royaume comprenant plus de trente paysans. Les Hospitaliers se réservant le terrain nécessaire à la construction d'une église et d'un établissement à Jaca[6]. Le , le pape Adrien IV confirme cet accord à la demande de Raymond-Béranger[7].
Il est également possible que Raymond du Puy profite de son voyage en Occident pour régler le problème des Teutoniques. Un pèlerin et sa femme ont créé vers 1128 un hôpital destiné à recevoir les pèlerins d'origine allemande. Il s'était placé sous la protection des Hospitaliers et cherchait depuis quelque temps son indépendance[7]. Le pape Célestin II régla le problème en fulminant une bulle, en 1143, qui laissait l'ordre des Teutoniques sous la dépendance des Hospitaliers, en échange de quoi, les Teutoniques obtinrent la nomination de frères allemands pour les responsabilités de prieur et de servants. Ces derniers, qui obtinrent leur indépendance en 1190, resteront sous la responsabilité des Hospitaliers jusqu'en 1229[7].
Après la prise d'Ascalon en 1153, un conflit éclate entre les Hospitaliers et Foucher, patriarche latin de Jérusalem. Ce dernier se plaint que les Hospitaliers ne respectent pas ses droits ecclésiaux. Il les accuse d'admettre des excommuniés, de leur administrer les derniers sacrements et de les enterrer dans leurs cimetières, de sonner les cloches dans les « pays ou les temps d'interdits », de recevoir des aumônes, de pourvoir aux cures de l'Ordre sans agrément diocésain et de refuser de payer la dîme sur leurs biens et revenus. Le patriarche plaidait pour lui mais aussi pour tout le patriarcat lésé dans ses prérogatives[8]. À tout cela s'ajoutent des considérations personnelles ; L'Hospital, installé face au Saint-Sépulcre lui faisait concurrence par la beauté et la hauteur de ses bâtiments, mais aussi, quand le patriarche prêchait, sa voix était couverte par les cloches des Hospitaliers. Ceux-ci avaient cru bon de répondre en envahissant le Saint-Sépulcre à main armée. Foucher se résolut à se porter devant le pape Adrien IV en demandant le retrait de la bulle d'Anastase IV du , bulle par laquelle étaient confirmées les prérogatives de l'Ordre[8]. Foucher, accompagné des archevêques de Tyr et de Césarée, des évêques d'Acre, de Sidon, de Lydda, de Sébaste et de Tibériade, part au pour Rome. Après bien des péripéties, une nouvelle déception les attend, le pape a quitté Rome pour Ferentino. Ils voient enfin le pape qui les accueille froidement bien que ceux-ci l'accompagnent dans toutes les fêtes religieuses. L'affaire est plaidée devant le pape pour finir dans des débats sans fin. Foucher comprend l'inutilité de sa tentative et retourne en Orient à l'[9].
En , Raymond du Puy se rend au Portugal pour le renouvellement du testament d'Alphonse Ier. La présence du supérieur de l'Ordre lui vaut, en plus de se qu'il avait déjà obtenu 17 ans plus tôt, des dons énormes que lui font Raymond-Beranger IV ainsi que l'évêque de Lérida[10]. Il est à la fin de l'année à Estopiñán del Castillo en Aragon et dans le midi de la France ou l'abbé de Saint-Gilles, un certain Bertrand, donne la permission de bâtir une chapelle[10]. L'évêque de Lodève lui fait don des églises de Saint-Julien et de Saint-Vincent de Nébian[11]. En , il est en Forez ou dans le Lyonnais avec le prieur de Saint-Gilles, Guichard Aimery, et du frère Auger de Balben, c'est soit à Anse ou soit à Villefranche, qu'il rencontre l'archevêque de Lyon et le comte du Forez, Guy II pour obtenir, le , une exemption de péage par terre et par eau[11]. Le , on retrouve Raymond du Puy en Italie aux environs de Vérone, où il obtient de Frédéric Barberousse une confirmation générale de son ordre[11].
Sous son magistère, l'Ordre reçoit de nombreuses donations, notamment dans le comté de Tripoli, pour défendre la Terre sainte contre les Sarrasins[12]. C'est sous sa maîtrise que L'Hospital reçut ses premières concessions de châteaux (Bethgibelin en 1136 et le Krak des Chevaliers en 1142/1144)[13].
L'Ordre obtient aussi de nombreux privilèges et exemptions de la papauté, lui procurant les ressources financières nécessaires à son indépendance et lui donnant sa liberté vis-à-vis des autorités diocésaines au grand dam de celles-ci[12].
La dernière mention de Raymond du Puy date du à Vérone et la première mention de son successeur Auger de Balben du . L'histoire ne nous a rien laissé sur sa fin, s'il est mort pendant son voyage ou de retour en Terre sainte, nous n'en savons rien[11] - [12].
Les Hospitaliers deviennent militaires
C'est sous Raymond du Puy que l'Ordre prend un caractère plus militaire. Un acte du nous apprend le nom d'un connétable des Hospitaliers, un certain Durand, qui semble bien avoir des responsabilités militaires[14]. À partir de 1137, l'Ordre apparait dans les guerres que les troupes du royaume de Jérusalem mènent contre les Infidèles[14]. Attaqué de toutes parts, le royaume de Jérusalem avait peine à tenir tête à ses ennemis. Ascalon, par sa position, en bord de mer sur le passage vers l'Égypte, était un danger permanent pour les Chrétiens, l'ennemi faisait de continuelles incursions dans la partie méridionale du royaume. Sur les conseils du roi Foulques, les Francs décidèrent de fortifier la position de Gibelin qui appartenait à L'Hospital et qui se trouvait à l'est d'Ascalon. Les travaux dirigés avec célérité par le patriarche de Jérusalem, Guillaume de Messines, fut confiés naturellement aux Hospitaliers que cette désignation plaçait à un poste d'avant-garde particulièrement exposé[5].
À l'exemple des Templiers, il va développer auprès des pèlerins la protection en leur apportant la sécurité dans leurs déplacements aux Lieux saints. Il va, peu à peu, embaucher des chevaliers et des gens d'armes comme mercenaires[12] - [15] et participer, par personnes interposées, à la défense du royaume de Jérusalem[12].
L'importance politique du grand maître s’accrut, puisque, en à Saint-Jean d'Acre, il est parmi les princes qui prennent la décision d'assiéger Damas. En 1153, il participe à la prise d'Ascalon[12]. Après cinq mois de siège la position des Francs ne s'améliore pas : une flotte égyptienne a dispersé la flotte latine, les Templiers avaient subi une grave défaite en tentant d'enlever la place et une bonne partie des chevaliers avaient été massacrés, Baudouin, affecté par cet échec, songeait à lever le siège. Il fallut l'intervention du patriarche de Jérusalem, Foucher d'Angoulême, de l'évêque de Tyr et du grand maître Raymond du Puy, pour reprendre le siège. Trois jours plus tard, le , les assiégés capitulèrent et le surlendemain ils évacuèrent la ville[16].
Après un traité de paix rompu par le roi de Jérusalem, Baudouin, dans les environs de Baniyas en , le connétable de Jérusalem, Onfroy de Toron, auquel appartenait Baniyas et le pays environnant, dut faire face à l'ennemi. Il comprit rapidement que ses seules forces ne sauraient suffire et fit appel aux Hospitaliers. Il échangea leur participation contre la moitié de Baniyas et les casaux qui dépendaient de cette ville. Son armée, composée d'une nombreuse troupe à pied, était forte de 700 cavaliers, y compris les chevaliers hospitaliers. Mais cela n’empêcha pas la défaite près de Ras el Ma, le , qui entraina la conquête de Baniyas que le connétable et les Hospitaliers ne purent empêcher, le . Ils purent juste défendre le château que Baudouin put ravitailler pour le mettre en état de défense et y laisser une garnison. Le , le roi fut surpris sur le retour au gué de Jacob et mis en déroute et parvint à regagner Safed puis Acre[17].
En Terre sainte, l'influence des Hospitaliers devient prépondérante avec un rôle décisif pris dans les opérations militaires avec une présence de plus en plus prégnante due au gouvernement de Raymond du Puy[18].
la règle de l'Ordre
Raymond du Puy donna à la congrégation ses premiers statuts qui portent son nom. Il est fort vraisemblable qu'il existait une règle, ou ce qui en faisait office, avant lui mais nous n'en avons pas gardé trace[19]. Ce qui est certain c'est qu'elle est antérieure à 1153. En effet elle est approuvée par le pape Eugène III entre 1145 et 1153[12], avant le , date du décès de ce pape[19]. Il est possible de dire qu'alors, et alors seulement, l'Hôpital est devenu un ordre[20].
Représentations
Portraits
Dans les salles des Croisades du château de Versailles, se trouve un portrait en pied de Raymond du Puy peint en 1842 par Alexandre Laemlein[21] - [22], et une scène de bataille la Défense de la Célésyrie par Raymond Dupuy peinte par Édouard Cibot en 1844[23]. Toutes les représentations de Raymond du Puy sont des œuvres d'imagination qui naturellement ne reposent sur aucune source d'époque.
Héraldique
Toujours dans les salles des Croisades du château de Versailles, il lui est donné comme armoiries : Écartelé aux 1 et 4 de gueules à la croix d’argent (qui est de La Religion) et aux 2 et 3 d’or au lion de gueules (qui est du Puy)[22]. Cette attribution ne repose sur aucune source d'époque, les documents originaux pour les grands maîtres du XIIe siècle n'existant pas[n 1] - [n 2].
Numismatique
Une médaille, signalée au XVIIIe siècle, a été gravée en son honneur[24] avec l'inscription : ROGATE LEGES AUSPICE RELIGIONE[25].
Philatélie
Quatre timbres ont été imprimés par les « Poste Magistrali » de l'ordre souverain de Malte[26] : en 1969, timbre d'un scudo où Raymond du Puy est représenté en buste, suivant une représentation de Jean-François Cars, vers 1725 ; en 1976, timbre de 90 grani où Raymond du Puy est représenté en pied, suivant une représentation de Bosio ; en 1979, timbre d'un scudo avec les armoiries supposées du Raymond du Puy, suivant une reproduction des salles des croisades du musée de Versailles ; en 2004, timbre d'un tari en hommage à Raymond du Puy, reprenant, en le modifiant, le tombeau décrit par L. F. de Villeneuve-Bargemont[27]. Ces timbres de la poste magistrale ne sont pas reconnus par l'Union postale universelle (UPU)[28].
Épigraphie
Comme on ne sait ni quand, ni où, Raymond du Puy est mort, on ne sait rien sur son tombeau. L. F. de Villeneuve-Bargemont propose une représentation gravée d'un tombeau ou d'un cénotaphe, comportant une sculpture qui le représente assis, avec comme inscription : MCLXXXVIII. A RAYMOND DU PUY, PREMIER GRAND-MAITRE DE L'HÔPITAL, APRÈS DE FAIBLES COMMENCEMENS, IL INSTITUA POUR SON ORDRE LES CEREMONIES DU CULTE, ET LUI DONNA LE MANTEAU NOIR? PORTANT LA CROIX BLANCHE A HUIT POINTES[29], mais plusieurs auteurs réfutent[n 3] que les monuments et inscriptions présentés dans cet ouvrage aient jamais existé.
Référencement
Notes
- « Nous n’avons dessiné les blasons des Maîtres, vivants aux XIIe et XIIIe siècles, qu’à titre de curiosité et pour la bonne présentation des planches ; mais ils n’ont que peu de valeur au point de vue archéologique, les documents originaux de ces périodes n’existant pas. » - Eugène Harot, (1911) p.8.
- Pour une contestation du blason attribué, on peut lire H. Séjalon, (1863) pp.451 et suivantes.
- « Le livre publié au XIXe siècle par le vicomte de Villeneuve-Bargemont comporte, cela a été souligné ailleurs, de très nombreuses gravures de tombeaux de grands maîtres, mais il avait été précisé [...], qu'il s'agissait, pour la quasi-totalité d'entre elles, d’œuvres de pure imagination, dont Villeneuve-Bargemont ne paraissait guère assuré de l'authenticité, ce qui avait justifié, en dépit de leur reproduction dans son livre, une remarque de l'auteur lui-même dans une note à propos de la source utilisée. » dans Jean-Bernard de Vaivre (2011) p.162-163
Références
- Galimard Flavigny 2006, p. 317-319
- Prier et Combattre 2009, p. 763-764
- Baroz 2005, p. 8
- Prier et Combattre 2009, p. 763
- Delaville Le Roulx 1904, p. 47
- Delaville Le Roulx 1904, p. 48
- Delaville Le Roulx 1904, p. 49
- Delaville Le Roulx 1904, p. 54
- Delaville Le Roulx 1904, p. 56-57
- Delaville Le Roulx 1904, p. 59
- Delaville Le Roulx 1904, p. 60
- Prier et combattre 2009, p. 764
- Demurger 2013, p. 97
- Delaville Le Roulx 1904, p. 45
- Innocent II 1139/1143
- Delaville Le Roulx 1904, p. 52
- Delaville Le Roulx 1904, p. 53
- Delaville Le Roulx 1904, p. 61
- Delaville Le Roulx 1904, p. 46
- Demurger 2013, p. 61
- notice de la base Joconde
- Gaverd 1840, p. 115-116
- notice de la base Joconde
- Badoni 1780
- Bourrassé et Migne 1832, p. 808
- timbre de ordre souverain de Malte
- tombeau imaginaire de Raymond du Puy
- membres de l'UPI
- de Villeneuve-Bargemont 1839, p. 14, hors texte 6-7, volume I
Sources bibliographiques
- Borel d'Hauterive, Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe, Monaco, Comte d'Angerville, (lire en ligne)
- (it) Badoni, Memori de gran Maëstri, Parmes,
- André Baroz, de l'académie delphinale, Chevaliers de Malte en Dauphiné, La Tronche, Edité par l'auteur, André Baroz, , 154 p. (ISBN 2-9507772-3-6)
- Nicole Bériou (dir. et rédacteur), Philippe Josserand (dir.) et al. (préf. Anthony Luttrel & Alain Demurger), Prier et combattre : Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge, Fayard, , 1029 p. (ISBN 978-2-2136-2720-5, présentation en ligne)
- Jacques-Joseph Champollion-Figeac, Album historique, archéologique et nobiliaire du Dauphiné, Vellot, (lire en ligne)
- Joseph Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre sainte et à Chypre, 1100-1310, Paris, Ernest Leroux,
- Alain Demurger, Les Hospitaliers, de Jérusalem à Rhodes, 1050-1317, Paris, Tallandier,
- Bertrand Galimard Flavigny, Histoire de l'Ordre de Malte, Paris, Perrin,
- Charles Gavard, Galeries historiques de Versailles, salle des croisades, (lire en ligne)
- Eugène Harot, Essai d’armorial des Grands-Maîtres de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, Rome, Collegio Araldico, (lire en ligne)
- (la) Innocent II, Quam amabilis Deo, 1139/1143
- Michel Pastoureau, L'Art héraldique au Moyen Âge, Paris, Seuil,
- Jean Raybaud, Mémoires de l' Académie de Nîmes, (lire en ligne)
- H. Séjalon, Annales de l'Abbaye d'Aiguebelle de l'Ordre de Citeaux, Jules Céas, (lire en ligne)
- Jean-Bernard de Vaivre, L'enfeu du tombeau de Pierre d'Aubusson, grand maître de Rhodes, (lire en ligne)
- L'Art de vérifier les dates, (lire en ligne)