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Raymond Lefebvre (Ă©crivain)

Raymond-Louis Lefebvre, né à Vire le et présumé mort le en mer de Barents, au large de la péninsule de Rybatchi (Russie), est un écrivain et journaliste français, connu en tant que militant pacifiste, socialiste puis communiste.

Raymond Lefebvre
Image illustrative de l’article Raymond Lefebvre (écrivain)

Naissance
Vire (Calvados)
Décès
Mer de Barents
Nationalité Français
Profession Journaliste, Ă©crivain
Autres activités Militant pacifiste, socialiste (SFIO) et communiste
Historique
Presse écrite L'Humanité, Le Populaire, La Vie ouvrière

Biographie

Jeunesse et formation (1891-1912)

Raymond-Louis Lefebvre est issu d'un milieu bourgeois et calviniste. Son père, Albert-Alphonse Lefebvre, inspecteur divisionnaire d'assurance, descend d'une famille de grands industriels protestants mulhousiens, les Dollfus[1], tandis que sa mère, Marguerite-Charlotte Sayous[2], fille du théologien Édouard Sayous, appartient à une famille huguenote.

Avant 1905, la famille Lefebvre quitte la Normandie pour s'installer à Paris. Entre 1908 et 1910, Raymond poursuit des études littéraires au Lycée Janson-de-Sailly, où il rencontre Paul Vaillant-Couturier, qui devient son ami. Tout en préparant une licence d'histoire et de géographie à la Sorbonne, qu'il obtient en 1912, il étudie à l'École libre des sciences politiques.

MarquĂ© par les valeurs chrĂ©tiennes mais dĂ©jĂ  influencĂ© par certaines idĂ©es socialistes voire libertaires, le jeune Ă©tudiant est alors hostile Ă  la bourgeoisie libĂ©rale et anticlĂ©ricale qui dĂ©tient le pouvoir depuis les premières annĂ©es du siècle. Lecteur de Jarry et de Barrès, Lefebvre est ainsi attirĂ© aussi bien par l'Action française que par la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale du travail. Il croit en « un conservatisme intelligent qui [ferait] une place extrĂŞmement large Ă  l'internationalisme et au prolĂ©tariat Â»[3].

Engagement pacifiste et expérience de la guerre (1911-1918)

Dès 1911, l'internationalisme de Lefebvre le rapproche des milieux pacifistes qui militent pour la paix entre la France et l'Allemagne. Cet engagement pacifiste est conforté, l'année suivante, par la lecture de Romain Rolland et par l'expérience du service militaire dans le service auxiliaire : infirmier au fort de Givet pendant une épidémie de fièvre typhoïde, Lefebvre est vivement ému par le gâchis de tant de vies humaines[4]. En 1913, il pétitionne ainsi contre la loi des trois ans et se rapproche du cercle syndicaliste révolutionnaire de La Vie ouvrière mené par Pierre Monatte.

Quand Ă©clate la Première Guerre mondiale, Lefebvre est mobilisĂ© et Ă  nouveau affectĂ© comme infirmier dans un hĂ´pital. En 1916, il est blessĂ© lors de la bataille de Verdun. Rendu momentanĂ©ment amnĂ©sique et muet par une commotion cĂ©rĂ©brale, il est Ă©vacuĂ© du front et soignĂ© dans un hĂ´pital de Lyon[5]. RĂ©formĂ© et rentrĂ© Ă  Paris, il participe, avec Vaillant-Couturier et Henri Barbusse, Ă  la fondation de l'Association rĂ©publicaine des anciens combattants (ARAC) en . Entre la fin de cette dernière annĂ©e et le dĂ©but de l'annĂ©e 1918, il salue aussi bien la RĂ©volution russe d'octobre que la prĂ©sentation des « quatorze points Â» du prĂ©sident Wilson, deux Ă©vènements qui annoncent la fin des hostilitĂ©s.

Déjà atteint par la tuberculose lorsqu'il était au front, il est envoyé en cure puis en sanatorium entre et . Il est ainsi absent du congrès de l'ARAC, dont il devient bientôt l'un des vice-présidents. Il s'installe ensuite à Prades avec sa compagne, l'artiste Mela Muter[6], puis avec sa mère et sa grand-mère à Allevard[7]. Plus tard, à partir d', il habitera dans la rue de Pontoise à Montmorency[8].

Du socialisme au communisme (1919)

Photographie de Lefebvre publiée dans L'Humanité en 1920.

AdhĂ©rent de la SFIO depuis 1915[5] ou 1916[9], Lefebvre est l'auteur de nombreux articles pour La VĂ©ritĂ©, La Vie ouvrière, L'HumanitĂ© et Le Populaire, qui est alors l'organe des minoritaires pacifistes du parti, sous la direction de Jean Longuet. En , Lefebvre participe Ă  la fondation du groupe « ClartĂ© Â» avec Barbusse[5].

Dès cette époque, il prône le ralliement de toute la gauche révolutionnaire à la Troisième Internationale, ou Internationale communiste (IC), initiée par les bolcheviks et à laquelle il adhère individuellement en . Devenu nettement hostile au réformisme et à la social-démocratie, voire à la démocratie, il érige la révolution et la dictature bolchévique en un modèle qu'il faudrait, selon lui, adapter aux réalités françaises[10]. Au sein du socialisme français, il est l'un des plus fermes opposants à l'intervention de l'Entente contre les communistes russes.

MalgrĂ© cette radicalisation, il accepte de figurer aux cĂ´tĂ©s de rĂ©formistes tels que Sembat sur la liste socialiste du premier secteur de la Seine lors des Ă©lections lĂ©gislatives d'octobre-novembre 1919. Il obtient 59 252 voix mais n'est pas Ă©lu[11]. Membre du ComitĂ© pour l'adhĂ©sion Ă  la Troisième Internationale, il prend la parole au congrès de la SFIO Ă  Strasbourg en [5]. Ă€ son retour, il a maille Ă  partir avec la Justice pour avoir tenu des propos sĂ©ditieux Ă  l'encontre du prĂ©sident PoincarĂ© quelques semaines plus tĂ´t lors d'un meeting Ă  Enghien[8].

Mystérieuse disparition (1920)

Le point d'interrogation marque le lieu présumé de la disparition de Lefebvre, Lepetit et Vergeat.

En , malgré le refus des autorités françaises de lui délivrer un passeport, Raymond Lefebvre se rend à Moscou, en compagnie des syndicalistes Jules Lepetit et Marcel Vergeat, afin de prendre part au deuxième congrès de l'IC et de pouvoir observer les changements opérés par la Révolution. Après le congrès, les trois Français se rendent en Ukraine avec Jacques Sadoul puis, en septembre, ils sont rejoints pendant quelques jours par Victor Serge. Pendant son séjour, Lefebvre signe le manifeste du Proletkoult de Lounatcharski[12].

À l'arrivée de l'automne, les trois militants auraient tenté de rentrer en France. Faute de passeports et craignant d'être bloqués à la frontière estonienne, ils auraient décidé, à l'instar de camarades tchécoslovaques, de gagner la Norvège par la mer. Le soir du ou le matin du 29[13], ils auraient ainsi embarqué à bord d'un petit bateau à voile à Vaïda-Gouba, petit port de la péninsule de Rybatchi situé près de la frontière finno-russe[14].

Le , le reprĂ©sentant Ă  Stockholm du commissariat des Affaires Ă©trangères de la RĂ©publique soviĂ©tique fĂ©dĂ©rative, FrĂ©dĂ©ric Ström, reçoit un message de Vardø annonçant que « les camarades français [ainsi que les quatre pĂŞcheurs qui les accompagnaient] ont vraisemblablement pĂ©ri le 1er octobre entre Vaidaguva [VaĂŻda-Gouba] et Vardoe [Vardø] Â». Ström Ă©met l'hypothèse d'une arrestation par la Garde blanche finlandaise mais juge plus « vraisemblable Â» un « accident Â» de navigation dĂ» Ă  un orage[13]. Cinq jours plus tard, sur la foi de tĂ©lĂ©grammes reçus de Vardø et de Mourmansk, les communistes suĂ©dois annoncent Ă  leurs homologues français la confirmation de la mort des trois hommes[15].

ImmĂ©diatement, cette disparition mystĂ©rieuse Ă©veille des suspicions. Ainsi, dès le , dans le journal de droite Le Figaro, Louis Latzarus Ă©voque la possibilitĂ© d'un assassinat politique : LĂ©nine ou Trotsky auraient voulu Ă©liminer des « enquĂŞteurs trop clairvoyants Â», les trois militants ayant rĂ©digĂ© des lettres plutĂ´t critiques sur le rĂ©gime bolchĂ©vique[16]. Un autre journaliste, dans La DĂ©mocratie nouvelle, rapporte quant Ă  lui que les disparus auraient « dĂ©couvert des faits particulièrement graves [...] au passif du kamarade Sadoul Â». Ces affirmations sont aussitĂ´t contredites par L'HumanitĂ©, Vaillant-Couturier Ă©voquant pour sa part des « lettres enthousiastes Â» de son ami Raymond Lefebvre[17]. Cependant, cet enthousiasme ne semble pas avoir Ă©tĂ© partagĂ© par Lepetit, dont l'une des dernières lettres, datĂ©e du et Ă©crite après la visite de Iambourg, dĂ©plore certains « des mauvais cĂ´tĂ©s de la rĂ©volution Â»[18].

En , la piste de l'assassinat politique est appuyĂ©e par le Morning Post, dont le correspondant en Norvège fait Ă©tat d'un tĂ©lĂ©gramme envoyĂ© de Vardø expliquant que les trois hommes auraient embarquĂ© sur le cutter du socialiste scandinave Bodin et que le bateau aurait Ă©tĂ© arraisonnĂ© par les agents de LĂ©nine, qui auraient jetĂ© les Français par-dessus bord[19]. Un autre tĂ©lĂ©gramme, adressĂ© depuis RĂ©val et diffusĂ© par l'agence de presse du socialiste anti-bolchĂ©vique Boris Savinkov rapporte les mĂŞmes faits et prĂ©cise que les agents russes en auraient profitĂ© pour saisir des papiers. Criant au « mensonge Â» et Ă  la « diffamation Â», L'HumanitĂ© rĂ©plique en publiant un nouveau tĂ©lĂ©gramme de Ström en faveur de la thèse officielle d'un naufrage[13]. La thèse de l'assassinat, rĂ©pandue Ă  droite, est Ă©galement partagĂ©e par des anarchistes tels qu'Armando Borghi et François Mayoux.

Dans ses souvenirs, l'ex-militant communiste anti-stalinien Marcel Body estime que la thèse officielle d'un naufrage n'est pas plausible et soupçonne l'implication de Grigori Zinoviev, alors président du Komintern, dans la disparition des trois Français[20].

Pendant le congrès de la SFIO à Tours, qui se tient quelques semaines après l'annonce de la mort de Lefebvre, le militant communiste est cité en exemple par les partisans de l'adhésion à l'IC. Celle-ci est votée à une large majorité[21], donnant ainsi naissance à la Section française de l'Internationale communiste (SFIC).

Principales Ĺ“uvres

  • Le Sacrifice d'Abraham, Paris, Flammarion, 1919.
  • (Avec Paul Vaillant-Couturier) La Guerre des soldats, Paris, Flammarion, 1919.
  • La RĂ©volution ou la Mort, Paris, Éditions ClartĂ©, 1920.
  • (Posthume) L’Éponge de vinaigre, Paris, Éditions ClartĂ©, 1921.

Références

  1. Notice « LEFEBVRE, Raymond », par Nicole Racine, Le Maitron en ligne.
  2. État civil de la commune de Vire, acte de naissance no 49 du 25 avril 1891.
  3. Ginsburg 1973, p. 98.
  4. Ginsburg 1973, p. 101.
  5. Blanchon, p. 38.
  6. Ginsburg 1976, p. 590.
  7. Ginsburg 1976, p. 596.
  8. Le Journal, 4 mars 1920, p. 2.
  9. Ginsburg 1976, p. 584.
  10. Ginsburg 1976, p. 603-604.
  11. Shaul Ginsburg, « Raymond Lefebvre et les Ă©lections de 1919 Â», La PensĂ©e, no 168, avril 1973, p. 56-72.
  12. Paul Colin, « Sur la mort de Raymond Lefebvre Â», L'Art libre, 3e annĂ©e, no 1, janvier 1921, p. 1.
  13. L'Humanité, 22 janvier 1921, p. 1.
  14. Jean Longuet, « Dans l'ocĂ©an glacial ! Â», Le Populaire, 2 dĂ©cembre 1920, p. 1.
  15. L'Humanité, 1er décembre 1920, p. 1.
  16. Louis Latzarus, « AssassinĂ©s ? Â», Le Figaro, 2 dĂ©cembre 1920, p. 1.
  17. L'Humanité, 3 décembre 1920, p. 1.
  18. Le Journal, 19 janvier 1921, p. 3.
  19. Le Journal, 6 janvier 1921, p. 1.
  20. Marcel Body, Au cœur de la Révolution : mes années de Russie, 1917-1927, Éditions de Paris, 2003, p. 167-168.
  21. Blanchon, p. 39.

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : documents utilisés comme source pour la rédaction de cet article

  • Judith Blanchon, « Raymond Lefebvre, gĂ©nĂ©ration pacifiste Â», L'Histoire, no 417, , p. 38-39 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Shaul Ginsburg, « Du Wilsonisme au communisme : l'itinĂ©raire du pacifiste Raymond Lefebvre en 1919 Â», Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. 23, , p. 583-605 [lire en ligne] Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Shaul Ginsburg, « La jeunesse de Raymond Lefebvre : un itinĂ©raire (1891-1914) Â», Le Mouvement social, no 82, janvier-, p. 83-102 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Liens externes

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