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RĂ©seau mycorhizien

Un rĂ©seau mycorhizien se forme lorsque les racines de deux plantes sont colonisĂ©es par un mĂȘme champignon mycorhizien et reliĂ©es entre elles. Ce phĂ©nomĂšne affecte grandement la survie, la nutrition minĂ©rale et l’établissement des plantes dans un Ă©cosystĂšme[1]. Ce rĂ©seau optimise le dĂ©veloppement de la plante via deux voies principales : la stimulation de la nutrition minĂ©rale (transfert de ressources telles que le carbone[2], l’azote[3] et le phosphore[4] entre les diffĂ©rents partenaires) ; meilleure tolĂ©rance ou rĂ©sistance de la plante vis-Ă -vis de stress biotiques (impacts de microorganismes pathogĂšnes fongiques, bactĂ©riens ou de nĂ©matodes phytoparasites) et/ou abiotiques (stress salin, hydrique, mĂ©taux lourds)[5]. Ainsi, ce phĂ©nomĂšne Ă©cologique pourrait jouer un rĂŽle important dans les mĂ©canismes d’assemblage de communautĂ©s. A ce titre, les Ă©tudes menĂ©es sur cette thĂ©matique se sont focalisĂ©es sur diffĂ©rentes problĂ©matiques :

  1. valider son existence au sein d’un Ă©cosystĂšme ;
  2. démontrer le transfert des ressources entre les partenaires ;
  3. Ă©tudier ses caractĂšres morphologiques et architecturaux ;
  4. Ă©tablir son influence Ă©cologique.
Le réseau mycorhizien établit un systÚme de « relation sociale ».
RÎle évolutif et écologique majeur du réseau mycorhizien dans le processus de biométéorisation.
Dans le rĂ©seau mycorhizien de l'Ă©pinette blanche, conifĂšre commun des forĂȘts mixtes, les hyphes mycĂ©liens (en blanc) prennent la forme de fins filaments capables de recouvrir les racines (en marron) comme un duvet.

Ces interactions entre les systÚmes racinaires forment un réseau écologique essentiellement souterrain, que certains biologistes ont nommé le wood-wide web (en référence au « World wide web »)[6]. C'est la chercheuse canadienne Suzanne Simard qui est la premiÚre à mettre en évidence en 1997 ce réseau avec le transfert mycorhizien du carbone entre des arbres en conditions naturelles[7].

La découverte des réseaux mycorhiziens

Les prémices

La plupart des plantes vasculaires sont autotrophes, autrement dit, elles captent le rayonnement lumineux par leurs feuilles grĂące Ă  leurs pigments chlorophylliens et synthĂ©tisent ainsi le carbone et les sucres nĂ©cessaires Ă  leur croissance et Ă  leur dĂ©veloppement. Cependant, certaines plantes dĂ©pourvues de chlorophylle sont dans l’incapacitĂ© de capter et synthĂ©tiser cette Ă©nergie. Elles sont dites myco-hĂ©tĂ©rotrophes. C'est-Ă -dire qu'elles sont en symbiose avec un ou plusieurs champignons mycorhiziens, eux-mĂȘmes associĂ©s Ă  une ou plusieurs plantes autotrophes. Cette connexion permet la circulation du carbone et des sucres parmi les partenaires, le champignon jouant le rĂŽle de pivot de cette association. Cela garantit ainsi Ă  la plante non chlorophyllienne, les ressources nĂ©cessaires Ă  son dĂ©veloppement et sa croissance. C’est Ă  partir d’études sur ce phĂ©nomĂšne spĂ©cifique d’associations symbiotiques que la premiĂšre preuve de l’existence des rĂ©seaux mycorhiziens a Ă©tĂ© mise en Ă©vidence [8]. C’est d’ailleurs Ă©galement Ă  partir de ces travaux que le possible transfert de ressources entre les individus interconnectĂ©s est supposĂ©. Dans le cas de cette Ă©tude, il s’agissait de la circulation de carbone isotopique (14C) entre des conifĂšres et une plante myco-hĂ©tĂ©rotrophe Monotropa hypopitys. Par la suite, Edward. I Newman a suggĂ©rĂ© en 1988 que les plantes mycorhiziennes poussant ensemble au sein d’un Ă©cosystĂšme (forĂȘt ou prairie) pouvaient ĂȘtre interconnectĂ©es par un rĂ©seau mycorhizien commun. Ainsi, leur prĂ©sence influencerait fortement le fonctionnement et la dynamique de ces environnements[9].

Formation d'un réseau mycorhizien

Par la suite, les Ă©tudes menĂ©es se sont focalisĂ©es sur les mĂ©canismes propres Ă  la formation de ces rĂ©seaux. Classiquement, la formation d’un rĂ©seau mycorhizien se produit lorsque les hyphes mycĂ©liens fusionnent par anastomose, permettant ainsi l’interconnexion entre les partenaires vĂ©gĂ©taux. Ce rĂ©seau favorise de maniĂšre gĂ©nĂ©rale les individus exprimant une stratĂ©gie mycorhizienne identique. L'Ă©tablissement d’un rĂ©seau mycorhizien commun dĂ©pend donc de la capacitĂ© d’une plante Ă  entrer dans une association mycorhizienne avec une ou plusieurs espĂšces fongiques compatibles. Cette compatibilitĂ© est rĂ©gie par la contrainte de la « spĂ©cificitĂ© mycorhizienne » potentielle des symbiotes. Ainsi, parmi ces organismes, il existe un continuum allant d'une faible spĂ©cificitĂ© (association avec plusieurs partenaires) Ă  une spĂ©cificitĂ© Ă©levĂ©e (association avec un ou plusieurs partenaires). Ce phĂ©nomĂšne de spĂ©cificitĂ© mycorhizienne est trĂšs important dans la comprĂ©hension de la dynamique des communautĂ©s vĂ©gĂ©tales et des mĂ©canismes d’installation d’un rĂ©seau partagĂ©. Il est estimĂ© que la probabilitĂ© de formation d’un rĂ©seau mycorhizien est souvent plus forte si les partenaires fongiques expriment une faible spĂ©cificitĂ© mycorhizienne [10]. Par ailleurs, la capacitĂ© d’une plante Ă  Ă©tablir avec son partenaire fongique une relation mutuellement profitable pourra ĂȘtre Ă©galement influencĂ©e par diffĂ©rents facteurs :

  1. environnementaux [11] ;
  2. Ă©cologiques [12] - [13] ;
  3. génétiques [14] - [15] ;
  4. physiologiques [16].

À ce jour, avec les progrĂšs technologiques et molĂ©culaires, il existe de plus en plus de preuves de l’existence des rĂ©seaux mycorhiziens sur un large Ă©ventail d’écosystĂšmes. Leur prĂ©sence a Ă©tĂ© observĂ©e notamment dans des forĂȘts tempĂ©rĂ©es, borĂ©ales et tropicales, ainsi que dans des prairies et savanes.

DĂ©sinformation

Selon une Ă©tude parue dans la revue Nature Ecology and Evolution en 2023[17], des biais de citations (les chercheurs citant prĂ©fĂ©rentiellement les rĂ©sultats positifs et ceux en accord avec leur hypothĂšse, et passant sous silence ceux qui les contredisent) et la surinterprĂ©tation des rĂ©sultats issus des travaux sur les rĂ©seaux mycorhiziens, sont un terreau fertile Ă  la dĂ©sinformation qui conduit les scientifiques et vulgarisateurs Ă  exagĂ©rer les preuves relatives Ă  un vaste rĂ©seau de communication de champignons reliant les arbres d’une forĂȘt[18].

Si il est tentant d'imaginer dans le « web des bois » (le Wood Wide Web WWW) un rĂ©seau dans lequel des plantes Ă©mettent des signaux d'alerte par le biais de leurs mycorhizes, les expĂ©riences rĂ©alisĂ©es en laboratoire ne permettent pas de savoir ce que cachent ces Ă©changes au sein de la forĂȘt oĂč « les plantes sont en compĂ©tition pour la lumiĂšre et les ressources. Alors pourquoi avertir ses concurrents ? Peut-ĂȘtre que ces informations fuitent lorsque la plante s'avertit elle-mĂȘme d'une attaque d'insectes de racine en racine. Une balle perdue que les champignons renverraient plus loin » selon Marc-AndrĂ© Selosse qui rappelle qu'« il ne faut pas avoir une vision naĂŻve du WWW, il est fait aussi bien de coopĂ©ration que d'exploitation[19] ».

Le transfert de ressources au sein d'un réseau mycorhizien

Depuis la dĂ©couverte de l’existence d’un rĂ©seau mycorhizien, un grand nombre d’études s’est focalisĂ© sur la mise en Ă©vidence du transfert des ressources au sein de ce rĂ©seau Ă©cologique et notamment de la circulation du carbone. Depuis les travaux de Björkman, le transfert de carbone entre les plantes chlorophylliennes exprimant diffĂ©rentes stratĂ©gies mycorhiziennes (par exemple arbusculaire, ectomycorhizienne) a fait l’objet d’études plus approfondies. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© Ă  travers plusieurs Ă©tudes des mĂ©canismes de transfert rĂ©ciproque de 14C entre plusieurs plantes rĂ©ceptrices. Cela soulĂšve la question de l’existence potentielle d’un phĂ©nomĂšne de circulation bidirectionnelle des ressources entre des partenaires reliĂ©s par un rĂ©seau[7]. Dans le cadre d’expĂ©riences en laboratoire et sur le terrain, le recours Ă  un marquage isotopique double (14C, 13C) a permis d’identifier plus finement les modalitĂ©s de transferts entre Pseudotsuga menziesii et Betula papyrifera impliquĂ©s au sein d’un rĂ©seau mycorhizien. Les isotopes ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s dans les plantes rĂ©ceptrices lors de l’ensemble des expĂ©riences de transfert, indiquant ainsi un mouvement certain de carbone, depuis le champignon vers les tissus vĂ©gĂ©taux. DĂšs la premiĂšre annĂ©e en laboratoire et sur le terrain, il a Ă©tĂ© observĂ© un transfert Ă©quilibrĂ© de carbone entre P. menziesii et B. papyrifera. Par ailleurs, lors de la seconde annĂ©e, P. menziesii a reçu un gain net de carbone de B. papyrifera [20]. D’autres expĂ©riences menĂ©es par la suite ont montrĂ© que selon les espĂšces, la circulation du carbone pouvait varier fortement. C’est pourquoi, il a Ă©tĂ© conclu que ce phĂ©nomĂšne d’interconnexion Ă©cologique et les mĂ©canismes qui en rĂ©sultent Ă©taient de nature complexe et qu’une multitude de variables pouvaient entrer en jeu.

Les prospections sur ces phĂ©nomĂšnes de transfert ne se sont pas cantonnĂ©es Ă  la simple ressource du carbone mais ont mis en Ă©vidence la circulation effective d’élĂ©ments tels que l’eau ou encore l’azote, Ă  travers ce rĂ©seau. Par exemple Kristina Arnebrant a dĂ©montrĂ© lors d’une expĂ©rience en conditions contrĂŽlĂ©es au sein de microcosmes, la translocation respective d’azote marquĂ© (15N) entre des semis de Pinus contorta et d’Alnus glutinosa reliĂ©s par un rĂ©seau fonctionnel provenant du partenaire commun Paxillus involutus (champignon ectomycorhizien) [21].

Plus tard, Louise Egerton a mis en Ă©vidence la circulation effective d’un flux d’eau entre des plantes saines vers des plantes en situation de stress hydrique, par l’intermĂ©diaire d’une connexion mycĂ©lienne. Ainsi, ce rĂ©seau Ă©cologique pourrait ĂȘtre un paramĂštre important dans la survie des vĂ©gĂ©taux lors des situations de sĂ©cheresse [22].

Ces Ă©changes bidirectionnels peuvent ĂȘtre trĂšs importants. Dans une forĂȘt tempĂ©rĂ©e, jusqu'Ă  40 % de la biomasse des racines fines vient des arbres voisins mais le flux net est sans doute nul entre les arbres, qui chacun donnent et reçoivent[23].

Certaines Ă©tudes sur les systĂšmes arbusculaires (AM) ont fourni de plus en plus d’informations prouvant que les modĂšles de transfert des composĂ©s entre les individus interconnectĂ©s, prĂ©sentaient certaines diffĂ©rences avec les systĂšmes ectomycorhiziens (ECM) [24] - [25] - [26]. Ces Ă©tudes se sont concentrĂ©es notamment sur les facteurs distinctifs pouvant influencer et contraindre les processus de circulation de ressources au sein de ces systĂšmes. Les rĂ©sultats indiquent notamment :

  1. la relation source-puits entre le « donneur » et le « receveur » ;
  2. les traits fonctionnels des partenaires (plantes et champignons).

Par ailleurs, il existe bien d’autres facteurs pouvant introduire des contraintes dans les mĂ©canismes de transfert et de formation d’un rĂ©seau Ă©cologique. Par exemple, les animaux du sol comme les collemboles et les vers de terre, se nourrissent des hyphes et des spores des champignons mycorhiziens. Ainsi, la diversitĂ© des partenaires fongiques dans un Ă©cosystĂšme peut s'en trouver rĂ©duite, limitant les phĂ©nomĂšnes d’interaction symbiotique avec les plantes prĂ©sentes. Ces facteurs auront un effet certain sur la prĂ©sence, la taille et la formation du rĂ©seau mycorhizien [27] - [28] - [29] - [30].

Structure d'un réseau mycorhizien

Différentes topologies d'un réseau mycorhizien, Figure A: Structure aléatoire ou réguliÚre, Figure B: Structure sans échelle

Par dĂ©finition, un rĂ©seau dĂ©signe un ensemble d’élĂ©ments interconnectĂ©s dont la liaison permet une circulation continue de flux (par exemple ressources, Ă©nergie, donnĂ©es
). C’est pourquoi, le fonctionnement et la structure des rĂ©seaux mycorhiziens communs sont assimilables aux autres rĂ©seaux existants (par exemple rĂ©seau neuronal, lymphatique, informatique
) [31]. La circulation des Ă©lĂ©ments au sein de ce systĂšme fonctionne selon le mĂ©canisme du « donneur-receveur »[32]. DiffĂ©rents rĂŽles peuvent ĂȘtre jouĂ©s par les vĂ©gĂ©taux interconnectĂ©s dans ce rĂ©seau. Certains vont Ă©mettre les ressources nĂ©cessaires (Ă©lĂ©ments nutritifs, eau, carbone
) afin de rĂ©pondre Ă  un contexte spĂ©cifique (survie, protection, nutrition
). Ces Ă©lĂ©ments vont circuler Ă  travers le rĂ©seau fonctionnel et ĂȘtre acheminĂ©s vers les organismes rĂ©cepteurs. Ainsi, le transport serait rĂ©gulĂ© tant par les modalitĂ©s de dĂ©penses en carbone effectuĂ©es par les plantes envers leurs partenaires fongiques, que par leurs propres « forces » d’assimilation des ressources. Ainsi, on peut dire qu’à travers ce rĂ©seau, il existe un certain continuum « source-puits » modulant les mĂ©canismes de transfert.

Les dĂ©terminants principaux de l’architecture d’un rĂ©seau mycorhizien sont la morphologie et la structure spatiale des mycĂ©liums fongiques impliquĂ©s. Une caractĂ©ristique morphologique existante chez certains organismes fongiques ectomycorhiziens est la formation de rhizomorphes (brins d’hyphes, cordons). Ces organes sont particuliĂšrement bien adaptĂ©s pour la formation d’un rĂ©seau fonctionnel. En effet, ces structures bien diffĂ©renciĂ©es peuvent atteindre une trĂšs grande longueur dont l’anatomie interne est particuliĂšrement efficace dans le transport de l’eau et des nutriments Ă  travers la matrice du sol. Ces Ă©lĂ©ments permettent Ă©galement une colonisation plus rapide des jeunes semis, facilitant leur implantation. Ils sont exprimĂ©s en majoritĂ© par des genres tels que Boletus, Cortinarius, Paxillus, Piloderma, Pisolithus, Rhizopogon, Suillus et Tricholoma [33].

Par ailleurs, on estime qu’il existe au sein des rĂ©seaux mycorhiziens une grande diversitĂ© de structures selon les Ă©cosystĂšmes et les partenaires impliquĂ©s [34]. On parle de topologie des rĂ©seaux mycorhiziens. Le mot topologie fait rĂ©fĂ©rence Ă  la disposition des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments (nƓuds, liaisons) au sein d'un rĂ©seau de communication. On peut appliquer ce concept de topologie Ă  diffĂ©rents types de rĂ©seaux existants. Par exemple, au sein d’un rĂ©seau informatique, les « nƓuds » et « liaisons » pourrait ĂȘtre les diffĂ©rents ordinateurs reliĂ©s par des cĂąbles. Au sein d’un rĂ©seau neuronal ce serait les neurones et les axones. Maintenant si on extrapole pour un Ă©cosystĂšme quelconque (comme la forĂȘt), cela pourrait ĂȘtre matĂ©rialisĂ© par les arbres et les hyphes mycorhiziens [35].Les liaisons entre les diffĂ©rents nƓuds du rĂ©seau (comme les arbres) peuvent ĂȘtre courtes ou longues selon les traits fonctionnels mycĂ©liens du partenaire fongique impliquĂ© et les conditions environnementales. Cela influencera non seulement sa structure architecturale globale, mais Ă©galement le nombre de connexions possibles entre les vĂ©gĂ©taux

Il existe diffĂ©rentes reprĂ©sentations topologiques pour ces rĂ©seaux : la topologie alĂ©atoire ou rĂ©guliĂšre, et la topologie sans Ă©chelle. Au sein des rĂ©seaux alĂ©atoires, chaque nƓud (arbre) aura un nombre restreint de liens avec d’autres nƓuds. Cette structure plus simpliste permettra tout de mĂȘme une meilleure rĂ©sistance aux perturbations extĂ©rieures. En revanche, pour les rĂ©seaux sans Ă©chelle, le degrĂ© de liaison entre les nƓuds sera plus important quoique variable. On observera notamment des individus plus fortement connectĂ©s jouant le rĂŽle de « centre nĂ©vralgique » du systĂšme. Une Ă©tude a Ă©tĂ© mise en place par Kevin Beiler afin de mieux comprendre les mĂ©canismes liĂ©s Ă  la formation de diffĂ©rentes structures topologiques au sein de diffĂ©rentes communautĂ©s forestiĂšres de Douglas dans des Ă©cosystĂšmes mĂ©siques et xĂ©riques. Les deux espĂšces fongiques ciblĂ©es Ă©taient Rhizopogon vesiculosus et Rhizopogon vinicolor. Les rĂ©sultats indiquent une divergence dans la structure architecturale des rĂ©seaux selon les Ă©cosystĂšmes d’études. Dans les sites xĂ©riques, les attributs des diffĂ©rents nƓuds ont rĂ©vĂ©lĂ© une prĂ©sence plus importante d’individus fortement connectĂ©s ayant un rĂŽle central dans la circulation des ressources et les mĂ©canismes de transfert. Ainsi, la formation de ces structures topologiques serait reliĂ©e au contexte pĂ©doclimatique de l’écosystĂšme Ă©tudiĂ©. Cette Ă©tude permet donc de mieux comprendre les mĂ©canismes propres Ă  la dynamique des Ă©cosystĂšmes forestiers et leur rĂ©silience aux contraintes de stress et de perturbations [36]. De plus, la comprĂ©hension et la prise en compte de ce phĂ©nomĂšne Ă©cologique pourraient Ă  plus large Ă©chelle, garantir un outil d’aides Ă  la dĂ©cision dans la sĂ©lection des espĂšces Ă  maintenir dans le cadre d’un programme de gestion de la biodiversitĂ©.

Influences écologiques du réseau mycorhizien

Les rĂ©seaux mycorhiziens en forĂȘt

Bien que les rĂ©seaux mycorhiziens existent dans une grande variĂ©tĂ© d’écosystĂšmes terrestres, la plupart des Ă©tudes se concentrent sur les milieux forestiers. Les dynamiques forestiĂšres dĂ©pendent en grande partie de l’implantation de jeunes semis, afin de crĂ©er de nouvelles successions Ă©cologiques [37]. Il est reconnu que les semis s’établissent de prĂ©fĂ©rence proches d’espĂšces vĂ©gĂ©tales conspĂ©cifiques (de la mĂȘme espĂšce), crĂ©ant ainsi des Ăźlots de rĂ©gĂ©nĂ©ration.

Les organismes biotiques existants au sein d’une communautĂ© vĂ©gĂ©tale plus mature peuvent donc affecter les nouveaux semis, optimisant leur survie et facilitant ainsi leur Ă©tablissement. En effet, les jeunes plantules sont colonisĂ©es plus rapidement par une diversitĂ© de champignons mycorhiziens. Elles s’implantent plus facilement au sein d’un rĂ©seau Ă©tabli et ont accĂšs Ă  un plus grand bassin de nutriments. Une fois implantĂ©es dans ce rĂ©seau, les plantules ont davantage de chances de survivre aux contraintes environnementales (sĂ©cheresse, maladies
). L’existence et la formation de ces rĂ©seaux Ă©cologiques sont donc particuliĂšrement importantes dans les mĂ©canismes de rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle au sein des Ă©cosystĂšmes forestiers, frĂ©quemment perturbĂ©s par la sphĂšre anthropique (incendies, dĂ©forestation
).

Nara Kazuhide a Ă©tudiĂ© l’effet de rĂ©seaux mycorhiziens sur la performance de semis de saules (par exemple Salix reinii) semĂ©s proche d’une essence vĂ©gĂ©tale plus mature. Les modalitĂ©s expĂ©rimentales Ă©taient dĂ©clinĂ©es de sorte que l'essence centrale soit mycorhizienne ou non afin de mieux apprĂ©hender les « rĂšgles » Ă©cologiques de formation d’un rĂ©seau mycorhizien. DiffĂ©rentes espĂšces de champignons ont Ă©tĂ© choisies pour partenaires fongiques afin d’observer leur impact sur la rĂ©ponse de croissance des semis. Il est apparu que la plupart des individus Ă©taient reliĂ©s par un rĂ©seau mycorhizien individuel sans ĂȘtre pour autant infectĂ©s par d’autres champignons ectomycorhiziens. Les semis tĂ©moins plantĂ©s au contact de plantes matures non mycorhiziennes ont exprimĂ© les plus bas taux de survie. En revanche, l’acquisition des nutriments et la croissance des semis connectĂ©s par un rĂ©seau mycorhizien ont Ă©tĂ© largement supĂ©rieures, mais diffĂ©rentes selon les partenaires fongiques. Ainsi l’efficience et la viabilitĂ© d’un rĂ©seau mycorhizien vont osciller selon les espĂšces de champignons impliquĂ©es, ce qui pourra induire une variation de performances chez les semis[38].

D’autre part, un grand nombre d’études sur le terrain ont tentĂ© de dĂ©monter les potentielles influences des rĂ©seaux mycorhiziens sur l’établissement des plantes. Certaines ont Ă©tĂ© menĂ©es dans les forĂȘts tempĂ©rĂ©es de l’ouest de l’AmĂ©rique du Nord. À travers ces analyses, diffĂ©rentes techniques et modalitĂ©s Ă©taient appliquĂ©es et observĂ©es :

  1. isolation de l’effet du rĂ©seau mycorhizien et non mycorhizien ;
  2. étude des phénomÚnes de transfert dans le sol ;
  3. Ă©tude de l’effet de la symbiose mycorhizienne ;
  4. étude de la compatibilité entre les partenaires ;
  5. observation de semis dans diffĂ©rentes communautĂ©s vĂ©gĂ©tales (conspĂ©cifiques versus hĂ©tĂ©rospĂ©cifiques). À travers ces Ă©tudes, les schĂ©mas de survie et de rĂ©gĂ©nĂ©ration ont Ă©tĂ© examinĂ©s. Or, dans la plupart des cas, les bĂ©nĂ©fices chez les semis semblent ĂȘtre plus effectifs lorsqu’il existe une diversitĂ© mycorhizienne accrue par association avec des plantes matures [39] - [40] - [41].

De plus Michael Booth a pu mettre en Ă©vidence l’impact avĂ©rĂ© des arbres conspĂ©cifiques de canopĂ©e, sur l’émergence des plantes de sous-bois. Les semis pouvant plus aisĂ©ment s’interconnecter au sein de ce rĂ©seau existant et ainsi bĂ©nĂ©ficier d’un meilleur accĂšs aux ressources du sol (eau, Ă©lĂ©ments minĂ©raux). Ces rĂ©seaux prĂ©sents de maniĂšre ubiquiste au sein des forĂȘts permettent de contrebalancer l’effet nĂ©gatif que pourrait engendrer la prĂ©sence d’une canopĂ©e (ombrage, compĂ©tition, nutrition
) et influencer positivement les mĂ©canismes de rĂ©gĂ©nĂ©ration forestiĂšre [42].

Les réseaux mycorhiziens et la résistance végétale

Bien que la preuve du partage des ressources entre les individus interconnectĂ©s par un rĂ©seau mycorhizien soit validĂ©e, certains effets propres Ă  ce phĂ©nomĂšne Ă©cologique sont encore parsemĂ©s de zones d’ombres. Notamment, les mĂ©canismes reliĂ©s au « signal » circulant Ă  travers ce rĂ©seau pouvant stimuler la rĂ©sistance biotique chez les vĂ©gĂ©taux. Lors d’une infection par un pathogĂšne ou d’une attaque d'un organisme ravageur, les plantes sont capables par certains procĂ©dĂ©s enzymatiques, mĂ©taboliques et hormonaux de se dĂ©fendre et d’endiguer la menace. A ce titre on parle de mĂ©canisme de RĂ©sistance SystĂ©mique Acquise (RSA) [43]. Par analogie, ce phĂ©nomĂšne peut ĂȘtre comparĂ© au fonctionnement du systĂšme immunitaire.

Bien sĂ»r, l’idĂ©e que les plantes puissent communiquer entre elles par une production et une libĂ©ration de molĂ©cules n’est pas nouvelle. Il existe un grand nombre d’expĂ©riences et de travaux qui ont modĂ©lisĂ© et dĂ©montrĂ© le potentiel effet du rĂ©seau mycorhizien dans les mĂ©canismes d’émission de signaux entre les plantes. Plusieurs hypothĂšses sont levĂ©es :

  1. le transport de molĂ©cules d’intĂ©rĂȘts s’effectue Ă  la surface des hyphes mycĂ©liens par une action de capillaritĂ© ou bien par l’intervention d’organismes extĂ©rieurs ;
  2. la délivrance du signal est transmise par un flux transcellulaire (cytoplasmique) ;
  3. la contrainte induite par un organisme indésirable (ravageurs, pathogÚnes
) entraßne un signal électro-chimique à travers le réseau, comparable à un influx nerveux [44].

La plupart des travaux rĂ©alisĂ©s ont permis de dĂ©montrer sans Ă©quivoque que l’émission de composĂ©s organiques volatils de dĂ©fense Ă©tait souvent induite par les phĂ©nomĂšnes d’herbivorie. Ces composĂ©s sont souvent produits de maniĂšre systĂ©mique et peuvent ĂȘtre exsudĂ©s dans le sol et plus spĂ©cifiquement dans la rhizosphĂšre [45]. C’est aprĂšs cette dĂ©couverte que l’hypothĂšse de facilitation du transfert au voisin par les champignons mycorhiziens a Ă©tĂ© envisagĂ©e [46]. De plus, il a souvent Ă©tĂ© estimĂ© que le processus d’association symbiotique mycorhizienne pouvait garantir un premier facteur de rĂ©sistance contre un grand nombre de pathogĂšnes et de ravageurs. A cet effet, on parle de RĂ©sistance Mycorhizienne Induite [47].

Zdenka Babikova a Ă©tĂ© un des premiers Ă©cologistes a dĂ©montrer que le mycĂ©lium mycorhizien, organe primordial de l’association symbiotique, du transfert des ressources et de la prospection de la matrice du sol pouvait Ă©galement servir de « systĂšme d’alerte » lors d’attaque de ravageurs. Il a Ă©tĂ© observĂ© que des plantes exemptes de pucerons produisaient des composĂ©s organiques volatils (comme le salicylate de mĂ©thyle) lorsqu’elles Ă©taient reliĂ©es Ă  des plantes infestĂ©es. Ainsi, cette interconnexion permet aux plantes d’« anticiper » et de se prĂ©parer Ă  la venue des ravageurs [48]. Le design expĂ©rimental mis en place a permis Ă©galement de discriminer l’effet potentiel de diffusion dans le sol, l’effet de contact entre les racines et entre les hyphes mycĂ©liens. Il est ainsi dĂ©montrĂ© que les rĂ©seaux mycorhiziens peuvent influencer les mĂ©canismes d’interactions Ă©cologiques Ă  diffĂ©rentes Ă©chelles trophiques.

En revanche, l’identitĂ© du composĂ© de signalisation transfĂ©rĂ© par le rĂ©seau provoquant la synthĂšse des composĂ©s dĂ©fensifs chez une plante non infestĂ©e, n’a pas Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par la prĂ©cĂ©dente expĂ©rience. Ainsi, la rĂ©solution de l’énigme de ce signal a Ă©tĂ© une prĂ©rogative, un champ d’application majeur des phases de recherches portant sur ce phĂ©nomĂšne. Par la suite, certains autres travaux ont montrĂ© que des lipides tels que les triglycĂ©rols Ă©taient activement transfĂ©rĂ©s par les mycĂ©liums des organismes arbusculaires [49].

Des Ă©tudes subsĂ©quentes se sont focalisĂ©es sur d’autres aspects de la signalisation au sein d’un rĂ©seau mycorhizien. Par exemple en Ă©tudiant des plants de tomates (Solanum lycopersicum) infestĂ©s par une chenille spĂ©cifique (Spodoptera litura), il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que l’acide jasmonique pouvait avoir une implication dans l’induction de la rĂ©sistance chez les plantes interconnectĂ©es [50]. De plus, la rĂ©sistance des plantes au sein d’un rĂ©seau mycorhizien ne se borne pas qu’aux ravageurs herbivores. Yuan Song a dĂ©montrĂ© que des plants de tomates interconnectĂ©s pouvaient exprimer diffĂ©rents gĂšnes de rĂ©sistance lors de l’invasion du champignon nĂ©crotrophe (Alternaria solani) [51].

La comprĂ©hension des mĂ©canismes reliĂ©s Ă  la composante biotique mycorhizienne du sol est en progrĂšs exponentiel. Il est dĂ©montrĂ© que les rĂ©seaux mycorhiziens communs, forme ultime de l’expression symbiotique, tiennent une place importante dans les interactions Ă©cologiques intervenant au sein d’un Ă©cosystĂšme. Cependant, les expĂ©riences menĂ©es ces derniĂšres annĂ©es n’ont permis de rĂ©vĂ©ler qu’une partie du processus, rendant nĂ©cessaire la poursuite des investigations, notamment sur un plus large spectre d’environnement.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Références

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