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Pseudosuchia

Les Pseudosuchia (Pseudosuchiens en français) sont une classe de reptiles diapsides de l'embranchement des archosaures. C'est la branche contenant les crocodiliens et apparentĂ©s – par opposition Ă  son groupe frĂšre, Avemetatarsalia, qui contient les dinosaures (oiseaux compris).
Cette branche était auparavant le clade Crurotarsi, défini par Paul Sereno en 1991 comme le clade regroupant les crocodiliens et les phytosaures, mais les derniÚres études ayant déplacé ces derniers en dehors des archosaures, Crurotarsi est aujourd'hui le clade regroupant les phytosaures ainsi que tous les archosaures[1].

Description

Outre les espĂšces de crocodiliens existantes, les plus anciens fossiles de pseudosuchiens dĂ©couverts sont datĂ©s de la fin du Trias[2]. Les crĂąnes sont massifs, contrairement par exemple Ă  ceux des ornithodiriens, le museau est Ă©troit et il a parfois tendance Ă  ĂȘtre allongĂ©, le cou est court et fort. On note une tendance Ă  l'applatissement dorsoventral du crĂąne avec le groupe des Crocodylomorpha, mĂȘme si des exceptions notables existent (Notosuchia et Metriorhynchidae par exemple). La posture des membres varie dans le groupe, avec de nombreux groupes prĂ©sentant une posture parasagittale (notamment les groupes triassiques comme les Aetosauria, les Poposauroidea, mais aussi de nombreux reprĂ©sentants des Notosuchia du CrĂ©tacĂ©) alors que d'autres groupes prĂ©sentent une posture rampante, typique des espĂšces actuelles (comme les Pholidosauridae, les Goniopholididae ou les Eusuchia). Le corps est souvent protĂ©gĂ© par du cuir Ă©pais, avec des rangĂ©es de plaques protectrices appelĂ©es ostĂ©odermes. Le nombre d'espĂšces de plus de trois mĂštres est important, ce qui est rare par exemple chez les mammifĂšres.

Évolution de l’endothermie

On suspecte aujourd’hui que les pseudosuchiens Ă©taient ancestralement endothermes (soit capable de produire une tempĂ©rature interne importante, comme les oiseaux et mammifĂšres actuels). Cette hypothĂšse a Ă©tĂ© proposĂ©e par Seymour et al. en 2004[3] et se base sur plusieurs particularitĂ©s existant chez les espĂšces actuelles.

Caractéristiques présentes chez les crocodiliens

Les crocodiliens actuels sont ectothermes (incapables de produire leur température, ils se régulent avec leur comportement) mais présentent des caractéristiques anatomiques inhabituelles pour des organismes à sang froid. On leur connaßt notamment :

Les deux premiĂšres existent chez les oiseaux, des organismes endothermes trĂšs performants et leurs plus proches parents actuels. On estime que l’endothermie n’est pas soutenable sans un cƓur Ă  quatre cavitĂ©s et que le flux d’air unidirectionnel renforce la production d’énergie nĂ©cessaire Ă  la thermogenĂšse. La prĂ©sence de ces caractĂ©ristiques peut donc s’interprĂ©ter comme un hĂ©ritage d’un ancĂȘtre qui Ă©tait endotherme. Cette hypothĂšse est renforcĂ©e par le fait qu’on retrouve ces particularitĂ©s chez les oiseaux, ce qui laisse supposer la prĂ©sence de ces caractĂ©ristiques chez l’ancĂȘtre commun au oiseaux et aux crocodiliens, au nƓud Archosauria.

Les preuves fossiles

Sur le plan morphologique, une hypothĂšse couramment reprise dans la littĂ©rature soutient que la posture parasagittale (membres Ă©rigĂ©s sous l’organisme) nĂ©cessite l’endothermie pour ĂȘtre viable. En effet, il demande plus d’énergie Ă  l’organisme de maintenir une telle position, d’autant plus qu’elle facilite la perte de chaleur par le ventre qui s’éloigne du sol. Un endotherme produisant sa propre chaleur corporelle, il peut alors facilement contrebalancer ce phĂ©nomĂšne. Or, on trouve de nombreux groupes de Pseudosuchia qui prĂ©sentent une telle posture, notamment chez les groupes triassiques.

La palĂ©ophysiologie a apportĂ© de nombreuses Ă©tudes ces derniĂšres annĂ©es. L’histologie quantitative a notamment dĂ©montrĂ© que les Archosauria Ă©taient endothermes ancestralement, et que cette endothermie subsistait chez les Aetosauria et les Rauisuchidae au moins[7]. Une Ă©tude plus rĂ©cente montre la perte de cette endothermie chez les Notosuchia[8].

L’étude des isotopes stables de l’oxygĂšne a permis de montrer que les Teleosauridae possĂ©daient une tempĂ©rature typique d’ectothermes, contrairement aux Metriorhynchidae qui prĂ©sentaient une tempĂ©rature dans la gamme des endothermes[9].

L’hypothĂšse de Seymour et al.[3] prĂ©disait une perte de l’ectothermie en mĂȘme temps qu’un retour au milieu aquatique et l’acquisition de la prĂ©dation de type embusquĂ©e, qu’on retrouve chez les crocodiliens actuels. Cette hypothĂšse est cependant mise Ă  mal par le fait que les Notosuchia, terrestres et prĂ©dateurs actifs pour beaucoup d’entre eux, Ă©taient Ă©galement ectothermes. Une chose semble certaine, la perte de l’endothermie ne concerne que les crocodylomorphes mais il reste encore Ă  dĂ©terminer quand elle a eu lieu et pourquoi.

Systématique et taxonomie

Histoire Ă©volutive

Ce clade est apparu Ă  la fin du Trias vers 230 Ma. L'explosion radiative Ă  la suite de l'extinction du Permien a permis l'Ă©mergence de nombreuses espĂšces carnivores, mais aussi d'espĂšces omnivores bipĂšdes (dont les Poposauroidea et les Ornithosuchidae) et des herbivores (les Aetosauria), certaines espĂšces ayant des tailles colossales tandis que d'autres avaient des tailles de l'ordre des lĂ©zards actuels. Physiquement, ils devaient ĂȘtre trĂšs semblable aux dinosaures, bon nombre de taxon ayant d'ailleurs Ă©tĂ© passĂ©s d'un groupe Ă  l'autre lors des rĂ©visions de la systĂ©matique du groupe. Le nombre des espĂšces de pseudosuchiens est bien plus Ă©levĂ© que le nombre de dinosaures au Trias, montrant ainsi qu'ils Ă©taient bien plus adaptĂ©s Ă  leur biotope que les dinosaures contemporains. Bon nombre de pseudosuchiens et de dinosaures partageaient les mĂȘmes biotopes et ressources alimentaires. Les dinosaures les ont cependant surclassĂ©, sans que la raison en soit connue.

L'extinction du Trias-Jurassique d'il y a 200 Ma, due vraisemblablement Ă  un bouleversements climatiques, a Ă©tĂ© particuliĂšrement redoutable pour ce clade. Seul les Crocodylomorpha survivent, reprĂ©sentĂ© notamment par les Sphenosuchia et les Protosuchidae. Une nouvelle radiation Ă©volutive donnera naissance lors du Jurassique Ă  de nombreux groupes, jusqu'Ă  aboutir aux crocodiliens modernes. Une grande partie de ces groupes se tourne alors vers la conquĂȘte du milieu aquatique. Les Thalattosuchia du Jurassique ne comportent ainsi que des espĂšces exclusivement marine. Les diffĂ©rents groupes du clade des Neosuchia sont tous essentiellement semi-aquatique, Ă  l'image des crocodiliens actuels, faisant partie par ailleurs de ce mĂȘme groupe. Ces diffĂ©rents retour au milieu aquatique sont indĂ©pendants et la terrestrialitĂ© ancestrale subsiste dans plusieurs clades, notamment chez les Notosuchia et les Protosuchidae[10].

Finalement, la crise Crétacé-PaléogÚne fauche une grande part de cette diversité, ne laissant que trois lignées survivantes : les Sebecosuchia (faisant partie des Notosuchia), supposément terrestres, et les Dyrosauridae et Eusuchia (faisant partie des Neosuchia), qui sont majoritairement semi-aquatiques. Les Dyrosauridae sont les premiers à s'éteindre, les derniers représentants connus datant du PaléogÚne. C'est ensuite le tour des Sebecosuchia, dont le dernier représentant connu date du milieu du MiocÚne. Aujourd'hui, seuls subsistent les Eusuchia, représentés par la vingtaine d'espÚces des crocodiliens actuels.

Taxonomie

Le terme de Pseudosuchia a Ă©tĂ© proposĂ© par Karl Alfred von Zittel vers la fin du XIXe siĂšcle pour regrouper trois taxons (deux Aetosauria et un Dyoplax), genre dont les fossiles rappelaient ceux des actuels crocodiliens, sans pour autant pouvoir en ĂȘtre. Ce taxon fut utilisĂ© par la suite pour regrouper un certain nombre de groupes dans les Ă©tudes de systĂ©matique prĂ©cladistique. L'application de la cladistique fit exploser ce groupe, le rendant paraphylĂ©tique et donc caduc. Sereno lui prĂ©fĂ©ra alors le terme de Crurotarsi[11]. Par la suite, Nesbitt dĂ©montra que les rĂ©sultats de Sereno Ă©taient erronĂ©s, notamment en ce qui concerne la position des Phytosauria. Le nom Crurotarsi n'Ă©tant alors plus valide pour le nƓud qu'il dĂ©signait, Nesbitt ressuscita le nom de Pseudosuchia et l'attribua Ă  ce nouveau nƓud (voir l'arbre phylogĂ©nĂ©tique ci-aprĂšs). Cependant, il faut garder Ă  l'esprit que le terme Pseudosuchia "moderne" n'est pas Ă©quivalent Ă  la version utilisĂ© avant Sereno. Il dĂ©finit dĂ©sormais un groupe monophylĂ©tique comprenant tous les organismes plus proches de Crocodylus niloticus que de Passer domesticus[1].

Systématique

Pseudosuchia est le groupe frÚre d'Avemetatarsalia, la branche des dinosaures et des ptérosaures.
Cladogramme d'aprĂšs Nesbitt, 2011[1]:

Crurotarsi

†Phytosauria


Archosauria
Avemetatarsalia

Pseudosuchia

†Ornithosuchidae


Suchia

†Gracilisuchus



†Turfanosuchus




†Revueltosaurus



†Aetosauria





†Ticinosuchus


Paracrocodylomorpha
†Poposauroidea

†Qianosuchus




†Ctenosauriscidae





†Poposaurus




†Lotosaurus



†Shuvosauridae







Loricata

†Prestosuchus




†Saurosuchus




†Batrachotomus




†Fasolasuchus




†Rauisuchidae


Crocodylomorpha

†CM 73372




†Hesperosuchus



†Dromicosuchus




†Sphenosuchus




†Dibothrosuchus



†Terrestrisuchus




†Litargosuchus




















Voir aussi

Bibliographie

  • M. J. Benton, Vertebrate Paleontology, Blackwell Science, 2004, 3rd ed.
  • (en) Paul Sereno, « Basal archosaurs: phylogenetic relationships and functional implications », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. (Suppl.) 11,‎ , p. 1–51
  • B. G. Lovegrove, Fires of Life: Endothermy in Birds and Mammals, Yale University Press, 2019

Référence taxonomique

Liens externes

Notes et références

  1. (en) S.J. Nesbitt, « The early evolution of archosaurs: relationships and the origin of major clades », Bulletin of the American Museum of Natural History, vol. 352,‎ , p. 1–292 (DOI 10.1206/352.1, lire en ligne)
  2. (TPBD, 2008)
  3. Roger S. Seymour, Christina L. Bennett‐Stamper, Sonya D. Johnston et David R. Carrier, « Evidence for Endothermic Ancestors of Crocodiles at the Stem of Archosaur Evolution », Physiological and Biochemical Zoology, vol. 77, no 6,‎ , p. 1051–1067 (ISSN 1522-2152, DOI 10.1086/422766, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. (en) C. G. Farmer et K. Sanders, « Unidirectional Airflow in the Lungs of Alligators », Science, vol. 327, no 5963,‎ , p. 338–340 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, DOI 10.1126/science.1180219, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Allison R. Tumarkin-Deratzian, « Fibrolamellar Bone in Wild Adult Alligator Mississippiensis », Journal of Herpetology, vol. 41, no 2,‎ , p. 341–345 (ISSN 0022-1511 et 1937-2418, DOI 10.1670/0022-1511(2007)41[341:FBIWAA]2.0.CO;2, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Axel Janke, Dirk Erpenbeck, Malin Nilsson et Ulfur Arnason, « The mitochondrial genomes of the iguana (Iguana iguana) and the caiman (Caiman crocodylus): implications for amniote phylogeny », Proceedings of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences, vol. 268, no 1467,‎ , p. 623–631 (PMID 11297180, PMCID PMC1088649, DOI 10.1098/rspb.2000.1402, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Lucas J. Legendre, Guillaume GuĂ©nard, Jennifer Botha-Brink et Jorge Cubo, « Palaeohistological Evidence for Ancestral High Metabolic Rate in Archosaurs », Systematic Biology, vol. 65, no 6,‎ , p. 989–996 (ISSN 1063-5157 et 1076-836X, DOI 10.1093/sysbio/syw033, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Jorge Cubo, Mariana V A Sena, Paul Aubier et Guillaume Houee, « Were Notosuchia (Pseudosuchia: Crocodylomorpha) warm-blooded? A palaeohistological analysis suggests ectothermy », Biological Journal of the Linnean Society, vol. 131, no 1,‎ , p. 154–162 (ISSN 0024-4066 et 1095-8312, DOI 10.1093/biolinnean/blaa081, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Nicolas SĂ©on, Romain Amiot, Jeremy E. Martin et Mark T. Young, « Thermophysiologies of Jurassic marine crocodylomorphs inferred from the oxygen isotope composition of their tooth apatite », Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, vol. 375, no 1793,‎ , p. 20190139 (PMID 31928186, PMCID PMC7017436, DOI 10.1098/rstb.2019.0139, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. (en) Eric W. Wilberg, Alan H. Turner et Christopher A. Brochu, « Evolutionary structure and timing of major habitat shifts in Crocodylomorpha », Scientific Reports, vol. 9, no 1,‎ , p. 514 (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/s41598-018-36795-1, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Paul C. Sereno, « Basal Archosaurs: Phylogenetic Relationships and Functional Implications », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 11, no sup004,‎ , p. 1–53 (ISSN 0272-4634, DOI 10.1080/02724634.1991.10011426, lire en ligne, consultĂ© le )
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