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Projet de constitution girondine

Le Plan de constitution girondin, présenté à la Convention nationale les 15 et par Nicolas de Caritat, ci-devant marquis de Condorcet, se compose de trois parties :

  • Une Exposition des principes et des motifs du plan de constitution, environ 80 pages
  • Un Projet de dĂ©claration des droits naturels, civils et politiques des hommes, en 33 articles
  • Un Projet de constitution française, de 13 titres

Le travail est signé par les huit membres du Comité de constitution : Condorcet, Gensonné, Barrère, Barbaroux, Paine, Pétion, Vergniaud et Sieyès[1].

Les principes et motifs

Dans l'exposition des principes et motifs du plan de constitution dont il fait la lecture devant la Convention nationale, Cordorcet débute, en vrai mathématicien, par une description du « problème à résoudre » :

« Donner à un territoire de vingt-sept mille lieues carrées, habité par vingt-cinq millions d'individus, une constitution qui, fondée uniquement sur les principes de la raison et de la justice, assure aux citoyens la plus entière jouissance de leurs droits ; combiner les parties de cette constitution, de manière que la nécessité de l'obéissance aux lois, de la soumission des volontés individuelles à la volonté générale, laisse subsister dans toute leur étendue, et la souveraineté du peuple, et l'égalité entre les citoyens, et l'exercice de la liberté naturelle, tel est le problème que nous avions à résoudre [2]. »

Sont ensuite exposés, dans l'ordre[3] :

  • les justifications philosophiques de l'abolition de la monarchie ;
  • les motifs de prĂ©fĂ©rer l'unitĂ© et l'indivisibilitĂ© de la rĂ©publique Ă  l'instauration d'un ordre confĂ©dĂ©ral ou fĂ©dĂ©ral ;
  • une argumentation en faveur d'une constitution qui permet aux reprĂ©sentants Ă©lus de ne concevoir de lois que celles soumises 1) aux limites de la loi constitutionnelle qu'ils ne peuvent changer ; 2) Ă  la censure du peuple, qui demeure le seul dĂ©positaire de la souverainetĂ© ;
  • les assemblĂ©es primaires : leurs fonctions (Ă©lections, rĂ©clamations, censure des lois, approuver/rejeter la convocation d'une convention nationale, ou un projet de constitution, ou une proposition issue du corps lĂ©gislatif), leur relation avec l'assemblĂ©e de reprĂ©sentation nationale ;
  • les raisons de prĂ©fĂ©rer, pour la dĂ©lĂ©gation des pouvoirs du peuple, un principe d'action unique Ă  de multiples principes d'actions indĂ©pendants tenus en Ă©quilibre par leur concurrence ;
  • les raisons de prĂ©fĂ©rer une forme constitutionnelle unicamĂ©rale, les moyens de se prĂ©munir contre les dangers de lois adoptĂ©es prĂ©cipitamment ;
  • les raisons de prĂ©fĂ©rer un conseil exĂ©cutif peu nombreux Ă  un seul individu ; la composition, le renouvellement et le fonctionnement du conseil ; sa subordination au pouvoir lĂ©gislatif qui cependant ne peut en destituer les membres ;
  • l'indĂ©pendance du trĂ©sor public vis-Ă -vis le conseil exĂ©cutif ; les jurĂ©s des comptes ;
  • la division administrative du territoire en grandes communes ;
  • l'administration des dĂ©partements ; la subordination des administrateurs au conseil exĂ©cutif ; leur surveillance par le corps lĂ©gislatif ;
  • l'administration de la justice ; le jugement par jurĂ©s en matière civile, seulement après l'Ă©chec d'un arbitrage ;
  • l'institution d'un jury national pour juger les fonctionnaires dans les cas de dĂ©lits contre la libertĂ© du peuple ou la sĂ»retĂ© de l'État ;
  • la rĂ©vision des jugements, leur possible cassation attribuĂ©e Ă  des censeurs ;
  • l'abolition de la peine de mort pour les dĂ©lits particuliers ;
  • les mĂŞmes droits politiques Ă  tous les hommes de 21 ans, nĂ©s en France ou Ă©tablis en France depuis un an ; justifications philosophiques ; Ă©ligibilitĂ©s aux places pour tous les citoyens de 25 ans et plus ;
  • le mode Ă©lectoral inspirĂ© des travaux acadĂ©miques sur « les probabilitĂ©s des dĂ©cisions rendues Ă  la pluralitĂ© des voix » effectuĂ©s par Condorcet lui-mĂŞme[4]; Ă©lections Ă  deux scrutins, prĂ©fĂ©rentiels, Ă  date fixe, le premier pour former une liste de prĂ©sentation des candidats qui sont par la suite Ă©lus dĂ©finitivement au moyen du deuxième ;
  • les relations extĂ©rieures et la guerre ;
  • le renouvellement de la constitution via une convention nationale indĂ©pendante du corps lĂ©gislatif ;
  • conclusion philosophique sur les objectifs de la constitution ; rĂ©sumĂ© des principes et motifs des auteurs ;

La déclaration des droits

Le premier article déclare les droits naturels, civils et politiques des hommes qui sont la liberté, l'égalité, la sûreté, la propriété, la garantie sociale, et la résistance à l'oppression.

Les articles 2 à 9 traitent de la liberté et de l'égalité, apporte une définition à ces deux mots.

Les articles 10 à 22 traitent de la sûreté et de la propriété.

L'article 23 déclare un droit à l'instruction élémentaire.

L'article 24 traite des secours publics.

Les articles 25 Ă  30 traitent de la garantie sociale.

Les articles 31 et 32 traitent de la résistance à l'oppression.

L'article 33, le dernier, déclare le droit du peuple de revoir, de réformer et de changer sa constitution.

La constitution

Constitution de Condorcet de 1793

Le territoire

Le territoire de la République française conserve les 85 départements déjà existants. Les départements sont divisés en grandes communes, elles-mêmes subdivisées en sections municipales et assemblées primaires.

La citoyenneté

La qualité de citoyen est attribuée aux hommes de 21 ans et plus, au bout d'une année ininterrompue de résidence sur le sol français par suite de leur inscription au tableau civique d'une Assemblée primaire. Toutes les fonctions publiques sont ouvertes aux citoyens de 25 ans et plus.

En plus du droit de vote, les citoyens jouissent du droit de censure des actes émanant de leurs représentants et du droit de pétition.

L'administration

Chaque département est administré par un conseil administratif de 18 membres, dont quatre forment le directoire. Les communes sont dirigées par une administration de municipalité composée de 12 membres et d'un maire, qui préside l'administration. Les communes comprenant plus d'une section contiennent des agences subordonnées à la municipalité. La moitié des membres des corps administratifs des départements est renouvelé à tous les deux ans, trois mois après la date des élections législatives. Le mode des élections municipales n'est pas une loi constitutionnelle.

Le mode Ă©lectoral

Les citoyens exercent leur droit de vote dans des assemblées primaires comprenant entre 450 et 900 membres. Les assemblées primaires élisent un bureau responsable du registre des citoyens, de la convocation des assemblées primaires lorsque la constitution le prescrit et du dépouillement des bulletins de vote.

Les Ă©lections comportent deux scrutins :

  • un premier scrutin servant Ă  prĂ©parer la liste de prĂ©sentation des candidats;
  • un deuxième scrutin servant Ă  l'Ă©lection des candidats de la liste Ă©tablie par le premier scrutin.

Lors du premier scrutin, les électeurs reçoivent du bureau de registre un bulletin de vote identifié à leur nom. Ils y écrivent (ou font écrire pour les illettrés) autant de noms qu'il y a de postes à élire et déposent leur bulletin au bureau.

La liste de présentation est formée des noms qui ont reçu le plus de voix, en nombre triple des postes devant être renouvelés. Sont rajoutés un nombre égal de suppléants pris parmi ceux qui ont obtenu le plus de voix après les candidats. Les candidats et suppléants ont 15 jours pour se désister après quoi la liste, classée selon le nombre de suffrages et sans les suppléants restants, devient définitive.

Lors du second scrutin, les électeurs reçoivent un bulletin à deux colonnes, l'une nommée « Première Colonne d'élection », l'autre « Colonne supplémentaire », chacune étant divisée en autant de cases qu'il y a de personnes à élire.

Si un candidat reçoit la majorité des voix de la première colonne, il est immédiatement élu. Sinon, les voix des deux colonnes sont additionnées et ceux qui obtiennent la majorité de cette façon sont élus. Les autres sont élus à la pluralité des voix si les postes ne sont pas déjà tous comblés.

L'exécutif

L'exécutif est constitué d'un conseil de huit membres : sept ministres et un secrétaire. La législation, la guerre, les affaires étrangères, la marine et les contributions publiques ont chacun leur propre ministre. Un sixième ministre est responsable de l'agriculture, du commerce et des manufactures et un septième des secours, des travaux, des établissements publics et des arts. La présidence du conseil passe d'un ministre à l'autre tous les quinze jours.

Le conseil est renouvelé par moitié tous les ans et ses membres sont élus pour deux ans. Chaque membre du conseil est élu par un scrutin séparé.

Le corps législatif peut mettre en jugement les membres du conseil.

Trois commissaires à la trésorie nationale sont élus pour trois ans suivant le mode d'élection du conseil exécutif.

Le législatif

Le corps législatif est constitué d'une seule chambre, l'assemblée législative nationale. Il est renouvelé au cours d'élections tenues le premier dimanche du mois de mai de chaque année. Il y a un député par cinquante mille âmes et des suppléants en nombre égal des députés. Les députés qui n'ont pas siégé au bout d'un mois sont remplacés par un suppléant. Les députés exercent les fonctions de président et secrétaires de l'assemblée législative pour un mois au plus.

La loi constitutionnelle précise, à l'aide de plusieurs exemples, la distinction entre les actes législatifs qui sont des lois et ceux qui sont des décrets et décrit en détail le processus de formation de la loi.

Un bureau de 13 députés est formé tous les mois pour faire rapport sur tous les projets de loi ou de décret. Les membres du bureau ne peuvent être élus qu'une seule fois au cours de la même législature.

Le judiciaire

La justice civile et la justice criminelle sont réunies dans un code de loi uniforme pour l'ensemble de la république.

Il y a au moins un juge de paix par commune, élu pour un an et rendant justice sans frais par conciliation des parties. Dans chaque département il y a un jury civil composé d'un directeur, d'un rapporteur public, d'un commissaire national, et de jurés. Le tableau des jurés civils d'un département est constitué deux fois l'an par l'élection d'un juré sur 100 citoyens inscrits sur les tableaux civiques des assemblées primaires.

En matière criminelle, la peine de mort est abolie pour les délits privés. Tous les citoyens ont le droit d'être jugés par un tribunal composé de jurés. Les accusés passent devant un premier jury responsable de déclarer s'il y a matière à procès et si c'est le cas un deuxième jury composé d'au moins 12 jurés déclarera sur le fait.

Des censeurs judiciaires sont élus tous les deux ans et sont chargés de casser les jugements fait en contravention de la loi.

Un jury national prononce sur les crimes de haute trahison déterminés par le code pénal.

Le militaire

Les citoyens en état de porter les armes constituent la force publique de la République. Le conseil exécutif nomme les généraux via commission, le temps d'une campagne et en cas de guerre seulement. Les citoyens des communes nomment les commandants de la garde nationale.

La convention

La constitution est modifiée par la convention nationale, convoquée par le corps législatif à tous les vingt ans. La convention peut aussi être proposée par tout citoyen ou le corps législatif si la majorité des citoyens le juge nécessaire et l'approuve par un vote en assemblée primaire. Les membres de la législature ne peuvent être élus à la convention et celle-ci ne peut siéger plus d'un an. Le projet de constitution doit être accepté par le peuple.

Les contributions

Le peuple par lui-même ou par ses représentants consent aux contributions publiques, qui sont délibérées annuellement par le corps législatif et ne peuvent subsister au-delà d'une année sans renouvellement expresse. La part du produit de l'industrie ou du travail dont chaque citoyen a besoin pour subsister n'est pas imposable. Les départements et communes ne peuvent établir de contributions publiques particulières que sur autorisation du corps législatif. Les comptes des dépenses sont rendus publics.

Les relations extérieures

La République française ne fait la guerre par les armes que « pour le maintien de sa liberté, la conservation de son territoire et la défense de ses alliés ». La guerre ne peut être décrétée que par le corps législatif, au moyen d'un scrutin signé, dont le moment a été fixé trois jours à l'avance et après « avoir entendu le Conseil exécutif sur l'état de la République ».

Notes et références

  1. Convention nationale (comité de constitution), « Plan de Constitution présenté à la Convention nationale les 15 et 16 février 1793, l'an II de la République (Constitution girondine) », dans la Digithèque de matériaux juridiques et politiques de Jean-Pierre Maury, consulté le 16 septembre 2008
  2. Nicolas de Caritat, Marquis de Condorcet, « Exposition des principes et des motifs du plan de constitution » dans Œuvres de Condorcet, 1847, tome 12, p. 335
  3. Nicolas de Caritat, Marquis de Condorcet, « Exposition des principes et des motifs du plan de constitution » dans Œuvres de Condorcet, 1847, tome 12, pp. 335-415
  4. Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix (en ligne) ; voir dans Wikipédia : Méthode Condorcet et Paradoxe de Condorcet

Sources primaires

Bibliographie

  • Élisabeth Badinter et Robert Badinter, Condorcet (1743-1794). Un intellectuel en politique, Paris, Fayard, 1988, 658 p. (ISBN 2213018731)
  • Jean-François DominĂ©, « Saint-Just, Vergniaud et le projet de Constitution de Condorcet : une approche rhĂ©torique », dans Jean-Paul Bertaud, Françoise Brunel, Catherine Duprat...[et al.] (dir.), MĂ©langes Michel Vovelle : sur la RĂ©volution, approches plurielles / volume de l'Institut d'histoire de la RĂ©volution française, Paris, SociĂ©tĂ© des Études Robespierristes, coll. « Bibliothèque d'histoire rĂ©volutionnaire. Nouvelle sĂ©rie » (no 2), , XXVI-598 p. (ISBN 2-908327-39-2), p. 227-232.
  • Michel PertuĂ©, « Les projets constitutionnels de 1793 », dans Michel Vovelle (dir.), RĂ©volution et RĂ©publique : l'exception française, Paris, KimĂ©, , 699 p. (ISBN 2-908212-70-6), p. 174-199.
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