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Processus d'apprentissage des adultes

Le processus d'apprentissage[1] est le mode de fonctionnement de l'appareil psychique[2] à l'Ɠuvre lorsque l'individu acquiert une connaissance.

On distingue diffĂ©rents types de processus d'apprentissage, tous actifs et surtout Ă  tout Ăąge, mĂȘme pour l'adulte ĂągĂ©, qui dĂ©veloppe un processus d'apprentissage quelque peu diffĂ©rent, de par ses motivations premiĂšres. Les conditions dans lesquelles ils vont se dĂ©velopper, leurs sources, mais Ă©galement leurs points d'applications, peuvent toutefois ĂȘtre spĂ©cifiques Ă  l'adulte.

Les différents processus d'apprentissage

Processus individuels d'apprentissage, le rapport au savoir

Les processus d'apprentissage

C’est le behaviorisme qui impose le terme « apprentissage », alors que les biologistes lui prĂ©fĂšrent le terme « mĂ©moire biologique »[3].

Pour Alain Lieury, le terme « apprentissage » est plutĂŽt employĂ© pour dĂ©signer la modification systĂ©matique du comportement en fonction de l’entrainement tandis que le terme « mĂ©moire » dĂ©signe l’ensemble des structures qui permettent ces modifications[4].

Le concept de rapport au savoir a Ă©tĂ©, lui, dĂ©veloppĂ© par Jacky Beillerot[5] et par Bernard Charlot[6] dans deux champs thĂ©oriques. Pour le premier, dans le champ de la recherche clinique et reprenant la pensĂ©e de Freud pour qui « apprendre c'est investir un dĂ©sir dans un objet de savoir » le rapport au savoir est liĂ© au dĂ©sir de savoir. C'est un processus qui permet Ă  un individu, Ă  partir de connaissances acquises, de crĂ©er de nouveaux savoirs tout au long de sa vie. C'est aussi une relation singuliĂšre au monde physique et social permettant d'acquĂ©rir ces savoirs. Pour Bernard Charlot, sociologue, le rapport au savoir repose sur trois fondements complĂ©mentaires. Pour lui, « apprendre c'est Ă©tablir un rapport au monde, un rapport Ă  soi-mĂȘme et aux autres ».

Ainsi, une formation obligatoire ou choisie ne peut ĂȘtre apprenante que si on s'interroge sur la dynamique individuelle de l'acte d'apprendre.

Si beaucoup d'auteurs lient essentiellement le rapport au savoir des adultes à leur motivation (liée à des facteurs intrinsÚques et extrinsÚques essentiellement), Philippe Carré, avec le concept d'« apprenance »[7], définit de maniÚre plus globale ce qui pousse les adultes à se former.

Il s'agit d'un « ensemble durable de dispositions favorables Ă  l’action d’apprendre dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expĂ©rientielle ou didactique, auto-dirigĂ©e ou non, intentionnelle ou fortuite[8] ». Pour l'auteur, il faut vouloir, pouvoir et savoir apprendre. Il ordonne ainsi ces dispositions sur trois fondements : le cognitif, l’affectif, et le conatif (les motivations Ă  l’apprentissage).

Un processus d'apprentissage individuel : Jean Piaget et les schĂšmes

Notion issue de Piaget, le schÚme « est la structure ou l'organisation des actions telles qu'elles se transfÚrent ou se généralisent lors de la répétition de cette action en des circonstances semblables ou analogues » (La psychologie de l'enfant).

Une autre définition simple mais aussi simpliste serait de dire que le schÚme est « un canevas des actions repérables ». Cependant, le schÚme est davantage qu'une structure. Si l'on prend le schÚme de la succion chez le jeune enfant, il comprend des savoirs, des savoir-faire, une dimension motivationnelle, affective et cognitive. Le schÚme est le résultat d'une représentation combinée à une action, il n'est pas perceptible et sa prise de conscience se fait par la répétition.

Lors du processus d'apprentissage, les schÚmes innés combinés à des expérimentations, des actions, peuvent évoluer sans limite d'ùge. Cette évolution se fait par deux biais :

  1. l'assimilation : nuancer un schÚme déjà présent, lui rajouter des exemples sans le modifier.
  2. l’accommodation : transformer ou changer un schĂšme existant. Le changement se fait par l'expĂ©rience au niveau du schĂšme existant (transformation avec une nouvelle donnĂ©e, crĂ©ation de liens avec les anciens schĂšmes, apparition d'un nouveau schĂšme).

Les styles d'apprentissage

La thĂ©orie de l’apprentissage expĂ©rientiel, de David Kolb (1984) fait une synthĂšse entre la philosophie de l’éducation de John Dewey et l’épistĂ©mologie gĂ©nĂ©tique de Piaget.

Il y définit différents styles d'apprentissage. Ces styles correspondent aux préférences personnelles de l'individu concernant son apprentissage. Il existe aujourd'hui de multiples classifications de ces styles.

Toutefois, les recherches scientifiques n'ont pu prouver qu'on apprenait mieux dans son « style d'apprentissage Â» prĂ©fĂ©rĂ©. Fonder sa pĂ©dagogie sur ces paramĂštres serait donc totalement stĂ©rile.

Donald Schön et le praticien réflexif

En 1983, Donad Schön publie The réflective practitioner : ce « tournant réflexif...est une sorte de révolution » (Schön, 1996).

S'ouvre alors une brÚche épistémologique dans la façon de concevoir le fonctionnement du professionnel et de sa formation[9] :

Le professionnel est considéré comme « un praticien réflexif », capable de « délibérer sur sa propre pratique, de l'objectiver, de la partager, de l'améliorer et d'introduire des innovations susceptibles d'accroßtre son efficacité[9] ».

DÚs lors, il développe des compétences relevant de deux modes, deux temps articulés :

  1. La réflexion dans l'action (ou en cours d'action).
  2. La réflexion sur l'action (menée a posteriori sur sa propre action).

On retrouve ici, la pensĂ©e chĂšre Ă  Piaget de « la pensĂ©e de la pensĂ©e »[10]. Perrenoud prĂ©cise que cette rĂ©flexion conjointe est une activitĂ© de haut niveau, ce n'est pas une discipline spĂ©cifique, « elle n’est pas de l’ordre du savoir mais du rapport au savoir, du regard sur l’action, de la posture critique de la compĂ©tence[10] ».

Le dĂ©veloppement de compĂ©tences mĂ©ta-cognitives doit donc faire partie intĂ©grante des apprentissages des adultes. Les dispositifs de formation doivent ĂȘtre repensĂ©s en ce sens.

Processus collectifs d'apprentissage

Pierre LĂ©vy, auteur de l'Intelligence collective - Pour une anthropologie du cyberespace, qualifie l'intelligence collective d'« intelligence partout distribuĂ©e, sans cesse valorisĂ©e, coordonnĂ©e en temps rĂ©el, qui aboutit Ă  une mobilisation effective des compĂ©tences »[11], les processus collectifs d'apprentissage, constitution d'une communautĂ© d’apprentissage afin d'augmenter le savoir collectif par l'implication de chaque participant, participent Ă©galement au dĂ©veloppement du savoir individuel.

Outre la différence entre le collaboratif et le coopératif qui impacte le niveau d'entraide, la nature collective du processus rend possible, par la prévalence de l'ensemble sur l'individuel, l'émergence du sentiment de confiance et de la dynamique de groupe.

Le socio-constructivisme

Les notions et travaux ici abordĂ©s ont fait sujets d'expĂ©riences chez les enfants, mais peuvent ĂȘtre Ă©tendus au processus d'apprentissage des adultes.

Notion issue de Lev Vygotski, qui reprend celle du constructivisme dĂ©veloppĂ©e par Piaget en incluant l'influence de l'environnement dans la construction des savoirs. La connaissance est une construction qui ne dĂ©pend plus uniquement de l'apprenant (Piaget et les notions d'assimilation - accommodation) mais incluant une dimension sociale et environnementale. Pour Piaget, le dĂ©veloppement et la maturation Ă©taient la condition nĂ©cessaire Ă  tout apprentissage, Vygotsky considĂšre le dĂ©veloppement comme une consĂ©quence des apprentissages. Les situations sociales permettent Ă  tout individu de construire son appareil psychique et la part donnĂ©e aux interactions est Ă©vidente[12]. L'apprenant est actif au sens oĂč il fait appel aux autres (apprenant, ressources, formateurs) pour construire ses connaissances et ses compĂ©tences. Ainsi l'individu apprend et l'enseignant devient une ressource.

Vygotski développe sa thÚse avec la notion de ZDP (Zone Proximale de Développement): « La distance entre ce que l'enfant peut effectuer seul et ce qu'ils sont capables de faire avec l'aide d'une personne extérieure est appelée la ZDP et constitue l'espace dans lequel doit s'effectuer la ZDP ». Il s'agit ainsi de l'espace se trouvant entre un niveau inférieur, c'est-à-dire celui que l'enfant résout seul et un niveau supérieur, celui des problÚmes qu'il peut résoudre avec l'aide d'un adulte. L'enseignant ou le formateur doit alors proposer aux élÚves ou apprenants des tùches se situant au-delà de son développement actuel[13].

Dans la continuité des travaux de Vygotsky, on trouve JérÎme Bruner pour qui « apprendre est un processus interactif dans lequel les gens apprennent les uns des autres ». Il emploie la notion d'étayage en ce qui concerne l'enseignant qui devient une ressource pour l'apprenant. D'aprÚs JérÎme Bruner il est indispensable pour le maitre, et par extension le formateur d'agir en tant que médiateur des échanges.

Le concept d'étayage est lié à la notion de ZPD de Vygotsky. Si un élÚve ne peut réaliser une tùche seul, l'adulte en prend la charge. Les six fonctions de l'étayage sont selon JérÎme Bruner l'enrÎlement, la réduction des degrés de liberté, le maintien de l'orientation, la signalisation des caractéristiques déterminantes, le contrÎle de la frustration et la démonstration[14].

Dans le courant socio-constructiviste on retrouve la notion de conflit socio-cognitif. Willem Doise et Gabriel Mugny, deux psychologues et enseignants universitaires ayant travaillé sur le conflit socio-cognitif, notion issu des travaux de Vygotsky, le définissent en 1997 comme étant la " confrontation entre des avis divergents qui est constructive dans l'interaction sociale"[15]. Le conflit socio-cognitif favorise ainsi une décentration du sujet par rapport à son propre point de vue initial. C'est par conséquent l'interaction avec autrui qui argumente son point de vue que le sujet se rend compte qu'il existe des réponses différentes des siennes. Le sujet est ainsi moins facilement enclin à esquiver les éléments incompatibles avec son point de vue initial.

Cette situation de conflit socio-cognitif permet d'apporter davantage d'information et permet de ce fait au sujet de "s'engager dans un travail cognitif interne de recomposition de son point de vue initial. Il est donc davantage en mesure d'assumer le conflit socio-cognitif "[15].

  • Avantages du socio-constructivisme : participation de l'apprenant, dĂ©couverte progressive du savoir, respect des rythmes et des stratĂ©gies d'apprentissage, dĂ©veloppement de l'autonomie de l'apprenant, retour mĂ©ta-cognitif.
  • InconvĂ©nients du socio-constructivisme : gestion des groupes, mise en place de la coproduction des acteurs.

Autorégulation des apprentissages chez l'adulte

Cognitives

Les stratégies cognitives sont des connaissances qui permettent le traitement, la mise en relation et l'intégration en mémoire des informations. (exemple : recherche documentaire, utilisation de mots-clés, prise de notes, élaboration de fiches documentaires et bibliographiques, techniques de résumé...).

  • StratĂ©gies cognitives de RĂ©pĂ©tition : tĂąches basiques (apprendre mot Ă  mot, table de multiplication) ou tĂąches complexes : encadrement soulignement recopier mot Ă  mot.
  • StratĂ©gies cognitives d’Élaboration : tĂąches basiques : former une image mentale, former des paires de mots) fondĂ©es sur l’ajout d’informations nouvelles Ă  la matiĂšre en vue de mieux la comprendre et la retenir ou tĂąches complexes : rĂ©sumer, paraphraser.
  • StratĂ©gies cognitives d’Organisation: organisation de la matiĂšre Ă  apprendre afin de la comprendre ou de la retenir (Ă©tablir des liens entre toutes les informations afin d'en dĂ©gager la structure en donner un sens : crĂ©er un schĂ©ma, identifier des mots clĂ©s..).

MĂ©tacognitives : la connaissance sur la connaissance

La métacognition est l'observation et le contrÎle (ou l'auto-régulation) de ses propres processus de pensée (la cognition): la capacité par exemple à s'évaluer.

  • Connaissances de soi et des autres. Soi : de ses propres forces et faiblesses, de ses prĂ©fĂ©rences.
  • Connaissances des stratĂ©gies connaissances des stratĂ©gies pour traiter les informations, connaissances de l’efficacitĂ© des stratĂ©gies, connaissances de l’applicabilitĂ© des stratĂ©gies (entourer les mots clĂ©s, dessiner un schĂ©ma, noter les informations...).
  • Connaissances des tĂąches connaissances relatives Ă  la nature des informations et Ă  la façon dont celles-ci devront ĂȘtre traitĂ©es.

Estime de soi

DĂ©finitions

Dans le langage populaire, l’estime de soi est un regard positif ou nĂ©gatif sur nous-mĂȘme. Carl Rogers dans son explication fait rĂ©fĂ©rence « au degrĂ© selon lequel un individu s’aime, se valorise et s'accepte lui-mĂȘme ».

William James, pĂšre fondateur de l’approche intrapersonnelle (1890), fait Ă©tat d’un Ă©cart ou d’un dĂ©calage entre le soi rĂ©el perçu et un Ă©tat du soi idĂ©al. Il veut dire que notre estime dĂ©pend de ce que nous sommes et de ce que nous pensons ĂȘtre.

Rogers fait Ă©tat de deux situations possibles qui rĂ©gissent la relation entre le soi (rĂ©alisations) et l'idĂ©al du soi (aspirations). D’une part, la relation de congruence qui fait Ă©tat de la parfaite cohĂ©sion entre les deux et, d’autre part, la relation d’incongruence qui montre la discrĂ©pance entre les deux. Il s’agit alors pour Rogers d’ĂȘtre en phase, ou pas, avec son idĂ©al.

Il y a donc un effet de mouvements qui s'opĂšrent rendant ainsi Ă  l’estime de soi un caractĂšre non figĂ© dans le temps et dans l’espace et que l’individu est amenĂ© perpĂ©tuellement Ă  redĂ©finir.

Pour aller dans le mĂȘme sens, Campbell s’accorde avec lui lorsqu'il dit que : « L’estime de soi peut ĂȘtre dĂ©finie comme le degrĂ© de correspondance entre l’idĂ©al de l’individu et le concept actuel de lui-mĂȘme »

Composantes de l'estime de soi

D’aprùs Germain Duclos, on distingue quatre composantes de l'estime de soi :

  1. Le sentiment de sécurité
  2. Le sentiment d’identitĂ© (connaissance de soi)
  3. Le sentiment d’appartenance
  4. Le sentiment de compétence

Estime de soi : Haute ou basse

S'interroger sur l’estime de soi revient Ă  se questionner sur l’image que nous avons de notre propre personne. Cette image est le produit d’une auto Ă©valuation. Dans la mesure oĂč on fait appel Ă  un jugement de nous-mĂȘme, ceci implique une apprĂ©ciation positive ou nĂ©gative.

Si pour un individu il y a discrĂ©pance entre le soi et l’idĂ©al du soi, il est en situation de basse estime ou d’estime nĂ©gative. A contrario, une haute estime ou une estime positive sera observĂ©e sur un individu dont les rĂ©alisations sont en phase avec les aspirations.

Il est alors important de souligner que l’individu construit son image en tenant compte du regard que lui renvoie autrui. C’est la thĂ©orie du « Looking Glass Self Â» dont prĂŽne Charles Colley. Il montre que l’estime de soi d’une personne augmente si autrui a un regard positif sur lui et, inversement, elle diminue si le regard de l’autre est nĂ©gatif.

L’estime de soi dans le processus d'apprentissage des adultes

Lorsqu'on s’intĂ©resse au processus d’apprentissage des adultes, tout professionnel a Ă  l’idĂ©e une question : Comment permettre ou encore comment faciliter le processus d’apprentissage des adultes ?

La complexitĂ© de cette question multidimensionnelle va nous intĂ©resser sous l’angle de la dynamique identitaire de l'adulte selon Pierre Tap.

La spĂ©cificitĂ© de l’andragogie est de se centrer sur la dimension conative (se rapportant Ă  la volontĂ©, l’effort) et psycho-affective de l’individu. Ces deux dimensions Ă©tant directement liĂ©es Ă  l’estime de soi.

Comme il a Ă©tĂ© dit plus haut, l’individu, Ă  partir du regard d’autrui sur lui, va se faire une image de lui-mĂȘme. Le feedback du formateur sera en quelque sorte ce regard extĂ©rieur, que l’apprenant va intĂ©grer Ă  ses rĂ©alisations et Ă  ses aspirations pour se fixer une image de lui.

Pierre Tap explique que la dynamique identitaire de l’adulte n’est pas cristallisĂ©e, et est en Ă©volution ou en baisse permanente en fonction de ses perceptions. Celles-ci sont fonction de la dynamique entre sa vie professionnelle, mais aussi privĂ©e et sociale.

Les adultes ont aussi peur de se tromper et d’ĂȘtre mal Ă©valuĂ©s. Dans le cadre de l’exercice de la pĂ©dagogie active, l’implication des apprenants sera d’autant plus totale dans la mesure oĂč ils seront volontaires, motivĂ©s et auront des feedbacks explicites (notes, commentaires) ou implicites (attention, regroupement) positifs sur eux.

Le processus d'apprentissage des adultes nĂ©cessite alors, de la part de l'adulte, la mobilisation d’un certain nombre de ressources, qui vont lui permettre de progresser et donc de rĂ©ussir. Certaines sont directement liĂ©es Ă  l’estime de soi.

Une bonne estime de soi va permettre Ă  l’adulte de se motiver et d’ĂȘtre trĂšs engagĂ© dans son processus d’apprentissage. Cet engagement se poursuivra par le sentiment d'efficacitĂ©, une sorte de fiertĂ©. Le formateur va alors chercher Ă  maintenir cette situation en lui renvoyant une image positive de lui-mĂȘme.

En revanche, face Ă  un adulte qui n’a pas de bonnes perceptions de lui, le formateur bienveillant devra Ă  travers des feedbacks positifs ainsi qu'Ă  travers le processus d'identisation lui redonner la confiance et la concentration nĂ©cessaire afin qu'il puisse remettre en cohĂ©sion ses rĂ©alisations et ses aspirations. Tap le rĂ©sume bien en disant ceci : « Nous trouvons ainsi l’identisation, comme provocation au changement, individuel et collectif ».

Le cas extrĂȘme d’un adulte en surestime de lui est autant prĂ©occupant, qu’il revient alors au formateur de l’alerter sur des choses qu'il ne connaĂźt pas afin de lui Ă©viter l’échec.

On voit bien que l’estime de soi est vecteur de motivation, d’engagement et de persĂ©vĂ©rance dans l’activitĂ©, mais aussi qu'elle est rattachĂ©e aux feedbacks du formateur, sans oublier ceux des pairs.

On constate alors que l’apprentissage d’un adulte est difficile sans l’estime de soi. En revanche, le schĂ©ma inverse est possible, car l'apprentissage peut permettre de la revaloriser.

D’oĂč la lourde tĂąche qui incombe au formateur d’adopter une posture positive et bienveillante envers ses apprenants. Il doit les accepter, faire preuve d’empathie, les estimer, valoriser leurs identitĂ©s (statut professionnel par exemple) afin qu’ils puissent Ă  leur tour se faire une image positive d’eux-mĂȘmes et ĂȘtre davantage congruents Ă  leurs aspirations.

L’estime de soi et l'auto-efficacitĂ© : deux notions connexes

L’estime de soi et l’auto efficacitĂ© sont des notions connexes et non pas identiques. Comme le souligne Albert Bandura, l’estime de soi repose principalement sur m’apprentissage de l’individu. Elle est donc antĂ©rieure Ă  l’auto-efficacitĂ© qui manifeste la rĂ©alisation de cet apprentissage.

La dĂ©finition de l'auto-efficacitĂ© d'Albert Bandura est la croyance qu'a une personne en son aptitude, en l'accomplissement d'une tĂąche future, ou Ă  rĂ©soudre un problĂšme futur. Or une forte estime de soi entraĂźne la motivation et l’engagement dans l’apprentissage, qui va dĂ©clencher par la suite le sentiment d'efficacitĂ© chez l’individu. Une sorte de fiertĂ© qui n’a rien Ă  voir avec le concept d’auto efficacitĂ© que dĂ©crit Bandura. Le rĂŽle du formateur sera de servir de rĂ©fĂ©rent Ă  l’adulte par le regard. De la sorte, l’adulte pourra plus facilement se faire une image de lui-mĂȘme correspondant Ă  la rĂ©alitĂ©. C’est ce processus qui lui permettra d’avoir une forte estime de soi.

Ce n’est pas le sentiment de fiertĂ© qui est acquis par la forte estime de soi qui permet d’aboutir au succĂšs de l’apprentissage. C’est surtout la croyance en son auto-efficacitĂ© qui peut le faire. C’est en ce sens que le formateur est censĂ© diriger l’apprentissage afin que l’apprenant parvienne lui-mĂȘme Ă  prendre conscience et Ă  dĂ©velopper son auto-efficacitĂ©.

En outre, l’apprenant a nĂ©cessairement besoin d’auto-efficacitĂ© pour parvenir Ă  appliquer par lui-mĂȘme les leçons acquises de son apprentissage. Cela lui donne ainsi plus de chances d’aboutir Ă  la rĂ©ussite et au succĂšs de son apprentissage. La ressource principale du formateur pour faciliter le processus d’apprentissage des adultes est avant tout la bienveillance. C’est grĂące Ă  des retours positifs en l’occurrence que le formateur pourra faciliter l’apprentissage des adultes ayant peu d’estime de soi.

La bienveillance peut ĂȘtre un prĂ©ambule normal pour amĂ©liorer les apprentissages. Elle vise aussi Ă  considĂ©rer qu’il y a des opportunitĂ©s d’apprentissage malgrĂ© les possibilitĂ©s d’échecs. L’auto efficacitĂ© est un facteur qui peut permettre de rebondir. DĂšs lors, ceux qui disposent d’un plus grand niveau d’auto efficacitĂ© sauront mieux gĂ©rer un Ă©ventuel Ă©chec. La bienveillance, en termes d’auto efficacitĂ© ou d’auto rĂ©gulation des apprentissages, sera un canal pour faciliter le processus d’apprentissage de l’apprenant.

Par ailleurs, l’agentivitĂ© en tant que phĂ©nomĂšne sociologique, collectif, culturel, psychologique et individuel, consiste Ă  tenter de s’influencer soi-mĂȘme, les autres et son environnement. Tout ceci dans le but d’atteindre ses objectifs, dans le sens de la prĂ©servation de soi ou du collectif. L’enjeu de l’apprentissage des adultes repose non seulement sur le dĂ©veloppement personnel, mais aussi sur le partage des connaissances acquises. Tout ce processus d’influence, qui vise Ă  obtenir un certain nombre de bĂ©nĂ©fices et d’avantages, reposera sur l’agentivitĂ© qui s’exerce avec un fort niveau d’auto efficacitĂ©.

L’estime de soi ne garantit pas forcement la capacitĂ© d’agir. En revanche, on peut envisager que si la haute estime de soi exige d’un individu une parfaite cohĂ©sion entre ses rĂ©alisations et ses aspirations, elle pourrait lui permettre d'augmenter ses succĂšs et, par ricochet, de prĂ©tendre Ă  l’auto efficacitĂ©. Une question reste en suspens : Le succĂšs est-il une rĂ©ponse Ă  l’auto efficacitĂ© ? En tout Ă©tat de cause, elle demeure indispensable et il faut surtout l’intĂ©grer dans ledit processus pour augmenter les chances de succĂšs.

Apprentissage par l'activité

Selon l'approche constructiviste, nous apprenons des situations lorsque nous sommes confrontés à un problÚme. Nous construisons alors notre savoir par l'expérimentation et l'analyse conceptuelle, en élaborant des schÚmes, qui structurent en partie notre représentation du monde[16].

On peut donc considérer que l'activité est à la fois productive (elle permet d'agir sur le réel par l'action) et constructive car elle induit l'apprentissage et le développement des personnes (Samurçay et Rabardel, 2004).

SchĂšmes

Selon Vergnaud, « le schĂšme est une forme invariante d’organisation de l’activitĂ© et de la conduite pour une classe de situations dĂ©terminĂ©e ». Il « permet une certaine simulation du rĂ©el et donc l'anticipation »[17].

Les schÚmes peuvent concerner des choses trÚs précises ou au contraire trÚs vastes. Par exemple, un schÚme relatif au saut à la perche correspond à l'ensemble des rÚgles qui ne varient pas d'un saut à la perche à l'autre.

Les schĂšmes organisent « l'action, la conduite et plus gĂ©nĂ©ralement l'activitĂ©, tout en Ă©tant [eux-mĂȘmes] le produit de l'action et de l'activitĂ© »[17], car ils se construisent par l'activitĂ©, ce que Vergnaud et Piaget appellent la conceptualisation dans l'action.

Conceptualisation dans l'action

Selon cette thĂ©orie, reprise par PastrĂ©, l'apprentissage par l'activitĂ© peut ĂȘtre dĂ©crit comme suit :

  • Être face Ă  une situation : nous arrivons devant une situation ou un problĂšme avec notre vĂ©cu, nos schĂšmes.
  • Diagnostic : nous devons alors rĂ©cupĂ©rer dans cette situation les informations pertinentes selon notre expĂ©riences et/ou Ă  partir d'un raisonnement conceptuel pour dĂ©terminer dans quelle classe d'action (quel schĂšme) nous sommes
  • Action : nous mobilisons Ă  partir de lĂ  un « modĂšle opĂ©ratif provisoire » Ă  partir donc de nos schĂšmes: nous dĂ©terminons la conduite Ă  tenir.
  • RĂ©ponse de la situation: nous constatons les consĂ©quences de ces actions et nous analysons la rĂ©ponse : soit elle correspond au « modĂšle opĂ©ratif » que nous avions mobilisĂ© soit elle n'y correspond pas.
  • Analyse et adaptation: si la rĂ©ponse ne correspond pas Ă  notre modĂšle opĂ©ratif, nous pouvons soit procĂ©der empiriquement et tester une nouvelle action soit passer Ă  un raisonnement conceptuel : notre schĂšme est dĂ©sĂ©quilibrĂ© et nous devons alors y intĂ©grer les Ă©lĂ©ments de la situation, avant de procĂ©der Ă  une nouvelle action.
  • GĂ©nĂ©ralisation: « la derniĂšre Ă©tape consiste Ă  chercher Ă  gĂ©nĂ©raliser le rĂ©sultat obtenu »[18] et donc Ă  modifier notre schĂšme

Finalement, les schĂšmes mĂȘlent la forme prĂ©dicative et la forme opĂ©ratoire de la connaissance : la premiĂšre, plus thĂ©orique, concerne les propriĂ©tĂ©s et les liens entre les objets; la seconde permet d'agir en situation et comprend notamment une part d'expĂ©rience.

Le cas de la didactique professionnelle

Dans le domaine de la formation des adultes, l'apprentissage par l'activité se place dans le champ de la didactique professionnelle.

Selon Pastré, analyser l'activité en didactique professionnelle « répond à un double objectif : construire des contenus de formation correspondant à la situation professionnelle de référence ; mais aussi utiliser les supports du travail comme des supports pour la formation des compétences »[19].

Dans le champ la formation professionnelle (mais aussi de l'ergonomie et des ressources humaines), on définit la notion d'activité en opposition à la tùche prescrite (Leplat, 1996): à savoir que l'activité est la tùche prescrite (l'ensemble des gestes, éléments qui permettent d'accomplir ladite tùche) enrichie par l'expérience, les éléments de contexte qui ont adapté l'organisation de l'action, par le phénomÚne d'apprentissage exposé plus haut.

L'apprentissage réflexif, les pÚres fondateurs

Dans ce XXe siÚcle qui aura précédé l'émergence du concept, trois penseurs de l'éducation, influents dans leur domaine de recherche et leur champ d'activités, placent l'expérience au centre de leur pensée éducative, mais sans aller toutefois jusqu'à sceller expressément les deux termes d'experience et de learning.

L'importance de leurs travaux apportera une légitimité aux nombreux écrits qui suivront.

Lindeman et le changement social

Les écrits de Lindeman jettent les bases d'une réflexion philosophique qui se poursuit tout au long du XXe siÚcle; son ouvrage le plus célÚbre, The meaning of adult education (1926), est considéré comme la plus importante contribution dans le champ de l'éducation des adultes (Brookfield, 1984). Mais Lindeman s'en tient aux principes généraux d'une méthode expérimentale visant la découverte et la compréhension du monde. Loin des théories pourtant, sa préoccupation majeure reste centrée sur l'éducateur d'adultes pour qui il est important de présenter ces nouveaux thÚmes en termes d'implication pour sa pratique sociale.

Plus globalement, il propose à la réflexion quatre hypothÚses de recherche, qui constituent aujourd'hui des fondements théoriques de l'apprentissage des adultes :

  • l'Ă©ducation est la vie mĂȘme, non une simple prĂ©paration Ă  une quelconque vie future: l'Ă©ducation Ă©tablit des liens avec la vie ;
  • l'Ă©ducation des adultes ne cherche pas Ă  rejoindre des idĂ©aux professionnels: elle est conçue autour des besoins et des centres d'intĂ©rĂȘt de l'apprenant ;
  • l'Ă©ducation des adultes emprunte le chemin des situations rĂ©elles, vĂ©cues et non celles des matiĂšres acadĂ©miques: elle est centrĂ©e sur une pratique et non sur une thĂ©orie ;
  • la meilleure ressource en Ă©ducation des adultes est l'expĂ©rience de l'apprenant: elle est l'Ă©lĂ©ment clĂ©, «le manuel vivant de l'apprenant adulte» (Lindeman, 1926, p. 4-7).

Pour Lindeman, c'est la vie elle-mĂȘme qui est Ă©ducatrice et l'expĂ©rience source premiĂšre de tout apprentissage mais pour Dewey, l'expĂ©rience doit ĂȘtre intĂ©grĂ©e au processus d'apprentissage Ă  l'Ă©cole et toutes les mĂ©thodologies de l'Ă©ducation nouvelle doivent tendre vers cette direction.

L'une s'oriente vers la construction de savoirs et l'autre cherche davantage son chemin vers la construction de sens.

Ces deux directions sont cependant imprégnées l'une de l'autre.

Apprendre via son environnement

L'autoformation

Une des caractéristiques de l'apprentissage des adultes est la capacité à s'autoformer.

Selon Joffre Dumazedier, « L'autoformation apparaĂźt ainsi comme un mode d'auto-dĂ©veloppement des connaissances et des compĂ©tences par le sujet social lui-mĂȘme, selon son rythme, avec l'aide de ressources Ă©ducatives et de mĂ©diation sociale les plus choisies possibles »[20].

Philippe CarrĂ©, quant Ă  lui, dĂ©finit l'autoformation par le fait d'apprendre par soi-mĂȘme de maniĂšre autonome. Pour cela, il dĂ©finit une galaxie de l'autoformation reposant sur cinq approches diffĂ©rentes.

  • L'autoformation existentielle (apprendre Ă  ĂȘtre).
  • L'autoformation Ă©ducative (dans le cadre d'institutions Ă©ducatives, pratiques pĂ©dagogiques ayant pour but de dĂ©velopper des apprentissages autonomes).
  • L'autoformation sociale (apprentissage rĂ©alisĂ© par l'intermĂ©diaire du groupe social)
  • L'autoformation cognitive (apprendre Ă  apprendre).
  • Et enfin, l'autoformation intĂ©grale ou autodidaxie qui est le fait pour un individu d'ĂȘtre complĂštement autonome dans son rapport au savoir (fixation d'objectifs, recherche d'information, construction de ses mĂ©thodes d'apprentissage, autoĂ©valuation), et donc de se former en dehors de toute institution Ă©ducative.

L'autoformation repose en grande partie sur l'auto-efficacité. Selon Albert Bandura, psychologue canadien théoricien de la psychologie sociale, ce terme désigne la croyance des individus dans leurs capacités à obtenir les résultats attendus. Le sentiment d'efficacité personnelle améliore leurs performances.

Les effets de l'auto-efficacité se manifestent notamment par trois éléments observables :

  • Le choix des conduites Ă  tenir : en se fixant notamment des buts, des objectifs rĂ©alisables.
  • La persistance des comportements : l'apprenant est plus persĂ©vĂ©rant.
  • Enfin la rĂ©silience face aux imprĂ©vus et difficultĂ©s qui favorise l'autorĂ©gulation des apprentissages.

L'apprentissage sur le tas

« En effet, c’est une chose de valider des acquis scolaires ou acadĂ©miques dans le cadre Ă©crit d’un «contrĂŽle de connaissances», cela en est une autre de se reconnaĂźtre, connaĂźtre, valider et faire reconnaĂźtre une expĂ©rience professionnelle, surtout lorsque celle-ci est faite d’habiletĂ©s comportementales, de « tours de main », de rĂ©alisations pratiques en situation, toutes choses omniprĂ©sentes dans le monde professionnel. Â»[21]

L’autoformation et les API (Apprentissages Professionnels Informels) viennent interroger les modalitĂ©s d’apprentissage classique, tant dans leurs contenus que dans leurs organisations, et surtout dans leurs capacitĂ©s Ă  ĂȘtre Ă©valuĂ©s. La question de la reconnaissance de ses propres savoirs et de leurs lĂ©gitimitĂ©s se pose.

« En effet l’auto-reconnaissance induit la mise en Ɠuvre de renforcement de la perception de son efficacitĂ© pour modifier son environnement : ce n’est pas aux autres, ni Ă  l’entreprise de changer et de me changer, mais c’est moi, par influence rĂ©ciproque avec mon environnement qui peux engager un processus, un parcours de transformation. Â»[22]

La mise en opposition entre apprentissages formels et informels est souvent le fait d’une stigmatisation des apprentissages formels. Pour certains auteurs, les apprentissages informels revĂȘtiraient une force Ă©mancipatrice. Ils seraient singuliers et construits par opposition Ă  des apprentissages dit acadĂ©miques.

Selon Schugurensky en 2007, les façons d'apprendre informelles peuvent ĂȘtre catĂ©gorisĂ©es de deux sortes opposables : les apprentissages non intentionnels (liĂ©s Ă  la socialisation, Ă  l'apprentissage fortuit), et les apprentissages intentionnels (auto dirigĂ©s). Il ressort quatre terrains propices au dĂ©veloppement de ces apprentissages informels : celui de « la vie quotidienne (BrougĂšre et al., 2009), des pratiques amateurs (Flichy, 2010), du champ du Web 2.0, ou encore celui des chefs d’entreprise et enfin le champ des activitĂ©s professionnelles, notamment celles liĂ©es aux mondes de la santĂ©, du management, de l’industrie et de l’informatique »[23].

Ce mode de transmission s'appuie en grande partie sur les liens sociaux et le champ socioculturel. Les API ont particuliĂšrement Ă©voluĂ©s avec la sociĂ©tĂ© contemporaine (la managĂ©rialisation, les nouvelles formes d’obĂ©issance, les technologies informatiques, la mise en place d’instances de rĂ©gulation Ă©conomique, la montĂ©e des nationalismes, l’individualisation, la libĂ©ralisation des marchĂ©s et leur internationalisation, les transformations organisationnelles des entreprises et la consumĂ©risation, selon Faulx et Manfredini (2007).), de telle sorte que la notion d'apprentissage situĂ© (induit par son environnement) est apparu.

De ce fait, nous pouvons noter trois champs de transformation dans la formation: celui liĂ© Ă  l’espace (un espace gĂ©ographique restreint qui devient un espace Ă©largi, avec des contacts latĂ©raux dans l’usage des TIC), celui du temps (l’horizon temporel passe du long au court terme), celui enfin des relations entre les activitĂ©s (ces activitĂ©s qui Ă©taient dĂ©limitĂ©es par des frontiĂšres claires jusqu’ici sont devenues poreuses).

La circulation de l'information via le numérique, et la mobilité des organisations et des populations, ont, quant à elles, apporté la notion d'apprentissages nomades.

Plus rĂ©cemment, les recherches ont montrĂ© qu'un apprentissage peut ĂȘtre pĂ©rennisĂ© lorsqu'il est accompagnĂ© d'une charge Ă©motionnelle importante. Les API interviennent dans un vĂ©cu, fort d'interactions et d'Ă©motions. L'individu est donc susceptible d'ĂȘtre confrontĂ© Ă  des moments clĂ©s, chargĂ©s de sens, qui seront gages d'apprentissage. Un travail rĂ©flexif est cependant nĂ©cessaire pour conscientiser ces apprentissages et les rĂ©investir.

Aujourd'hui apparait des « enjeux Ă©conomiques liĂ©s Ă  la perspective d’une substitution des apprentissages informels aux apprentissages formels, ou Ă  l’articulation des deux types d’apprentissage. Les apprentissages informels seraient simultanĂ©ment un moyen de diminuer les budgets de formation, de garder les salariĂ©s Ă  leur poste de travail en activitĂ©, sur place, apprenant en juste Ă  temps au grĂ© de l’activitĂ© de travail, mais Ă©galement de favoriser l’autoformation. Mais les apprentissages informels pourraient aussi ĂȘtre leviers de motivation vers une formation formelle »[23].

Actuellement, l’Unesco (1998) identifie les apprentissages informels comme un axe de dĂ©veloppement d’une nouvelle culture scientifique et technologique. La consĂ©quence logique est une prĂ©conisation d’intĂ©gration des apprentissages informels dans les politiques publiques de formation et d’éducation.

Dans les pays anglo saxons, on parle d'experiencal learning, dont Dewey et Lindeman sont les pĂšres fondateurs[24].

Un exemple probant de l'auto-apprentissage est décrit par Sugata Mitra[25].

La notion d'intelligence cristallisée de Cattell

En , le psychologue et professeur d'université anglo-américain Raymond Cattell avance une théorie selon laquelle il existerait deux formes d'intelligence à la base des capacités cognitives humaines : l'intelligence cristallisée et l'intelligence fluide.

L'intelligence fluide est considérée par Raymond Cattell comme biologiquement déterminée, innée. Cette forme d'intelligence permettrait donc la résolution de problÚmes nouveaux. Basée sur l'analyse, elle permettrait l'utilisation uniquement de son raisonnement logique sans besoin d'exploiter ses connaissances.

L'intelligence cristallisée, quant à elle, reposerait sur la culture et l'éducation. Cette forme d'intelligence serait utilisée lorsqu'il s'agit de faire appel à des connaissances et/ou à son expérience personnelle (culture générale, richesse du vocabulaire etc...).

Cette mĂȘme forme d'intelligence, contrairement Ă  l'intelligence fluide qui dĂ©clinerait de maniĂšre rĂ©guliĂšre, progresserait tout au long de la vie. Sa progression reposerait sur les opportunitĂ©s d'apprentissage et la motivation de l'apprenant[26].

En somme, l'intelligence cristallisée serait le produit de l'éducation et de la culture en interaction avec l'intelligence fluide.

À partir de cette thĂ©orie, Raymond Cattell et John L. Horn, en 1965, travaillent ensemble et combinent leurs travaux dĂ©finitifs[27] avec le modĂšle hiĂ©rarchique en trois strates de Jack Carroll (1993). La combinaison de ces travaux conduit Ă  la crĂ©ation d'un modĂšle final : Le modĂšle de Cattell-Horn-Carroll, qui est aujourd'hui une rĂ©fĂ©rence en psychomĂ©trie.

Le modÚle en question explique qu'en plus des deux formes d'intelligence précédemment citées, de nombreux autres facteurs étroits coexistent et dépendent de facteurs plus larges. Le modÚle Cattell-Horn-Carroll répertorie à ce jour dix facteurs généraux : intelligence cristallisée, intelligence fluide, traitement visuel, traitement auditif, mémoire à court terme, vitesse de réaction, aptitude à récupérer des informations à long terme, connaissances quantitatives et capacités de lecture et d'écriture.

L'intelligence cristallisée décrite par Raymond Cattell est en lien direct avec le processus d'apprentissage des adultes. Elle repose sur l'expérience personnelle, les connaissances acquises tout au long de la vie et la motivation de l'apprenant. De plus, le modÚle Cattell-Horn-Carroll apporte de plus amples précisions sur les différentes compétences générées par cette forme d'intelligence.

La formation ouverte Ă  distance (FOAD)

D'aprĂšs la DĂ©lĂ©gation Ă  la Formation Professionnelle (ministĂšre du Travail et de l’Emploi), la FOAD dĂ©finit les formations ouvertes et Ă  distance comme Ă©tant « des dispositifs de formation s’appuyant pour tout ou partie sur des apprentissages non prĂ©sentiels, en auto-formation, ou avec tutorat, Ă  domicile, dans l’entreprise et/ou en centre de formation. Ce dispositif se caractĂ©rise principalement par une souplesse du mode d'organisation leur permettant une plus grande accessibilitĂ©. Plus gĂ©nĂ©ralement, les formations en FOAD doivent favoriser l'accessibilitĂ© aux formations professionnelles et l'innovation des modes d'apprentissages. Dans les pays anglo-saxons, le terme le plus utilisĂ© pour dĂ©finir la FOAD est open and distance learning, nĂ©anmoins cela peut Ă©galement se traduire sous la forme de flexible learning et flexible training.

De maniĂšre consensuelle il est admis qu'une formation est envisagĂ©e comme ouverte quand les formations sont synchrones mais avec une unitĂ© de lieux diffĂ©rente, soit dans un mĂȘme espace mais de maniĂšre asynchrone ou enfin Ă  des moments et des espaces d'accĂšs Ă  la formation diffĂ©renciĂ©s.

Il est Ă  noter que l'Unesco (2002)[28] dĂ©finit la FOAD comme « une libertĂ© d'accĂšs aux ressources pĂ©dagogiques mises Ă  disposition de l'apprenant, sans aucune restriction, Ă  savoir : absence de conditions d'admission, itinĂ©raire et rythme de formation choisis par l'apprenant selon sa disponibilitĂ© et conclusion d'un contrat entre l'apprenant et l'institution » et doit prendre l'apprenant dans sa singularitĂ©. De plus, selon la commission europĂ©enne elle « permet Ă  chacun de travailler de façon autonome, Ă  son propre rythme, quel que soit le lieu oĂč il se trouve, notamment grĂące Ă  l'e-learning ».

Pour approfondir, les travaux de Frayssinhes (2011)[29] dĂ©crivent que le terme de Formation Ouverte et Ă  Distance est apparu dĂšs 1991. D'aprĂšs le mĂȘme auteur, elle recouvre trois Ă©lĂ©ments interdĂ©pendants :

  • Un concept au sens de l'apprentissage, cela couvre ainsi une modĂ©lisation des parcours et des activitĂ©s, une apprĂ©hension des diffĂ©rents styles cognitifs des apprenants et surtout rĂ©actualisation des contenus en temps rĂ©el.
  • Un processus qui comprend les diffĂ©rentes mĂ©thodes et planification des apprentissages en lignes.
  • Un dispositif qui regroupe l'ensemble des dĂ©cisions pĂ©dagogiques et didactiques, la prise en compte de l'environnement technico-technologique, une dimension humaniste adaptĂ©e et ce avec comme finalitĂ© l'atteinte d'un objectif pĂ©dagogique.

Ce type de formation offre ainsi aux apprenants adultes une flexibilité dont ne fait pas l'objet les cours en présentiel. Néanmoins, elle est largement focalisée sur l'autoformation. Philippe Carré a ainsi mis en avant les sept piliers de l'autoformation :

  1. Avoir un projet professionnel
  2. Être engager à un contrat de formation
  3. Définir le mécanisme de pré-formation
  4. Anticiper l'accompagnement de formateurs
  5. Être dans un environnement
  6. Alternance entre travail personnel et collaboratif
  7. Un suivi de l'entrée jusqu'à la sortie de la formation

Selon Frayssinhes (2011), ces piliers ont été déterminant pour formaliser la FOAD.

Les campus numérique de formation

Un Campus numĂ©rique est « un dispositif de formations modularisĂ©es, rĂ©pondant Ă  des besoins d’enseignement supĂ©rieur identifiĂ©s, combinant les ressources du multimĂ©dia, l’interactivitĂ© des environnements numĂ©riques et l’encadrement humain et administratif nĂ©cessaire aux apprentissages et Ă  leur validation[30]. Â»

Les modalitĂ©s et moyens pĂ©dagogiques, techniques et d’encadrement d'un campus numĂ©rique de formation sont :

  • Seule la formation est accessible en ligne (connexion haut dĂ©bit requise et logiciels recommandĂ©s)
  • Une plate-forme de e-learning, environnement de travail collaboratif
  • Des supports pĂ©dagogiques diffĂ©renciĂ©s
  • Des espaces de communication en ligne pour favoriser une vĂ©ritable communautĂ© d’apprentissage
  • Des exercices d’entraĂźnement Ă  l’examen avec correction individualisĂ©e
  • Un accompagnement assurĂ© tout au long de la formation par des tuteurs spĂ©cialistes
  • Des regroupements avec travaux dirigĂ©s
  • Des stages

Apprendre des autres

L'apprentissage chez les adultes : la notion de transmission

La formation des adultes, et notamment les dispositifs de transmission des savoirs, ont pour effet chez l'apprenant des réaménagements identitaires, cognitifs et affectifs.

Pierre DominicĂ© Ă©voque mĂȘme le dĂ©sarroi des adultes[31].

La transmission impulse une dynamique d'échanges de savoirs entre pairs, des savoirs professionnels issus de l'exercice du métier (savoirs délibératifs et savoirs procéduraux) et des savoirs plus conceptuels. Elle s'appuie sur l'expérience mais elle ne se limite pas à des échanges unidirectionnels et descendant, des plus expérimentés vers les moins expérimentés, de « ceux qui savent vers ceux qui ne savent pas »[32]. Elle renvoie à l'enrichissement réciproque entre les salariés.

La transmission des savoirs s'organise aux moyens de dispositifs formels, comme l'accompagnement. Le compagnonnage et le tutorat sont des dispositifs formels d'accompagnement et de transmission.

Le tutorat

Le tutorat est une « activitĂ© de personne Ă  personne, permettant Ă  un tutorĂ© d’acquĂ©rir ou de dĂ©velopper des compĂ©tences grĂące Ă  la contribution d’un salariĂ© expĂ©rimentĂ© appelĂ© tuteur[33]. C’est donc une relation entre deux personnes dans une situation formative : un professionnel et une personne en apprentissage d'un mĂ©tier dans son environnement. Les dĂ©nominations du tuteur sont nombreuses : tuteur, maĂźtre d’apprentissage, compagnon, parrain, formateur en situation de travail, moniteur, rĂ©fĂ©rent, etc.

Le tuteur a pour mission d'accueillir, d'aider, d'informer, de guider les jeunes pendant leur sĂ©jour dans l'entreprise ainsi que de veiller au respect de leur emploi du temps. Il assure Ă©galement, dans les conditions prĂ©vues dans le contrat, la liaison entre les organismes de formation et les salariĂ©s de l'entreprise qui participent Ă  l'acquisition, par le jeune, de compĂ©tences professionnelles ou l'initient Ă  diffĂ©rentes activitĂ©s professionnelles[34]. Le tuteur est donc considĂ©rĂ© comme un professionnel expert, qui s ’est forgĂ© au fil des expĂ©riences de travail, des compĂ©tences qui lui permettent d’agir et de rĂ©agir de façon pertinente dans des situations de travail complexes, mais Ă©galement comme un professionnel rĂ©flexif, capable de porter un regard distanciĂ© sur son activitĂ© professionnelle (l'analyser), sa façon de se former, ses relations avec les autres salariĂ©s (y compris avec le tutorĂ©). En plus de l'expertise de son mĂ©tier par le tuteur, le rĂ©fĂ©rentiel du certificat de compĂ©tences « tuteur » dĂ©livrĂ© par les CCI et AFNOR Certification dĂ©finit cinq autres compĂ©tences :

  1. Accueillir et intégrer le salarié.
  2. Organiser et planifier le parcours d’acquisition des compĂ©tences du salariĂ©.
  3. Former, accompagner et transmettre les connaissances, les savoir-faire, savoir agir et la culture d’entreprise.
  4. Évaluer les acquis et suivre la progression professionnelle de l’apprenant.
  5. Accompagner l'insertion professionnelle, organiser les relations avec les acteurs concernĂ©s par le parcours de l’apprenant (centre de formation interne ou externe, hiĂ©rarchie
).

Ces cinq principales compĂ©tences sont toujours mises en Ɠuvre par le tuteur pour chacune des tĂąches qu’il accomplit dans le cadre de sa fonction tutorale.

Les conditions de mise en Ɠuvre du tutorat peuvent ĂȘtre trĂšs diffĂ©rentes en fonction des objectifs de la pĂ©riode de formation en entreprise. Ces objectifs peuvent ĂȘtre liĂ©s :

  • Ă  l'apprentissage d'un mĂ©tier, Ă  l'acquisition d'une qualification, le tuteur est un professionnel reconnu qui doit faire transmettre des savoir-faire techniques ;
  • Ă  l'obtention d'un diplĂŽme, le tuteur sait faire dĂ©couvrir l'entreprise, les diffĂ©rents aspects du mĂ©tier et rĂ©pondre Ă  la demande de l'organisme de formation ;
  • Ă  un parcours d'insertion professionnelle, le tuteur dialogue, accompagne en s'appuyant sur des actes professionnels ; il participe Ă  l'insertion sociale en aidant Ă  construire ou Ă  valider un projet professionnel.

Le tutorat est considĂ©rĂ© comme une composante de l’alternance, mode de formation qui s’appuie sur une articulation entre des enseignements gĂ©nĂ©raux, professionnels, technologiques et l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice d’une activitĂ© professionnelle en relation avec les enseignements gĂ©nĂ©raux reçus. Les enseignements et acquisitions se dĂ©roulent alternativement en entreprise et en centre de formation, selon des modalitĂ©s qui peuvent ĂȘtre juxtapositives (aucun lien entre les deux lieux), associatives (action sĂ©parĂ©e mais complĂ©mentaire pour couvrir le programme), interactives (visant la complĂ©mentaritĂ© et l’interactivitĂ© au plan pĂ©dagogique) ou intĂ©gratives (fusionnant l’action et la rĂ©flexion). La fonction du tuteur est trĂšs importante dans l'articulation entre l'entreprise et l'organisme de formation. Il doit favoriser la complĂ©mentaritĂ© entre le systĂšme formatif et l'appareil productif en dĂ©veloppant des situations formatives sur le lieu de travail. La fonction tutorale revĂȘt donc un caractĂšre dynamique et pĂ©dagogique pour transfĂ©rer des Ă©lĂ©ments de savoir en situation professionnelle.

Dans son rapport, Bernard Masingue liste cinq types de tutorat[33] :

  • Tutorat classique : un salariĂ© expĂ©rimentĂ© transmet et accompagne un salariĂ© novice pour lui permettre d’acquĂ©rir les compĂ©tences dont il a besoin (ex : contrats apprentissages) ;
  • Tutorat croisĂ© : enrichissement rĂ©ciproque d’un binĂŽme senior junior ou chacun est alternativement tuteur et tutorĂ© (ex : entre infirmiĂšres dans certains services hospitaliers) ;
  • Tutorat inversĂ© : le tuteur est junior, l’apprenant est senior (ex de transmission de technologies informatiques) ;
  • Tutorat d'expertise : concerne le travail de transmission mais aussi d’appui pour qualifier quelqu’un d’autre sur un savoir longuement acquis, complexe, spĂ©cifique, rare donc maĂźtrisĂ© par quelques personnes seulement, voire par une seule (ex : grands chirurgiens) ;
  • Tutorat hiĂ©rarchique : assurer en mĂȘme temps une fonction de management classique et une fonction pĂ©dagogique auprĂšs de ses subordonnĂ©es.

Semblant rompre avec la triade traditionnelle tueur-stagiaire-formateur[35], ces dix derniÚres années ont vu émerger de nouveaux modes de tutorats plus collaboratifs :

  • Un modĂšle de formation par pair oĂč deux stagiaires en formation sont affectĂ©s auprĂšs d’un tuteur expĂ©rimentĂ© : il permet aux stagiaires de se confronter au travail collectif, de construire un espace commun de comprĂ©hension sur les activitĂ©s professionnelles et d’échanger leurs expĂ©riences et leurs ressentis sur des faits vĂ©cus ensemble, offrant un « environnement sĂ©curisant, autorisant une prise[36] de risque et des dĂ©fis entre stagiaires[37] ».
  • Un modĂšle alternatif de tutorat caractĂ©risĂ© par un regroupement de plusieurs stagiaires et de plusieurs tuteurs. Le stagiaire peut bĂ©nĂ©ficier des conseils de plusieurs tuteurs. Cela permet de varier les points de vue sur les diffĂ©rentes activitĂ©s effectuĂ©es, participant au dĂ©veloppement professionnel des tuteurs[38].
  • Une communautĂ© interactive d'apprentissage dans un espace collaboratif oĂč stagiaires et tuteurs rĂ©flĂ©chissent autour de situations de co-prĂ©paration, co-observation, co-intervention. Cette forme de tutorat se base sur des rapports de rĂ©ciprocitĂ© et de partage d'expertise entre le stagiaire et le tuteur[39].

Dans ces nouveaux modĂšles de tutorat collaboratif, le stagiaire reçoit le soutien d’un collectif pour rĂ©flĂ©chir sur sa façon de s’y prendre professionnellement. Ce tutorat semblerait favoriser le processus de professionnalisation par rapport Ă  la guidance de la forme classique du tutorat.

L’accompagnement : une posture professionnelle spĂ©cifique

Une diversitĂ© de manifestations : le coaching (Ă  visĂ©e d’efficacitĂ©, de performance et d’excellence), le counseling (c'est une relation d’aide dans un processus de dĂ©veloppement personnel), le conseil et la consultance (il s'agit de restaurer le pouvoir d’agir), le mentorat (c'est une relation intergĂ©nĂ©rationnelle d’apprentissage entre un homme d’expĂ©rience et un novice), la mĂ©diation institutionnelle et sociale et la mĂ©diation Ă©ducative (il s'agit d'instaurer un tiers entre les protagonistes), le compagnonnage (c'est une fonction de transmission et de formation dans l’apprentissage et la pratique d’un mĂ©tier), le sponsoring (c'est une fonction de parrainage)pour adultes. cette diversitĂ© des pratiques d’accompagnement de l'autre peut se comprendre selon les diffĂ©rentes façons de composer l'assistance, le conseil et la direction, indique Maela Paul. L’accompagnement n’est pas une relation d’autoritĂ© maĂźtre / Ă©lĂšve ou mĂ©decin / patient. Il ne s'agit pas d'une relation de partenariat mais davantage d'une relation spĂ©cifique qui articule l’égalitĂ© des personnes et la dissymĂ©trie des fonctions.

D'aprÚs la définition du centre national de ressources textuelles et lexicales un dispositif renvoie à la maniÚre dont sont agencés des objets qui ont un but précis, une finalité.

Bourdet et Leroux (2009)[40] constatent que ce terme prend ces racines dans les domaines techniques. De plus, Blandin (2002)[41] le définit comme « un ensemble de moyens agencés, en vue de faciliter un processus d'apprentissage ». Néanmoins, cette définition est considérée comme mécaniste c'est pourquoi certains auteurs vont y ajouter des dimensions sociales et cognitives.

Ainsi Lameul et al.(2009)[42], ajoute dans le cadre de la formation qu' un dispositif est « une organisation de ressources [
] au service d'une action finalisĂ©e. C'est une construction sociale qui, en jouant des contraintes et de la variĂ©tĂ© des ressources, agence des situations susceptibles d'entrer en rĂ©sonance avec les dispositions des personnes en formation ».

Plus largement, les dispositifs peuvent ĂȘtre abordĂ©s Ă  diffĂ©rents niveaux, en partant du principe qu'il s'agit d'un ensemble d'Ă©lĂ©ments agencĂ©s en vue d'un but prĂ©cis alors :

  • il peut ĂȘtre abordĂ© en tant qu'entitĂ© ; la VAP et la VAE sont des dispositifs inhĂ©rents Ă  des institutions,
  • il peut ĂȘtre abordĂ© sous l'angle scientifique; il sera ainsi inhĂ©rent Ă  une logique thĂ©orisiste stricte,
  • il peut ĂȘtre abordĂ© en tant que scĂ©nario d'apprentissage ; il prendra alors en compte les aspects entitatifs et les aspects thĂ©oriques pour arriver Ă  une application, pratique et adaptĂ©e aux adultes.

Des dispositifs de formation d'adultes

L'andragogie

Lindeman, en 1926 avec son livre The meaning of adult education a donnĂ© le ton. C'est le dĂ©but d'un dynamisme dans le champ de l'apprentissage des adultes. De nombreuses recherches et des publications permettront la crĂ©ation de dĂ©partements universitaires autonomes, de revues spĂ©cialisĂ©es aux États-Unis. Dans les annĂ©es 1970, des cursus universitaires sont ouverts dans toute l’AmĂ©rique du Nord. A la suite de Lindeman, Malcom Knowles fondera une nouvelle discipline : l'andragogie.

L'andragogie, l'enseignement des adultes, se fonde sur le principe que les adultes n'apprendraient pas de la mĂȘme maniĂšre que les enfants. En consĂ©quence, des dispositifs particuliers devraient leur ĂȘtre offerts pour reconnaĂźtre le rĂŽle de la motivation dans l'apprentissage adulte[43] mais aussi de la nĂ©cessaire variĂ©tĂ© des conditions didactiques et le respect de leur attrait pour la pratique, la mise en activitĂ© rĂ©pondant Ă  leurs besoins ressentis de se confronter Ă  des rĂ©alitĂ©s pragmatiques. Les besoins spĂ©cifiques des adultes en matiĂšre de formation et d'apprentissage Ă  ce stade de leur vie nĂ©cessite en effet un champ d'Ă©tude particulier. Les besoins des adultes sont liĂ©s Ă  des situations Ă©ducatives, Ă  des problĂ©matiques et des enjeux particuliers qui sont diffĂ©rents des besoins que peut connaĂźtre l’enfant ou le jeune. L’adulte dispose d’une marge de choix, de dĂ©cision et donc d’une autonomie vis-Ă -vis de son apprentissage que ne possĂšde gĂ©nĂ©ralement pas l’enfant.

L'andragogie désigne la science et la pratique de l'éducation des adultes.

Le terme est formĂ© Ă  partir des mots de grec ancien andros (ጀΜΎρᜀς), qui signifie « homme » (dans le sens d’homme mĂ»r, et par extension de l'ĂȘtre humain adulte, non genrĂ©), et agogos (áŒ€ÎłÏ‰ÎłÏŒÏ‚), qui veut dire « guide ». il semble que le terme vienne (1833) de l'allemand andragogik, Ă©noncĂ© par Alexander Kapp, puis, il aurait probablement Ă©tĂ© utilisĂ© pour la premiĂšre fois en langue anglaise andragogy, par Eduard Lindeman, en 1927. Le terme a suivi une Ă©volution depuis sa fondation au XIXe siĂšcle (dĂ©clinĂ© au sens de social education ou de social pedagogy), il s'est rĂ©pandu en Allemagne et en Europe de l’Est (Pologne et Russie), tout au long des XIXe et XXe siĂšcles (D. Savicevic, 1991[44]).

L'andragogie consiste donc Ă  amener l'adulte vers la connaissance[44].

La formation des adultes a connu un essor important depuis les années 1980 grùce au développement de la formation continue avec les notions de « formation permanente » et de « reconversion », à la fois sous l'impulsion sociale (possibilité d'évoluer dans l'entreprise), patronale (flexibilité) et pour échapper au chÎmage.

Concept récent, le nombre de définitions concernant la formation d'adultes est assez grand. Toutefois, de maniÚre générale, on tend à une « consensualisation » de l'explication du terme : former, c'est modifier le comportement.

On retrouve cette maniÚre de voir dans l'énumération bien connue des termes : enseigner, c'est apporter du savoir, former, c'est donner du savoir-faire. Reste à savoir si ce qui est donné est effectivement reçu.

[réf. nécessaire]

On décrit l'andragogie comme l'art et la science de faciliter l'apprentissage chez l'adulte, l'art et la science d'aider les adultes à apprendre, dixit Knowles[45].

La connaissance et l’application des principes d’andragogie est primordiale dans l’élaboration d’une formation efficace. Ces principes permettent de comprendre le comportement de l’individu en situation d’apprentissage[46].

Le compagnonnage

De nombreux jeunes adultes apprennent leur métier par compagnonnage[47]. Ils apprennent auprÚs de professionnels trÚs expérimentés dans une multitude de situations.

François Icher dĂ©finit le compagnonnage comme « l’ensemble plus ou moins quantifiable d’hommes de mĂ©tier qui ont adhĂ©rĂ© Ă  un moment de leur vie Ă  une association de formation professionnelle particuliĂšre, basĂ©e sur un principe sĂ©culaire, celui d’un tour de France des villes dans lesquels les compagnons possĂšdent un siĂšge, un lieu d’accueil et de formation, un rĂ©seau de sociabilitĂ© et de placement[36] ».

Ces mĂ©tiers ont pour caractĂ©ristique commune la rĂ©alisation d' « un chef-d’Ɠuvre pour la transformation de la matiĂšre, oĂč l’homme est impliquĂ© de la conception Ă  la rĂ©alisation ».

Le parcours de formation d’un individu au sein des compagnons du devoir est un processus long marquĂ© par des cĂ©rĂ©monies initiatiques et des titres particuliers. Un individu qui devient compagnon du devoir le reste pour sa vie entiĂšre. La volontĂ© du compagnonnage est d’accompagner les individus par la formation tout au long de la vie, de la formation initiale Ă  la formation continue, en passant par le perfectionnement via l’accomplissement d’un tour de France.

La finalitĂ© du compagnonnage n’est pas le mĂ©tier mais la formation de l’Homme par la transmission du mĂ©tier. Les compagnons ont le devoir, l’obligation librement consentie de transmettre. L’ensemble de la dĂ©marche de formation compagnonnique est donc basĂ©e sur la transmission du mĂ©tier, des valeurs, d'une culture.

Lors de leur tour de France, les jeunes itinĂ©rants ont l’obligation de rĂ©sider dans les maisons des compagnons du Devoir afin de prendre part Ă  la vie communautaire et Ă  l’enseignement compagnonnique. La premiĂšre des deux Ă©tapes du tour de France est l’adoption. L’individu est adoptĂ© par la communautĂ© compagnonnique dans son ensemble. Le terme « adoption » est chargĂ© de sens quant aux particularitĂ©s et Ă  l’intensitĂ© de la culture compagnonnique. La rĂ©fĂ©rence Ă  l’univers familial est forte ; la vocation du compagnonnage dĂ©passe l’apprentissage des savoir-faire liĂ©s Ă  un mĂ©tier.

[réf. nécessaire]

Les apprentis sont encadrĂ©s par des maĂźtres de stage choisis parmi les compagnons itinĂ©rants qui terminent leur tour de France. Une des particularitĂ©s du compagnonnage est de considĂ©rer que les individus n’ont pas forcĂ©ment besoin d’ĂȘtre expĂ©rimentĂ©s pour contribuer Ă  la transmission du mĂ©tier. Le compagnonnage considĂšre que chacun a des Ă©lĂ©ments Ă  transmettre et que la formation des individus ne doit pas ĂȘtre simplement technique. Le devoir de transmission doit ĂȘtre intĂ©grĂ© dĂšs les premiers temps de la formation. On s’éloigne ainsi de l’image traditionnelle de la transmission entre un junior et un senior[33].

La formation continue

Parmi ces dispositifs, la majorité des adultes vont faire ce que l'on appelle la formation continue. Cette derniÚre correspond aux individus qui ont quitté la formation initiale. La formation continue peut ainsi prendre différentes formes : la formation en alternance, la formation ouverte et à distance ou encore des formations hybrides. Dans de rares cas, les adultes peuvent également choisir d'effectuer une reconversion professionnelle en repassant par la formation initiale. Elle concerne les jeunes sous statut scolaire et universitaire ainsi que les apprentis.

En effet, les partenaires sociaux interviennent directement dans la gestion de la formation par le truchement des organismes collecteurs (OPCA, OPACIF) puisque ces derniers sont gérés obligatoirement de maniÚre paritaire. Dans ce domaine, ces organismes ne sont plus seulement des collecteurs dans une dimension uniquement financiÚre, mais ils interviennent de plus en plus en amont du processus de formation par des actions de conseil ; tant auprÚs des individus en les informant, voire les pré-orientant, sur le CIF, la VAE, les bilan de compétences ou leur projet de formation en général, que des organisations en les accompagnant dans le montage de dossiers avec multi- financements ou les informant sur les prestataires de formation, voire montant des actions régionales

Notes et références

  1. Acquisition de connaissances, de comportements, d'habiletés, de valeurs, de préférences ou de meilleure compréhension cf : Norme internationale ISO 29990, in Ingénierie de Formation de Thierry Ardouin.
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