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Auto-efficacité

Le sentiment d’auto-efficacitĂ© constitue la croyance qu’a un individu en sa capacitĂ© de rĂ©aliser une tĂąche[1]. Plus grand est le sentiment d'auto-efficacitĂ©, plus Ă©levĂ©s sont les objectifs qu’il s'impose et son engagement dans leur poursuite[1]. La thĂ©orie de l’auto-efficacitĂ© a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e par le psychologue canadien Albert Bandura (Bandura, 1977, 1997, 2003) dans le cadre thĂ©orique plus large de la thĂ©orie sociale cognitive (Bandura, 1986).

DĂ©finitions et traductions

L’auto-efficacitĂ© est une Ă©motion aussi connue sous le nom de confiance contextuelle (ou situationnelle). Elle est le sentiment de se sentir prĂȘt, de savoir que l’on peut faire les choses bien dans n'importe quel contexte. L’auto-efficacitĂ© amĂšne Ă  prendre les bonnes dĂ©cisions dans des situations difficiles. Une faible auto-efficacitĂ© amĂšne Ă  la dĂ©tresse et peut contribuer Ă  des problĂšmes de santĂ© mentale[2].

La notion d’agentivitĂ© et sa « variable clĂ© » selon Bandura, l’auto-efficacitĂ©, posent des difficultĂ©s de traduction et d’interprĂ©tation en français. Jacques Lecomte, le traducteur en français, rappelle que Bandura utilise plusieurs synonymes lorsqu’il dĂ©signe l’auto-efficacitĂ© : self-efficacy, personal efficacy, sense of personal efficacy, perceived efficacy, personal perceived efficacy, beliefs in efficacy. Le terme sentiment d’efficacitĂ© personnelle est exceptionnellement utilisĂ© dans la traduction française et ne devrait pas se substituer Ă  auto-efficacitĂ© ou, mieux encore, Ă  efficacitĂ© personnelle, qui est le terme qui rend compte le plus prĂ©cisĂ©ment de la notion. EfficacitĂ© personnelle est d’ailleurs le terme le plus frĂ©quemment utilisĂ© dans l'ouvrage en français. Le titre en français « Auto-efficacitĂ© » et son sous-titre « Sentiment d’efficacitĂ© personnelle » est un choix de l’éditeur pour traduire « Self-efficacy, The exercise of control », ouvrage original paru en 1997 chez W. H. Freeman.

Quatre sources de construction de l'efficacité personnelle

Selon Albert Bandura, l'efficacité personnelle puise à quatre sources[3].

  • La maĂźtrise personnelle : « C'est la principale source : les succĂšs construisent une solide croyance d'efficacitĂ© personnelle tandis que les Ă©checs la minent. Cependant, pour ceux qui disposent d'un bon sentiment d'efficacitĂ©, les revers et difficultĂ©s peuvent ĂȘtre bĂ©nĂ©fiques, car ils enseignent que le succĂšs nĂ©cessite gĂ©nĂ©ralement un effort soutenu. »
  • L'apprentissage social (ou modelage, ou apprentissage vicariant) : « Pour Ă©valuer ses capacitĂ©s, l'individu tire aussi des conclusions de l'observation des actions rĂ©alisĂ©es par d'autres personnes. Ce sont les sujets dont les caractĂ©ristiques (Ăąge, sexe, etc.) sont les plus proches des siennes qui sont les plus susceptibles d'ĂȘtre source d'information. Par exemple, des enfants tirent un sentiment d'efficacitĂ© personnelle plus Ă©levĂ© s'ils observent d'autres enfants talentueux que s'ils voient des adultes manifester les mĂȘmes aptitudes cognitives. »
  • La persuasion par autrui : « Il est plus facile Ă  quelqu'un de maintenir un sentiment d'efficacitĂ©, particuliĂšrement quand il est confrontĂ© Ă  des difficultĂ©s, si d'autres individus significatifs lui expriment leur confiance dans ses capacitĂ©s. Cependant, cet effet se manifeste surtout si la personne a dĂ©jĂ  de bonnes raisons de croire qu'elle est performante. Dans ce cas, les commentaires positifs de son entourage peuvent l'aider Ă  fournir les efforts nĂ©cessaires pour rĂ©ussir. Par contre, susciter des croyances irrĂ©alistes de capacitĂ©s personnelles peut conduire Ă  l'Ă©chec, ce qui discrĂ©ditera le flatteur et sapera les croyances de la personne en ses capacitĂ©s. »
  • L'Ă©tat physiologique et Ă©motionnel : « En Ă©valuant ses capacitĂ©s, une personne se base en partie sur l'information transmise par son Ă©tat physiologique et Ă©motionnel. Les indices que fournit le corps sont particuliĂšrement pertinents dans la santĂ©, les activitĂ©s physiques et la gestion du stress. Les techniques qui permettent de rĂ©guler les rĂ©actions Ă©motionnelles Ă©lĂšvent les croyances en l'efficacitĂ© de gestion du stress, et provoquent les amĂ©liorations correspondantes de performance ».

Trois effets d'une auto-efficacité élevée

Un bon niveau d’auto-efficacitĂ© va produire trois types d’effets (Bandura, 2003).

Le premier type d’effet est le choix des conduites Ă  tenir. Un faible niveau d’auto-efficacitĂ© peut provoquer un Ă©vitement des situations qui rĂ©vĂ©leraient une incompĂ©tence supposĂ©e. À l’inverse, une auto-efficacitĂ© de bon niveau conduit l’individu Ă  se fixer des buts plus ambitieux et lui permet de s’orienter vers des buts plus exigeants mais qui paraissent Ă  portĂ©e[4]. « Que l’on pense Ă  l’impact de cette donnĂ©e en termes non seulement de gestion de son propre itinĂ©raire de formation et de qualification, mais plus largement dans l’ensemble de la conduite de sa carriĂšre... Les personnes tendront Ă  se fixer des objectifs plus Ă©levĂ©s, toutes choses Ă©gales par ailleurs »[5].

Le deuxiĂšme effet porte sur la persistance des comportements. L’auto-efficacitĂ© dĂ©termine les efforts que les apprenants accompliront et combien de temps ils persisteront devant des obstacles ou des expĂ©riences aversives.

Le troisiĂšme effet porte sur la plus grande rĂ©silience des personnes face aux imprĂ©vus et difficultĂ©s. Une auto-efficacitĂ© Ă©levĂ©e conduit non seulement Ă  dĂ©terminer des buts Ă©levĂ©s mais elle favorise Ă©galement l’autorĂ©gulation des comportements : nous persistons plus et sommes davantage capables de construire des compĂ©tences et des stratĂ©gies cognitives. L’auto-efficacitĂ© est corrĂ©lĂ©e Ă  l’autorĂ©gulation des apprentissages[4], notamment en situation d’évaluation et Ă  l’usage de la mĂ©tacognition. Les apprenants qui obtiennent les meilleurs rĂ©sultats sont ceux qui se fixent plus d’objectifs, ou des objectifs plus ambitieux, utilisent plus de stratĂ©gies pour Ă©tudier. Ils pilotent attentivement la progression de leurs apprentissages et optimisent leurs efforts en vue d’atteindre les rĂ©sultats souhaitĂ©s[6].

« D’aprĂšs Bandura, le systĂšme de croyances qui forme le sentiment d’efficacitĂ© personnelle est le fondement de la motivation et de l’action, et partant, des rĂ©alisations et du bien-ĂȘtre humains. Comme il l’indique rĂ©guliĂšrement, avec une clartĂ© et une force de conviction rares, « si les gens ne croient pas qu’ils peuvent obtenir les rĂ©sultats qu’ils dĂ©sirent grĂące Ă  leurs actes, ils ont bien peu de raisons d’agir ou de persĂ©vĂ©rer face aux difficultĂ©s » » (CarrĂ©, 2003, prĂ©face in Bandura, 2003, p. IV).

Applications

Domaines d'application

Les effets de l’efficacitĂ© personnelle ont pu ĂȘtre mesurĂ©s dans de nombreux domaines[7].

La scolaritĂ© et l'Ă©ducation 

Les compĂ©tences cognitives de l’élĂšve sont dĂ©veloppĂ©es.

Un sentiment solide d’efficacitĂ© intellectuelle et autorĂ©gulatrice favorise la rĂ©ussite scolaire mais Ă©galement les relations sociales et le dĂ©veloppement Ă©motionnel. Il aura une incidence sur l’orientation et le choix de carriĂšre (sans dĂ©terminisme toutefois !) de l’individu.

De plus, l'Ă©valuation doit ĂȘtre mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. Par exemple, l'utilisation de prĂ©sentations orales peut ĂȘtre problĂ©matique car la la peur de parler en public s'est avĂ©rĂ© avoir une relation nĂ©gative avec l'auto-efficacitĂ©[8] - [9].

Du cĂŽtĂ© des enseignants, il a Ă©tĂ© observĂ© que ceux ayant un dĂ©ficit d’efficacitĂ© personnelle proposaient moins d’activitĂ©s scolaires.

Le travail 

Les choix, l’évolution de carriĂšre, mais Ă©galement les conditions de « rĂ©emploi » aprĂšs une pĂ©riode de chĂŽmage sont trĂšs influencĂ©s par l’efficacitĂ© personnelle.

L'auto-efficacitĂ© ou sentiment d'efficacitĂ© personnelle renvoie Ă  des notions que l’on retrouve dans le champ de l’accompagnement professionnel. Ainsi le sentiment d'efficacitĂ© peut faire dĂ©faut dans des situations de formation (ne pas se sentir au niveau pour apprendre ou pour transposer les acquis), de recherche d’emploi (restreindre ses choix en nombre et en niveau ou mĂȘme son activitĂ© globale de recherche d’emploi). Il renvoie Ă©galement au sentiment d’incompĂ©tence que l’on retrouve dans le non-accomplissement de soi dans son travail en cas de burnout (Vonthron, 2014). Ce concept peut Ă©galement ĂȘtre rapprochĂ© d'autres concepts en Psychologie Sociale du Travail comme l'empowerment ou habilitation psychologique, le pouvoir d'agir, la proactivitĂ© (VallĂ©ry, Bobillier-Chaumon, Brangier & Dubois 2016).

La santĂ©, notamment dans le traitement des troubles mentaux (phobie, toxicomanie, dĂ©pression) 

Le fait de décomposer la tùche insurmontable en sous-tùches maßtrisées permet ainsi aux patients de surmonter leurs phobies. Cette expérience est vécue comme « transformatrice et libératrice »[10].

Théorie du comportement planifié

L'efficacitĂ© personnelle est l’un des trois facteurs influençant les changements de comportements dĂ©crits par les thĂ©ories du comportement planifiĂ©.

Notes et références

  1. Bandura,A. (1982) Self-efficacy mechanism in human agency. American Psychologist.
  2. Maddux, James E. 2009. “Self-Efficacy.” Edited by Shane J. Lopez. The Encyclopedia of Positive Psychology. Wiley Blackwell.
  3. "Y arriver malgré tout", Sciences Humaines Hors Série no 40, mars-mai 2003
  4. Marc Nagels et Philippe CarrĂ©, Apprendre par soi-mĂȘme aujourd’hui. Les nouvelles modalitĂ©s de l’autoformation dans la sociĂ©tĂ© digitale, Paris, Editions des archives contemporaines, , 184 p. (ISBN 978-2-8130-0221-1, prĂ©sentation en ligne)
  5. Philippe CarrĂ©, « La double dimension de l’apprentissage autodirigĂ© contribution Ă  une thĂ©orie du sujet social apprenant », Revue canadienne pour l’étude de l’éducation des adultes, vol. 17, no 1,‎
  6. Barry Zimmerman, Des apprenants autonomes. Autorégulation des apprentissages, Bruxelles, De Boeck,
  7. Jacques Lecomte, « Les applications du sentiment d'efficacitĂ© personnelle », Savoirs,‎ (lire en ligne)
  8. T. Hassall, J. L. Arquero, J. Joyce et J. M. Gonzalez, « Communication apprehension and communication self‐efficacy in accounting students », Asian Review of Accounting, vol. 21, no 2,‎ , p. 160–175 (DOI 10.1108/ARA-03-2013-0017, lire en ligne)
  9. C. Ireland « Student oral presentations: developing the skills and reducing the apprehension » () (DOI 10.21125/inted.2016.1317, lire en ligne)
    —10th Annual International Technology, Education and Development Conference, Valencia, Espagne
  10. Albert Bandura, « Entretien Rencontre avec Albert Bandura », Sciences Humaines,‎ (lire en ligne)

Bibliographie

  • Albert Bandura, Self-efficacy : Toward a unifying theory of behavioral change, Psychological review, .
  • Albert Bandura, Social foundations of thought and action, Psychological review, .
  • Albert Bandura, Self-efficacy : The exercise of control, Psychological review, .
  • Albert Bandura (trad. Jacques Lecomte), Auto-efficacitĂ© : Le sentiment d'efficacitĂ© personnelle [« Self-efficacy »], Paris, De Boeck, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 2003), 859 p. (ISBN 978-2-8041-5504-9).
  • Philippe CarrĂ©, De l’apprentissage social au sentiment d’efficacitĂ© personnelle : autour de l'Ɠuvre d’Albert Bandura, coll. « Savoirs », .
  • Jean Heutte, La part du collectif dans la motivation et son impact sur le bien-ĂȘtre comme mĂ©diateur de la rĂ©ussite des Ă©tudiants : ComplĂ©mentaritĂ©s et contributions entre l’autodĂ©termination, l’auto-efficacitĂ© et l’autotĂ©lisme, (lire en ligne).
  • Marc Nagels (sur l'auto-efficacitĂ© collective au travail) L'analyse de l'activitĂ© infirmiĂšre : ses effets sur l'auto-efficacitĂ© collective de cadres formateurs confrontĂ©s au changement. Savoirs et soins infirmiers, Elsevier Masson SAS, Paris, pp.9, 2010. (Lire en ligne)
  • Vallery, G., Bobillier-Chaumon, M. E., Brangier, E., & Dubois, M. (2016). Psychologie du travail et des organisations: 110 notions clĂ©s. Dunod.
  • Vonthron, A-M. (2014). Sentiment d’EfficacitĂ© Personnelle et risques psychosociaux. In P. Zawieja & F. Guarnieri (Eds.). Dictionnaire des risques psychosociaux (pp. 682-686). Paris : Ă©ditions du Seuil.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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