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Preuve par double dénombrement

En mathĂ©matiques combinatoires, une preuve par double dĂ©nombrement, ou double comptage, ou encore double dĂ©compte, est une technique de preuve combinatoire servant Ă  dĂ©montrer que deux expressions sont Ă©gales en prouvant qu'il y a deux façons de compter le nombre d'Ă©lĂ©ments d'un mĂȘme ensemble. Van Lint et Wilson dĂ©crivent cette technique comme « un des outils les plus importants en combinatoire »[1].

Cas particulier : dénombrement d'une partie d'un produit cartésien

Principe

Soient deux ensembles finis et , et une partie de ; chaque fois que appartient Ă  , on dit que et sont incidents.

Notons que peut ĂȘtre vu comme le graphe d'une relation binaire de vers , auquel cas " et incidents" s'Ă©crit , ou encore comme un graphe biparti.

Si désigne le nombre d'éléments incidents à , et celui des éléments incidents à , on a alors la formule dite du double décompte, ou du comptage par tranches (ou par piles) [2]:

.

Un cas particulier intĂ©ressant est celui oĂč et sont constants ; la formule s'Ă©crit alors .

Illustration par diagramme sagittal

La formule du double décompte s'écrit dans cet exemple :

La formule du double décompte s'interprÚte dans ce diagramme par le fait que le nombre de flÚches est égal au nombre de leurs départs ainsi qu'au nombre de leurs arrivées.

Illustration par matrice d'incidence

Si on définit la matrice d'incidence du graphe ou de la relation par si appartient à , sinon, la formule du double décompte signifie que la somme des termes de la matrice s'obtient soit en sommant lignes par lignes, soit en sommant colonnes par colonnes. En effet est le nombre de situés dans la ligne associée à , et est le nombre de situés dans la colonne associée à .

Dans l'exemple ci-contre, la matrice d'incidence est .

En ce sens, la formule du double décompte est un cas particulier de la formule d'interversion de signes de sommation : .

Somme des n premiers entiers

Ici, les ensembles et sont Ă©gaux Ă  l'ensemble des entiers de 1 Ă  , et deux entiers et sont incidents si .

Alors et

La formule du double décompte s'écrit alors , dont on déduit la formule classique .

Nombre moyen de diviseurs [3]

Courbe du nombre moyen de diviseurs d'un nombre entre 1 et avec, en rouge, la courbe de .

MĂȘmes ensembles et , mais et sont incidents si divise .

Alors est le nombre de multiples de infĂ©rieurs ou Ă©gaux Ă  , qui vaut oĂč dĂ©signe la partie entiĂšre, et est le nombre des diviseurs de .

La formule du double décompte s'écrit alors ; on en déduit facilement que (série harmonique), et comme , on obtient que le nombre moyen de diviseurs d'un nombre entre 1 et équivaut à .

Somme des degrés des sommets d'un graphe

Ici, l'ensemble est l'ensemble des sommets d'un graphe, l'ensemble de ses arĂȘtes, et la relation d'incidence celle d'adjacence entre les sommets et les arĂȘtes. Pour un sommet , s'interprĂšte comme le degrĂ© de , et pour une arĂȘte , ; la formule du double dĂ©compte s'Ă©crit alors oĂč est le nombre d'arĂȘtes du graphe. On en dĂ©duit que le nombre de sommets de degrĂ© impair est pair, ce qui constitue le lemme des poignĂ©es de main.

On en dĂ©duit aussi par exemple que dans un polyĂšdre dont tous les sommets sont de degrĂ© , oĂč est le nombre de sommets.

De la mĂȘme façon, dans un polyĂšdre oĂč toutes les faces ont arĂȘtes, oĂč est le nombre de faces.

Formule sur les coefficients binomiaux

Ici, l'ensemble est l'ensemble des parties à éléments d'un ensemble à éléments et l'ensemble des parties à éléments ; on décrÚte que deux parties et sont incidentes si elles sont disjointes.

Le nombre d'éléments du graphe vaut (choix de , puis choix de dans ). Or ici , qui est le nombre de disjoints de , vaut , et vaut . La formule du double décompte s'écrit alors :

.

Par exemple, en faisant , on obtient , ce qui, en changeant en donne l'importante formule du pion :

.


Autres exemples

Somme d'une ligne du triangle de Pascal

Cherchons le nombre de parties d'un ensemble à n éléments.

PremiÚre méthode : il y a deux possibilités pour chaque élément : soit il est dans la partie, soit il n'y est pas. Par conséquent, il y a un total de parties.

DeuxiÚme méthode : le nombre d'éléments dans une partie est un entier entre 0 et . Le nombre de parties à éléments est le coefficient binomial , Ainsi, le nombre de parties est .

L'Ă©galisation des deux expressions donne :

Petit théorÚme de Fermat

Collier représentant 7 mots différents.

Le petit théorÚme de Fermat affirme que « si est un nombre premier et si est un entier quelconque, alors est un multiple de ». Par exemple :

43 - 4 = 60 qui est divisible par 3.

Soit un nombre premier et un nombre entier. Considérons un alphabet constitué de symboles. Comptons les mots de longueur dans lesquels il y a au moins deux symboles distincts.

PremiĂšre mĂ©thode : il y a en tout mots de longueur dans l'alphabet, desquels il faut retirer les mots constituĂ©s d'un seul et mĂȘme symbole :

Collier ne représentant qu'un seul mot.

DeuxiĂšme mĂ©thode : ces mots peuvent ĂȘtre regroupĂ©s en ensembles de mots qui peuvent ĂȘtre dĂ©duits l'un de l'autre par permutation circulaire. On appelle ces ensembles des colliers (illustration). Par exemple, si l'alphabet est et si l'on considĂšre des mots de trois lettres, les trois mots , et sont dans le mĂȘme collier.

Il y a mots de symboles dans chaque collier. En effet, chacune des permutations donne un mot différent, car est premier. Ce ne serait pas le cas si n'était pas premier, il n'y a par exemple que 2 mots différents de 4 symboles dans le collier . On a donc :

En écrivant l'égalité entre ces deux expressions pour , on trouve que est divisible par .

Dénombrement des arbres colorés

La formule de Cayley indique qu'il y a 1 = 22 − 2 arbre Ă  deux sommets, 3 = 33 − 2 arbres colorĂ©s Ă  trois sommets et 16 = 44 − 2 arbres colorĂ©s Ă  4 sommets.

Quel est le nombre d'arbres colorés différents qui peuvent recouvrir un ensemble de sommets distincts ? La formule de Cayley donne la réponse :

.

Aigner et Ziegler énumÚrent quatre démonstrations différentes de ce résultat. Ils affirment que, des quatre, c'est la démonstration par double dénombrement que l'on doit à Jim Pitman qui est « la plus belle d'entre elles »[4] - [5].

Dans cette dĂ©monstration on dĂ©nombre de deux façons les diffĂ©rentes suites d'arĂȘtes orientĂ©es qui peuvent ĂȘtre ajoutĂ©es Ă  un graphe nul (sans arĂȘtes) de n sommets pour former un arbre.

PremiĂšre mĂ©thode : on part de l'un des arbres non orientĂ©s possibles et on choisit l'un de ses n sommets comme racine de l'arbre orientĂ©, ce qui donne un arbre orientĂ©. Il y a façons de choisir la premiĂšre arĂȘte, puis façons de choisir l'arĂȘte suivante, et ainsi de suite. Finalement, le nombre total de suites qui peuvent ĂȘtre formĂ©es de cette façon est :

.
Ajouter une arĂȘte orientĂ©e Ă  une forĂȘt orientĂ©e.

DeuxiĂšme mĂ©thode : on ajoute les arĂȘtes une Ă  une au graphe vide, en considĂ©rant le nombre de choix que l'on a Ă  disposition Ă  chaque Ă©tape. Si l'on a dĂ©jĂ  ajoutĂ© une collection de arĂȘtes de façon Ă  former une forĂȘt de k arbres orientĂ©s (illustration), il y a choix pour la prochaine arĂȘte Ă  ajouter. En effet, son sommet de dĂ©part peut ĂȘtre n'importe lequel des n sommets du graphe et son sommet d'arrivĂ©e peut ĂȘtre n'importe lequel des racines autres que la racine de l'arbre contenant le sommet de dĂ©part (illustration). Finalement, en multipliant le nombre de choix Ă  la premiĂšre Ă©tape, Ă  la deuxiĂšme Ă©tape, etc., le nombre total de choix est :

.

En Ă©crivant l'Ă©galitĂ© entre ces deux expressions pour le nombre de suites d'arĂȘtes,

,

on obtient la formule de Cayley :

.

Autres exemples

Notes et références

  1. (en) Jacobus H. van Lint et Richard M. Wilson, A Course in Combinatorics, Cambridge University Press, , 602 p. (ISBN 978-0-521-00601-9, lire en ligne), p. 4, p. 4 « One of the important tools in combinatorics is the method of counting certain objects in two different ways ».
  2. Martin Aigner et GĂŒnter M. Ziegler, Raisonnements divins, Springer-Verlag, , p. 186.
  3. Martin Aigner et GĂŒnter M. Ziegler, Raisonnements divins, Springer-Verlag, , p. 187.
  4. (en) Martin Aigner et GĂŒnter M. Ziegler, Proofs from THE BOOK, Springer-Verlag, , p. 145-146.
  5. Martin Aigner et GĂŒnter M. Ziegler, Raisonnements divins, Springer-Verlag, , p. 229-230.
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