AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Phare de la Vieille

Le phare de la Vieille est un phare maritime du FinistÚre (France) construit de 1882 à 1887 sur le rocher de Gorlebella (« la roche la plus éloignée » en breton)[note 1].

Phare de la Vieille
Le phare par temps calme ; la tour Temperley (aujourd'hui disparue) était située sur la droite.
Localisation
Coordonnées
48° 02â€Č 26″ N, 4° 45â€Č 23″ O
Baigné par
Localisation
Histoire
Construction
1882 Ă  1887
Mise en service
Automatisation
Patrimonialité
Gardienné
non
Visiteurs
non
Architecture
Hauteur
26,90 m
ÉlĂ©vation
33,90 m
Marches
120
Matériau
Équipement
Lanterne
Lampe halogĂšne 250 W
Optique
Lentille 4/5 horizon, focale 50 cm, ∅ 3 m
Portée
Feux
Localisation sur la carte de France
voir sur la carte de France
Localisation sur la carte du FinistĂšre
voir sur la carte du FinistĂšre

Il Ă©claire et sĂ©curise fortement le passage dangereux du raz de Sein, de concert avec la tourelle de la Plate (cardinale ouest). Il est situĂ© dans le raz de Sein Ă  moins d'un mille marin Ă  l'ouest de la pointe du Raz sur la commune de Plogoff et appartient Ă  l'État français.

L'« Enfer » de la Vieille doit sa célébrité à sa situation isolée en mer dans une zone agitée. De plus, il se démarque par son histoire et son passé riches : entre les études de faisabilité et le premier allumage, prÚs de dix ans ont été nécessaires pour sa construction. Lors de son automatisation en 1995, les gardiens en place refusÚrent la relÚve en signe de protestation.

Il a Ă©tĂ© inscrit monument historique par arrĂȘtĂ© du [1] - [2]. Sur proposition de la Commission nationale des monuments historiques, la ministre de la culture et de la communication a, le , classĂ© au titre des monuments historiques le phare de la Vieille.

Historique

La nécessité d'un phare dans le raz de Sein

Le raz de Sein est la route maritime la plus courte et la plus sĂ»re pour les navires circulant entre l'Atlantique et la Manche ; en effet, plus Ă  l'ouest, des hauts-fonds, l'Ăźle de Sein puis la chaussĂ©e de Sein barrent la route sur plus de 30 milles. C'est cependant un passage trĂšs dangereux du fait du courant trĂšs violent gĂ©nĂ©rĂ© par les marĂ©es (jusqu'Ă  six nƓuds en vives eaux[3]), de la mer souvent dĂ©ferlante, et de nombreux rochers[4]. Le courant lĂšve, mĂȘme par brise modĂ©rĂ©e, une mer trĂšs forte gĂȘnante y compris pour des navires d'un certain tonnage. Les guides de navigation recommandent d'attendre la renverse, moment oĂč le courant s'annule et la mer se calme, pour franchir le raz de Sein.

Les alentours de la pointe du Raz, et en particulier la baie d'Audierne, vivent notamment jusqu'au XVIIIe siÚcle des épaves trouvées sur les lieux des nombreux naufrages[5].

Construction et mise en service

Plan de la chaussĂ©e de Sein, montrant l’implantation des phares.
Plan de la chaussée de Sein, montrant l'implantation des phares.

Études de faisabilitĂ©

Carte postale du phare de la Vieille face à une mer agitée, vu depuis la pointe du Raz.
Le phare de la Vieille en 1912, face à une mer agitée, vu depuis la pointe du Raz.

DĂšs 1860, le principe de construction d'un phare sur le rocher de la Vieille, Ă©galement nommĂ©e Gorlebella (« la roche la plus Ă©loignĂ©e » en breton) est retenu. Un phare de premier ordre, les HĂ©aux de BrĂ©hat, construit sur les rĂ©cifs, avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© allumĂ© en 1840. Le , la Commission des phares rend un avis favorable Ă  la construction d'un phare de 3e ordre sur le rocher (qui signale les passages dangereux et les rĂ©cifs le long des cĂŽtes, comme ceux de 3e ordre). En 1862, les ingĂ©nieurs peuvent prĂ©senter leur avant-projet, en mĂȘme temps que pour le phare de TĂ©vennec, mais en raison des difficultĂ©s prĂ©visibles de rĂ©alisation et de la construction dĂ©licate en cours du phare d'Ar-Men, le travail est constamment ajournĂ© par le service maritime. En 1872, il dĂ©cide mĂȘme de reporter le projet, dans l'attente de la finalisation d'Ar-Men, et de se contenter dans l'immĂ©diat du systĂšme provisoire d'Ă©clairage qu'il a dĂ©cidĂ© de mettre en Ɠuvre avec le phare de TĂ©vennec et les deux feux d'alignement du bec du Raz[6].

Mais en 1879, deux ans avant l'achĂšvement du phare d'Ar-Men, le projet est relancĂ© : il apparaĂźt en effet opportun de mener les deux chantiers de front, afin de faire travailler les ouvriers sur le chantier de la Vieille lorsque la roche d'Ar-Men est inabordable[6]. La construction du phare de la Vieille n'est confirmĂ©e qu'Ă  la suite d'une sĂ©rie d'Ă©tudes de faisabilitĂ©. La premiĂšre Ă©tude de faisabilitĂ© dĂ©bute en 1879, par une campagne in situ avec cinq dĂ©barquements sur le site du futur phare. Durant cette campagne sont Ă©tudiĂ©s : la roche, le rĂ©gime des courants et les conditions d'accostage. Les pĂȘcheurs de l'Ăźle de Sein embauchĂ©s pour cette campagne arrivent avec difficultĂ© Ă  effectuer quelques forages permettant de sceller des organeaux d'amarrage. De mĂȘme, des maçons ayant participĂ© Ă  l'Ă©dification du phare d'Ar-Men rĂ©alisent six mĂštres cubes de maçonnerie dans les parties basses, amĂ©liorant sensiblement les points d'accostages, dont le plus important permet d'aborder le rocher par le nord-est[6].

En 1880 dĂ©marre une nouvelle campagne durant laquelle seront rĂ©alisĂ©s une dizaine d'accostages qui permettront de rĂ©aliser les travaux prĂ©paratoires suivants : la pose des organeaux et des barres de scellement, et grĂące Ă  ces barres, la construction d'une plate-forme de 37 mĂštres cubes de maçonnerie rĂ©alisĂ© au Nord-Est de la roche. Cette plate-forme ainsi rĂ©alisĂ©e servira Ă  la fois de zone de dĂ©barquement des matĂ©riaux de construction, et de future fondation pour la base du phare[6].

Une dĂ©pĂȘche est Ă©mise le par le ministre des Travaux publics Carnot : « des renseignements recueillis et des rĂ©sultats obtenus pendant les deux campagnes de 1879 et 1880, il ressort que l'on peut Ă©tablir un phare sur la roche la Vieille, dans des conditions de dĂ©pense parfaitement en rapport avec les services Ă  rendre ». c'est alors qu'un crĂ©dit de 100 000 francs est votĂ© en [6].

Comme Ar-Men, la construction de ce nouveau phare n'est pas simple. La roche de la Gorlebella sur laquelle reposera le phare est allongée dans le sens des courants, de plus ces derniers sont violents et quasi permanents. De ce fait, la roche n'offre que peu de zones abritées, lesquelles ne sont calmes que pendant un court laps de temps.

La configuration des lieux pour l'accostage est la suivante : au sud gisent des basses[note 2] ; à l'est et à l'ouest, tout stationnement est interdit à cause des courants dont la vitesse peut atteindre plus de six nƓuds.

Il ne reste donc que la face nord, laquelle, en raison de la violence des courants, ne permet d'accoster que par mer calme, trois jours avant et trois jours aprĂšs le quartier de la lune, en pĂ©riode de morte-eau et seulement pendant le flot. Une mer agitĂ©e dans cette zone peut provoquer en effet des remous de 40 Ă  50 mĂštres. MalgrĂ© tout, la construction est plus aisĂ©e que celle d'Ar-Men car les dimensions de 50 m par 20 m de la roche sont plus importantes, et celle-ci Ă©merge de 14 m au-dessus du niveau des plus hautes mers. Une fois taillĂ©e, la roche permet la construction d'une plate-forme de 20 m sur 10 m[6].

Pour la phase de construction proprement dite, l'ingĂ©nieur Victor FĂ©noux, responsable du projet, pense planifier des campagnes de cinq mois par an, Ă  raison d'un jour de beau temps sur deux pendant les six jours de chaque quartier de lune, soit environ trente accostages par an, c'est-Ă -dire le mĂȘme nombre d'accostages qu'Ă  Ar-Men[6].

Construction

Carte postale montrant le phare de la Vieille juste aprĂšs sa construction.
Le phare de la Vieille juste aprĂšs sa construction.

Le , aprÚs deux années d'études, le ministre des Travaux publics donne son accord définitif pour la construction du phare. L'ßle de Sein est choisie comme base, pour la direction du chantier et le stockage des matériaux (pierres de taille). La charge d'ingénieur responsable de la surveillance des travaux est confiée au conducteur Probestau, qui logera sur l'ßle[6].

En 1881, la construction du phare d'Ar-Men vient de se terminer. Ce dernier est situĂ© Ă  18 km Ă  vol d'oiseau du site du phare de la Vieille. La construction d'Ar-men fut extrĂȘmement difficile et tout naturellement les constructeurs vont bĂ©nĂ©ficier de cette expĂ©rience acquise pour diriger les travaux du phare de la Vieille[6].

Les campagnes de travaux dĂ©butent chaque annĂ©e aprĂšs les tempĂȘtes hivernales, soit le 1er mai. Pour acheminer hommes et matĂ©riel, un petit bateau Ă  vapeur est utilisĂ©. Il embarque les ouvriers et prend en remorque une grosse chaloupe pontĂ©e contenant les pierres de taille et autres matĂ©riaux de construction ainsi que les canots d'accostage[6].

La zone du phare est une zone Ă  forts courants qui, lorsqu'ils sont couplĂ©s avec la houle, empĂȘchent l'accostage du rocher. Les bateaux de l'Ă©poque ne peuvent rester au point fixe et dĂ©barquer hommes et matĂ©riel sur le rocher en toute sĂ©curitĂ©. Pour pallier ce problĂšme, des mouillages sont installĂ©s, couplĂ©s Ă  une chaloupe et Ă  des canots. La manƓuvre pour aborder le phare se dĂ©roule comme suit[6] : le rocher est Ă©quipĂ© de mĂąts de charge pour dĂ©charger la chaloupe ; les canots font la liaison entre le rocher, la chaloupe et le vapeur ; la chaloupe durant le flot et une partie du jusant est mouillĂ©e grĂące Ă  trois corps-morts situĂ©s au sud-ouest du phare. Ils permettent un amarrage de la chaloupe Ă  proximitĂ© du rocher ; enfin, pour le mouillage du vapeur, une bouĂ©e plus Ă©loignĂ©e est utilisĂ©e, mais parfois, lors des vives eaux, les courants sont tellement violents que le vapeur va mouiller en baie des TrĂ©passĂ©s, prĂȘt Ă  revenir Ă  proximitĂ© du rocher Ă  la moindre alerte.

Les premiers accostages sont mis à profit pour construire un petit abri maçonné dans un creux situé à l'est du rocher. La construction abrite les ouvriers, les vivres et les outils. Cet abri est une protection face aux caprices du temps, les ouvriers peuvent travailler plus longtemps à l'arasement de la roche, mais cet abri n'est pas suffisant par mauvais temps ; les travaux sont alors reportés[6].

La maçonnerie du soubassement débute le . S'ensuit alors la construction de la tour et de sa plate-forme. Finalement en 1886, aprÚs trois saisons d'efforts, la tour et sa plate-forme sont terminées, ainsi qu'une partie des aménagements intérieurs. Pour les derniers aménagements il faudra attendre 1887[6].

La maçonnerie est hourdée au ciment Portland de Boulogne gùché à l'eau de mer pour le soubassement et la plate-forme, et à l'eau douce pour le reste afin de mieux garantir la salubrité des logements[7].

L'étude et la construction sont dirigées de 1879 à 1885 par l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Fénoux, et en 1886 et 1887 par l'ingénieur en chef Considere. L'ingénieur ordinaire Miniac suivra le chantier tout au long de son déroulement.

Le feu de la Vieille est enfin allumé le , date de fin des travaux qui est gravée sur la tour. Il remplace alors les deux feux d'alignement de la pointe du Raz, devenus inutiles[6].

  • Vue de la Plate et de la Vieille depuis l'ouest vers l'est.
    Vue de la Plate et de la Vieille depuis l'ouest vers l'est.
  • Le raz de Sein et le phare de la Vieille vus depuis la pointe du Raz.
    Le raz de Sein et le phare de la Vieille vus depuis la pointe du Raz.
  • Le phare de la Vieille et la pointe du Raz, au petit matin, depuis une vedette reliant l'Ăźle de Sein au continent.
    Le phare de la Vieille et la pointe du Raz, au petit matin, depuis une vedette reliant l'Ăźle de Sein au continent.
  • Le phare de la Vieille et la tourelle de la Plate vus du Raz de Sein.

Le drame et le sauvetage de 1926

Au dĂ©but de l'annĂ©e 1926, le phare de la Vieille devait ĂȘtre le thĂ©Ăątre d'un grave incident, le plus mĂ©diatisĂ© de l'histoire des phares en mer français[8]. À l’issue de la PremiĂšre Guerre mondiale, la France comptait de nombreuses gueules cassĂ©es dans sa population ; aussi l'État avait fait adopter plusieurs dispositions pour faciliter leur rĂ©insertion professionnelle. En particulier la loi du rendait leur embauche obligatoire et prioritaire dans l'administration ; elle prĂ©voyait dans ce but une liste d'« emplois rĂ©servĂ©s » qui comprenait, en plus de professions telles que garde-champĂȘtre, facteur en zone rurale, employĂ© aux Ă©critures, concierge, gardien de musĂ©e ou de square, huissier de ministĂšre et autres, celle de gardien de phare


Ce sont donc deux mutilĂ©s de guerre, messieurs Mandolini et Ferracci, qui se retrouvent affectĂ©s, respectivement les et [9], Ă  la surveillance du phare de la Vieille. Ce travail pĂ©nible n’est bien sĂ»r pas fait pour eux ; les deux hommes sont trĂšs handicapĂ©s. Mandolini n'a plus l'usage d'un bras, Ferracci toujours une balle logĂ©e dans le corps. Ils sont peu en mesure d'utiliser le cartahu lors des pĂ©rilleuses relĂšves. Tous deux sont aussi atteints aux poumons mais ils devaient gravir quotidiennement les 120 marches sĂ©parant les rĂ©servoirs Ă  pĂ©trole de la salle de veille. Leurs demandes rĂ©pĂ©tĂ©es de mutation, certificats mĂ©dicaux d'inaptitude Ă  l’appui, demeurent sans effet[10].

À la fin du mois de , la France subit l'assaut de trĂšs violentes tempĂȘtes. Le gardien-chef du phare de la Vieille est alors en congĂ© Ă  terre ; seuls les deux mutilĂ©s de guerre sont restĂ©s « Ă  bord ». Pendant plusieurs semaines, le gros temps rend impossible toute approche du phare. Lorsque les deux « emplois rĂ©servĂ©s » en viennent Ă  hisser au sommet de la Vieille le pavillon noir de dĂ©tresse, la houle est si forte que les pĂȘcheurs des environs (Ă  l'Ă©poque chargĂ©s de la relĂšve et du ravitaillement) ne peuvent leur venir en aide. Les deux malheureux sont entr’aperçus sur la plateforme, « noirs comme des dĂ©mons, les vĂȘtements en lambeaux ». Le canot du baliseur LĂ©on-Bourdelles tente de leur porter secours mais il manque de sombrer avec son Ă©quipage[9] - [10].

Le , le drame tourne à la tragédie quand une goélette de Paimpol, La Surprise , se perd corps et biens sur les brisants de Plogoff ; les dix membres de l'équipage périssent[11]. Des témoins soutiennent que le phare de la Vieille n'était pas allumé cette nuit-là et que sa corne de brume n'avait fonctionné que par intermittence[12].

La tempĂȘte ne se calme pas les jours suivants et les deux gardiens mettent leur pavillon en berne en signe de dĂ©sespoir.

Finalement, le , un patron-pĂȘcheur de Plogoff, Clet Henri Coquet, son fils et le gardien-chef d'Ar-Men Nicolas Kerninon parviennent malgrĂ© le gros temps Ă  ramener les deux veilleurs extĂ©nuĂ©s Ă  terre[13]. Pour ce faire, Kerninon et le jeune Coquet auront dĂ» nager dans les flots glacĂ©s, encordĂ©s Ă  un filin jetĂ© entre la barque et l'escalier du phare. Ils remplacent temporairement les deux gardiens dans la tour[12].

L’affaire est relayĂ©e par la presse (dans un premier temps La DĂ©pĂȘche de Brest qui rappelle d'autres incidents survenus Ă  des mutilĂ©s de guerre au phare de la Jument et Ă  celui d'Ar-Men[9], puis des quotidiens nationaux[14]) ; elle remonte devant le Parlement. Un dĂ©cret du exclura le mĂ©tier de gardien de phare en mer de la liste des emplois rĂ©servĂ©s[15]. Quant aux deux hommes, ils ne seront pas tenus responsables du naufrage[12] et ils seront affectĂ©s Ă  des phares continentaux[16]. Cette affaire entraĂźne finalement la modification de la loi sur les emplois rĂ©servĂ©s avec l'interdiction dĂ©finitive d'employer des mutilĂ©s de guerre dans les phares en mer[17].

Les six sauveteurs reçurent chacun une gratification de 1 000 francs octroyée par le gouvernement d'Aristide Briand et trois sauveteurs reçurent la médaille de la Société centrale de sauvetage des naufragés[18].

Depuis l'automatisation

L'automatisation du phare eut lieu le ; il est depuis tĂ©lĂ©-contrĂŽlĂ© depuis l'Ăźle de Sein[19]. Il fut l'avant-dernier phare en mer français Ă  ĂȘtre automatisĂ©, avant KĂ©rĂ©on.

Le , Ă  la suite d'une violente tempĂȘte, le mĂąt de charge (Temperley) est arrachĂ©, et n'est pas remplacĂ©[20]. Cela impose des travaux de sĂ©curisation de l'accĂšs au phare ; ils sont rĂ©alisĂ©s par la subdivision des phares et balises de Brest. Les travaux ont consistĂ©, en matiĂšre de gĂ©nie civil, en la rĂ©alisation d'une sĂ©rie de plateaux, d’échelles et de marches, complĂ©tĂ©s par une potence dĂ©montable[21].

Au bout de quinze ans d'inhabitation, privĂ©e de l'entretien autrefois assumĂ© par les gardiens, la lanterne du phare, posĂ©e en 1886, commence Ă  connaĂźtre des fuites. L'eau de mer ruisselle dans le phare, menaçant l'intĂ©rieur, mobilier, boiseries, circuits Ă©lectriques et Ă©lectroniques. La Vieille n'est d'ailleurs pas un cas isolĂ©, plusieurs autres phares automatisĂ©s connaissant la mĂȘme situation. La lanterne est enlevĂ©e par hĂ©licoptĂšre au cours de l'Ă©tĂ© 2019 pour ĂȘtre restaurĂ©e Ă  Brest, cependant qu'une lanterne provisoire est installĂ©e Ă  sa place.

La Société nationale pour le patrimoine des phares et balises et l'association Phares du Ponant ont souvent signalé la dégradation progressive de ce phare depuis son automatisation.

Architecture et aménagement

C'est pour une raison d'esthĂ©tique que le phare possĂšde une forme quadrangulaire et trapue, lĂ©gĂšrement crĂ©nelĂ©e, et qui s'Ă©largit vers la base. La tour carrĂ©e possĂšde une extension demi-cylindrique sur sa face nord contenant l'escalier Ă  vis. La structure du phare a Ă©tĂ© construite en pierre de taille Ă  bossages de granite gris de l'Ăźle de Sein, alors que l'encadrement des ouvertures et les angles de l'Ă©difice sont en moellons enduits de granit vert-bleu de Kersanton[22]. Le crĂšnelage de la tour est un encorbellement sur corniche Ă  modillons qui supporte une balustrade en pierre de taille. La lanterne est couverte d'un toit bombĂ© en zinc, alors que le phare lui-mĂȘme est recouvert d'une terrasse. L'aspect du phare dĂ©note une recherche esthĂ©tique de la part de ses concepteurs, mais Ă©galement une volontĂ© de rĂ©aliser un Ă©difice reconnaissable, qui ne puisse pas ĂȘtre confondu par mauvais temps avec son voisin TĂ©vennec[6].

Un escalier indépendant, de deux volées en béton, permet de débarquer sur la plate-forme qui dessert le phare[23].

L'intérieur du phare a été aménagé dans un souci d'efficacité. Au rez-de-chaussée se situent les groupes électrogÚnes, les citernes et divers matériels d'accostage. Au-dessus, se trouvent quatre chambres superposées, accueillant respectivement le magasin des huiles, la cuisine, la chambre à coucher et enfin, la chambre de veille, sous la lanterne[6].

Histoire du signal

Au cours de son histoire, le feu de la Vieille aura balisĂ© le raz de Sein de diffĂ©rentes façons, avec plusieurs amĂ©liorations successives. Le premier feu fixe est allumĂ© le . Pourvu d'une focale de 50 cm, il se composait de secteurs blancs rouges et verts. Au mĂȘme instant, les deux feux de la pointe du Raz sont Ă©teints. En 1898, le feu est Ă©quipĂ© d'un systĂšme Ă  occultations toutes les 5 secondes. Le brĂ»leur est renforcĂ© en 1904 par un brĂ»leur Ă  pĂ©trole Ă  incandescence. Un signal de brume est ajoutĂ© le . Le signal actuel Ă  trois occultations (2+1) blanc, rouge et vert comprenant 5 secteurs blancs, rouges et verts, d'une portĂ©e de 18 milles, est installĂ© en 1939 ; il se rĂ©pĂšte toutes les 12 secondes. La lanterne d'un diamĂštre de 3 mĂštres, est Ă©quipĂ©e d'une lampe halogĂšne de 250 w[23].

Les combustibles ont également varié au fil du temps. L'huile minérale est d'abord utilisée, à la mise en service en 1887. La vapeur de pétrole sert ensuite, à partir de 1898. L'électrification puis l'automatisation interviennent en 1995[23].

Les groupes électrogÚnes servaient à la vie des gardiens et non pas au fonctionnement du feu du phare. Ce dernier a fonctionné à la vapeur de pétrole jusqu'au début de 1995.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le feu est évacué le et n'est rallumé que le [23].

Vie dans le phare : gardiens et relĂšve

Le phare Ă©tait normalement occupĂ© en permanence par deux gardiens, relevĂ©s rĂ©guliĂšrement, mais pas en mĂȘme temps. Deux vedettes venaient le ravitailler, la Blodwen et la VellĂ©da, toutes deux dĂ©pendantes des Phares et balises du FinistĂšre[24].

Comme pour la plupart des phares en mer, la relÚve de la Vieille s'effectuait à l'aide du cartahu, un filin que les gardiens lançaient à l'équipage de la vedette. Une fois le cartahu saisi et un va-et-vient établi entre le phare et le bateau, on y accrochait le « ballon » : c'était un siÚge rudimentaire, dont la forme n'était pas obligatoirement sphérique, et qui à l'origine était en liÚge. Puis le gardien « montant », équipé d'un gilet de sauvetage et assis à califourchon sur le ballon, était halé à l'aide d'un treuil manipulé par les deux gardiens en poste. Cette procédure, qui garantissait la présence permanente d'au moins deux hommes sur le phare, était indispensable non seulement pour assurer le service mais aussi pour effectuer la relÚve dans de bonnes conditions. Arrivé sur la plate-forme du phare, le gardien « montant » passait son gilet de sauvetage au gardien « descendant » et prenait sa place au treuil, pendant que son collÚgue utilisait le « ballon » à son tour pour rejoindre le pont de la vedette. On transférait enfin le ravitaillement.

Durant toute la manƓuvre, la vedette frĂŽlait les rochers Ă  la base du phare. Aussi, l'exercice de la relĂšve, qui requĂ©rait Ă  la fois agilitĂ© de la part des passagers et virtuositĂ© de la part du pilote et de l'Ă©quipage, devenait pĂ©rilleux, si ce n'est tout simplement impossible, dĂšs que la mer se faisait trop agitĂ©e[25].

Un nouveau mode de relĂšve des gardiens est alors mis en place durant l'Ă©tĂ© 1926, grĂące Ă  la construction d'une tour Ă  systĂšme Temperley[23] - [note 3]. Le Temperley ayant Ă©tĂ© dĂ©montĂ© lors de l'automatisation du phare en (et la tour dĂ©truite par une tempĂȘte en 2008), l'accĂšs au phare se fait dĂ©sormais par hĂ©litreuillage.

Noël Fouquet, Jean Donnart, Michel Rozenn et Guy Lasbleiz passent leur derniÚre nuit sur le phare avant son automatisation le . En effet, protestant contre cette décision, Jean Donnart et un de ses collÚgues avaient refusé la relÚve, ce qui explique la présence de quatre gardiens dans le phare au lieu des deux rÚglementaires[27]. Depuis cette date, le phare est télécontrÎlé depuis l'ßle de Sein.

Le phare dans la culture

L'acteur Jean Rochefort Ă©tait le parrain du phare de la Vieille[28].

En 2019, La Poste a émis un carnet de douze timbres à validité permanente intitulé « RepÚres de nos cÎtes » dans lequel figure le phare de la Vieille[29].

Livres

  • Anatole Le Braz : Le Gardien du feu, 1900, roman (l'action de ce roman se dĂ©roule sur le rocher de Gorlebella et le phare de la Vieille).
  • Louis Le Cunff : Feux de mer, 1992, roman, Bertrand de QuĂ©netain, Saint-Malo (ISBN 2-905970-44-8).

Filmographie

  • Gardiens de Phare, rĂ©alisĂ© par Jean GrĂ©millon en 1929 ;
  • Les Gardiens du feu, rĂ©alisĂ© par Jean-Yves Le Moine et Thierry Marchadier en 1992, produit par 1+1 Production, qui relate la vie de deux des gardiens du phare de la Vieille lorsque son feu fonctionnait encore au pĂ©trole.

Notes et références

Notes

  1. Appelé « phare de Gorlebella » jusque dans les années 1940, il prend alors le nom de phare de la Vieille, en référence à sa silhouette de « vieille Dame ».
  2. C'est un banc de rochers affleurant la surface de la mer.
  3. Le Temperley est « un appareil de dĂ©chargement comportant une poutre inclinĂ©e avec un chariot monorail, et dans lequel le levage de la charge ainsi que le dĂ©placement du chariot s'effectuent avec le mĂȘme cĂąble[26]. »

Références

  1. PrĂ©fecture de rĂ©gion Bretagne : ArrĂȘtĂ© no 2016-12337 du 31 dĂ©cembre 2015 portant inscription au titre des monuments historiques du phare de la Vieille (FinistĂšre)
  2. Notice no PA29000080, base Mérimée, ministÚre français de la Culture
  3. « Courantologie : Ille-et-Vilaine et CÎtes d'Armor », sur http://envlit.ifremer.fr/, IFREMER (consulté le ).
  4. « La Vieille: choix du site et construction », sur http://www.museemaritime.fr, Musée maritime du Cap-Sizun (consulté le ).
  5. Paul Cornec, « Les pilleurs d’épaves du Cap-Sizun : mythe ou rĂ©alitĂ© ? », sur http://www.audierne.info, Audierne (consultĂ© le ).
  6. Fichou, p. 246
  7. « Phare de la Vieille », sur le site de la direction départementale des Territoires du FinistÚre
  8. René Gast et Jean Guichard, Tous les phares de France, p. 69
  9. La DĂ©pĂȘche de Brest, article du 27 fĂ©vrier 1926 reproduit sur la page AnnĂ©e 1926 du site de l'Association Sportive Brestoise.
  10. Fichou, p. 395
  11. Magali Lelchat, « Naufrage de "la Surprise" dans la nuit du 18 au 19 fĂ©vrier 1926 », sur actu.fr, (consultĂ© le ).
  12. Fichou, p. 396
  13. Journal Le Petit Parisien no 17900 du 3 mars 1926, consultable https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6064084/f1.image.r=Plogoff.langFR
  14. « Au phare de la Vieille. La relĂšve mouvementĂ©e de deux gardiens. », L'HumanitĂ©, no 9945,‎ (lire en ligne).
  15. Didier DĂ©niel, « 95 ans aprĂšs, le naufrage de la Surprise Ă©merge », Le TĂ©lĂ©gramme de Brest et de l'Ouest,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Le Cunff 1954, p. 115-120
  17. René Gast et Jean Guichard, op. cit., p. 70
  18. Didier Déniel, L'épique sauvetage des naufragés du phare de la Vieille, journal Le Télégramme de Brest et de l'Ouest, n° du 11 janvier 2021.
  19. Anne Lessard, « Le phare de La Vieille », sur Bretagne.com,
  20. « Photos de la tempĂȘte du 10 mars 2008 sur le site de la SNPB », sur pharesetbalsies.org.
  21. « Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique-Manche Ouest (DIRM NAMO) - Phare de la Vieille », sur dirm.nord.
  22. Louis Chauris, « L’exploitation des ressources minĂ©rales sur le littoral en Bretagne mĂ©ridionale », dans Jacques MalĂ©zieux (dir.), Le Milieu littoral. Actes du 124e CongrĂšs national des SociĂ©tĂ©s historiques et scientifiques, Nantes, CHTS, , p. 263.
  23. « Phare de la Vieille », notice no IA29000464, base Mérimée, ministÚre français de la Culture
  24. Fichou, p. 387-389 ; 391
  25. « Phares & Cornes de brume. Le ravitaillement et la relÚve » (consulté le )
  26. « article Temperley », sur le Larousse en ligne (consulté le )
  27. Françoise Lancelot, « Jean Donnart, gardien du phare de la Vieille », L’HumanitĂ©,‎ .
  28. « Phare de la Vieille », émission pour les 30 ans de Thalassa, France 3 (5 septembre 2005)
  29. Carnet 12 timbres - RepÚres de nos cÎtes 2019 - Lettre Prioritaire, La Poste, consulté le .

Annexes

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

  • Jean-Christophe Fichou, Phares : Histoire du balisage et de l'Ă©clairage des cĂŽtes de France, Douarnenez, Chasse-MarĂ©e, , 451 p. (ISBN 978-2-914209-10-6) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Louis Le Cunff, Feux de mer, Paris, AndrĂ© Bonne, Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • « L'Ă©popĂ©e des phares du FinistĂšre », Chasse-MarĂ©e, no 53,‎ Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • « Gardiens de phares du Raz de Sein », Chasse-MarĂ©e, no 68,‎ Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Anatole Le Braz, Le Gardien du feu, Paris, Calmann-LĂ©vy, , 322 p. (lire sur Wikisource). — Roman.
  • Yves HeurtĂ©, Le Phare de la Vieille, Ă©d. du Seuil, coll. « Seuil jeunesse », , 138 p. (ISBN 978-2-02-023174-9, prĂ©sentation en ligne) (rĂ©cit de fiction ayant lieu dans le phare de la Vieille)

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.