Orfeu Negro
Orfeu Negro est un film musical franco-italo-brĂ©silien de Marcel Camus sorti en 1959. Il est adaptĂ© d'une pièce de VinĂcius de Moraes, Orfeu da Conceição (1956). Le film a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes 1959.
RĂ©alisation | Marcel Camus |
---|---|
Scénario |
Jacques Viot Marcel Camus |
Musique |
Antônio Carlos Jobim Luiz Bonfá |
Acteurs principaux |
Breno Mello |
Pays de production |
France Italie Brésil |
Genre |
film musical comédie dramatique |
Durée | 105 minutes |
Sortie | 1959 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Synopsis
Ce film réinterprète le mythe d'Orphée et d'Eurydice en le transposant de Thrace à Rio de Janeiro pendant le carnaval. Orfeo est conducteur de tramway à Rio. Eurydice est une jeune campagnarde. Menacée par un inconnu, elle s'est réfugiée chez sa cousine Sérafina. Ils se rencontrent à Rio la veille du carnaval. Pour éviter la jalousie de Mira, la fiancée d'Orfeo, Serafina prête son déguisement à Eurydice. Ils vont s'aimer au milieu des festivités d'une ville en liesse. Mais le lendemain, elle est démasquée[1].
Fiche technique
- Titre : Orfeu Negro
- RĂ©alisateur : Marcel Camus
- ScĂ©nario : Jacques Viot et Marcel Camus d'après la pièce Orfeu da Conceição de VinĂcius de Moraes
- Dialogues : Jacques Viot et Marcel Camus
- Directeur de la photographie : Jean Bourgoin
- Ingénieur du son : Amaury Leenhardt
- Musique : Antônio Carlos Jobim et Luiz Bonfá
- Assistants réalisateur : Lou Bonin et Robert Mazoyer
- Montage : Andrée Feix
- Production : Sacha Gordine
- Directeur de production : Jacques Gibault
- Sociétés de production : Dispat Films (Paris) Gemma Cinematografica (Rome) Turpan Filmes (São Paulo)
- Distributeur d'origine : Lux Films (Paris)
- Pays d'origine : Brésil, France, Italie
- Tournage : Rio de Janeiro (Brésil), du au
- Langue de tournage : portugais
- Format – Couleur par Eastmancolor – 1.37:1 :
- Genre : film musical, comédie dramatique
- Durée : 105 min
- Date de sortie : en France
Distribution
Pour sélectionner les acteurs sur les deux rôles titres, Marcel Camus, présent plusieurs mois avant le tournage à Rio de Janeiro, fait appel aux candidatures par le journal O Globo, indiquant chercher pour Orfeo « un garçon noir de 27 ans environ, mesurant entre 1,75 m et 1,80 m » et pour Eurydice « une jeune noire de 20 ans environ ». Il invite les candidats à se présenter à l'Alliance française de Rio, ou à envoyer leur photo « sans retouches et prises de préférence par un photographe amateur ». L'appel à candidature passionne les journaux brésiliens qui le reprennent dans leurs colonnes, et une foule de jeunes gens se présentent. Mais finalement, Marcel Camus trouve l'acteur Breno Mello, pour le rôle principal masculin, au Fluminense Football Club où il est footballeur[2] - [3]. Et il retient pour le rôle principal féminin une danseuse nord-américaine, Marpessa Dawn[3]. Autre particularité, l'interprète de la Mort est Adhemar Ferreira da Silva, athlète brésilien spécialisé dans la discipline du triple saut, à l'époque champion olympique et champion du monde.
- Marpessa Dawn : Eurydice
- Breno Mello (pt) : Orfeo
- Marcel Camus : Ernesto
- Fausto Guerzoni : Fausto
- Lourdes de Oliveira : Mira (reine du jour)
- LĂ©a Garcia : Serafina (reine de la nuit)
- Adhemar da Silva : la Mort
- Alexandro Constantino : Hermes
- Waldemar De Souza : Chico
- Jorge dos Santos (pt) : Benedito
- Aurino Cassiano : Zeca
- Maria Alice
- Ana Amélia
- Elizeth Cardoso
- Arlete Costa
- Maria de Lourdes
- Modesto De Souza
- Agostinho dos Santos
- Afonso Marinho
- Esther Mellinger
- Eunice Mendes
- Dinorah Miranda
- Zeni Pereira
- Teresa Santos
- Cartola
- Dona Zica
- Tião Macalé (pt) : le vendeur du gramophone
Production
Le film est une adaptation d'une pièce de théâtre de VinĂcius de Moraes, Orfeu da Conceição, prĂ©sentĂ©e pour la première fois en 1956. Conceição est une colline de Rio oĂą s'installa une des premières favelas[4].
Jean-Paul Delfino raconte la naissance de la pièce de théâtre, une anecdote obtenue de la dernière Ă©pouse de VinĂcius de Moraes : « Je (Vinicius) me trouvais alors Ă Niteroi, dans la maison de mon cousin, l'architecte Carlos LeĂ o. Et, un jour, Ă l'aube, alors que j'Ă©tais en train de penser Ă une histoire de la mythologie grecque, le mythe d'OrphĂ©e, (...) j'ai commencĂ© Ă entendre d'un morne voisin, o morro do GalvĂ o, une batucada »[5]. Il eut alors l'idĂ©e de transposer les amours d'OrphĂ©e et d'Eurydice dans les favelas. La pièce fut Ă©crite dès 1942, mais, faute de temps et de financement, elle ne fut pas montĂ©e.
En 1955, alors qu'il Ă©tait Ă Paris, comme attachĂ© culturel Ă l'ambassade du BrĂ©sil, il rencontra Sacha Gordine, Ă la recherche de scĂ©nario pour un film sur le BrĂ©sil. VinĂcius lui prĂ©senta son projet de pièce puis ils allèrent ensemble au BrĂ©sil et lĂ , alors que le projet du film se concrĂ©tisait, VinĂcius trouva les financements nĂ©cessaires et monta la pièce dont la musique fut composĂ©e par Tom Jobim. La pièce a donc Ă©tĂ© crĂ©Ă©e le , au Théâtre municipal de Rio, dans un dĂ©cor d'Oscar Niemeyer[3], concomitamment au projet du film qui lui, a Ă©tĂ© tournĂ©, avec l'arrivĂ©e de Marcel Camus, pendant l'automne 1958.
Certaines scènes, parmi les plus célèbres (favelas), ont été tournées sur le Morro da Babilonia[6], au-dessus de Leme (entre Copacabana et Urca). Marcel Camus a filmé le carnaval de Rio de 1958 mais n'en a retenu finalement que quelques images et échos sonores, préférant reconstituer les scènes de carnaval[3].
Bande son
Les chansons du film (parmi lesquelles figurent notamment A felicidade et ManhĂŁ de Carnaval), devenues des standards de la bossa nova et du jazz, ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement composĂ©es par AntĂ´nio Carlos Jobim, VinĂcius de Moraes et Luiz Bonfá. La direction musicale a Ă©tĂ© confiĂ©e par Marcel Camus Ă AntĂ´nio Carlos Jobim, et la rĂ©alisation de la bande son donne lieu Ă de nombreux Ă©changes entre Camus, Jobim et Moraes. Camus n'hĂ©site pas Ă demander des modifications de paroles ou de lignes mĂ©lodiques. Il fait Ă©galement jouer la concurrence. Les enregistrements, entre les mois d'aoĂ»t et de , rĂ©unissent de nombreux artistes, dont AntĂ´nio Carlos Jobim et Luiz Bonfá dĂ©jĂ citĂ©s, mais aussi Roberto Menescal pour les airs de bossa nova, et Agostinho dos Santos et Elizeth Cardoso pour les airs de samba plus traditionnels. Elizeth Cardoso ( Elizeth Moreira Cardoso) est l'interprète de "Manha de Carnaval", et son nom n'est jamais mentionnĂ© sur les disques contenant des airs de la bande originale du film. Camus se fait aider de Cartola pour bĂ©nĂ©ficier des meilleures Ă©coles de samba de l'Ă©poque pour les marches carnavalesques. Et les chants traditionnels afro-brĂ©siliens qui accompagnent la descente aux enfers d'Orfeo sont enregistrĂ©es in situ dans un lieu de culte de la macumba. L'ensemble, onze heures de musique, est synchronisĂ© au printemps 1959 par Jobim[3]. Une sĂ©lection est opĂ©rĂ©e par Marcel Camus, Ă©cartant par exemple une version d'A Felicidade, interprĂ©tĂ©e par JoĂŁo Gilberto, sonnant Ă son goĂ»t trop blanche[7]. Les musiques et chansons retenues sont envoyĂ©es Ă Paris oĂą le guitariste Henri Crolla enregistre les ultimes raccords[3].
Pour la version française, les acteurs doublant les personnages doublent également les chansons, notamment le chanteur John William (non crédité) qui interprète le rôle-titre d'Orphée dans la version française.
La bande originale a été publiée à la sortie du film par Philips[8].
Accueil critique
Cette œuvre cinématographique suscite l'enthousiasme quasi-unanime de la critique européenne, bien que présentée le au festival de Cannes en portugais sans aucun sous-titrage. Le choix d'acteurs noirs inconnus du grand public est une nouveauté et est considéré comme un choix courageux par une intelligentsia anticolonialiste. L'exotisme de la baie de Rio de Janeiro et du célèbre carnaval, les mélodies et rythmes brésiliens, les images sensuelles enchantent le public[3]. Il remporte la récompense suprême de ce festival, la Palme, devant des films de François Truffaut, d'Alain Resnais, de Richard Fleischer ou de Luis Buñuel :
« À ce film aimable, brillant, bruyant, qui joint aux légendes éternelles les sortilèges d'un exotisme de bon aloi, on peut certes préférer l'authentique simplicité des Quatre Cents Coups ou la mystérieuse gravité d'Hiroshima mon amour. Le jury n'en a pas moins eu raison de récompenser un film dont les indiscutables qualités s'accordent avec les goûts du grand public[9]. »
Sur une célèbre photo des cinéastes de la Nouvelle Vague, prise sur les marches du Palais de Cannes, Marcel Camus figure auprès de François Truffaut, François Reichenbach, Claude Chabrol, Jacques Doniol-Valcroze, Jean-Luc Godard, Roger Vadim, Jean-Daniel Pollet, Jacques Rozier, Jacques Baratier, Jean Valère, Édouard Molinaro et Robert Hossein[10]. Truffaut inclut Orfeu Negro dans les films fondateurs de ce mouvement[10], même si Godard fustige cette œuvre[4] - [11].
Le film est diffusé ensuite dans les salles européennes, asiatiques et américaines. Aux États-Unis, Black Orpheus obtient l'Oscar du meilleur film étranger en 1960 et, l'année suivante, le Golden Globe Award[3]. La distribution exclusivement noire est jugée audacieuse. Barack Obama cite quelquefois ce film comme une œuvre ayant donné la force à sa mère, dans un contexte raciste, d'épouser un Noir, par sa représentation chaleureuse de la communauté noire brésilienne et la promesse d'une autre vie[12] - [13] - [14].
Le film marque les esprits, en France, en Europe et aux États-Unis. Il révèle dans le monde entier un style musical, la bossa nova[15] (terminologie encore inconnue en dehors du Brésil), et établit définitivement la notoriété de la ville de Rio. Pour autant, même si la Palme d'or est accueillie sur le moment comme une « victoire nationale », il reçoit un accueil plus mitigé sur place, au Brésil, certains cariocas, le considérant avant tout comme une création française privilégiant une musique n'émanant pas du Rio profond, et proposant un regard quelquefois ironique sur la société contrastée de la ville. Pourtant, l'un des plus grands symboles de cette musique carioca, Cartola, et sa femme Zica apparaissent dans le film (Marcel Camus fréquentait la baraque du couple). La distribution exclusivement noire semble également inadéquate aux Brésiliens pour représenter à l'écran une ville métissée[3].
Distinctions
Remake
Un remake du film a été réalisé par Carlos Diegues en 1999, sous le titre Orfeu[17].
Notes et références
- Télérama 2014
- Cornu 2005.
- Fléchet 2013.
- Desbois 2010, p. 122.
- Site Nova-cinema.org.
- Noblat 2010.
- Genone 2008.
- Site Discogs.com.:
- Baroncelli 1959.
- Desbois 2010, p. 125.
- Godard 1959.
- Desbois 2010, p. 123.
- Farias 2011.
- Vianna 2011.
- Jeune Afrique 2008.
- Desbois 2010, p. 118.
- Azoury 1999.
Voir aussi
Bibliographie
- Anaïs Fléchet, Si tu vas à Rio... : La musique populaire brésilienne en France au XXe siècle, Éditions Armand Colin, , 392 p. (lire en ligne), « Le phénomène Orfeu negro ».
- (pt) Luiz Fernando Vianna, « Cinema faz elo simbólico de Obama com o Rio », O Globo,‎ (lire en ligne).
- (pt) Carolina Farias, « À espera de Obama, Chapéu Mangueira e Babilônia preparam documentário e cartas ao presidente », R7,‎ (lire en ligne).
- Jean-Michel Devésa, « Orphée et le carnaval, entre mascarades et parades. Autour d'Orfeu Negro de Marcel Camus. », dans Penser le carnaval: variations, discours et représentations, Éditions Khartala,, , 311 p. (lire en ligne), p. 177-193.
- Laurent Desbois, L'odyssée du cinéma brésilien, de l'Atlantide à la Cité de dieu, Éditions L'Harmattan, , 265 p. (lire en ligne), « Orfeu Negro ou le malentendu de (Marcel) Camus - 1959 », p. 118-126.
- (pt) Ricardo Noblat, « Bom dia! - Orfeu Negro », O Globo,‎ (lire en ligne).
- Paola Genone, « La BO d'Orfeu Negro », L'Express,‎ (lire en ligne).
- Rédaction Jeune Afrique, « Version définitive de la B.O. d'Orfeu Negro », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne).
- Francis Cornu, « A la recherche d'Orfeu Negro », Le Monde,‎ (lire en ligne).
- Johanne Villeneuve, « Orphée au Brésil : L’imaginaire européen à l’épreuve de la danse », Cinémas, vol. 15, no 1,‎ , p. 105-122 (lire en ligne).
- Paola Berenstein Jacques, Les favelas de Rio : un défi culturel, Éditions L'Harmattan, , 176 p. (lire en ligne), p. 116.
- Philippe Azoury, « Orfeu sans flamme. Le remix brésilien par Carlos Diegues n'offre ni plaisir ni déplaisir. Orfeu de Carlos Diegues, 1 h 50. », Libération,‎ (lire en ligne).
- Jean-Luc Godard, « Le Brésil vu de Billancourt », Les Cahiers du cinéma, no 97,‎ , p. 59-60.
- Jean de Baroncelli, « "Orfeu Negro" "Al Capone" », Le Monde,‎ (lire en ligne).
- Jean de Baroncelli, « Nouveau succès français Orfeu Negro », Le Monde,‎ (lire en ligne).
Article connexe
Liens externes
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Africultures
- Allociné
- Centre national du cinéma et de l'image animée
- Ciné-Ressources
- Cinémathèque québécoise
- Unifrance
- (en) AllMovie
- (it) Cinematografo.it
- (pl) Filmweb.pl
- (en) IMDb
- (en) LUMIERE
- (de) OFDb
- (en) Rotten Tomatoes
- (mul) The Movie Database
- Ressource relative Ă plusieurs domaines :
- (en) Metacritic
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- « Antonio Carlos Jobim & Luiz Bonfá – Orfeu Negro - Bande originale du film », sur Discogs.
- « Bande annonce du film Orfeu Negro », sur Première (magazine).
- « Orfeu Negro », sur le site Nova-cinema.org.
- « Orfeu Negro. Synopsis. », sur le site de Télérama.