Opération Mousquetaire
L'opĂ©ration Mousquetaire est une opĂ©ration militaire franco-israĂ«lo-britannique qui, durant la crise du canal de Suez en 1956, vit des unitĂ©s de ces pays intervenir pour envahir le canal de Suez, nationalisĂ© par le colonel Nasser, raĂŻs dâĂgypte. AppelĂ©e « l'affaire du canal » en Europe, et considĂ©rĂ©e en Ăgypte comme « une triple et lĂąche agression » de la France, du Royaume-Uni et d'IsraĂ«l, la crise de Suez prend fin le Ă la suite des menaces russes et semonces amĂ©ricaines, tournant Ă l'avantage diplomatique pour Nasser.

Date | novembre 1956 |
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Lieu | Port SaĂŻd |
Issue | Victoire militaire des forces coalisées mais retrait à la suite de pressions politiques extérieures |
Changements territoriaux | Canal de Suez |
Forces franco-britanniques | Forces égyptiennes |
Général Keightley Amiral Barjot Général Beaufre | Nasser |
2e RPC 60e Compagnie du génie aéroporté CGAP 11e Choc 1er REP 4 Cdos de marine 2e REC 3e Bon du Parachute regiment |
Contexte
Le Journal officiel Ă©gyptien publie la loi nationalisant la Compagnie universelle du canal de Suez. Cette dĂ©cision est un dĂ©fi lancĂ© aux Ătats-Unis qui ont refusĂ© de participer au financement des travaux du barrage dâAssouan. Axe de circulation stratĂ©gique et commercial pour les pays liĂ©s avec les Ătats du Golfe persique, la France y voit, de surcroĂźt, le moyen de mettre fin Ă l'aide financiĂšre et militaire que fournit l'Ăgypte au FLN algĂ©rien.
En effet, lâĂgypte abrite les chefs de la rĂ©bellion algĂ©rienne et lui assure un soutien logistique et financier. Elle permet Ă©galement aux rebelles de sâexprimer Ă lâONU.
Contre lâavis de lâopinion internationale, la France et la Grande-Bretagne prĂ©parent une opĂ©ration dâenvergure baptisĂ©e « Musketeer » (Mousquetaire), pour les Anglais et « opĂ©ration 700 » pour les Français.
Cette opĂ©ration, si elle est une victoire militaire pour les deux pays, s'achĂšve prĂ©maturĂ©ment Ă la suite de l'intervention politique des Ătats-Unis et de l'Union soviĂ©tique[1].
Déroulement
La mission est de prendre le contrĂŽle du canal. Le plan (nom de code « Terrapin ») prĂ©voit Ă©galement une offensive israĂ©lienne contre lâĂgypte qui dĂ©butera le 29 octobre.
Les Ătats-Unis, en pĂ©riode Ă©lectorale ne tiennent pas Ă voir Ă©clater un nouveau conflit. Ils hĂ©sitent, une fois de plus, Ă respecter un de leurs traitĂ©s du Pacte Atlantique.
Le commandement de lâopĂ©ration est britannique, les Français ne conservant que le commandement de leurs unitĂ©s, sans pouvoir de dĂ©cision. Le gĂ©nĂ©ral Keightley, secondĂ© par lâamiral Pierre Barjot, en est le commandant en chef.
Le , une force navale dâintervention est mise en Ćuvre. La force terrestre est forte de 60 000 hommes, mais seulement 15 000 seront employĂ©s. Les Français, commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral AndrĂ© Beaufre, forment la force « A ».
L'opĂ©ration se dĂ©roule selon un plan mis au point auparavant lors d'une rĂ©union Ă SĂšvres, dans la maison d'un ami du ministre BourgĂšs-Maunoury (du 22 au )[2], entre français, britanniques et israĂ©liens (Ben Gourion est prĂ©sent en personne). Les nĂ©gociations sont difficiles car le plan prĂ©voit une attaque de l'Ăgypte par IsraĂ«l et ensuite une intervention franco-britannique pour faire cesser officiellement les combats entre IsraĂ©liens et Ăgyptiens. Ce plan se heurte Ă des rĂ©ticences de la part des israĂ©liens qui ne veulent pas se retrouver dans le rĂŽle de l'agresseur.
- Le , l'armĂ©e israĂ©lienne attaque l'Ăgypte au SinaĂŻ et arrive assez rapidement en vue du canal de Suez. AussitĂŽt la France et le Royaume-Uni enjoignent Ă IsraĂ«l et Ă l'Ăgypte de cesser les combats et de se retirer Ă une quinzaine de kilomĂštres du canal de Suez. L'Ăgypte refuse l'ultimatum. En reprĂ©sailles, le , la France et le Royaume-Uni effectuent des bombardements dâaviation Ă partir de Malte et de Chypre puis des forces navales en MĂ©diterranĂ©e. Le 1er novembre, les alliĂ©s repoussent la rĂ©solution de lâONU, malgrĂ© la mise en garde de lâONU, des Ătats-Unis et de lâURSS.
- La 2e phase suit Ă partir du , par une opĂ©ration aĂ©roportĂ©e, baptisĂ©e « Amilcar » pour les Français ou « Hamilcar », pour les Britanniques. Cette opĂ©ration aĂ©roportĂ©e est composĂ©e de quatre bataillons britanniques, qui sautent sur le terrain de Gamil, Ă 10 kilomĂštres Ă lâouest de Port-SaĂŻd ; du 2e rĂ©giment de parachutistes coloniaux commandĂ© par le colonel Chateau-Jobert, alias Conan, larguĂ© avec des Ă©lĂ©ments de la 1re section de la 60e compagnie du gĂ©nie aĂ©roportĂ© sur lâusine des eaux Ă lâentrĂ©e de Port-SaĂŻd et au sud de Port-Fouad. Le premier Ă©chelon du 2e rĂ©giment de parachutistes coloniaux, saute sur Port SaĂŻd.La configuration du terrain impose un largage Ă trĂšs basse altitude (150 m) qui constitue un record en opĂ©rations militaires. GrĂące Ă l'effet de surprise, Ă 8 h 45, le rĂ©giment a atteint tous ses objectifs. Dans l'aprĂšs-midi, la seconde partie du rĂ©giment et de la 1re section de la 60e compagnie du gĂ©nie aĂ©roportĂ© saute sur Port-Fouad aux ordres du lieutenant-colonel Fossey-François, oĂč elle rencontre plus de rĂ©sistance.
- La 3e phase termine le dispositif par les principaux dĂ©barquements amphibies qui ont lieu les 6 et . Le Royaume-Uni est forte de la 3e brigade de commandos des « Royal Marines », dâun rĂ©giment de blindĂ©, dâun escadron du gĂ©nie, de deux bataillons de la 16e brigade parachutiste. La France aligne le 1er REP, trois commandos de marine, un escadron de chars AMX-13, un escadron de chars Patton et trois sections de la 60e compagnie du gĂ©nie aĂ©roportĂ©.
Sous la pression du monde entier, la Grande-Bretagne puis la France sont contraintes dâaccepter un cessez-le-feu.
Les troupes de lâONU dĂ©barquent le . Le , la force dâintervention quitte lâĂgypte. Dix Français et vingt-deux Britanniques ont Ă©tĂ© tuĂ©s, cent-trente soldats blessĂ©s dont trente-trois Français. Les pertes Ăgyptiennes sont Ă©valuĂ©es Ă 203 morts
Unités participantes
France
Les unités chargées d'intervenir sont principalement issues de la 10e division parachutistes qui est renforcée et atteint un effectif de 8 300 hommes[3] :
- 2e RPC (11 morts et 41 blessés)
- une centaine du 11e Choc (3 morts)
- la 1re CLA de Kehl qui constitue le noyau dur de la base aéroportée (unité de livraison par air chargée du largage des parachutistes et du ravitaillement par voie aérienne)
- 1er REP
- 4 commandos de marine :
- 2e escadron du 2e REC (chars AMX-13)[4] - [5]
- 1er escadron du 8e régiment de Dragons (chars M47 Patton)[6]
- Soit un total de 35 chars[7].
- Une compagnie du génie aéroporté : 60e CGAP issue du 17e Bataillon du génie aéroporté
Pour les unités aériennes :
- La 3e Escadre de Chasse avec la participation des escadrons de Chasse 1/3 Navarre, 3/3 Ardennes et quelques pilotes du 2/3 Champagne, équipés alors de F-84F basés sur la base d'Akrotiri à Chypre.
- 18 MystÚre IVA, provenant des 1/2 Cigogne, 3/2 Alsace, et 18 F-84F prélevés sur les escadrons 1/1 Corse, 2/1 Morvan et 3/1 Argonne stationnent clandestinement sur les terrains de Ramat-David et Lod Tel-Aviv. Ils opÚrent sous cocarde israélienne et assurent la protection aérienne des agglomérations ou accompagnent les MystÚre de Tsahal dans leurs missions d'appui au sol[8].
Pour les unités navales, 30 navires français dont :
- Le cuirassé Jean Bart[9]
- Le porte-avions La Fayette[10]
- Le porte-avions Arromanches[10]
- à bord, 36 Vought F4U Corsair et des Grumman TBF Avenger de l'aéronavale[10].
- Le croiseur Georges Leygues[9], navire-amiral de l'expédition à Suez[11].
- Une escorte de contre-torpilleurs[9] : "Le Bordelais", "Le Boulonnais", "Le Brestois", "Le Corse", "BerbĂšre", "Malgache", "Soudanais", "Touareg", "Bambara", "Kabyle", "Arabe", "Sakalave".
- Les sous-marins Créole et Laubie
- Les pétroliers ravitailleurs : "Elorn", "Le Baïse", "Roussillon", "Sahel", "BenzÚne"
- Un navire hĂŽpital : "La Marseillaise".
- Des navires de débarquement: LSD "La Foudre" (A646), LCT 9070, 9071, 9083, 9084, LST "Rance", "Laïta", "Odet", "Cheliff", "Pachyderme", "Orne", "Lac Tchad", LCH (landing craft headquarter) 9055.
La Légion au sein du dispositif
Un escadron blindĂ© du 2e REC, commandĂ© par le capitaine Abraham avec lâadjudant Degueldre comme adjudant dâunitĂ©, est intĂ©grĂ© au 1er REP Ă Zeralda, avant de rejoindre la base de dĂ©part Ă Chypre. Avec les autres unitĂ©s françaises, il a pour mission de sâemparer dans la zone de Port Fouad des points sensibles et de faire la liaison avec les Ă©lĂ©ments du 2e RPC, parachutĂ©s au Sud. Le groupement est commandĂ© par le lieutenant-colonel Brothier, chef de corps du 1er REP. Tous les objectifs sont atteints par les compagnies. Le 7 novembre Ă 8 h, toutes les unitĂ©s se rassemblent prĂȘtes Ă marcher vers El Qantara. Une demi-heure plus tard, le cessez-le-feu est ordonnĂ© et les troupes doivent rester sur leurs positions et nâouvrir le feu que si elles sont attaquĂ©es. La section du lieutenant Ysquierdo du 1er REP, reprĂ©sente lâavant-garde française dâEl Qantara et maintient jour et nuit un poste de surveillance, au PK 37,5, Ă 800 mĂštres des lignes Ă©gyptiennes. Fin dĂ©cembre, les troupes rembarquent Ă destination de lâAlgĂ©rie.
Royaume-Uni
- 3e bataillon du Parachute regiment
- 3e brigade de commandos des « Royal Marines »,
- Un régiment de blindé,
- un escadron du génie,
- 2 bataillons de la 16e brigade parachutiste.
Références
- Maurice Vaïsse, L'opération "Mousquetaire", L'Histoire, n°38, octobre 1981.
- https://www.sevres.fr/culture/patrimoine-sevrien/la-maison-hetzel.
- In Histoire des parachutistes français, page 462
- (en) « 2nd Foreign Cavalry Regiment », sur foreignlegion.info.
- Nicolas Ventugol, SĂ©bastien Muller, « Historique du 2e RĂ©giment Ătranger de cavalerie », sur LĂ©gion Cavalerie (consultĂ© le ).
- Lt colonel Henri Azema, « Historique succinct du 8e régiment de dragon », sur Cavaliers et blindés d'hier et d'aujourd'hu (consulté le ).
- Jacques Massu, « Massu parle », Historama, no 32,â .
- Sylvain Chamonnois, Marie-Catherine et Paul Villatoux, « Les aviateurs tĂ©moignent », Le Fana de l'Aviation, no 564,â , p. 29
- Cyril Falls, Brassey's Annual, the armed forces year-book, 1957, p. 77
- Jean Randier, La Royale, la torpille et la bombe, p. 155
- https://www.histoire-et-philatelie.fr/pages/006_guerre_froide/07_crise_suez-mili-fr-uk.html#marinesuez