Noyau p
Un noyau p (p indiquant un nuclĂ©ide inhabituellement riche en protons), ou noyau dĂ©ficient en neutrons, est un noyau atomique correspondant Ă un isotope d'un Ă©lĂ©ment chimique compris entre le sĂ©lĂ©nium 74Se et le mercure 196Hg produit naturellement au sein des Ă©toiles mais qui ne peut ĂȘtre issu ni d'un processus s par nuclĂ©osynthĂšse stellaire au sein de la branche asymptotique des gĂ©antes, ni d'un processus r par nuclĂ©osynthĂšse explosive au sein d'une supernova.
DĂ©finition
Les travaux de Burbidge, Burbidge, Fowler and Hoyle (1957)[1] et de A. G. W. Cameron (1957)[2] ont montrĂ© comment la majoritĂ© des nuclĂ©ides prĂ©sents naturellement au-delĂ du fer peuvent ĂȘtre crĂ©Ă©s dans deux sortes de processus de capture neutronique, le processus s et le processus r. Certains noyaux dĂ©ficients en neutrons trouvĂ©s dans la nature ne sont pas atteints au cours de ces processus et donc au moins un processus supplĂ©mentaire est nĂ©cessaire pour les synthĂ©tiser. Ces noyaux sont appelĂ©s « noyaux p ».
Puisque la dĂ©finition des noyaux p dĂ©pend des connaissances actuelles sur les processus s et r (voir aussi nuclĂ©osynthĂšse), la liste originale des 35 noyaux p, proposĂ©e par Burbidge, Burbidge, Fowler et Hoyle[1], peut ĂȘtre modifiĂ©e avec le temps, comme indiquĂ© dans le tableau ci-dessous. Il est ainsi admis aujourdâhui que les abondances de 152Gd et de 164Er soient en partie dues aux fortes contributions du processus s[3]. Cela semble aussi ĂȘtre le cas pour celles de 113In et 115Sn qui pourraient ĂȘtre crĂ©Ă©s, de maniĂšre additionnelle, Ă travers le processus r en petites quantitĂ©s[4].
Les radioisotopes de longues demi-vies 92Nb, 97Tc, 98Tc et 146Sm ne font pas partie des noyaux p dĂ©finis habituellement Ă©tant donnĂ© quâils ne sont pas naturellement prĂ©sents sur Terre. En sâappuyant sur la dĂ©finition donnĂ©e prĂ©cĂ©demment cependant, ce sont nĂ©anmoins des noyaux p puisquâils ne peuvent pas ĂȘtre crĂ©Ă©s par les processus s ou r. Depuis la dĂ©couverte de leur produits de dĂ©sintĂ©gration dans les grains prĂ©solaires (en), on peut supposer quâau moins 92Nb et 146Sm Ă©taient prĂ©sents dans la nĂ©buleuse prĂ©-solaire. Cela permet notamment dâestimer le temps depuis la derniĂšre production de ces noyaux p avant la formation du SystĂšme solaire[5].
Les noyaux p sont trĂšs rares : de tels isotopes sont moins abondants typiquement dâun facteur 10 Ă 1 000 par rapport aux autres isotopes du mĂȘme Ă©lĂ©ment. Les abondances des noyaux p peuvent seulement ĂȘtre dĂ©terminĂ©es par des Ă©tudes gĂ©ochimique et par analyse des matĂ©riaux mĂ©tĂ©oritique et des grains prĂ©solaires. Ils ne peuvent pas ĂȘtre identifiĂ©s dans les spectres stellaires. Ainsi, la connaissance des abondances des noyaux p est-elle rĂ©duite Ă ceux du systĂšme solaire et on ignore si les abondances des noyaux p du systĂšme solaire sont typiques pour la Voie lactĂ©e[6].
Nucléide | Commentaire |
74Se | |
78Kr | |
84Sr | |
92Nb | radionuclĂ©ide de longue demi-vie ; pas un noyau p classique mais ne peut pas ĂȘtre crĂ©Ă© lors des processus s et r |
92Mo | |
94Mo | |
97Tc | radionuclĂ©ide de longue demi-vie ; pas un noyau p classique mais ne peut pas ĂȘtre crĂ©Ă© lors des processus s et r |
98Tc | radionuclĂ©ide de longue demi-vie ; pas un noyau p classique mais ne peut pas ĂȘtre crĂ©Ă© lors des processus s et r |
96Ru | |
98Ru | |
102Pd | |
106Cd | |
108Cd | |
113In | (Partiellement) créé au cours du processus s ? Contributions depuis le processus r ? |
112Sn | |
114Sn | |
115Sn | (Partiellement) créé au cours du processus s ? Contributions depuis le processus r ? |
120Te | |
124Xe | |
126Xe | |
130Ba | |
132Ba | |
138La | crĂ©Ă© dans le processus Îœ |
136Ce | |
138Ce | |
144Sm | |
146Sm | radionuclĂ©ide de longue demi-vie ; pas un noyau p classique mais ne peut pas ĂȘtre crĂ©Ă© lors des processus s et r |
152Gd | (Partiellement) créé au cours du processus s ? |
156Dy | |
158Dy | |
162Er | |
164Er | (Partiellement) créé au cours du processus s ? |
168Yb | |
174Hf | |
180Ta | (Partiellement) crĂ©Ă© au cours du processus Îœ ; contributions depuis le processus s ? |
180W | |
184Os | |
190Pt | |
196Hg |
Origine des noyaux p
La production astrophysique des noyaux p nâest pas encore complĂštement comprise. Le processus Îł (voir ci-dessous) favorisĂ© dans les supernovas Ă effondrement de cĆur ne peut pas produire tous les noyaux p en quantitĂ© suffisante, selon les simulations informatiques rĂ©centes. Câest pourquoi des mĂ©canismes de production supplĂ©mentaires et des sites astrophysiques sont Ă©tudiĂ©s, comme dĂ©crit ci-dessous. Il est aussi concevable quâil nây ait pas juste un seul processus responsable de tous les noyaux p mais que diffĂ©rents processus dans un certain nombre de sites astrophysiques produisent les noyaux p dans certaines rĂ©gions[7].
Dans la recherche de processus pertinents crĂ©ant des noyaux p, le moyen habituel est dâidentifier les mĂ©canismes de productions possible (processus) et alors dâĂ©tudier leur rĂ©alisation possible dans divers sites astrophysiques. La mĂȘme logique est utilisĂ©e dans la discussion ci-dessous.
Base de la production de nucléide p
En principe, il existe plusieurs moyens de produire des nuclĂ©ides dĂ©ficients en neutrons : par ajouts successifs de protons aux noyaux impliquĂ©s (il existe des rĂ©actions nuclĂ©aires du type (p,Îł)) ou par retraits successifs de neutrons Ă partir dâun noyau au travers de sĂ©quences de photodĂ©sintĂ©grations du type (Îł,n)[6] - [7].
Sous certaines conditions rencontrĂ©es dans des environnements astrophysiques, il est difficile dâobtenir des noyaux p via des captures de protons du fait que la barriĂšre coulombienne dâun noyau sâaccroĂźt lorsque le numĂ©ro atomique augmente. Un proton nĂ©cessite plus dâĂ©nergie pour ĂȘtre incorporĂ© (capturĂ©) dans un noyau atomique lorsque la barriĂšre coulombienne est grande. LâĂ©nergie moyenne disponible des protons est dĂ©terminĂ©e par la tempĂ©rature du plasma stellaire. Cependant, augmenter la tempĂ©rature accĂ©lĂšre aussi les photodĂ©sintĂ©grations (Îł,p) qui empĂȘchent les captures (p,Îł). La seule alternative Ă©vitant cela serait dâavoir un trĂšs grand nombre de protons disponibles de sorte que le nombre effectif de captures par seconde soit important mĂȘme Ă faible tempĂ©rature. Dans les cas extrĂȘmes (comme discutĂ© ci-dessous), cela conduit Ă la synthĂšse de radionuclĂ©ides avec des demi-vies extrĂȘmement courtes qui dĂ©croissent vers des nuclĂ©ides stables une fois que les captures ont cessĂ©[6] - [7].
Des combinaisons appropriĂ©es de tempĂ©rature et de densitĂ© de protons dans le plasma stellaire doivent ĂȘtre Ă©tudiĂ©es dans la recherche de mĂ©canismes de production possible des noyaux p. Dâautres paramĂštres tels que le temps disponible pour les processus nuclĂ©aires et le nombre et le type des nuclĂ©ides initialement prĂ©sents (noyaux pĂšres) sont aussi Ă prendre en compte.
Le processus p
Dans le processus p, il est suggĂ©rĂ© que les noyaux p sont crĂ©Ă©s via quelques captures de protons sur des nuclĂ©ides stables, les noyaux-pĂšres tirant leur origine des processus s et r et Ă©tant dĂ©jĂ prĂ©sents dans le plasma stellaire. Comme indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, cette thĂ©orie initialement proposĂ©e selon laquelle tous les noyaux p sont produits par de tels processus sâest vue rĂ©futĂ©e[1] - [2] - [6]. Il a Ă©tĂ© montrĂ© plus tard que les conditions nĂ©cessaires ne sont pas satisfaites dans les Ă©toiles ou les explosions stellaires[8].
En sâappuyant sur sa signification historique, le terme « processus p » est parfois nĂ©gligemment utilisĂ© pour dĂ©signer nâimporte quel processus synthĂ©tisant des noyaux p, mĂȘme lorsque aucune capture de protons nâa lieu.
Le processus Îł
Les noyaux p peuvent aussi ĂȘtre crĂ©Ă©s par photodĂ©sintĂ©gration des noyaux issus des processus s et r. Ă des tempĂ©ratures de lâordre de 2-3 gigakelvins (GK) et des temps de processus de quelques secondes (cela nĂ©cessite un processus explosif), la photodĂ©sintĂ©gration des noyaux prĂ©existants restera faible, mais juste assez pour produire les faibles abondances requises des noyaux p[6] - [9]. On lâappelle le processus Îł dans la mesure oĂč la photodĂ©sintĂ©gration consiste en une rĂ©action nuclĂ©aire des types (Îł,n), (Îł,α) et (Îł,p), qui est provoquĂ©e par un photon de grande Ă©nergie (rayon Îł)[9].
Le processus Μ
Des rĂ©actions nuclĂ©aires dĂ©clenchĂ©es par des neutrinos peuvent aussi directement produire certains nuclĂ©ides, comme par exemple 7Li, 11B, 19F, 138La dans les supernovas Ă effondrement de cĆur [10]. On lâappelle « processus Îœ » et il nĂ©cessite un flux suffisamment intense de neutrinos.
Les processus de capture rapide de protons
Dans le processus p, les protons sont ajoutĂ©s Ă un noyau atomique stable ou faiblement radioactif. Sâil y a une densitĂ© importante de protons dans le plasma stellaire, mĂȘme les radionuclĂ©ides de faible demi-vie peuvent capturer un ou plusieurs protons avant leur dĂ©sintĂ©gration ÎČ. Cela modifie rapidement la voie de la nuclĂ©osynthĂšse de la rĂ©gion des noyaux stables vers le cĂŽtĂ© trĂšs dĂ©ficient en neutrons de la carte des nuclĂ©ides. On lâappelle capture rapide de proton[7].
Ici, une sĂ©rie de rĂ©actions (p,Îł) a lieu jusquâĂ que soit la dĂ©croissance du noyau par radioactivitĂ© ÎČ soit plus rapide que la capture de proton suivante ou que la drip line des protons soit atteinte. Les deux cas conduisent Ă une ou plusieurs dĂ©croissances ÎČ sĂ©quentielles jusquâĂ ce que le noyau qui est produit puisse de nouveau capturer des protons avant sa dĂ©croissance ÎČ. Ensuite, les sĂ©quences de capture de protons continuent.
Il est possible de couvrir la rĂ©gion des noyaux les plus lĂ©gers jusquâau 56Ni dans lâintervalle dâune seconde car les captures de protons et les dĂ©croissances ÎČ sont rapides. En partant du 56Ni, cependant, un certain nombre de points dâattente sont rencontrĂ©s dans la voie de rĂ©action. Ils dĂ©signent les nuclĂ©ides qui ont des demi-vies relativement longues (comparĂ© Ă lâĂ©chelle de temps du processus) et qui peuvent seulement ajouter un proton lentement (câest-Ă -dire que leur section efficace pour les rĂ©actions (p,Îł) est petite). Des exemples de tels points dâattente sont : 56Ni, 60Zn, 64Ge et 68Se. Dâautres points dâattente peuvent ĂȘtre importants, en fonction des conditions dĂ©taillĂ©es et de la voie de rĂ©action. Pour de tels points dâattente, il est typique de voir des demi-vies allant de la minute Ă plusieurs jours. Ils augmentent ainsi considĂ©rablement le temps nĂ©cessaire pour continuer les sĂ©quences de rĂ©action. Si les conditions nĂ©cessaires pour cette capture rapide de protons sont seulement prĂ©sentes durant un court temps (lâĂ©chelle de temps des Ă©vĂ©nements astrophysiques explosifs est de lâordre de la seconde), les points dâattente limitent ou gĂȘnent la continuitĂ© des rĂ©actions vers des noyaux plus lourds[11].
Afin de produire les noyaux p, le chemin du processus doit inclure les nuclĂ©ides disposant du mĂȘme nombre de masse (mais contenant habituellement plus de protons) que les noyaux p dĂ©sirĂ©s. Ces nuclĂ©ides sont alors convertis en noyaux p via des sĂ©quences de dĂ©croissances ÎČ aprĂšs que les captures rapides de protons aient cessĂ©.
Les variations de la catĂ©gorie principale de « captures rapide de protons » sont les processus rp, pn et Îœp qui sont briĂšvement discutĂ©s ci-dessous.
Le processus rp
Le processus rp (rp pour capture rapide de protons) est la forme la plus pure de processus de capture rapide de protons comme dĂ©crit ci-dessus. Pour des densitĂ©s de protons de plus de 1028 protons cmâ3 et des tempĂ©ratures aux alentours de 2 GK, le chemin de rĂ©action est proche de la drip line des protons[11]. Les points dâattente peuvent ĂȘtre comblĂ©s Ă condition que le temps du processus soit compris entre 10 et 600 s. Les nuclĂ©ides aux points dâattente sont produits avec des abondances plus grandes tandis que les noyaux « derriĂšre » chaque point dâattente sont de plus en plus supprimĂ©s.
Un point final est atteint aux alentours du 107Te parce que la voie de rĂ©action continue dans une rĂ©gion oĂč les nuclĂ©ides dĂ©croissent prĂ©fĂ©rentiellement par dĂ©croissance α et ainsi boucle le chemin sur lui-mĂȘme[12]. Un processus rp sera donc seulement capable de produire les noyaux p avec un nombre de masse infĂ©rieur ou Ă©gal Ă 107.
Le processus pn
Les points dâattente dans les processus de capture rapide de protons peuvent ĂȘtre Ă©vitĂ©s du fait des rĂ©actions (n,p) qui sont beaucoup plus rapides que les captures de protons sur les noyaux aux points dâattente ou que les dĂ©croissances ÎČ de ces noyaux. Cela rĂ©sulte en une rĂ©duction considĂ©rable du temps requis pour crĂ©er les Ă©lĂ©ments lourds et permet une production efficace en quelques secondes[6]. Cela nĂ©cessite cependant une (petite) rĂ©serve de neutrons libres qui ne sont habituellement pas prĂ©sents dans de tels plasmas riches en protons. Un moyen de les obtenir et de les produire au travers dâautres rĂ©actions ayant lieu simultanĂ©ment aux captures rapides de protons. On lâappelle capture rapide riche en neutrons de protons ou processus pn[13].
Le processus Îœp
Une autre possibilitĂ© pour obtenir les neutrons nĂ©cessaires afin dâaccĂ©lĂ©rer les rĂ©actions (n,p) dans des environnements riches en protons est dâutiliser la capture dâanti-neutrinos sur les protons ÎœÌ e + p â e+ + n, transformant un proton et un anti-neutrino en un positron et un neutron. Puisque les (anti-)neutrinos interagissent trĂšs faiblement avec les protons, un trĂšs grand flux dâanti-neutrinos doit agir au sein du plasma avec une grande densitĂ© de protons. On lâappelle processus Îœp[14].
Supernova Ă effondrement de cĆur
Les Ă©toiles massives terminent leur vie en supernova Ă effondrement de cĆur. Dans une telle supernova, le front de choc dâune explosion se dĂ©place du centre de lâĂ©toile vers les couches externes et sâĂ©jecte. Lorsque le front de choc atteint les couches O/Ne de lâĂ©toile (voir aussi Ă©volution stellaire), les conditions pour un processus Îł sont atteintes pendant 1-2 s.
Bien que la majoritĂ© des noyaux p puissent ĂȘtre crĂ©Ă©s de cette maniĂšre, certains noyaux p avec des nombres de masse particuliers entrent difficilement dans ce modĂšle. Il est connu que les noyaux p avec des nombres de masse A infĂ©rieurs Ă 100 ne peuvent pas ĂȘtre produits dans un processus Îł[6] - [9]. Des simulations modernes montrent Ă©galement des problĂšmes dans la gamme 150 †A †165[7] - [15].
Le noyau p 138La nâest pas produit par le processus Îł mais il peut ĂȘtre crĂ©Ă© par un processus Îœ. Une Ă©toile Ă neutrons chaude peut ĂȘtre constituĂ©e dans le centre de telle supernova Ă effondrement de cĆur et rayonner des neutrinos avec une haute intensitĂ©. Les neutrinos interagissent aussi avec les couches externes de lâĂ©toile en explosion et provoquent des rĂ©actions nuclĂ©aires qui crĂ©ent, entre autres noyaux p, le 138La[10] - [15]. Le 180Ta peut aussi ĂȘtre produit lors de tels processus Îœ.
Il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©[14] de complĂ©ter le processus Îł dans les couches externes de lâĂ©toile par un autre processus, ayant lui lieu dĂšs les couches les plus profondes de lâĂ©toile, proche de lâĂ©toile Ă neutrons, mais dont le produit est toujours Ă©jectĂ© vers la surface plutĂŽt que de tomber dans lâĂ©toile Ă neutrons. Ă cause du flux initialement grand de neutrinos depuis lâĂ©toile Ă neutrons en formation, ces couches deviennent extrĂȘmement riches en protons du fait de la rĂ©action Îœe + n â eâ + p. Bien que le flux dâanti-neutrinos soit initialement plus faible, quelques neutrons sont nĂ©anmoins aussi crĂ©Ă©s, du fait du grand nombre de protons. Cela permet un processus Îœp dans ces couches profondes. Ă cause de lâĂ©chelle de temps courte de lâexplosion et de la grande barriĂšre coulombienne des noyaux plus lourds, un tel processus Îœp pourrait uniquement produire les noyaux p les plus lĂ©gers. La nature et le nombre de tels noyaux dĂ©pend sensiblement de plusieurs facteurs dans les simulations, mais aussi du vĂ©ritable mĂ©canisme dâexplosion dâune supernova Ă effondrement de cĆur, qui nâest toujours pas entiĂšrement compris[14] - [16].
Supernovas thermonucléaire
Une supernova thermonuclĂ©aire est lâexplosion dâune naine blanche dans un systĂšme dâĂ©toile binaire, dĂ©clenchĂ©e par des rĂ©actions thermonuclĂ©aires dans la matiĂšre accrĂ©tĂ©e de lâĂ©toile compagnon sur la surface de la naine blanche. La matiĂšre accrĂ©tĂ©e est riche en hydrogĂšne (protons) et en hĂ©lium (particules α) et devient assez chaude pour permettre des rĂ©actions nuclĂ©aires.
De nombreux modĂšles pour de telles explosions sont discutĂ©s dans la littĂ©rature. Parmi eux, deux ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s quant Ă la production des noyaux p. Aucune de ces explosions ne libĂšre des neutrinos, rendant donc impossible les processus Îœ et Îœp. Les conditions nĂ©cessaires pour le processus rp ne sont pas non plus remplies.
Les dĂ©tails sur la production possible de noyaux p dans de telles supernovas dĂ©pendent sensiblement de la composition de la matiĂšre accrĂ©tĂ©e depuis lâĂ©toile compagnon (les noyaux pĂšres pour tous les processus suivants). Comme cela peut changer considĂ©rablement dâune Ă©toile Ă une autre, toutes les affirmations et les modĂšles de production de noyaux p dans des telles supernovas thermonuclĂ©aires sont sujets Ă caution[6].
Supernovas de type Ia
Le modĂšle qui fait consensus pour les supernovas thermonuclĂ©aires postule que les naines blanches explosent aprĂšs avoir dĂ©passĂ© la limite de Chandrasekhar par accrĂ©tion de matiĂšre car la contraction et lâaugmentation de la tempĂ©rature initie la combustion explosive du carbone sous conditions dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es. Un front de fusion nuclĂ©aire parcourt la naine blanche de l'intĂ©rieur vers l'extĂ©rieur et dĂ©sagrĂšge entiĂšrement l'Ă©toile. Les couches les plus externes proches de la surface de la naine blanche (contenant 0,05 masse solaire de matiĂšre) prĂ©sentent alors les bonnes conditions pour un processus Îł[17].
Les noyaux p sont crĂ©Ă©s de la mĂȘme maniĂšre que dans le processus Îł dans les supernovas Ă effondrement de cĆur, tandis que les mĂȘmes difficultĂ©s sont rencontrĂ©es. De plus, le 138La et le 180Ta ne sont pas produits. Une variation de lâabondance en sources, en supposant une augmentation en abondance des processus s permet seulement de reproduire les abondances des noyaux p rĂ©sultants, sans rĂ©soudre les problĂšmes de la sous-production relative de noyaux p prĂ©sentant une masse nuclĂ©aire particuliĂšre, dĂ©crite ci-dessus[6].
Supernovas sous-Chandrasekhar
Dans une sous-classe de supernovas de type Ia, appelĂ©e supernova sous-Chandrasekhar, la naine blanche peut exploser bien avant dâatteindre la limite de Chandrasekhar, parce que les rĂ©actions nuclĂ©aires dans la matiĂšre accrĂ©tĂ©e peuvent dĂ©jĂ chauffer la naine blanche durant sa phase dâaccrĂ©tion et dĂ©clencher prĂ©maturĂ©ment la combustion explosive du carbone. LâaccrĂ©tion riche en hĂ©lium favorise ce type dâexplosions. La combustion de lâhĂ©lium dĂ©marre dĂ©gĂ©nĂ©rativement sur le bas de la couche dâhĂ©lium accrĂ©tĂ©e et provoque deux fronts de choc. Le premier se dĂ©place vers lâintĂ©rieur et initie lâexplosion du carbone. Celle se dĂ©plaçant vers lâextĂ©rieur chauffe les couches externes de la naine blanche et les Ă©jecte. Pour rappel, ces couches externes sont le site de processus Îł Ă des tempĂ©ratures de 2-3 GK. Cependant, du fait de la prĂ©sence de particules α (noyaux dâhĂ©lium), des rĂ©actions nuclĂ©aires additionnelles deviennent possibles. Parmi celles-ci, certaines libĂšrent une grande quantitĂ© de neutrons, tels que les rĂ©actions 18O(α,n)21Ne, 22Ne(α,n)25Mg et 26Mg(α,n)29Si. Cela permet un processus pn dans cette partie des couches externes oĂč les tempĂ©ratures dĂ©passent les 3 GK[6] - [13].
Les noyaux p lĂ©gers qui sont sous-produits dans le processus Îł peuvent ĂȘtre crĂ©Ă©s en quantitĂ© suffisante dans le processus pn de maniĂšre si efficace que leur abondance est plus grande que les autres noyaux p. Pour obtenir les abondances relatives observĂ©es dans le systĂšme solaire, on doit supposer un processus s pĂšre trĂšs augmentĂ© (par un facteur 100-1 000 ou plus), ce qui augmente les rendements des noyaux p lourds Ă partir du processus Îł[6] - [13].
Ătoiles Ă neutrons dans les systĂšmes dâĂ©toile binaire
Une Ă©toile Ă neutrons dans un systĂšme dâĂ©toile binaire peut aussi accrĂ©ter de la matiĂšre depuis lâĂ©toile compagnon sur sa surface. Les combustions combinĂ©es de lâhydrogĂšne et de lâhĂ©lium dĂ©butent lorsque la couche accrĂ©tĂ©e de matiĂšre dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e atteint une densitĂ© de 105 Ă 106 g/cm3 et une tempĂ©rature dĂ©passant 0,2 GK. Cela conduit Ă une combustion thermonuclĂ©aire comparable Ă ce qui se passe dans le front de choc extĂ©rieur mobile des supernovas sous-Chandrasekhar. LâĂ©toile Ă neutrons nâest pas affectĂ©e par lâexplosion et les rĂ©actions nuclĂ©aires dans la couche accrĂ©tĂ©e peuvent donc se poursuivre plus longtemps que dans une explosion. Cela permet le dĂ©roulement dâun processus rp. Il continuera jusquâĂ que tous les protons libres aient Ă©tĂ© utilisĂ©s, ou que la couche en combustion se soit Ă©tendue du fait de lâaugmentation de la tempĂ©rature et que sa densitĂ© chute en dessous de celle nĂ©cessaire pour les rĂ©actions nuclĂ©aires[11].
Il a Ă©tĂ© montrĂ© que les propriĂ©tĂ©s des sursauts X dans la Voie lactĂ©e peuvent ĂȘtre expliquĂ©es par un processus rp Ă la surface dâĂ©toiles Ă neutrons en accrĂ©tion[18]. Il nâest toujours pas clair cependant si de la matiĂšre (et si oui combien) peut ĂȘtre Ă©jectĂ©e et sâĂ©chapper du champ gravitationnel de lâĂ©toile Ă neutrons. Si câest le cas, de tels objets pourraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des sources possibles de noyaux p. Cependant, mĂȘme si ce rĂ©sultat est corroborĂ©, le point final dĂ©montrĂ© du processus rp limite la production des noyaux p lĂ©gers (qui sont des sous-produits dans les supernovas Ă effondrement de cĆur)[12].
Notes et références
Notes
Références
- (en) E. M. Burbidge, G. R. Burbidge, W. A. Fowler, Fred Hoyle, « Synthesis of the Elements in Stars », Reviews of Modern Physics, vol. 29, no 4,â , p. 547â650 (DOI 10.1103/RevModPhys.29.547, Bibcode 1957RvMP...29..547B, lire en ligne)
- (en) A. G. W. Cameron, « Nuclear Reactions in Stars and Nucleogenesis », Publications of the Astronomical Society of the Pacific, vol. 69,â , p. 201-222 (lire en ligne)
- (en) C. Arlandini, F. KĂ€ppeler, K. Wisshak, R. Gallino, M. Lugaro, M. Busso et O. Straniero, « Neutron Capture in Low-Mass Asymptotic Giant Branch Stars: Cross Sections and Abundance Signatures », The Astrophysical Journal, vol. 525,â , p. 886-900 (DOI 10.1086/307938)
- (en) Zs. Nemeth, F. KĂ€ppeler, C. Theis, T. Belgya et S. W. Yates, « Nucleosynthesis in the Cd-In-Sn region », The Astrophysical Journal, vol. 426,â , p. 357-365 (DOI 10.1086/174071)
- (en) N. Dauphas, T. Rauscher, B. Marty et L. Reisberg, « Short-lived p-nuclides in the early solar system and implications on the nucleosynthetic role of X-ray binaries », Nuclear Physics, vol. A719,â , C287-C295 (DOI 10.1016/S0375-9474(03)00934-5, lire en ligne)
- (en) M. Arnould et S. Goriely, « The p-process of stellar nucleosynthesis: astrophysics and nuclear physics status », Physics Reports, vol. 384,â , p. 1-84
- (en) T. Rauscher, « Origin of p-Nuclei in Explosive Nucleosynthesis », Proceedings of Science,â (lire en ligne)
- (en) J. Audouze et J. W. Truran, « P-process nucleosynthesis in postshock supernova envelope environments », The Astrophysical Journal, vol. 202,â , p. 204-213 (DOI 10.1086/153965)
- (en) S. E. Woosley et W. M. Howard, « The p-process in supernovae », The Astrophysical Journal Supplement, vol. 36,â , p. 285-304 (DOI 10.1086/190501)
- (en) S. E. Woosley, D. H. Hartmann, R. D. Hoffman et W. C. Haxton, « The Îœ-process », The Astrophysical Journal, vol. 356,â , p. 272-301 (DOI 10.1086/168839)
- (en) H. Schatz et al., « rp-Process Nucleosynthesis at Extreme Temperature and Density Conditions », Physics Reports, vol. 294,â , p. 167-263 (DOI 10.1016/S0370-1573(97)00048-3)
- (en) H. Schatz et al., « End Point of the rp Process on Accreting Neutron Stars », Physical Review Letters, vol. 86,â , p. 3471-3474 (DOI 10.1016/10.1103/PhysRevLett.86.3471, lire en ligne)
- (en) S. Goriely, J. JosĂ©, M. Hernanz, M. Rayet et M. Arnould, « He-detonation in sub-Chandrasekhar CO white dwarfs: A new insight into energetics and p-process nucleosynthesis », Astronomy and Astrophysics, vol. 383,â , L27-L30 (DOI 10.1051/0004-6361:20020088)
- (en) C. Fröhlich, G. MartĂnez-Pinedo, M. Liebendörfer, F.-K. Thielemann, E. Bravo, W. R. Hix, K. Langanke et N. T. Zinner, « Neutrino-Induced Nucleosynthesis of A>64 Nuclei: The Îœp Process », Physical Review Letters, vol. 96,â (DOI 10.1103/PhysRevLett.96.142502)
- (en) T. Rauscher, A. Heger, R. D. Hoffman et S. E. Woosley, « Nucleosynthesis in Massive Stars with Improved Nuclear and Stellar Physics. », The Astrophysical Journal, vol. 576,â , p. 323-348 (DOI 10.1086/341728)
- (en) C. Fröhlich et al., « Composition of the Innermost Core-Collapse Supernova Ejecta », The Astrophysical Journal, vol. 637,â , p. 415-426 (DOI 10.1086/498224)
- (en) W. M. Howard, S. B. Meyer et S. E. Woosley, « A new site for the astrophysical gamma-process », The Astrophysical Journal Letters, vol. 373,â , L5-L8 (DOI 10.1086/186038)
- (en) S. E. Woosley et al., « Models for Type I X-Ray Bursts with Improved Nuclear Physics », The Astrophysical Journal Supplement, vol. 151,â , p. 75-102 (DOI 10.1086/381553)