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Nombre de Catalan

En mathématiques, et plus particuliÚrement en combinatoire, les nombres de Catalan forment une suite d'entiers naturels utilisée dans divers problÚmes de dénombrement, impliquant souvent des objets définis de façon récursive. Ils sont nommés ainsi en l'honneur du mathématicien belge EugÚne Charles Catalan (1814-1894) qui les a étudiés en 1838, mais étaient déjà connus d'Euler.

Le nombre de Catalan d'indice n est défini par :

Pour , on peut Ă©crire :

(voir Coefficient binomial central).

Les dix premiers nombres de Catalan (pour n de 0 Ă  9) sont :

(pour les 1 001 premiers, voir les liens de la suite A000108 de l'OEIS).

Historique

La suite de Catalan est décrite pour la premiÚre fois en 1751 par le Suisse Leonhard Euler : dans une lettre à Goldbach, il pose le problÚme du dénombrement des triangulations d'un polygone, trouve les 8 premiers nombres, suggÚre une formule de produit explicite et trouve une forme explicite pour la fonction génératrice[1] - [2] . Ce problÚme de triangulation est d'ailleurs aussi à l'origine indirecte du sudoku américano-japonais[3].

En 1758, Johann Andreas Segner reprend le problÚme des triangulations (faisant explicitement référence à Euler), prouve une relation de récurrence quadratique et utilise la formule pour calculer les 18 premiers nombres, les 6 derniers de maniÚre incorrecte [4] - [2]. Les futurs nombres de Catalan prennent alors le nom de nombres de Segner.

Ce n'est qu'en 1838 qu'EugÚne Charles Catalan pose et résout le problÚme du "nombre de maniÚres d'effectuer le produit de n facteurs différents" [5].

En 1839 Catalan fait le lien avec le nombre de triangulations[6], et publie un article complet sur le sujet en 1887[7]. Depuis, le nom de Catalan remplace celui de Segner.

L'astuce de comptage des mots de Dyck est trouvée par Désiré André en 1887.

En 1988, dans la revue chinoise Neimenggu Daxue Xuebao, a été publié le fait que la suite des nombres de Catalan avait été utilisée en Chine par le mathématicien Ming Antu (ou Minggatu) dÚs 1730, lors de l'écriture de son livre Ge Yuan Mi Lu Jie Fa (en), achevé par son élÚve Chen Jixin en 1774 et publié 60 ans plus tard.

P. J. Larcombe esquissa en 1999 certaines des caractéristiques du travail de Ming Antu, comme le fait qu'il utilisa la suite des nombres de Catalan pour exprimer des développements en séries de sin(2α) et sin(4α) en termes de sin(α)[8].

Propriétés et comportement asymptotique

Une autre expression pour est

ce qui est équivalent à l'expression précédente car . Cela montre que est un entier naturel, ce qui n'est pas évident de prime abord à partir de la premiÚre formule.

Les nombres de Catalan satisfont aussi à la relation de récurrence

De plus,

Cela est dĂ» au fait que . Ils vĂ©rifient aussi et , ce qui peut ĂȘtre un moyen plus efficace pour les calculer.

La formule de Stirling permet de calculer un Ă©quivalent asymptotique de la suite des nombres de Catalan[9] :

Un résultat dû à Ernst Kummer, et qui se déduit trivialement de la relation de récurrence indiquée plus haut, aboutit à ce que les seuls nombres de Catalan impairs sont ceux pour lesquels . Tous les autres sont pairs.

Applications en combinatoire

Il existe de nombreux problĂšmes combinatoires dont la solution est donnĂ©e par les nombres de Catalan. Les nombres de Catalan peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s de diffĂ©rentes façons dont voici quelques exemples :

  • est Ă©gal au nombre de mots de Dyck de longueur 2n.
  • est Ă©galement le nombre de façons diffĂ©rentes de placer des parenthĂšses autour de n + 1 facteurs, pour prĂ©ciser une expression faisant intervenir n fois une loi de composition interne non associative.
  • est Ă©galement le nombre d'arbres binaires entiers Ă  n + 1 feuilles.
  • est aussi Ă©gal au nombre de façons de dĂ©couper en triangles un polygone convexe Ă  n + 2 cĂŽtĂ©s en reliant certains de ses sommets par des segments de droite.
  • est le nombre de chemins monotones le long des arĂȘtes d'une grille Ă  n × n carrĂ©s, qui restent sous (ou au niveau de) la diagonale.
  • est le nombre de trajectoires de longueur 2n + 1 d'une marche alĂ©atoire simple qui ont la propriĂ©tĂ© d'aller de la hauteur 0 Ă  la hauteur 1 en restant nĂ©gatif ou nul lors des 2n premiĂšres Ă©tapes.
  • est le nombre d'arbres planaires enracinĂ©s Ă  n arĂȘtes.

Mots de Dyck

Un mot de Dyck est une chaßne de caractÚres formée de n lettres X et de n lettres Y, telle qu'aucun préfixe (mot obtenu en supprimant les derniÚres lettres à partir d'un rang quelconque) ne contienne strictement plus de Y que de X. Autrement dit, lorsque nous parcourons un mot de Dyck de gauche à droite, le nombre de X rencontrés est toujours supérieur ou égal au nombre de Y. Par exemple, les mots de Dyck de la longueur 6 sont:

En l'occurrence, C3= 5.

Assimilant X Ă  une parenthĂšse ouvrante et Y Ă  une parenthĂšse fermante, un mot de Dyck de longueur 2n peut ĂȘtre vu comme une expression formĂ©e de n paires de parenthĂšses correctement assemblĂ©es : ((())), ()(()), ()()(), (())(), (()()) ; voir aussi Langage de Dyck. Les mots de Dyck peuvent ĂȘtre naturellement reprĂ©sentĂ©s comme des chemins dans un quadrillage de n + 1 points par n + 1 points, reliant certains points par les traits verticaux et horizontaux. Ces chemins commencent dans le coin infĂ©rieur gauche, et se terminent dans le coin supĂ©rieur droit, en allant toujours vers le haut ou vers la droite, mais ne passant jamais au-dessus de la diagonale principale. X reprĂ©sente alors un « dĂ©placement vers la droite » et Y reprĂ©sente un « dĂ©placement vers le haut ».
Nous pouvons compter les mots de Dyck avec l'astuce suivante appelĂ©e principe de symĂ©trie : intĂ©ressons-nous aux mots contenant n X et n Y qui ne sont pas des mots de Dyck. Dans de tels mots, dĂ©terminons le premier Y qui brise la condition de Dyck, puis modifions toutes les lettres qui suivent ce Y, en Ă©changeant X avec Y et vice versa. Nous obtenons un mot avec n + 1 Y et n - 1 X, et en fait tous les mots comportant n + 1 Y et n - 1 X peuvent ĂȘtre obtenus par ce moyen et de maniĂšre unique. Le nombre de ces mots est le nombre de façons de placer les n - 1 X dans 2n emplacements et est Ă©gal Ă 

ce qui donne le nombre de mots qui ne sont pas de Dyck ; le nombre de mots de Dyck est Ă©gal Ă 

qui est le n-iĂšme nombre de Catalan .

Notons que ce dénombrement est celui posé dans le problÚme du scrutin au sens large.

Une gĂ©nĂ©ralisation au cas oĂč les lettres X et Y ne sont pas en mĂȘme quantitĂ© se trouve dans l'article sur le triangle de Catalan.

Nombre de parenthésages dans un produit

est le nombre de façons différentes de placer des parenthÚses autour de n + 1 termes, pour préciser une expression faisant intervenir n fois une loi de composition interne. Pour n = 3 par exemple, la loi étant notée multiplicativement, nous obtenons 5 façons différentes de placer des parenthÚses autour de 4 facteurs : .

Lorsque la loi est associative, chaque parenthĂ©sage donne le mĂȘme rĂ©sultat, mais peut conduire Ă  des temps de calcul diffĂ©rents. En particulier pour un produit matriciel le nombre de multiplications scalaires Ă  effectuer change suivant les parenthĂ©sages, et dans la pratique, cela peut rendre nĂ©cessaire l'utilisation d'algorithmes de multiplication de matrices enchaĂźnĂ©es.

Triangulations d'un polygone

est aussi égal au nombre de façons de découper en triangles un polygone convexe à cÎtés en reliant certains de ses sommets par des segments de droite.

Pour n = 3, un polygone Ă  n + 2 sommets est un pentagone : le nombre de ses triangulations est C3 = 5.

Arbres binaires

est Ă©galement le nombre d'arbres binaires Ă  n nƓuds (internes et externes).

est aussi le nombre d'arbres binaires entiers à n + 1 feuilles[n 1]. La correspondance entre les produits non associatifs, les triangulations d'un polygone et les arbres binaires entiers est illustré sur l'image ci-dessous.

Illustration de la bijection entre les triangulations d'un polygone, les produits non associatifs et les arbres binaires (pour n=4).

Partitions non croisées

est également le nombre de partitions non croisées de l'ensemble {1, 
 , n}. A fortiori, n'excÚde jamais le n-iÚme nombre de Bell, ce qui était asymptotiquement attendu, puisque les nombres de Bell croissent bien plus vite que , une autre borne des nombres de Catalan, découlant par exemple de leur définition comme nombre de mots de Dyck de longueur 2n.


Chemins sous-diagonaux dans le carré

est le nombre de chemins monotones le long des arĂȘtes d'une grille Ă  n × n carrĂ©s, qui restent sous (ou au niveau de) la diagonale. Un chemin monotone part du coin Sud-Ouest, arrive dans le coin Nord-Est, et est constituĂ© d'arĂȘtes dirigĂ©es Ă  droite ou vers le haut. Un mot de Dyck encode un tel chemin de la maniĂšre suivante : X signifie « va Ă  droite » et Y signifie « monte ». Les diagrammes ci-dessous reprĂ©sentent le cas n = 4 :

Pour , l'aire totale sous les chemins vaut : (suite A029760 de l'OEIS).

Trajectoires de la marche aléatoire simple

Bijection entre chemins et arbres planaires.

est le nombre de trajectoires de longueur 2n + 1 d'une marche alĂ©atoire simple qui ont la propriĂ©tĂ© d'aller de la hauteur 0 Ă  la hauteur 1 en restant nĂ©gatif ou nul lors des 2n premiĂšres Ă©tapes. On peut voir cela en faisant pivoter de 45 degrĂ©s le chemin entre les deux coins d'un carrĂ© dĂ©crit lors du premier exemple. C'est aussi le nombre de trajectoires de longueur 2n + 2 allant de la hauteur 0 Ă  la hauteur 0 en restant strictement positives lors des 2n + 1 Ă©tapes intermĂ©diaires, ou encore le nombre de trajectoires de longueur 2n allant de la hauteur 0 Ă  la hauteur 0 en restant positives ou nulles lors des 2n – 1 Ă©tapes intermĂ©diaires. Dans ce dernier cas on peut coder la trajectoire par une suite de 2n signes + et – (pour montĂ©e et descente), la condition de positivitĂ© se traduisant par le fait que cette suite est un mot de Dyck (car chaque prĂ©fixe a plus de montĂ©es que de descentes). Ainsi, pour la marche alĂ©atoire simple, la probabilitĂ© que le premier temps de retour en 0, partant de 0, ait lieu Ă  l'instant 2n + 2, est , le facteur 2 prenant en compte les trajectoires strictement nĂ©gatives en plus des trajectoires strictement positives. De mĂȘme, la probabilitĂ© que le premier temps d'atteinte de 1, partant de 0, ait lieu Ă  l'instant 2n + 1, est .

Arbres planaires

est le nombre d'arbres planaires enracinĂ©s Ă  n arĂȘtes. La bijection avec les mots de Dyck, ou encore avec les trajectoires de marches alĂ©atoires, est donnĂ©e trĂšs visuellement par un parcours extĂ©rieur de l'arbre. La trajectoire obtenue est le graphe de la fonction qui Ă  chaque coin (secteur angulaire dĂ©limitĂ© par un sommet et deux arĂȘtes contigĂŒes issues de ce sommet) associe la hauteur du sommet (la distance du sommet Ă  la racine). Les coins sont parcourus dans l'ordre correspondant au parcours autour de l'arbre (voir figure ci-contre). Chaque sommet est visitĂ© autant de fois qu'il y a de coins issus de ce sommet, c.-Ă -d. le nombre de visites Ă  un sommet est le degrĂ© de ce sommet ; Ă  titre d'exception, le nombre de visites Ă  la racine est son degrĂ© plus un (plus le retour final Ă  la racine, qui revient Ă  visiter deux fois le coin origine). Ainsi le nombre de pas de la marche est la somme des degrĂ©s du graphe, c.-Ă -d. deux fois le nombre d'arĂȘtes du graphe.

Bijection entre les 5 arbres Ă  3 arĂȘtes (ligne supĂ©rieure), les 5 trajectoires positives de longueur 6 (ligne intermĂ©diaire) et les mots de Dyck correspondants (ligne infĂ©rieure).

Bijections entre les exemples

Les ensembles décrits plus haut qui sont à éléments sont clairement en bijection les uns avec les autres.

Les bijections entre deux ensembles symĂ©triques (produits non associatifs, triangulations d'un polygone, arbres binaires entiers) sont dĂ©crits plus haut. De mĂȘme les bijections entre deux ensembles latĂ©ralisĂ©s (mots de Dyck, chemins monotones sous la diagonale, marches alĂ©atoires positives, arbres planaires) sont dĂ©crits dans les sections prĂ©cĂ©dentes. La bijection entre les arbres binaires entiers Ă  2n arĂȘtes et les arbres planaires Ă  n arĂȘtes se fait en contractant soit les arĂȘtes gauches, soit les arĂȘtes droites de l'arbre binaire. D'oĂč les appellations « symĂ©triques » et « latĂ©ralisĂ©s ».

Contractions gauche et droite d'un arbre binaire vers deux arbres planaires.

L'image suivant illustre les différentes bijections avec un exemple concret :

Illustrations des différentes bijections entre les ensembles à Cn éléments (ici n = 4).

Relations de récurrence

Ceci vient du fait que tout mot de Dyck w de longueur supĂ©rieure Ă  2 peut s'Ă©crire de maniĂšre unique sous la formeoĂč w1 et w2 dĂ©signent des mots de Dyck (Ă©ventuellement vides). La sĂ©rie gĂ©nĂ©ratrice des nombres de Catalan est dĂ©finie paret en utilisant la relation de rĂ©currence ci-dessus, on voit queet par consĂ©quent[n 2];rĂ©ciproquement, partant de la sĂ©rie gĂ©nĂ©ratrice, on obtient aisĂ©ment la formule explicite des en utilisant le dĂ©veloppement de Newton de ; ce passage d'une relation de rĂ©currence Ă  une formule explicite est une des utilisations les plus importantes des sĂ©ries gĂ©nĂ©ratrices.

  • D'autre part, ils satisfont la relation de rĂ©currence

qui permet aussi de retrouver la série génératrice, en effet, cette relation montre que est la solution de l'équation différentiellequi vaut 1 en 0.

.

Matrice de Hankel

La matrice de Hankel d'ordre n dont le terme est le nombre de Catalan a pour déterminant 1, indépendamment de la valeur de n.

Ainsi, pour n = 4, nous avons

De plus, si les termes sont « décalés », en prenant les nombres de Catalan , le déterminant est toujours 1, indépendamment de la valeur de n[n 3].

Ainsi, pour n = 4, nous avons

La suite des nombres de Catalan est la seule suite de nombres[n 4] ayant cette double propriété.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Catalan number » (voir la liste des auteurs).

Notes

  1. Un arbre binaire est dit entier (ou plein) si chaque nƓud a soit 0 soit 2 fils. Un tel arbre Ă  n + 1 feuilles a aussi n nƓuds internes, et 2n arĂȘtes.
  2. Cette écriture est parfaitement rigoureuse dans le cadre des séries formelles ; si on interprÚte comme une série entiÚre, l'expression asymptotique de montre que le rayon de convergence de la série est 1/4, et que sur l'intervalle réel , on a , en prolongeant le membre de droite en 0 par la valeur 1.
  3. En revanche, ce n'est plus le cas pour un décalage de 2 lignes : .
  4. L'existence et l'unicité d'une telle suite se démontre aisément par récurrence, mais il est nettement moins aisé de vérifier qu'on obtient ainsi la suite des nombres de Catalan.

Références

  1. (de) Leonhard Euler, « Lettre CXL », sur eulerarchive.maa.org
  2. (en) Igor pak, « Catalan numbers page »
  3. "Ouest-France" du 18 août 2021 in fine.
  4. (la) Johann Andreas Segner, « Enumeratio modorum quibus figurae planae rectilinae per diagonales dividuntur in triangula », Novi Commentarii Academiae Scientiarum Imperialis Petropolitanae, vol. 7,‎ 1758/59, publiĂ© en 1761 (lire en ligne)
  5. E. Catalan, « Note sur une Ă©quation aux diffĂ©rences finies », Journal de MathĂ©matiques pures et appliquĂ©es, no 3,‎ , p. 515-516 (lire en ligne)
  6. E. Catalan, « Solution nouvelle de cette question: un polygone Ă©tant donnĂ©, de combien de maniĂšres peut-on le partager en triangles au moyen de diagonales ? », Journal de mathĂ©matiques pures et appliquĂ©es x, 1re sĂ©rie, no 4,‎ , p. 91-94. (lire en ligne)
  7. E. Catalan, « Sur les nombres de Segner », Rend. Circ. Mat. Palermo 1 (1887), 190–201., no 1,‎ , p. 190-201 (lire en ligne)
  8. (en) Luo Jianjin, « Ming'antu and His Power Series Expansions », Institute for the History of Science, Inner Mongolia Normal University; Institute of Science, Technology and Culture, Zhejiang University.
  9. On trouvera une analyse plus précise de ce développement asymptotique dans Analytic Combinatorics, p. 383.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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