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Mousse (matiĂšre)

La mousse est un milieu complexe constituĂ© d'une matiĂšre condensĂ©e intimement mĂȘlĂ©e Ă  un volume supĂ©rieur de gaz (> 70 %) et nĂ©anmoins continue[alpha 1]. Selon que la matiĂšre condensĂ©e est liquide ou solide on parle de mousse liquide ou de mousse solide.

La mousse est un systÚme de dispersion multi-échelles avec différents niveaux d'organisation.
Un exemple de mousse liquide : celle de la biĂšre.

Mousses liquides

Une mousse liquide est constituĂ©e d'une abondance de bulles de gaz sĂ©parĂ©es par un liquide qui, lui, forme une phase continue. Dans le cas, trĂšs frĂ©quent, oĂč le liquide est une solution aqueuse on peut parler d'une mousse aqueuse. La mousse peut ĂȘtre « humide » ou « sĂšche » en fonction de la fraction volumique du liquide, [1] :

  • une mousse est sĂšche si . Les bulles sont alors en forme de polyĂšdres, sĂ©parĂ©s par de minces films de liquide ;
  • une mousse est humide si . Les bulles ont alors une forme arrondie. La mousse de biĂšre est une mousse humide ;
  • si ce n'est plus une mousse mais un liquide bulleux. Les bulles ont alors une forme quasi sphĂ©rique. Plus augmente, plus les bulles sont dispersĂ©es au sein du liquide.

Les films d'une mousse sĂšche suivent les conditions de Plateau. L’intersection de trois films constitue un bord de Plateau, quatre bords de Plateau se rejoignent au niveau d’un nƓud, appelĂ© aussi vertex. La phase liquide de la mousse est un rĂ©seau de bords de Plateau constituĂ© de mini-canaux liquides[2]. La mousse se forme par exemple Ă  la surface des eaux agitĂ©es ou autres liquides. Le gaz (souvent de l'air) est donc dispersĂ© en nombreuses bulles (on parle de phase dispersĂ©e), tandis que le liquide est entiĂšrement continu (on parle de phase continue).

Drainage

Le liquide d'une mousse s’écoule entre les bulles sous l’effet de la gravitĂ© et des forces capillaires. Le drainage d'une mousse humide la transforme en mousse sĂšche (si les films ne se rompent point), puis assĂšche encore la mousse jusqu'Ă  une certaine limite quand des tensio-actifs sont prĂ©sents en solution dans le liquide, ou jusqu'Ă  rupture des films dans le cas contraire (sĂ©paration de la mousse en deux phases continues, liquide et gaz).

La mousse est considĂ©rĂ©e dans la majoritĂ© des modĂšles comme un milieu poreux, constituĂ© d’un rĂ©seau de canaux. En effet, le liquide circule en majoritĂ© dans le rĂ©seau de bords de Plateau et de nƓuds, le liquide contenu dans les films est gĂ©nĂ©ralement nĂ©gligĂ©. Mais la mousse est un milieu poreux trĂšs particulier, les canaux sont dĂ©formables, fluides et varient en taille et en ouverture en fonction de la fraction de liquide qu’ils contiennent : la permĂ©abilitĂ© n’est donc pas constante.

Pour observer cela, on peut réaliser l'expérience suivante :

  • prendre une bouteille transparente et ajouter un peu d'eau savonneuse ;
  • boucher l'ouverture avec le doigt et secouer Ă©nergiquement ; on obtient une mousse qui apparaĂźt au premier abord blanche ;
  • laisser « sĂ©cher Â» la mousse quelques minutes ; elle devient transparente ;
  • avec le doigt, prendre une petite goutte d'eau et la poser dĂ©licatement sur la mousse sĂšche ; elle redevient blanche
 en suivant le trajet du liquide.

La mousse a été réhydratée, les bords de Plateau se sont ouverts pour laisser passer le liquide : c'est le drainage.

Technique d’analyse de la stabilitĂ© d'une mousse

Principe de mesure de la diffusion multiple de la lumiÚre couplée à un balayage vertical.

La diffusion multiple de la lumiĂšre couplĂ©e Ă  un balayage vertical est la technique la plus employĂ©e pour suivre l’état de dispersion d’un produit, et par lĂ  mĂȘme identifier et quantifier les phĂ©nomĂšnes d’instabilitĂ©[3] - [4] - [5] - [6]. Elle fonctionne avec les dispersions concentrĂ©es, sans dilution. Quand la lumiĂšre est envoyĂ©e dans l’échantillon, elle est rĂ©trodiffusĂ©e par les bulles. L’intensitĂ© rĂ©trodiffusĂ©e est directement proportionnelle Ă  la taille et Ă  la fraction volumique de la phase dispersĂ©e. Ainsi, les variations locales de concentration (drainage, synĂ©rĂšse) et les variations globales de la taille (mĂ»rissement, coalescence) sont dĂ©tectĂ©es et suivies.

MĂ©thodes d’accĂ©lĂ©ration pour la prĂ©diction de la durĂ©e de vie

Le processus cinĂ©tique de dĂ©stabilisation peut prendre du temps (jusqu’à plusieurs mois, voire plusieurs annĂ©es pour certains produits) et ainsi, le formulateur doit utiliser des mĂ©thodes d’accĂ©lĂ©ration, afin d’obtenir des durĂ©es de dĂ©veloppement acceptables. Les mĂ©thodes thermiques sont les plus employĂ©es et consistent Ă  augmenter la tempĂ©rature afin d’accĂ©lĂ©rer les dĂ©stabilisations (en restant en deçà des tempĂ©ratures critiques d’inversion de phase et de dĂ©gradations chimiques). La tempĂ©rature n’affecte pas seulement la viscositĂ©, mais Ă©galement la tension interfaciale dans le cas des tensioactifs non-ioniques et plus gĂ©nĂ©ralement les forces d’interactions Ă  l’intĂ©rieur du systĂšme. En stockant la dispersion Ă  hautes tempĂ©ratures, on simule les conditions de vie rĂ©elles d’un produit (par exemple un tube de crĂšme solaire dans une voiture en Ă©tĂ©), mais Ă©galement on accĂ©lĂšre les processus de dĂ©stabilisation jusqu’à 200 fois.

Exemples

L'écume de mer, de riviÚre au pied d'une cascade ou aprÚs des crues, ou l'écume de cuisine sont des exemples de mousse liquide résultant du brassage de l'eau. Les premiÚres sont issues d'une pollution ou de la décomposition bactérienne de matiÚre organique issue des végétaux, certains composants organiques formant des tensioactifs qui stabilisent la mousse[7]. La seconde provient de la formation d'agents moussants (protéines dénaturées[8] telles que la caséine du lait, l'albumine de la viande) extraits d'aliments par traitement thermique[9] - [10].

Mousses solides

Insert gonflant de corps creux en automobile.
Ancienne mousse isolante expansée (Urée-formaldéhyde) exposée à l'occasion de la rénovation d'une salle de bain (2012)

Une mousse solide provient d'une mousse liquide (plus ou moins visqueuse) par solidification du liquide. Celle-ci peut ĂȘtre obtenue par diffĂ©rentes voies selon la nature du liquide : solidification (par exemple au cours d'une trempe thermique), polymĂ©risation ou gĂ©lification.

Une mousse solide peut ĂȘtre « ouverte Â» ou « fermĂ©e Â». Elle est :

  • ouverte si suffisamment de films solides sont brisĂ©s, permettant une certaine circulation du gaz Ă  travers la mousse (percolation) ;
  • fermĂ©e si suffisamment de films solides sont intacts, empĂȘchant toute circulation du gaz Ă  travers la mousse.

Exemples

Le pain est une mousse solide, la pĂąte s'Ă©tant solidifiĂ©e pendant la cuisson. La mie de la plupart des pains est une mousse ouverte et sĂšche assez vite, car l'air circule en son sein. La mie de certains pains est toutefois une mousse fermĂ©e : ces pains sĂšchent beaucoup moins vite, mĂȘme une fois entamĂ©s.

Les réticulites sont des mousses solides émises occasionnellement par certains volcans. Elles sont ouvertes : posées sur l'eau elles ne flottent pas mais coulent, l'eau remplaçant rapidement le gaz.

Les mousses synthétiques sont trÚs répandues. Les éponges, utilisées pour le nettoyage, sont des mousses ouvertes. Beaucoup d'autres mousses sont fermées et ont alors des propriétés isolantes (thermiquement et acoustiquement) ; elles sont généralement faites d'un polymÚre, tel que :

La partie solide peut ĂȘtre aussi du bĂ©ton (bĂ©ton cellulaire durci en autoclave, bĂ©ton mousse et bĂ©ton caverneux), du verre (verre cellulaire), du mĂ©tal (mousse mĂ©tallique) ou de la cĂ©ramique (mousse cĂ©ramique).

Les mousses dans la culture

  • Dans la mythologie grecque, la dĂ©esse Aphrodite naĂźt de la mousse (ጀφρός / aphros) issue du sexe d'Ouranos, tranchĂ© par Cronos.
  • Dans le Mahabharata, le dieu Indra promet de ne tuer le dĂ©mon Namuchi, ni de jour ni de nuit, ni avec du sec ni avec du mouillĂ©. Alors il le tue au crĂ©puscule avec de la mousse[11].
  • Dans la Chine de la mythique dynastie Xia, un empereur apprivoise deux dragons en enfermant la mousse de leurs gueules dans un coffre, mais 2 000 ans plus tard le coffre est ouvert : la mousse s'en Ă©chappe et se transforme en un nouveau dragon[11].

Galerie d'images

Notes et références

Notes

  1. Cette propriĂ©tĂ© de continuitĂ© (la phase condensĂ©e n'est pas sĂ©parĂ©e en domaines disjoints) distingue les mousses des suspensions gazeuses (brouillard, nuages, tempĂȘtes de sable, etc.).

Références

  1. Émeline Gallo, Johanna Jussey et Adrien Chicot, « La stabilitĂ© des mousses liquides, un vrai jeu d'Ă©quilibre... » [PDF], sur Olympiades de physique de France.
  2. Isabelle Cantat, Sylvie Cohen-Addad, Florence Elias et al., Les mousses: structure et dynamique, Belin, , p. 32
  3. I. Roland, G. Piel, L. Delattre, B. Evrard, International Journal of Pharmaceutics, 263 (2003) 85-94
  4. C. Lemarchand, P. Couvreur, M. Besnard, D. Costantini, R. Gref, Pharmaceutical Research, 20-8 (2003) 1284-1292
  5. O. Mengual, G. Meunier, I. Cayre, K. Puech, P. Snabre, Colloids and Surfaces A: Physicochemical and Engineering Aspects, 152 (1999) 111–123
  6. P. Bru, L. Brunel, H. Buron, I. CayrĂ©, X. Ducarre, A. Fraux, O. Mengual, G. Meunier, A. de Sainte Marie et P. Snabre, Particle sizing and characterisation, Éd. T. Provder and J. Texter (2004)
  7. Isabelle Cantat, Sylvie Cohen-Addad, Florence Elias et al., Les mousses: structure et dynamique, Belin, , p. 30-92
  8. (en) E. Dickinson, Protein adsorption at liquid interfaces and the relationship to form stability, in: Wilson A.J. Foams: physics, chemistry and structure, Springer Verlag, 1989, p.39–53.
  9. Isabelle Cantat, Sylvie Cohen-Addad, Florence Elias et al., Les mousses: structure et dynamique, Belin, , p. 12
  10. Hervé This, Révélations gastronomiques, Belin, , p. 82-83
  11. Cantat et al. (2010), p. 10-11

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) D. Weaire et S. Hutzler, The Physics of Foams, Oxford University Press, (ISBN 0-19-851097-7 et 978-0-1985-1097-0)
  • Isabelle Cantat, Sylvie Cohen-Addad, Florence Elias, François Graner, Reinhard Höhler et al., Les mousses : Structure et dynamique, Paris, Belin, coll. « Échelles », , 278 p. (ISBN 978-2-7011-4284-5)
  • [Cantat et al. (2010)] (en) Isabelle Cantat, Sylvie Cohen-Addad, Florence Elias, François Graner, Reinhard Höhler et al., Foams : Structure and dynamics, Oxford, Oxford University Press, , 265 p. (ISBN 978-0-19-966289-0, lire en ligne)

Articles connexes

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