Mont-de-piété
Un mont-de-piété est un organisme de prêt sur gage, qui a pour mission de faciliter les prêts d'argent, notamment en faveur des plus démunis.
Histoire
Le terme français vient de la mauvaise traduction en français de l'italien monte di pietà, « crédit de charité »[1], de monte, « valeur, montant », et pietà, « pitié, charité ».
En Italie
L'idée du mont-de-piété est née en 1462, quand un moine récollet italien, Barnabé de Terni, cherche un moyen de combattre l’usure et les taux d'intérêt abusifs (jusqu'à 130 %) pratiqués à l'époque. Il convainc les riches de la cité de Pérouse de constituer un fonds permettant de créer un établissement de prêts sur gages : le Monte di Pietà. Plusieurs frères mineurs comme Marc de Montegallo prêchent à sa suite la création des monts-de-piété. Dix ans plus tard, le Monte dei Paschi di Siena est établi à Sienne avec le même objectif. Cet établissement propose alors un système de prêt sur gage à faible intérêt ou gratuit.
Des initiatives semblables voient le jour dans d’autres villes d’Italie. Au Ve concile de Latran, en 1515, le pape Léon X reconnaît officiellement les monts-de-piété.
Les monts-de-piété prennent pour emblème le grype, créature légendaire qui gardait les mines d'or d'Apollon dans le désert scythe.
En France
En France, un mont-de-piété est fondé à Avignon en 1610[2] par la Congrégation de Notre-Dame de Lorette. La ville détient à cette époque le statut de cité papale depuis 1348 et le conservera jusqu'en 1791.
Un mont-de-piété qui pouvait accorder des prêts gratuits jusqu’à cinquante écus fut également créé en 1610 à Lille, laquelle faisait partie à cette date des Pays-Bas espagnols jusqu'à son entrée dans le Royaume de France en 1667. Son créateur, le riche marchand Bartholomé Masurel, lui légua ses biens. Un deuxième est créé à Lille en 1628 par Wenceslas Coeberger[3] - [4].
C'est à Paris que le fondateur de La Gazette de France, Théophraste Renaudot[5], ouvre le le premier mont-de-piété dans son Bureau d'adresse qu'il transforme en salle des ventes. Cinq ans plus tard, le roi Louis XIII autorise 58 autres villes du royaume à établir des monts-de-piété.
Après la mort de Richelieu et de Louis XIII, un arrêt du Parlement le met fin à l’institution sous la pression des usuriers qui pratiquent un taux d'intérêt de l’ordre de 120 %.
Jean-Charles-Pierre Lenoir (1732-1807), lieutenant général de police, propose de rétablir l'institution afin de venir en aide aux pauvres endettés dont la situation économique pourrait les amener au vagabondage ou aux larcins. Le roi Louis XVI, conscient de la mendicité provoquée par la ruine de ces endettés, établit une ordonnance le : l'institution est rétablie par lettres patentes sur le principe du prêt sur gage à très faible taux d'intérêt, 10 % à l'époque. Le lieutenant général et quatre administrateurs de l'hôpital général de Paris sont chargés de son administration tandis que le conseiller auprès du Roi, Louis-Étienne Framboisier de Beaunay, est nommé premier directeur de l'établissement qui est inauguré le au no 16, rue des Blancs-Manteaux à Paris[6]. Les administrateurs sont régulièrement en guerre avec les commissaires-priseurs, souvent des Lombards qui exercent conjointement les métiers de banquier et de prêteur sur gage[7].
Pendant la Révolution française de 1789, la dépréciation des assignats provoque la chute des engagements de biens personnels, conduisant le mont-de-piété parisien à fermer ses portes en 1795. La reprise de l'usure par les maisons de prêt[8] (jusqu'à 20 % par mois) entraîne sa réouverture le . Le Mont-de-Piété rétablit le taux d'emprunt à 7 puis 4 % sous le Premier Empire[9].
En (8 thermidor an XIII), le décret impérial no 850 interdit aux maisons de prêt de Paris de recevoir des dépôts et de pratiquer des prêts sur nantissement, et ordonne le transfert des dépôts au mont-de-piété[10] situé rue des Blancs-Manteaux. Le même jour, l'empereur Napoléon Ier et le secrétaire d'État Hugues-Bernard Maret signent le décret no 851 relatif à l'organisation et aux opérations du mont-de-piété de Paris[10]. Il développe alors de nombreux bureaux auxiliaires pour les commissionnaires et des succursales. En 1892, les prêts immobiliers sont autorisés.
Au XIXe siècle, le succès du mont-de-piété de Paris est tel qu'il n'apparaît plus seulement comme l'antichambre de la misère. Le propre fils de Louis-Philippe, le prince de Joinville François-Ferdinand d'Orléans, aurait ainsi déposé sa montre pour honorer une dette de jeu. Quelque peu honteux, il avait prétendu l'avoir oubliée chez sa tante. D'où l'expression « ma tante » pour qualifier le mont-de-piété[11].
Le , un décret transforme les monts-de-piété en caisses de crédit municipal. Le mont-de-piété de Paris devient ainsi le Crédit municipal de Paris, de même pour celui de Lyon, d'Avignon ou de Bordeaux, comme pour tous les autres. Le changement de dénomination correspond au développement de ses activités bancaires parallèlement aux prêts sur gages.
Le mont-de-piété entre alors dans la catégorie des établissements de crédit, soumis à la législation bancaire, tout en conservant une gouvernance issue des communes qui en détiennent la propriété.
En Belgique
Pour mettre un terme aux pratiques des prêteurs sur gage, qui réclamaient des intérêts exorbitants, les archiducs Albert et Isabelle décident d'ouvrir dans les Pays-Bas méridionaux des monts-de-piété. Après avoir pris en 1617 l'avis des autorités religieuses, ils en confient, par lettres patentes du , la surintendance générale à Wenceslas Cobergher[12]. Entre 1618 et 1633, quinze institutions voient le jour dans les Pays-Bas, dans l'ordre suivant : Bruxelles, Anvers, Malines, Gand, Arras, Tournai, Mons, Valenciennes, Cambrai, Bruges, Lille, Douai, Namur, Courtrai et enfin Bergues[13].
La première d’entre elles ouvre ses portes à Bruxelles en 1618 dans l’ancien hôtel de Beersel, à l’angle de la rue du Midi et de la rue du Lombard. Le mont de piété est toujours actif au XXIe siècle à Bruxelles, dans ses locaux rénovés de la rue Saint-Ghislain (Alexis Partoes, 1868), bâtis sur la propriété Mosselman[14].
À Liège, il est installé jusqu'en 1812 dans le palais Curtius.
En Suisse
En Suisse, les monts-de-piété portent habituellement le nom de Caisse de Prêts.
La plus ancienne structure encore en activité en suisse est la Caisse publique de Prêts sur Gages (CPPG) de Genève fondée en 1872. Elle a fêté ses 150 ans d’activités en 2022.
Il existe deux instituts de « Mont-de-Piété » publics en Suisse : la Pfandleihkasse géré par la Banque Cantonale de Zurich (ZKB) et la Caisse Publique de Prêts sur Gages de Genève (CPPG). Il existe également un établissement privé Istituto prestiti su pegno à Lugano. Chaque institut est organisé selon les normes cantonales.
À Lausanne, une licence privée a été octroyée à la société Valorum Sarl[15]. À Grenchen (Soleure), Pfandbox offre un service privé.
Près de Schaffhouse à Büsingen, il existe depuis 2007 le premier « Mont-de-piété » à véhicules[16] pour toute la Suisse.
Association internationale des caisses de prêt sur gage
L’Association internationale de Sociétés de crédit sur gage (Pignus en latin), fondée le , à Milan (Italie) est une organisation à but non lucratif, qui représente et coordonne les sociétés membres et leurs associations nationales réalisant des activités de prêt sur gage. Dans le monde, il y a deux types de caisses de prêt sur gage. Il y a le modèle anglo-saxon structuré autour de sociétés commerciales dont le seul but est de faire du profit et il y a les entités diverses dont le but du service est de maintenir un équilibre économique avec une dimension sociale et éthique permanente dans les actions. Pignus regroupe les caisses de prêt sur gage de la deuxième catégorie. Par le travail de Pignus, certaines sociétés commerciales intègrent la dimension sociale et éthique dans le fonctionnement.
L'association Pignus regroupe plus de cinquante-quatre entités issues de quatorze pays différents dont les principaux membres sont :
- The Provident Loan Society of New York (New York) ;
- Nacional Monte de Piedad de México (Ciudad de México, Mexique) ;
- Montepío Luz Saviñón (Ciudad de México, Mexique) ;
- Fundación Dondé (Mérida-Yucatán, Mexique) ;
- Banco Popular y de Desarrollo Comunal (San José, Costa Rica) ;
- Banco del Instituto Ecuatoriano de la Seguridad Social (BIESS) (Quito, Equateur) ;
- Caja Metropolitana de Lima (Lima, Pérou) ;
- Caixa Economica Federal (Brasilia, Brésil) ;
- Dirección General de Crédito Prendario (Santiago, Chili) ;
- Banco Ciudad (Buenos Aires, Argentine) ;
- CECA (Madrid, Espagne) ;
- Banque de Développement Local (Alger, Algérie) ;
- Dorotheum (Vienne, Autriche) ;
- Affide (Rome, Italie) ;
- Valorum (Lausanne, Suisse).
L’origine étymologique de l’adjectif « pignoratif » provient du latin « pignus », qui signifie gage. L’adjectif « pignoratif » de racine latine ou les termes « sur gage », plus actuels, sont indistinctement employés pour qualifier, dans les deux cas, le crédit ou le prêt concédé sur la garantie d’un nantissement ou d’un objet de valeur, remis en possession de la société de crédit, prêteur ou créancier pignoratif pour assurer le respect de l’obligation principale, à savoir le prêt ou le crédit reçu en liquide par l’emprunteur ou le débiteur.
Filmographie
- Une journée chez ma tante (1996), film documentaire de Christophe Otzenberger sur le Crédit municipal de Paris.
Bibliographie
- Pierre De Decker, Études historiques et critiques sur les monts-de-piété en Belgique, Bruxelles, Société des Beaux-Arts,
- Guillaume Pastureau, Le mont-de-piété en France : une réponse économiques aux problèmes sociaux de son époque (1462-1919), Paris, Revue d'histoire et de la protection sociale,
Notes et références
- Le Petit Robert.
- Crédit municipal d'Avignon Auteur, « Règlement et statuts du Mont-de-piété d'Avignon », sur Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 260098, (consulté le )
- Philippe Marchand, Histoire de Lille, Éditions Jean-Paul Gisserot, , 126 p. (ISBN 978-2-87747-645-4, lire en ligne), p. 35
- « Le crédit municipal de Lille. Quatre siècles d'histoire. », sur public-histoire.com (consulté le )
- il a donné son nom à l'une des cours de l'établissement, la cour principale portant celui du premier directeur.
- entrée actuelle : 55 rue des Francs-Bourgeois 75004
- A. Blaize, Des monts-de-piété et des banques de prêts, Gaguerre, 1843, p. 158.
- Appelées « Maisons de Caisse auxiliaire ».
- Éric Deschodt, Histoire du Mont de Piété, Éd. Cherche Midi (Le), 1993.
- Bulletin des lois no 50.
- Thierry Halay, Le Mont-de-Piété des origines à nos jours, L'Harmattan, , 170 p. (ISBN 2-7384-2943-2), p. 78.
- Désiré Arnould, Situation administrative et financière des monts-de-piété en Belgiqe, Imprimerie du moniteur belge, Bruxelles, 1845, p. 6
- De Decker 1844, p. 97
- Site du Mont-de-Piété de Bruxelles
- Valorum
- « Prêts-sur-gage.ch Auto | Votre crédit immédiat », sur Prets-Sur-Gage.Ch (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Le site des crédits municipaux de France
- Le site de la Caisse publique de prêts sur gages (CPPG) de Genève
- Le site de la caisse privée de prêt sur gage en Suisse