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Mission Voulet-Chanoine

La Mission Afrique Centrale-Tchad, dite mission Voulet-Chanoine, est une expédition française de conquête coloniale du Tchad, menée à partir de , par les capitaines Voulet et Chanoine. Elle est marquée par de nombreux massacres et par la perte totale de contrôle des autorités françaises sur les deux officiers.

L'histoire

La conquĂŞte du Tchad

Le capitaine Paul Voulet (gravure parue en une du journal L'Illustration no 2948, samedi ).
Le capitaine Julien Chanoine (gravure parue en une du journal L'Illustration no 2948, samedi ).

Cette affaire se déroula dans le contexte de concurrence entre puissances européennes dans la colonisation de l'Afrique (conférence de Berlin et course au clocher)[1] - [2] - [3]. Conçue en par le secrétaire d'État aux Colonies, André Lebon, sous la dénomination Mission Afrique Centrale-Tchad, la colonne Voulet-Chanoine devait atteindre, depuis le Sénégal, le Tchad par l’ouest et le fleuve Niger[4] et opérer la jonction de leur colonne sur le lac Tchad avec deux autres missions, l’une partie d’Algérie, la mission Foureau-Lamy, l’autre du Moyen-Congo, dirigée par Émile Gentil. Ces trois missions devaient parachever la conquête de l'empire français d'Afrique. La progression de la mission, loin d'être conçue comme une entreprise de conquête militaire nécessairement violente, devait s'accompagner de la signature de traités d'alliance avec les chefs indigènes locaux[4].

Voulet et Chanoine

Les capitaines Voulet, âgé de 33 ans, et Chanoine, âgé de 29 ans, s'étaient déjà illustrés lors de la conquête du royaume mossi, occupant l'actuel Burkina Faso et une partie du Niger, à partir du Sénégal en 1896. Voulet avait par ailleurs pris Ouagadougou. Des réussites embellies par la presse française[2]. Voulet et Chanoine sont également connus pour la brutalité de leurs méthodes et leur anglophobie[1].

Les massacres

La mission vers le Tchad fut marquĂ©e par une grande violence. L'expĂ©dition militaire se transforma tout au long de son parcours en vĂ©ritable colonne infernale, massacrant les populations qui refusaient de leur fournir vivres ou porteurs[4]. De fait, les diffĂ©rentes missions coloniales Ă©taient dans la nĂ©cessitĂ© de « vivre sur le pays »[3], la capacitĂ© d'emport et portage des vivres par des porteurs limitant l'autonomie d'une mission terrestre Ă  30 jours au maximum. C'Ă©tait le cas de la mission Voulet-Chanoine, composĂ©e des deux capitaines Voulet et Chanoine, du docteur Henri, des lieutenants Joalland, Pallier et PĂ©teau, des sous-officiers Laury, Bouthel et Tourot, de 600 soldats, tirailleurs soudanais et auxiliaires vĂ©tĂ©rans des guerres entre Toucouleurs et Bambaras, de 100 spahis et d'un canon de 80, suivis par 2 000 non combattants, porteurs et femmes[5].

  • Le mĂ©decin-major Henric.
    Le médecin-major Henric.
  • Le lieutenant Paul Joalland, artilleur.
    Le lieutenant Paul Joalland, artilleur.
  • Le lieutenant Pallier.
    Le lieutenant Pallier.
  • Le lieutenant PĂ©teau.
    Le lieutenant PĂ©teau.
  • Le sergent-major Laury.
    Le sergent-major Laury.
  • Le sergent Bouthel.
    Le sergent Bouthel.

Les massacres commencent très tĂ´t dans le cas de cette mission Voulet-Chanoine[1] - [2]. DĂ©but avril, les troupes françaises rencontrent une forte rĂ©sistance dans les villages de Lougou et Tongana oĂą les guerriers sont commandĂ©s par une reine locale, Sarraounia. Les combats coĂ»tent aux Français plusieurs morts et blessĂ©s. Mais la reine Sarraounia Ă©chappe aux forces coloniales françaises[1] - [6]. DĂ©but , en pays haoussa, la ville de Birni N'Konni est prise et un grand nombre d'habitants tuĂ©s, soldats, hommes, femmes et enfants, alors qu'ils fuient. Ce grand village de plus de 10 000 Ă˘mes est entièrement dĂ©truit[1] - [7].

L'assassinat du colonel Klobb

Klobb tué par les troupes de Voulet.
Couverture illustrée du journal Corriere Illustrato della Domenica, Milan, .
Le lieutenant-colonel Klobb.
Les tombes de Voulet et Chanoine Ă  Maijirgui au Niger.

Les conquĂŞtes africaines prĂ©cĂ©dentes avaient Ă©tĂ© brutales, mais rien en comparaison de ces massacres. La rumeur de ces derniers arrive Ă  Paris en avril. Le Ministre des Colonies, Antoine Guillain dĂ©cida alors d'envoyer le colonel Klobb, chargĂ© de la garnison de Tombouctou et le lieutenant Octave Meynier pour les arrĂŞter. Klobb part Ă  leur poursuite[1] - [2] sur plus de 2 000 km, dĂ©couvrant au fur et Ă  mesure de sa progression l'ampleur des massacres perpĂ©trĂ©s par Voulet et Chanoine (fillettes pendues aux arbres, etc.)[4].

Alors qu'ils les rejoignent à Dankori le , Voulet fait ouvrir le feu et Klobb est tué[1], à l'instar d'autres hommes de Voulet et Chanoine, que ces derniers n'hésitent pas à supprimer s'ils refusent d'exécuter leurs ordres[4]. Meynier, blessé[1], passe pour mort dans sa famille. Chanoine et Voulet, qui proclament désormais leur volonté de se tailler un empire africain personnel[4], sont tués à leur tour, le 16 et le , par leurs propres tirailleurs mutinés[1].

Les troupes sont alors dirigées par les lieutenants Pallier, Joalland et Meynier, second de Klobb. Plus tard, le lieutenant Pallier rejoint le Soudan avec une partie des troupes et la campagne continue sous le nom de mission Joalland-Meynier pour conquérir le territoire du Tchad[1]. Avant de se séparer, les responsables militaires survivants de la colonne se mettent d'accord sur une version commune des faits, mettant en cause des proches de Voulet, des traducteurs et des soldats tirailleurs africains, qui avaient été d'ailleurs rapidement exécutés[2].

DĂ©bats Ă  Paris

À Paris, la presse s'empare un temps de l'affaire. Le gouvernement est interpellé à ce propos à plusieurs reprises par des députés à la Chambre. Une commission d'enquête est mise en place dès l'arrivée de la nouvelle de la mort de Klobb le . Le ministre de la Guerre, Jules Chanoine (père de Julien Chanoine) apprend les faits par la presse alors qu'il est à Rennes, au procès Dreyfus (autre affaire touchant au même moment l'image de l'armée française), comme témoin de l'accusation (la nouvelle de la mort de son fils ne parvient pas dans un premier temps à Paris)[2].

Mais l'annonce de la conquête du Tchad, et de la mort des deux officiers Voulet et Chanoine, fait passer ensuite au second plan un scandale qui est mis sur le compte de la folie (« soudanite aiguë ») des deux capitaines : « la maladie coloniale est à l'époque l'ultime recours de ceux qui cherchèrent à comprendre la dérive meurtrière de la mission sous l'emprise de la chaleur, de la soif et de la faim »[4]. L'armée française et le gouvernement Waldeck-Rousseau, qui sortaient de cette autre affaire, l'affaire Dreyfus ayant déchiré le pays, voulaient éviter une nouvelle controverse[2].

On en reparle en 1923 quand Robert Delavignette, administrateur colonial au Niger, fait ouvrir les tombes des deux officiers qui se révélèrent vides[8].

Bibliographie

Études et essais

Romans et récits romancés

Bandes dessinées

Filmographie

Notes et références

  1. Régis Guyotat, « La colonne infernale de Voulet-Chanoine », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  2. « L’affaire Voulet-Chanoine dans le sillage de l’affaire Dreyfus. Massacre et tournant humanitaire », Les Temps Modernes, nos 693-694,‎ , p. 28-43 (DOI 10.3917/ltm.693.0028, lire en ligne)
  3. Finn Fuglestad, « À propos de travaux récents sur la mission Voulet-Chanoine », Revue française d'histoire d'outre-mer, t. 67, nos 246-247,‎ , p. 73-87 doi=10.3406/outre.1980.2237 (lire en ligne)
  4. Isabelle Surun (dir.), Les sociétés coloniales à l'âge des Empires (1850-1960), Atlande, , p. 196-197
  5. Historique du 2e régiment de tirailleurs sénégalais : 1892-1933, Paris, Imprimerie-librairie militaire universelle L. Fournier, , 208 p. (lire en ligne), « Mission Voulet-Chanoine puis Joualland-Meynier 1899-1900 », p. 126-128
  6. LĂ©onora Miano, L'autre langue des femmes, Grasset, , p. 170-174
  7. Jean Meyer, Histoire de la France coloniale, Des origines Ă  1914, Paris, Armand Colin, , 848 p. (ISBN 2-200-37218-3), p.663
  8. Christian Roche, « L'Afrique noire et la France au XIXe siècle.: Conquêtes et résistances »

Voir aussi

Articles connexes

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