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Militarisation de l'espace

La militarisation de l'espace (à ne pas confondre avec sa sous-catégorie, arsenalisation de l'espace) désigne le développement d'armes et de techniques militaires dans l'espace.

Satellite de télécommunications Syncom IV de l'armée américaine placé en orbite géosynchrone. Il fut envoyé dans l'espace en 1985 lors de la guerre froide.

Le terme apparaît pour la première fois dans les années 1960 dans le cadre de la guerre froide et de la course à l'espace, qui opposait les deux superpuissances que furent les États-Unis et l'URSS, pour faire référence à l'envoi de satellites espions dans l'espace[1]. La menace posée également par les missiles balistiques intercontinentaux incite plusieurs États à se doter d'une technique de défense antimissile. Un nouveau type de missile est également apparu : le missile antisatellite. À l'horizon des années 2010, seuls les États-Unis et la république populaire de Chine semblent avoir la capacité de produire de tels missiles[2].

Par ailleurs, d'autres pays ont développé un programme de satellites militaires : il s'agit, entre autres, de la France (Helios 1B et Helios 2A), du Royaume-Uni (Skynet), de l'Italie (COSMO-SkyMed), de la Chine (Fanhui Shi Weixing), de l'Inde (RISAT-1 et RISAT-2), Israël (Ofek) et du Japon (Information Gathering Satellite). L'Allemagne a également lancé récemment (en 2006) son système SAR-Lupe mis en orbite par un lanceur russe Cosmos. 50 % du budget spatial mondial est consacré au domaine militaire dont 90 % sont toujours détenus par les États-Unis en 2010[2] - [3].

Cadre juridique : le traité de l'espace

Il existe un droit de l'espace, ainsi, selon le traité de l'espace[4], les armes de destruction massive sont illégales en orbite terrestre[5]. Celui-ci trouve son origine dans le fait qu'il vise à empêcher l'URSS de neutraliser les satellites de reconnaissance occidentaux (voir crise de Spoutnik et Spoutnik 1). Le Bureau des affaires spatiales des Nations unies (UNOOSA) veille à ce que ce traité soit respecté. Néanmoins, aucun traité n'interdit formellement les autres armes et contrôler l'application d'un éventuel nouveau traité s'avère être difficile par les instances de l'ONU.

Un traité sur la Lune sera mis au point la décennie suivante : l'Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes de 1979 et entré en vigueur en 1984 qui stipule que la Lune ne peut être utilisée qu'à des fins pacifiques et qui interdit tout recours à la menace ou à l'emploi de la force ou à tout autre acte d'hostilité sur la Lune et de mettre sur orbite des armes de destruction massive autour de l'astre lunaire[6] - [7].

Historique de 1960 Ă  nos jours

Le Boeing X-37. Ce projet de navette spatiale automatique de la NASA a été récupéré par l'USAF.
Essai d'un missile LGM-118A Peacekeeper par les États-Unis. Celui-ci est capable d'envoyer 10 tĂŞtes nuclĂ©aires Ă  l'extĂ©rieur de l'atmosphère terrestre et dispose d'une portĂ©e de 9 600 km.

Amorce

La course à l'espace démarrée à la fin des années 1950 concernait les deux superpuissances de l'époque (États-Unis et URSS), qui outre les questions de prestiges, s’intéressent à l'aspect stratégique de l'espace.

Les satellites militaires ont constituĂ© la première forme de satellites d’observation : en effet, dès 1959 et dans le cadre de la guerre froide, les États-Unis et l’URSS ont dĂ©veloppĂ© des satellites militaires d’observation, que l’on appelle couramment et abusivement des « satellites espions » (les premiers d’entre eux furent la sĂ©rie des Discoverer/Corona[8]). Ils permettaient bien Ă©videmment de pouvoir observer les ressources militaires de l’ennemi dans des zones peu accessibles afin d’évaluer le danger que celles-ci Ă©taient susceptibles de reprĂ©senter ; cela a donc servi de base aux autres applications civiles des satellites d’observation. Tout ceci Ă©tait entièrement licite vu que les frontières n’ont plus cours Ă  une altitude supĂ©rieure Ă  80 km.

Les deux pays Ă©vitaient donc les problèmes diplomatiques liĂ©s Ă  l’observation de puissances Ă©trangères Ă  partir d’avions espions comme les Lockheed U-2 pour les États-Unis. Ainsi, il fut dĂ©couvert que l’URSS avait, tout comme les États-Unis, un programme d'exploration habitĂ©e de la Lune[9]. Ces satellites ont eu un rĂ´le stabilisant dans la guerre froide. En effet, ils permettaient de vĂ©rifier la vĂ©racitĂ© des messages de propagande adverse ou les dĂ©clarations de politiciens (le missile gap dans les annĂ©es 1960[10]) : si par exemple l’URSS affirmait possĂ©der 1 000 ogives nuclĂ©aires alors que les satellites n’en observaient que 10, on en concluait que la menace Ă©tait moins grande, ce qui rĂ©Ă©quilibrait les deux forces en prĂ©sence[11].

Mais la vocation première d’un satellite militaire est d'aider les militaires, non seulement dans le secteur stratégique mais aussi sur le champ de bataille. Ainsi si les satellites espions peuvent servir dans le domaine du renseignement, de la surveillance maritime, la majorité des satellites militaires servent aux communications et d'autres en tant que système de positionnement par satellites au guidage des unités ou missiles.

Guerre froide

Ancien logo du Missile Defense Agency, institution relevant du Département de la Défense des États-Unis chargé de la National missile defense destinée à détruire d'éventuels ICBM ennemis.

La course Ă  l'armement et la course Ă  l'espace que se faisaient les États-Unis et l'URSS durant la guerre froide ne pouvaient mener qu'Ă  une thĂ©orie : arsenaliser l'espace. Ainsi, en 1962, les États-Unis rĂ©alisent un essai nuclĂ©aire Ă  400 km d'altitude : Starfish Prime. Le rayon Ă©lectromagnĂ©tique de ce dernier grillera alors le tiers des satellites en orbite[12]. De 1968 Ă  1982, l'URSS testera ses « Istrebitel Spoutnikov », les « satellites tueurs ».

Des projets de stations spatiale habitĂ©e sont entrepris par les États-Unis Ă  la fin des annĂ©es 1960 tel le Manned Orbital Laboratory de l'USAF mais n'auront pas de suite, les satellites inhabitĂ©s ayant dĂ©montrĂ© leurs capacitĂ©s. L'URSS de son cĂ´tĂ© lancera le programme Almaz sous couvert du programme Saliout dans les annĂ©es 1970. Trois stations Almaz ont Ă©tĂ© lancĂ©es : Saliout 2, Saliout 3 et Saliout 5. Saliout 2 a Ă©chouĂ© peu après avoir atteint son orbite, mais les Saliout 3 et 5 ont toutes deux conduit des tests habitĂ©s rĂ©ussis. Après Saliout 5, l'armĂ©e soviĂ©tique a estimĂ© que le temps passĂ© Ă  la maintenance des stations dĂ©passait les bĂ©nĂ©fices. Ces stations Ă©taient secrètement armĂ©es de canons automatiques Rikhter R-23M de 23 mm.

Un McDonnell Douglas F-15 Eagle de l'US Air Force lance un missile antisatellite ASM-135 ASAT (en) dans le cadre d'un exercice le 13 septembre 1985.

Au niveau des incidents concernant les satellites de reconnaissance, notons en 1978, le Cosmos 954 soviétique, destiné à surveiller les océans pour repérer les navires de guerre (bateaux et sous-marins des Américains, et plus généralement de l'OTAN), qui retombe sur Terre dans une région isolée des Territoires du Nord-Ouest canadiens[13].

En 1983, le président des États-Unis, Ronald Reagan, dans le cadre de sa défense antimissile, la « Strategic Defense Initiative », lancera son projet popularisé sous le nom de « Star Wars » (Guerre des étoiles en anglais). En 1984, les Soviétiques pointent leur laser « Terra-3 » sur une navette spatiale américaine depuis la base secrète de « Sary Shagan ». Une autre station spatiale militaire soviétique, le Polious, conçue en réplique à la SDI fut envoyée dans l'espace sans arme mais sa satellisation est un échec[14]. En 1990, profitant de l'affaiblissement de l'URSS, les États-Unis mettent au point un concept de contrôle de l'espace qui vise à maîtriser l'information et l'accès à l'espace ainsi que son utilisation.

Années 2000

La majeure partie des satellites militaires sont placés en orbite polaire. Ici vue d'un satellite GPS de la NASA.

Les applications du spatial au domaine militaire continuent leur développement, de plus en plus d'États déploient des satellites de communications et d'observations ou, plus simplement, louent les capacités de satellites d'autres pays ou des satellites privés. L'Iran par exemple, bien qu'étant sous embargo d'une partie de la communauté internationale, est parvenu à déployer 4 satellites expérimentaux d'observation entre 2009 et 2012[15].

Le , le missile chinois SC-19 pulvĂ©rise le vieux satellite mĂ©tĂ©o du mĂŞme pays Feng-Yun 1C placĂ© en orbite Ă  850 km d'altitude[16]. NĂ©anmoins, ce test a Ă©tĂ© qualifiĂ© d'inutile et de politique par certains Ă©tant donnĂ© le fait que thĂ©oriquement, tout État dotĂ© d'un système antimissile peut abattre un satellite en orbite basse. La communautĂ© internationale a en grande partie condamnĂ© l'essai balistique[17]. Le secrĂ©taire Ă  la DĂ©fense adjoint Ă  l’espace, Gregory Schulte (en) dĂ©clare le : « Les investissements de la Chine dans ses capacitĂ©s militaires spatiales nous inquiètent. » alors que le Pentagone dispose toujours du monopole de l'espace[2], dĂ©tenant 77 % du budget spatial mondial civil et militaire, soit 33 milliards de dollars attribuĂ©s en 2003[3].

Le Ă  3:26 (UTC), l'USS Lake Erie, un croiseur de l'US Navy de la classe Ticonderoga a tirĂ© un SM-3 qui a frappĂ© et dĂ©truit avec succès le satellite en perdition USA 193 Ă  une vitesse d'environ 36 667 km/h (22 783 mph), alors que le satellite se trouvait Ă  247 km (133 miles) au-dessus de l'ocĂ©an Pacifique.

Plusieurs équipements de pointe sont également en cours d'étude, surnommées les « armes spatiales de frappe[18]. » C'est le cas des armes à énergie dirigée : lasers chimiques et à rayon X, ainsi que des armes à faisceaux qui permettent de viser, depuis l’espace, des cibles très précises et d'aveugler voir détruire des satellites ennemis mais également des armes électroniques ayant pour rôle de brouiller les systèmes de communication fonctionnant via satellite[2].

Analyse militaire

La guerre, certes, est dangereuse en tous lieux mais encore plus dans l'espace car contrairement au fait de couler un navire ennemi, détruire un satellite n'est pas sans danger : le navire coulera alors que l'explosion du satellite créera des débris spatiaux qui pourront à leur tour détruire un autre engin militaire ou civil causant ainsi une réaction en chaîne : il s'agit du syndrome de Kessler[19].

Culture populaire

  • Dans la bande dessinĂ©e Akira, les armÄ—es japonaise et amĂ©ricaine disposent chacune d'une station spatiale autonome (respectivement SOL et Floyd) Ă©quipĂ©e d'un canon laser capable de cibler et dĂ©truire une cible au sol (de l'individu Ă  la mĂ©galopole).
  • Dans le film Space Cowboys, l'Union soviĂ©tique a placĂ© un satellite armĂ© avec des missiles nuclĂ©aires en orbite pour frapper des sites stratĂ©giques amĂ©ricains.
  • Dans Call of Duty: Ghosts, face Ă  la montĂ©e de la FĂ©dĂ©ration, entitĂ© supranationale rĂ©unissant l'AmĂ©rique latine sous son Ă©gide, les États-Unis lancent le Programme ODIN (Orbital Defense INitiative), un satellite capable d'effectuer un bombardement orbital, Mais la FĂ©dĂ©ration retourne Odin contre eux et lancera son propre programme, appelĂ© LOKI.
  • Dans la sĂ©rie Command and Conquer, le GDI dispose d'un canon Ă  ions orbital comme superarme.
  • La sĂ©rie Space Force tourne en dĂ©rision la constitution de la nouvelle United States Space Force, dans une critique fĂ©roce de l'AmĂ©rique de Trump.
  • Le film Goldeneye (James Bond 007) est centrĂ© autour d'un scĂ©nario impliquant un satellite-arme EMP.
  • La saison 2 de la sĂ©rie uchronique For All Mankind consacre une part importante de son scĂ©nario sur une militarisation de la Lune par l'armĂ©e amĂ©ricaine

Notes et références

  1. (en) Mark Erickson, Into the unknown together : the DOD, NASA, and early spaceflight, Maxwell Air Force Base, Ala, Air University Press, , 667 p. (ISBN 978-1-58566-140-4, OCLC 62409712, lire en ligne)
  2. « La guerre de l’Espace : un nouveau duel Sino-américain », (consulté le )
  3. Organisation for Economic Cooperation and Development, L'espace Ă  l'horizon 2030 quel avenir pour les applications spatiales ?: quel avenir pour les applications spatiales ?, Paris, OECD Publishing, 266 p., online resource (ISBN 978-9-264-02033-7, lire en ligne), p. 62
  4. Ce traité sera signé en 1967 par les États-Unis le Royaume-Uni, l'URSS et la France.
  5. « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes », UNOOSA, consulté le
  6. « Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), UNTC,
  7. « Traité sur la Lune - Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), UN.org (consulté le )
  8. (en) « DISCOVERER/CORONA: FIRST U.S. RECONNAISSANCE SATELLITE »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?),
  9. (en) « THE SOVIET MANNED LUNAR PROGRAM », FAS.org (consulté le )
  10. (en) Greg Thielmann, « The Missile Gap Myth and Its Progeny », The Missile Gap Myth and Its Progeny (consulté le )
  11. (en) « Missile gap », sur everything2.com (consulté le )
  12. (en) Robert Krulwich, « A Very Scary Light Show: Exploding H-Bombs In Space », NPR, (consulté le )
  13. Albert Ducrocq, « La chute de Cosmos 954 »,
  14. (en) « Encyclopedia Astronautica - Polyus »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Astronautix,
  15. Le Monde avec AFP, « L'Iran annonce le lancement d'un nouveau satellite d'observation le 23 mai », Le Monde, (consulté le )
  16. (en) Joseph Kahn, « China Confirms Test of Anti-Satellite Weapon », The New York Times,
  17. (en) Brendan Nicholson, « World fury at satellite destruction », The Age,
  18. Venance Journé et Hans Martin Blix (trad. de l'anglais), Armes de terreur : Débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques [« Weapons of terror : freeing the world of nuclear, biological and chemical arms »], Paris, Harmattan, , 247 p. (ISBN 978-2-296-11586-6, OCLC 690752314, BNF 42225938, lire en ligne), p. 164
  19. (en) « U.S. deploys warfare unit to jam enemy satellites », The Washington Times,

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes


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