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Milieu Coletsos

Le milieu Coletsos est un milieu de culture semi-défini solide, faiblement sélectif et enrichi, employé en microbiologie pour la culture des Mycobactéries et notamment des pathogènes du « complexe Mycobacterium tuberculosis ». Il a été mis au point en 1960 par P.J. Coletsos[1] pour améliorer l'isolement dans les prélèvements humains de Mycobactéries quiescentes ou altérées par l'exposition à certains antibiotiques (en particulier l'isoniazide).

Coletsos avait mené auparavant des études approfondies afin d'identifier les facteurs défavorables à la croissance des Mycobactéries[2] - [3]. C'est sur la base de ces travaux qu'il est parvenu à la composition du milieu qui porte son nom, une formulation à l'œuf semblable au milieu Löwenstein Jensen (LJ) mais considérablement enrichie en divers nutriments et facteurs de croissance. Ce milieu facilite l'isolement de M. tuberculosis et se prête tout particulièrement à la recherche de Mycobactéries plus exigeantes, à culture difficile, que ce soit M. bovis ou d'autres Mycobactéries non tuberculeuses dites atypiques.

Principe

La base nutritive est extrêmement riche. Par rapport au milieu LJ l'émulsion d'œufs entiers est remplacée par un volume identique d'un mélange à 80% d'œufs entiers et à 20% de jaunes d'œufs. La proportion plus forte de jaunes améliore les propriétés nutritives du milieu car c'est cette partie de l'œuf qui contient la plupart des nutriments (le blanc étant essentiellement une solution aqueuse d'ovalbumine). La proportion de glycérol est identique à celle du milieu LJ mais celle d'amidon (sous forme de fécule de pommes de terre) est quasiment divisée par deux.

L'osséine est un mélange protéique riche en collagène que l'on extrait de la matrice extracellulaire des os : très proche d'une gélatine, elle joue un rôle nutritif et gélifiant modeste et sert surtout à créer un environnement microaérophile en s'opposant à la diffusion de l'oxygène atmosphérique dans le milieu. Cet effet est particulièrement marqué pour la variante du milieu Coletsos enrichie en osséine car dans ce cas, l'excès d'osséine déposée au fond des tubes en fin de préparation recouvre la surface du milieu après l'inoculation, isolant ainsi l'inoculum de l'air ambiant : c'est la technique de culture « sous cape » dont Coletsos est l'auteur[4].

Les facteurs de croissance sont nombreux. Le milieu comporte deux acides aminés, la L-asparagine et l'acide glutamique (sous forme de glutamate de sodium). L'acide citrique et le pyruvate sont deux autres sources d'énergie facilement assimilables : le premier en tant qu'intermédiaire principal du cycle de Krebs et le deuxième comme précurseur direct de l'oxaloacétate (lui aussi impliqué dans le cycle de Krebs) et de l'acétyl-CoA omniprésent dans le métabolisme intermédiaire aérobie. Le magnésium est un facteur de croissance bactérien non spécifique, introduit ici sous forme de citrate et de sulfate. Des éléments métalliques utiles à la croissance bactérienne sont ajoutés en très petites quantités sous forme d'une solution d'oligo-éléments dérivée d'une formule proposée en 1934 par A. Berthelot[5] (seul le sulfate de fer a été supprimé de la formule d'origine). Les cendres d'anthracite sont une autre source d'oligo-éléments.

Le bleu de tournesol est un extrait végétal issu de lichens dont l'effet trophique a été étudié par Coletsos en même temps que celui du pyruvate et du glutamate[6].

Le vert malachite est un colorant à structure triarylméthane qui sert d'inhibiteur bactérien à large spectre (comme dans le milieu LJ). Le dihydrogénophosphate de potassium joue le rôle de tampon.

Composition

Pour 1600 mL de milieu[7] :

  • Ĺ“ufs entiers homogĂ©nĂ©isĂ©s : 800 mL
  • jaunes d'Ĺ“uf homogĂ©nĂ©isĂ©s : 200 mL
  • eau distillĂ©e : 440 mL
  • glycĂ©rol : 12 mL
  • solution d'oligo-Ă©lĂ©ments : 1,6 mL
  • amidon (fĂ©cule de pommes de terre) : 16 g
  • ossĂ©ine (gĂ©latine ou collagène d'os) :
    • milieu de base Ă  4% d'ossĂ©ine : 6,4 g (soit 160 mL d'une solution aqueuse Ă  4%)
    • milieu enrichi Ă  20% d'ossĂ©ine : 32 g (soit 160 mL d'une solution aqueuse Ă  20%)
  • L-asparagine : 3,6 g
  • dihydrogĂ©nophosphate de potassium (anhydre) : 2,4 g
  • pyruvate de sodium : 1,6 g
  • glutamate de sodium : 1,6 g
  • citrate de magnĂ©sium : 600 mg
  • bleu de tournesol : 400 mg
  • vert malachite : 320 mg (soit 16 mL d'une solution aqueuse Ă  2% m/v)
  • sulfate de magnĂ©sium : 240 mg
  • cendres d'anthracite pulvĂ©risĂ©e : 160 mg.

La solution d'oligo-éléments a la composition suivante, pour 1000 mL d'eau distillée :

Préparation

La fabrication du milieu commence par la préparation de quatre solutions, une solution d'oligo-éléments, une solution minérale, une émulsion d'œufs et une solution d'osséine :

  • la solution d'oligo-Ă©lĂ©ments est prĂ©parĂ©e Ă  l'avance et divisĂ©e en aliquotes de quelques millilitres qui sont stĂ©rilisĂ©es par autoclavage (30 minutes Ă  110°C) ou filtration stĂ©rilisante et stockĂ©es au rĂ©frigĂ©rateur (durĂ©e de conservation supĂ©rieure Ă  un an)
  • la solution minĂ©rale s'obtient en dissolvant Ă  chaud les ingrĂ©dients thermostables dans 440 mL d'eau distillĂ©e (pour 1600 mL de milieu) : glycĂ©rol, L-asparagine, dihydrogĂ©nophosphate de potassium, pyruvate de sodium, glutamate de sodium, citrate de magnĂ©sium, sulfate de magnĂ©sium et bleu de tournesol (pH final = 4,4)
  • les Ĺ“ufs sont dĂ©sinfectĂ©s très soigneusement en surface puis ouverts en conditions aseptiques : deux Ă©mulsions sont prĂ©parĂ©es, l'une d'Ĺ“ufs entiers et l'autre de jaunes uniquement, puis les volumes nĂ©cessaires sont mesurĂ©s Ă  l'aide d'Ă©prouvettes stĂ©riles
  • la solution d'ossĂ©ine Ă  4% s'obtient en dissolvant 40 g d'ossĂ©ine dans 960 mL d'eau distillĂ©e Ă  chaud (bain-marie Ă  100°C) sous agitation constante ; après dissolution complète, le pH est ramenĂ© Ă  6,8 Ă  l'aide d'une solution d'hydroxyde de sodium Ă  6% puis la solution est filtrĂ©e sous vide, aliquotĂ©e en portions de 80 ou 160 mL et stĂ©rilisĂ©e par autoclavage (30 minutes Ă  110°C); pour le milieu Ă  20% d'ossĂ©ine la prĂ©paration est la mĂŞme avec 200 g d'ossĂ©ine et 800 mL d'eau.

Les ingrédients sont ensuite combinés de la manière suivante :

  • l'amidon est stĂ©rilisĂ© par autoclavage (30 minutes Ă  110°C) et introduit dans un rĂ©cipient stĂ©rile assez grand pour recevoir la totalitĂ© du milieu
  • la solution minĂ©rale est combinĂ©e Ă  l'amidon et le mĂ©lange est agitĂ© Ă  chaud jusqu'Ă  l'homogĂ©nĂ©isation complète (environ 15 minutes au bain-marie Ă  100°C)
  • le mĂ©lange est laissĂ© au bain-marie Ă  56°C pendant une heure, quelques minutes avant le retrait sont ajoutĂ©es l'anthracite et la solution d'oligo-Ă©lĂ©ments stĂ©rilisĂ©es
  • le mĂ©lange est laissĂ© Ă  refroidir au moins 15 minutes Ă  tempĂ©rature ambiante avant d'incorporer l'Ă©mulsion d'Ĺ“ufs (pour Ă©viter la coagulation)
  • on ajoute enfin la solution d'ossĂ©ine (4% ou 20%) prĂ©chauffĂ©e pendant 30 minutes Ă  37°C et la solution de vert malachite stĂ©rilisĂ©e par filtration
  • le mĂ©lange est homogĂ©nĂ©isĂ© soigneusement jusqu'Ă  l'obtention d'une teinte uniforme, puis laissĂ© Ă  reposer pendant une heure Ă  37°C.

Le milieu est homogénéisé avant et pendant la distribution pour éviter la sédimentation. Il est réparti dans des tubes ou flacons stériles à bouchons vissants que l'on incline de manière à former une pente étirée sur toute la hauteur du récipient. La coagulation est effectuée dans cette position pendant 45 minutes à 85°C.

Pour le milieu à 20% d'osséine les tubes coagulés doivent subir une dernière étape d'exsudation. Pour cela ils sont disposés verticalement et réchauffés à 37°C afin de faire suinter hors du milieu l'excès d'osséine, qui se dépose au fond, tandis que le milieu solidifié conserve sa forme étirée en pente. Après l'inoculation, lorsque les tubes sont incubés horizontalement, ce culot d'osséine se liquéfie une nouvelle fois et forme une « cape » qui recouvre l'inoculum.

Il est recommandé de contrôler systématiquement la stérilité des milieux par une incubation de 24h à 37°C. Ils sont ensuite stockés au réfrigérateur (2 - 6°C) bouchon fermé pour une durée maximale de quelques semaines. Il est également conseillé d'éviter toute exposition à la lumière au cours du stockage.

Notes et références

  1. Coletsos PJ et al. « Milieux et modalités de culture adaptés à la réanimation et à la multiplication in vitro de Mycobacterium tuberculosis de vitalité réduite, de viabilité éphémère, ou en état de quiescence » Ann Inst Pasteur. 1960 Jul-Dec;99:475-495.
  2. Coletsos PJ et al. « Étude des facteurs extrinsèques de Mycobacterium tuberculosis rendant aléatoire sa culture in vitro » Ann Inst Pasteur. 1959 Jul-Dec;97:135-147.
  3. Coletsos PJ et al. « Étude des facteurs intrinsèques de Mycobacterium tuberculosis expliquant l'état de quiescence et les échecs de culture sur milieux usuels » Ann Inst Pasteur. 1959 Jul-Dec;97:290-306.
  4. Coletsos PJ « De l'isolement des Mycobactéries. Intérêt majeur des cultures parallèles en surface, sous cape et en double couche nutritive. » Rev Tuberc Pneumol. 1971 Sep-Oct;35(6):601-616.
  5. Berthelot A « Nouvelles remarques d'ordre chimique sur le choix des milieux de culture naturels et sur la manière de formuler les milieux synthétiques » Bull Soc Chim biol. 1934;16:1553.
  6. Coletsos PJ « Milieux adaptés à la culture du Mycobacterium tuberculosis de vitalité et de viabilité réduites » C R Acad Sci. 1959 Apr;248(2):3497-3499.
  7. https://www.bio-rad.com/webroot/web/pdf/inserts/CDG/en/53154_12_2011_EN.pdf, consulté le 21/01/21

Voir aussi

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