Maladie vibroacoustique
La notion de « maladie dâorigine vibroacoustique » ou « maladie vibroacoustique », ou « VaD » pour Vibroacoustic disease) dĂ©signe un syndrome caractĂ©risĂ© par des symptĂŽmes trĂšs divers mais comprenant toujours une pĂ©ricardite caractĂ©risĂ©e par un Ă©paississement du pĂ©ricarde (qui alors peut ĂȘtre deux Ă trois fois plus Ă©pais que la normale, Ă la suite de la formation d'une couche supplĂ©mentaire de tissus[1]). On observe aussi chez tous les patients un Ă©paississement continu des parois des vaisseaux sanguins - sans processus inflammatoire, sans plaques d'athĂ©rome (cholestĂ©rol) et sans dysfonctionnement diastolique, ce qui fait Ă©liminer les maladies cardiovasculaires les plus classiques. Cet Ă©paississement est la principale caractĂ©ristique de la VaD[2], mais dâautres effets nĂ©gatifs, moins spĂ©cifiques, lâaccompagnent toujours. Ce syndrome semble induit par l'exposition durable et gĂ©nĂ©ralement conjointe Ă des vibrations physiques (par exemple pour un ouvrier utilisant couramment un marteau-piqueur) et Ă des sons de basse frĂ©quence, dont Ă©ventuellement inaudibles comme les infrasons.
L'environnement naturel (vent, vagues, chutes d'eau, sismicitĂ© de la terre..) est une source constante dâinfrasons naturels, mais ils sont dans ce cas le plus souvent dâune intensitĂ© faible Ă modĂ©rĂ©e et - selon les connaissances disponibles - sans effet sur notre santĂ©, mais depuis la rĂ©volution industrielle, des sources artificielles dâinfrasons et de sons de basse frĂ©quence sont de plus en plus nombreuses. Les Ă©tudes faites sur le rat de laboratoire montrent quâune VaD peut chez cet animal apparaitre dĂšs 13 semaines dâexposition continue Ă un haut niveau de sons Ă basse frĂ©quence (incluant les infrasons) ; Ă partir dâenviron 100 dB selon Mendes & al. (2007) [3]. Ce niveau est atteint par des personnes travaillant prĂšs de rĂ©acteurs d'avions, prĂšs dâengins trĂšs bruyant ou vibrants (marteau-piqueur, tronçonneuse, disqueusesâŠ) ou chroniquement exposĂ©s Ă de la musique diffusĂ©e par de puissants haut-parleurs (concerts, boites de nuit)âŠ
Ce syndrome est dit « systémique », c'est-à -dire qu'il touche le corps entier et pas spécialement l'oreille interne ou moyenne.
Les anglophones l'ont aussi autrefois nommé « vibronoise pathology »"[2].
Histoire médicale
La surditĂ© est connue (depuis des millĂ©naires) comme pouvant ĂȘtre induite par un bruit excessif et chroniquement rĂ©pĂ©tĂ©, mais - Ă haute intensitĂ© et de maniĂšre chronique - on a rĂ©cemment montrĂ© que des sons inaudibles de basse-frĂ©quence peuvent aussi avoir des effets dĂ©lĂ©tĂšres et pernicieux pour l'organisme.
Or, depuis la rĂ©volution industrielle et lâexplosion des transports rapides, presque toute la population est de plus en plus chroniquement exposĂ©e Ă des ondes de basses frĂ©quence. Une petite partie de cette population (certains ouvriers, marins, militaires et pilotes principalement) est pĂ©riodiquement ou chroniquement exposĂ©e Ă de telles ondes Ă©mises Ă de fortes intensitĂ©s, et dont on se protĂšge d'autant moins quelles sont en grande partie non perceptibles par lâoreille humaine. Dans ces cas (haute intensitĂ©) elles semblent pouvoir significativement voire gravement affecter la santĂ©[2].
Au dĂ©but du XXe siĂšcle les hygiĂ©nistes s'intĂ©ressent aux effets du bruit, y compris ailleurs que dans les usines. Ainsi en 1928, Laird publie une des premiĂšres Ă©tudes sur les effets physiologiques (y compris autres qu'auditifs) du bruit chez des dactylographes (utilisant des machines Ă Ă©crire, ce qui Ă lâĂ©poque nĂ©cessitait de frapper les touches avec force et le lancer le chariot vers la gauche pour le retour Ă la ligne ; mouvement se terminant par le choc du chariot sur sa butĂ©e[4]).
Ă partir de la Seconde Guerre mondiale, des mĂ©decins remarquent et signalent un syndrome qui semble liĂ©e Ă l'exposition au bruit intense, chez des ouvriers produisant des moteurs dâavions, chez des pilotes et techniciens de l'aĂ©ronautique, chez les ouvriers dâune usine de bĂ©ton armĂ© et dâune chaudronnerie, souffrant de troubles de lâaudition et d'autres maux[2]. Des symptĂŽmes spĂ©cifiques font alors Ă©voquer d'une pathologie Ă©mergente Ă la fois due au bruit et aux vibrations intenses de basses frĂ©quences subies dans certains mĂ©tiers. Il reste cependant difficile d'identifier les causes prĂ©cise des symptĂŽmes et leurs part de responsabilitĂ© car ces personnels sont aussi exposĂ©s Ă des solvants, des vapeurs de carburants, des mĂ©taux lourds ou mĂ©talloĂŻdes toxiques, l'inhalation de fumĂ©es et poussiĂšre, etc.
En 1979, un mĂ©decin militaire portugais (Castelo Branco) est intriguĂ© par une apparente crise dâĂ©pilepsie surgi chez un technicien au moment et prĂšs dâun dĂ©collage dâavion (Castelo Branco et Rodriguez, 1999). Ceci pousse le mĂ©decin Ă Ă©tudier les dossiers mĂ©dicaux d'autres techniciens de l'aviation militaire pour y dĂ©tecter dâĂ©ventuels autres cas dâĂ©pilepsie Ă dĂ©but tardif. Son intuition se confirme : 10% du personnel est touchĂ©, contre 0,2% attendus (au vu de la prĂ©valence moyenne de l'Ă©pilepsie au Portugal)[2]. Câest le dĂ©but dâun long travail sur ce sujet.
Par chance Castelo peut sâappuyer sur des dossiers mĂ©dicaux trĂšs complets (qui chez lâOGMA - Oficinas Gerais de Material AeronĂĄutico - remontaient Ă 1918) facilitant le suivi dâun groupe initial de 306 techniciens aĂ©ronautiques de sexe masculin, tous employĂ©s par OGMA depuis plus de 10 ans, dont 140 techniciens (Ăąge moyen de 42 ans) seront volontaires sĂ©lectionnĂ©s pour lâĂ©tude Ă©pidĂ©miologique Ă long terme[2]. L'unitĂ© mĂ©dicale locale soignait gratuitement ses employĂ©s en archivant tous les problĂšmes de mĂ©decine interne, cardiologie, endocrinologie, psychiatrie, neurologie, psychologie clinique et sociale, dentisterie, orthopĂ©die, chirurgie gĂ©nĂ©rale, ophtalmologie et oto-rhino-laryngologie, et si un employĂ© devait voir un spĂ©cialiste indisponible localement, il devait ĂȘtre rĂ©fĂ©rĂ© Ă ce spĂ©cialiste par l'un des mĂ©decins militaires du groupe[2], ce qui a permis de composer un corpus mĂ©dical de grand intĂ©rĂȘt.
1987 marque le dĂ©but de la vĂ©ritable histoire mĂ©dicale de cette maladie, avec la premiĂšre autopsie d'un patient atteint de ce syndrome. 5 ans plus tĂŽt le premier patient de ce groupe suivi au Portugal est mort subitement, mais son autopsie n'avait pas Ă©tĂ© possible. Un autre des malades (Felipe Pedro), Ă©galement technicien aĂ©ronautique et ancien de la marine, qui voulait comprendre ses problĂšmes de santĂ©, a couchĂ© sur son testament sa volontĂ© d'ĂȘtre autopsiĂ© par Castelo Branco. Porteur dâun diagnostic d'Ă©pilepsie tardive (en 1981), il est mort Ă lâĂąge de 58 ans dâun infarctus. Lâampleur des dommages, que son mĂ©decin suppose a priori induits par lâexposition chronique Ă des ondes de basse frĂ©quence et de grande amplitude (LPALF) Ă©tait considĂ©rable : son cĆur prĂ©sentait 11 petites cicatrices dâĂ©vĂ©nements ischĂ©miques silencieux antĂ©rieurs, ses valvules cardiaques Ă©taient gonflĂ©es et le « sac pĂ©ricardique » trĂšs Ă©paissi ; les artĂšres coronaires Ă©taient Ă©galement Ă©paissies, mais sans plaques d'athĂ©rosclĂ©rose (habituelles et attendues dans les cas d'infarctus). Au lieu de cela, l'intima Ă©tait Ă©paisse et bordait toutes les parois des vaisseaux, Ă la suite d'une prolifĂ©ration anormale des fibres de collagĂšne[2]. Il portait en outre deux tumeurs rĂ©nales et une tumeur dans la rĂ©gion pariĂ©tale droite du cerveau (astrocytome microcystique de stade I).
Les informations acquises lors de cette autopsie sont encore utilisées pour de nombreux projets de recherche[2]. 10 ans plus tard (en 1997) Izmerov et al. suggÚrent que tout le corps humain peut systématiquement négativement répondre aux infrasons s'ils sont émis à trÚs haute intensité[5].
Les rĂ©sultats troublants de la premiĂšre autopsie (structures cardiaques Ă©paissies notamment) ont motivĂ© une Ă©tude Ă©chocardiographique Ă long termes d'un groupe de 485 techniciens aĂ©ronautiques : Marciniak et al. en 1999 constatent qu'ils ont tous un pĂ©ricarde Ă©paissi et dans beaucoup des cas, les valvules cardiaques le sont Ă©galement[6]. Une Ă©tude bibliographique montre alors qu'au Japon, le Pr Matoba avait en 1983 fait un mĂȘme constat dâĂ©paississement pĂ©ricardique chez des bĂ»cherons maniant la tronçonneuse (Ă©galement exposĂ©s Ă l'inhalation de fumĂ©es d'hydrocarbures, mais aussi conjointement au bruit Ă des vibrations intenses)[7].
Ce syndrome est encore considĂ©rĂ© comme maladie Ă©mergente dans les annĂ©es 1990[8]. Comme le secteur de la dĂ©fense est concernĂ© et quâil existe de trĂšs nombreuse sources dâexposition Ă des infrasons artificiels dans les sociĂ©tĂ©s industrielles contemporaines, les autoritĂ©s ne semblent pas incitĂ©es Ă agir.
En 2001 un tableau clinique similaire est trouvĂ© chez des pilotes de ligne et agents de bord ainsi qu'au sein d'une population insulaire (Ăźle de Vieques Ă Puerto Rico) exposĂ©e dans son environnement Ă des vibrations intenses et de basse frĂ©quence[9]. De plus cet Ă©paississement des structures cardiovasculaires commence aussi Ă ĂȘtre observĂ©, avec constance dans le modĂšle animal, ce qui confirme son importance pour le diagnostic du syndrome, bien que le mĂ©canisme qui conduit Ă cet Ă©paississement soit encore mal compris [2].
Classification médicale
Ce syndrome nâa pas encore de reconnaissance officielle dans le monde, mais pourrait ĂȘtre en partie rapprochĂ©e de la rubrique (Effects of vibration) T75.2 du CMS (Centers for Medicare & Medicaid Services)
Causes
La maladie semble toujours dĂ©clenchĂ©e et/ou aggravĂ©e (Ă©ventuellement chez des personnes plus sensibles) par lâexposition chronique du corps Ă de fortes vibrations et/ou des infrasons ou sons de basse frĂ©quence (moins de 500 Hz) et haute intensitĂ© (ou autrement dit Ă un niveau de pression Ă©levĂ©e [90 dB SPL ou plus])[10].
Il faut que lâexposition ait Ă©tĂ© chronique (10 ans ou plus), comme typiquement un ouvrier utilisant frĂ©quemment un marteau-piqueur, une tronçonneuse, ou comme chez certains personnels de lâaviation[11] et notamment les pilotes de chasse sâexposant Ă lâonde de choc du « bang » se produisant au moment du passage du mur du son [12].
Arnot fait en 2003 remarquer que pour les cas Ă©tudiĂ©s certains avaient des horaires de travail rĂ©guliers entrecoupĂ©s de repos rĂ©guliers, alors que dâautres subissaient le dĂ©calage horaire ou des horaires trĂšs irrĂ©guliers : personnel militaire, machinistes de navires pouvant passer plusieurs semaines Ă bord sans repos au domicile (et alors constamment exposĂ©s Ă des environnements riches en basse-frĂ©quences de grande amplitude)[2]. Les travailleurs sur plates-formes pĂ©troliĂšres, les sous-mariniers ou astronautes sont aussi dans ce cas[2]. Selon Castelo Branco et M Alves-Pereira (2004) ces derniĂšres modes dâexposition (sans repos) pourraient exacerber le risque et grandement accĂ©lĂ©rer l'Ă©volution des signes et des symptĂŽmes[2].
Les guerres mondiales, d'autres guerres rĂ©centes et leurs dĂ©luges dâobus et de bombes, les essais nuclĂ©aires, les tirs de fusĂ©es ont Ă©tĂ© ou sont encore des sources intenses de "vagues d'infrasons"[13] dont on ignore sâils ont des effets significatifs ou durables sur les hommes, les animaux ou les Ă©cosystĂšmes.
Prévalence, métiers touchés
La prĂ©valence globale en est mal connue. Les premiers mĂ©tiers manifestement concernĂ©s Ă©taient les pilotes et techniciens dâaĂ©ronefs, civils, commerciaux ou militaires, les machinistes de navires, puis des disc-jockeys (DJâs) ont Ă©tĂ© signalĂ©s[2] - [14] - [15] - [10]. ou des utilisateurs de tronçonneuse, marteau-piqueur, tireurs rĂ©guliersâŠ
Les dĂ©placements en avion, en transports en commun, en voiture, en moto exposent les passagers, et dans les zones de circulation, les piĂ©tons et cyclistes sont passivement Ă©galement exposĂ©s Ă des niveaux de vibrations et de sons de basse frĂ©quence dont les effets cumulĂ©s nâont jamais Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s ni mesurĂ©s.
Effets et symptĂŽmes
Tableau clinique : Pour lâexposition dâune partie du corps (mains et avant-bras en gĂ©nĂ©ral) Ă des vibrations intenses, des picotements et engourdissements apparaissent rapidement. Ils correspondent Ă une insuffisance vasculaire. En cas dâexposition chronique (ou de sensibilitĂ© particuliĂšre) surviennent en outre une intolĂ©rance au froid et possiblement une « syncope locale des doigts » voire la perte dâun ou plusieurs doigts en cas dâinsuffisance vasculaire grave, chronique et non traitĂ©e.
Dans le cas de lâexposition Ă long terme du corps entier (Ă des vibrations de basse frĂ©quence et haute intensitĂ©) on distingue souvent deux grands types d'effets :
1) Effets spécifiques
Des modifications de la matrice extracellulaire conjointement Ă une atteinte (Ă©paississement de 100 Ă 300 % [1]) du pĂ©ricarde semblent ĂȘtre vraiment spĂ©cifiques Ă ce syndrome[10], or un pĂ©ricarde Ă©paissi peut devenir fibreux puis se calcifier[16] en empĂȘchant alors le bon fonctionnement du cĆur. Plus rĂ©cemment certains auteurs y associent un fibrose diffuse de la trachĂ©e et une fibrose focale des poumon[1].
2) Effets non spécifiques
Ce sont des troubles frĂ©quent lors dâautres de pathologies, notamment induites par le stress. Ils pourraient donc nâĂȘtre ici que des effets collatĂ©raux de la maladie, induit par lâexposition au bruit et aux vibrations et le stress physique et psychologique induit par lâaffection cardiovasculaire principale [10].
Ces effets sont (aprĂšs une dizaine dâannĂ©es dâexposition, selon les donnĂ©es issues de la mĂ©decine du travail) :
- des maux de tĂȘte[2] ;
- des saignements de nez[2] ;
- des troubles de l'Ă©quilibre (jusquâau vertige grave parfois selon Martinho Pimenta et al. (1999)[17] - [2] ;
- un risque trĂšs accru dâĂ©pilepsie tardive (dont la frĂ©quence diminue parfois avec lâĂ©loignement du poste de travail ; Les stimuli auditifs ne dĂ©clenchent pas de crises mais parfois des rĂ©actions rageuses et des troubles du mouvement [18] - [2] ;
- une propension Ă lâinsuffisance respiratoire aprĂšs un effort mĂȘme lĂ©ger[19] ;
- des troubles cognitifs, avec diminution des capacitĂ©s cognitives (des Ă©pisodes uniques et soudains de dĂ©ficit neurologique non convulsif surviennent parfois, probablement induit par un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral ischĂ©mique). Les EEG sont anormaux, et concordent avec le tableau clinique ; neurologique et psychologique qui signent une dĂ©tĂ©rioration neurologique progressive et un vieillissement prĂ©coce (avec apparition du rĂ©flexe palmo-mental archaĂŻque chez environ 40 % des cas)[2]. Ces troubles sâaccompagnent gĂ©nĂ©ralement de dĂ©pression, d'irritabilitĂ©, dâune tendance Ă lâisolement pouvant parfois conduire au suicide[2] ;
- des perturbations endocriniennes ; thyroĂŻdiennes le plus souvent (dans 12,8 % des cas dans le panel de patients portugais, alors que la prĂ©valence nâest que de 0,97 % dans la population du pays) [2] ;
- le diabÚte, nettement plus fréquent chez ces patients que dans la population moyenne [2] ;
- des maladies auto-immunes : sur les biopsies, une mort cellulaire non apoptotique est souvent observĂ©e [2], qui semble induite par des forces biomĂ©caniques[2] ; le microscope montre des cellules Ă©clatĂ©es, avec des organites vivants et aucune membrane plasmique environnante, ce qui pourrait induire des maladies auto-immunes ; le lupus apparait plus vite chez les souris sujettes au lupus quand elles sont exposĂ©es Ă des ondes de basses frĂ©quences Ă haute intensitĂ©[20]. Le lupus a Ă©tĂ© signalĂ© chez des agents de bord[21] et au sein de familles entiĂšres dâinsulaires exposĂ©es dans leur environnement Ă des ondes de basse frĂ©quence Ă haute intensitĂ©[22], de mĂȘme pour le vitiligo (associĂ© Ă des changements immunitaires des populations de lymphocytes CD8 et CD4) ; changements immunitaires justement observĂ©s chez des travailleurs exposĂ©s et dans le modĂšle animal [23]. Lâexposition au bruit avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© reliĂ©e Ă des problĂšmes auto-immuns chez des travailleurs exposĂ©s, par Matsumoto et coll. en 1992 et 1989 ; Jones et al. en 1976 ; Soutar et al. en 1974 ; Lippmann et al. en 1973 mais avec des mĂ©canismes explicatifs encore incomplĂštement compris.
Effets génotoxiques, tumoraux et cancérogÚnes
La prĂ©sence de tumeurs malignes est anormalement frĂ©quente chez les humains exposĂ©s aux basses frĂ©quences de grande amplitude (LPALF), et il en va de mĂȘme chez lâanimal[2].
Ainsi parmi les 140 professionnels portugais atteints et suivis, 28 ont dĂ©clarĂ© des tumeurs malignes. Cinq de ces 28 personnes avaient mĂȘme plusieurs tumeurs de types diffĂ©rents. Toutes les tumeurs du systĂšme nerveux central (SNC) Ă©taient des gliomes malins et toutes les tumeurs du systĂšme respiratoire Ă©taient des carcinomes Ă cellules squameuses (5 dans le poumon, 1 dans le larynx). D'autres tumeurs Ă©taient localisĂ©es dans l'estomac (N = 10), le cĂŽlon et le rectum (N = 9), les tissus mous (N = 1) et la vessie (N = 1). Toutes les tumeurs du systĂšme digestif Ă©taient des adĂ©nocarcinomes faiblement diffĂ©renciĂ©s[2]. Ce constat a motivĂ© une Ă©tude sur la gĂ©notoxicitĂ© de lâexposition aux basse-frĂ©quences de grande amplitude (LPALF). Cette Ă©tude a conclu que la gĂ©notoxicitĂ© est dĂ©montrĂ©e chez lâhomme (Silva et al., 1999) comme dans le modĂšle animal (Silva et al., 2002). Lâexposition aux vibrations Ă basse frĂ©quence Ă puissance Ă©levĂ©e est maintenant reconnue comme ayant un effet gĂ©notoxique, via lâinduction dâĂ©changes de chromatides sĆurs anormalement frĂ©quents, tant chez lâhomme que chez lâanimal de laboratoire[2].
Phases de progression clinique de la maladie
En 1956 le professeur Eugenia Andreeva-Galanina a dĂ©veloppĂ© une premiĂšre classification des pathologies induites par les vibrations des mains et de lâavant-bras ; elle a Ă©tĂ© affinĂ©e et est devenue un outil important pour la mĂ©decine du travail[10].
La progression de la maladie dite vibroacoustique qui correspond, elle à une exposition chronique de tout le corps, est lente et insidieuse. Elle est source directe ou indirecte de lésions ou troubles de nombreux systÚmes dans le corps[10].
Sur la base du temps dâapparition des signes et symptĂŽmes les plus frĂ©quents (pour 140 patients atteints et en fonction du temps nĂ©cessaire Ă 50 % de la population pour acquĂ©rir le signe ou le symptĂŽme en question, Castello distinguait, en 1999, 3 stades :
- Stade I : signes lĂ©gers comportementaux ; trouble de lâhumeur et infections rĂ©pĂ©tĂ©es des voies respiratoires (bronchite chroniqueâŠ) ;
- Stade II : signes modérés (dépression et agressivité, épaississement du péricarde[24] et autres ; troubles neurovasculaires discrets) ;
- Stade III : signes sévÚres tels qu'arythmie cardiaque[25], infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, malignité, épilepsie et suicide[2]).
Reconnaissance de la maladie, législation
Aux Ătats-Unis, l'OSHA n'a pas Ă©dictĂ© de limites spĂ©cifiques pour l'exposition humaine aux infrasons, mais lâAmerican National Standards Institute (ANSI) a produit un guide (1979) pour lâĂ©valuation du degrĂ© dâexposition du corps humain entier aux vibrations[26], puis a Ă©mis en 2006 une recommandation sur lâexposition aux vibrations lors du travail : ne pas dĂ©passer des valeurs dâaccĂ©lĂ©ration de 2,5 m/s2 dâexposition des mains aux vibrations (5 Ă 1 400 Hz, pour trois axes de mouvement orthogonaux) pendant des journĂ©es de travail de 8 heures[27].
Castelo Branco & Alves-Pereira (2004) reprochent Ă la mĂ©decine du travail, dans les situations Ă risques, de ne pratiquement jamais Ă©valuer lâexposition des employĂ©s aux infrasons Ă©mis Ă haute intensitĂ©[2]. Ils en concluent que la lĂ©gislation en vigueur en matiĂšre dâĂ©valuation du bruit dans le monde ne protĂšge donc pas adĂ©quatement les travailleurs, ni d'ailleurs les citoyens Ă©ventuellement exposĂ©s Ă ce syndrome, lequel ne pourra ĂȘtre reconnu comme « maladie professionnelle et environnementale » tant que l'agent de la maladie ne sera pas correctement Ă©valuĂ© lors de la vie professionnelle et non professionnelle[2]. « Dans le monde la souffrance des personnes exposĂ©es Ă ce problĂšme est trĂšs importante, et il est Ă©thiquement insoutenable de maintenir ce statu quo » concluent ces deux spĂ©cialitĂ©s portugais de la maladie[2].
En 2000 Alves-Pereira & Castelo Branco, les deux spĂ©cialiste de ce syndrome, estiment possible d'empĂȘcher l'Ă©volution de la maladie vers des stades cliniquement graves ou mortels, Ă condition de la dĂ©tecter prĂ©cocement, ce qui implique pour les personnes Ă risque un Ă©chocardiogramme annuel et un suivi mĂ©dical par des mĂ©decins du travail bien informĂ©s, ainsi que la participation active du patient et de son employeur le cas Ă©chĂ©ant[28].
Exposition de la population générale
Lâexposition de la population gĂ©nĂ©rale nâa jamais Ă©tĂ© mesurĂ©e ni Ă©valuĂ©e, hormis pour quelques populations d'ouvriers ou une partie des habitants de l'Ăle de Vieques (utilisĂ©e comme base de la marine et de l'aviation amĂ©ricaine depuis plus d'un demi-siĂšcle). Un problĂšmes scientifique est que, dans ce domaine, il faudrait pouvoir faire des Ă©tudes randomisĂ©es et en double aveugle, avec une population tĂ©moin, or dans les pays occidentalisĂ©s il est devenu impossible de trouver un panel de tĂ©moins non exposĂ©s Ă des infrasons ou sons de basse frĂ©quence d'origine artificielle. Et ailleurs jusquâen pleine jungle, la pĂ©nĂ©tration des avions, hĂ©licoptĂšres, quads, fusils, tronçonneuses et moteurs hors-bord fait quâil est Ă©galement devenu difficile de trouver des zones habitĂ©es et des populations indemnes de toute exposition aux ondes basse frĂ©quence et de forte intensitĂ©[2].
HypothĂšse prion
Purdey au dĂ©but des annĂ©es 2000 pose lâhypothĂšse que des vagues intenses dâinfrasons auraient pu jouer un rĂŽle (conjoint Ă dâautres facteurs de dĂ©clenchement, Ă©galement « environnementaux ») dans lâapparition du prion pathogĂšne de la maladie de la vache folle en Europe vers 1996[29]
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Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
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