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M'Siri

M'Siri (vers 1830 - ) fonda et dirigea le royaume de Yeke (également appelé royaume Garanganze ou Garenganze) dans le sud-est du Katanga (maintenant en RD du Congo) d'environ 1856 à 1891. Son nom est parfois orthographié Msiri, Mziri, Msidi ou Mushidi et son nom complet était Mwenda Msiri Ngelengwa Shitambi.

M'Siri
Portrait de M'Siri dans un livre de 1886.
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Activité

Les origines de M'Siri et son pouvoir

Carte du sud de l'Afrique centrale en 1890 montrant la position centrale du royaume Yeke de M'Siri et les principales routes commerciales, avec les territoires approximatifs des principaux alliés de M'Siri (noms en jaune) et les zones approximatives occupées par les puissances européennes (noms en orange - ne montre pas les sphÚres d'influence ou frontiÚres). Le commerce de la cÎte est était contrÎlé par le sultan de Zanzibar. Les zones d'influence des autres tribus, de la France et de l'Allemagne ne sont pas indiquées.

De Tabora au Katanga

M'Siri était un Nyamwezi (également connu sous le nom de "Yeke" ou "Bayeke") de Tabora en Tanzanie. C'était un commerçant, comme son pÚre Kalasa, impliqué dans le commerce du cuivre, de l'ivoire et des esclaves contrÎlé par le sultan de Zanzibar. La principale route commerciale allait à Ujiji sur le lac Tanganyika, puis au lac Mweru et au Katanga[1].

Pouvoir militaire

M'Siri a compris que l'accÚs aux armes était la clé du pouvoir et qu'il pourrait s'en procurer en échange de cuivre et d'ivoire du Katanga. Il a formé une milice et a commencé à conquérir ses voisins. Il s'est également marié dans la famille royale Luba, commençant sa pratique consistant à utiliser des épouses comme espions[2] - [3].

Il dépendait du lien commercial avec la cÎte Est pour ses canons et sa poudre, qui traversait le territoire de ses rivaux, rendant les approvisionnements coûteux et peu fiables. Il choisit donc de se tourner vers la cÎte ouest, envoyant son neveu Molenga chez les commerçants portugais et Ovimbundu situés autour de Benguela en Angola, et un commerçant appelé Coimbra est devenu son fournisseur. Au nord-ouest, le peuple Luba contrÎlait le commerce de la cÎte ouest, mais M'Siri l'a repris et a stoppé leur expansion vers le sud[2].

M'Siri avait maintenant le pouvoir et l'influence pour former des alliances sur un pied d'égalité avec des seigneurs de guerre tels que Tippu Tip, qui contrÎlait l'est du Congo depuis le lac Tanganyika jusqu'à ce qui est maintenant l'Ouganda dans le nord-est, et le chef Nyamwezi Mirambo qui contrÎlait la route terrestre entre le lac Tanganyika et la cÎte. Il a cherché à les imiter. M'Siri a réalisé ce que d'autres tribus et les Portugais avaient tenté sans autant de succÚs, à savoir commercer à travers le continent, avec les deux cÎtes.

Au moment de la visite de David Livingstone à Mwata Kazembe VIII en 1867, M'Siri avait pris le contrÎle de la majeure partie du territoire et du commerce des Mwata sur la rive ouest de la riviÚre Luapula. Tippu Tip voulait se venger de Kazembe qui avait tué six de ses hommes et il a formé une alliance avec M'Siri pour attaquer et tuer Mwata Kazembe en 1870[4]. Par la suite, M'Siri a influencé la nomination de ses successeurs. Le contrÎle de M'Siri sur le sud-est du Katanga et ses ressources en cuivre en a été consolidé[5].

La stratégie de M'Siri

L'épouse préférée de M'Siri, la portugaise-angolaise Maria de Fonseca

Dans une rĂ©gion et Ă  une Ă©poque dominĂ©e par les commerçants armĂ©s, M'Siri a eu beaucoup de succĂšs. Son contrĂŽle des routes commerciales entre l'Atlantique et l' ocĂ©an Indien reposait sur la cruautĂ© et les armes. Mais il avait aussi une vision stratĂ©gique, employant la ruse et la persuasion nĂ©cessaires pour former des alliances avec des centaines d'autres tribus, dirigeants et commerçants. Il l'a fait par l'intermĂ©diaire de ses Ă©pouses, qui Ă©taient plusieurs centaines. Il prit une femme du village de chaque chef subordonnĂ©, faisant croire au chef que cela lui donnait un avocat Ă  la cour de M'Siri, mais l'Ă©pouse Ă©tait utilisĂ©e pour espionner le chef Ă  la place et pour obtenir des informations sur ses relations et sa loyautĂ©[3]. La femme pouvait Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©e comme otage en cas de rĂ©bellion de ce chef.

M'Siri a Ă©galement cimentĂ© des alliances avec d'autres partenaires commerciaux par le mariage. On dit que son Ă©pouse prĂ©fĂ©rĂ©e Ă©tait Maria de Fonseca, sƓur de son partenaire commercial portugais-angolais Coimbra[6]. M'Siri a offert une de ses propres filles en mariage Ă  Tippo Tip[4].

En 1884, souhaitant obtenir des conseils sur la façon de traiter avec les puissances coloniales européennes qui approchaient, il a invité un missionnaire écossais, Frederick Stanley Arnot, qu'il avait entendu dire se trouver en Angola, à venir dans sa capitale à Bunkeya, 180 km à l'ouest de la riviÚre Luapula. En 1886, Arnot arriva et fut la premiÚre personne blanche à s'installer au Katanga. AprÚs trois ans, il est retourné en Grande-Bretagne pour recruter plus de missionnaires, dont Charles Swan et Dan Crawford[7].

Ainsi, les premiers missionnaires du Katanga n'ont pas dĂ©cidĂ© de s'y rendre de leur propre initiative. La stratĂ©gie de M'Siri a fonctionnĂ© : les conseils des missionnaires l'ont prĂ©servĂ© des premiĂšres expĂ©ditions britanniques et belges (voir ci-dessous)[7]. Il est Ă©galement possible que M'Siri ait eu l'idĂ©e de tenir les missionnaires en otage en cas de guerre avec les EuropĂ©ens, de la mĂȘme maniĂšre qu'il tenait en otage les femmes des tribus soumises[8] - [9].

La ruée vers le Katanga et le meurtre de M'Siri

Expéditions britanniques (Sharpe et Thomson), 1890

La British South Africa Company (BSAC) de Cecil Rhodes et l’État indĂ©pendant du Congo (EIC) du roi belge LĂ©opold II voulaient tous deux signer des traitĂ©s avec M'Siri pour rĂ©aliser leurs ambitions coloniales. Certains des chefs subordonnĂ©s et des concurrents commerciaux de M'Siri ont profitĂ© de l'arrivĂ©e de nouvelles puissances dans la rĂ©gion pour dĂ©clencher des rĂ©bellions contre son autoritĂ©. En novembre 1890, Alfred Sharpe arriva Ă  Bunkeya depuis le Nyasaland au nom du BSAC et du commissaire britannique en Afrique centrale / Nyasaland, Sir Harry Johnston, avec une concession de droits miniers et un traitĂ© de protectorat britannique Ă  signer. L'explorateur Joseph Thomson a Ă©tĂ© envoyĂ© par le BSAC pour rencontrer et renforcer la mission de Sharpe Ă  Bunkeya, mais sa route a Ă©tĂ© bloquĂ©e par une Ă©pidĂ©mie de variole[10].

M'Siri et ses fonctionnaires ne savaient pas lire l'anglais. Sharpe dĂ©crivait l'accord favorablement mais Arnot, qui Ă©tait absent, avait conseillĂ© Ă  M'Siri de faire traduire les traitĂ©s et Swan donnait maintenant le mĂȘme conseil. Pour cela, les missionnaires furent plus tard critiquĂ©s par les Britanniques[7], parce que lorsque le contenu rĂ©el du traitĂ© fut rĂ©vĂ©lĂ© Ă  M'Siri, enragĂ©, il renvoya Sharpe les mains vides[5]. Sharpe Ă©tait sĂ»r que M'Siri ne cĂ©derait sa souverainetĂ© Ă  aucun autre pouvoir, et il a conseillĂ© Ă  Johnston d'attendre qu'il soit « hors du chemin ».

Expéditions belges (Le Marinel et Delcommune), 1891

Le 18 avril 1891, Léopold II envoie une expédition d'environ 350 hommes dirigée par Paul Le Marinel. Il obtient une courte lettre signée par M'Siri et attestée (et probablement rédigée) par Swan, disant que M'Siri accepterait des agents de l'EIC sur son territoire. Il n'a pas mentionné l'acceptation du hissage du drapeau de l'EIC ni la reconnaissance de la souveraineté de Léopold II. Le cÎté évasif de la lettre était probablement conçu pour tenir Léopold II à distance. Quelques mois plus tard, l'expédition de Delcommune fut envoyée pour essayer d'atteindre ces objectifs, mais encore une fois M'Siri a refusé. S'attendant à ce que le BSAC essaie à nouveau avec Thomson, Léopold II opta pour une méthode plus brutale avec sa troisiÚme expédition de 1891[11].

L'expédition de Stairs et le meurtre de M'Siri

Le 14 décembre 1891, l'expédition armée de Stairs pour le compte de l'EIC arrive à Bunkeya avec 400 soldats et porteurs, dirigée par le mercenaire britannique d'origine canadienne, le capitaine WG Stairs. Léopold lui a ordonné de planter le drapeau de l'EIC et de revendiquer le Katanga par la force si nécessaire[12]. Les négociations ont commencé et M'Siri a indiqué qu'il pourrait accepter un traité si on lui fournissait de la poudre à canon[5].

Selon le docteur de l'expĂ©dition Joseph Moloney et le troisiĂšme officier Christian de Bonchamps, les nĂ©gociations Ă©taient dans l'impasse. Voyant Stairs poser un ultimatum et arborer le drapeau de l'EIC sans son consentement, M'Siri se rend de nuit au village fortifiĂ© de Munema, prĂšs de Bunkeya. Le lendemain, 20 dĂ©cembre 1891, Stairs envoya son commandant en second, le lieutenant belge Omer Bodson avec Bonchamps et cent askaris pour arrĂȘter M'Siri. MalgrĂ© les inquiĂ©tudes de Bonchamps quant au danger, Bodson entre Ă  Munema avec une douzaine d'hommes et affronte M'Siri devant environ 300 de ses guerriers. M'Siri ne dit rien mais, en colĂšre, commence Ă  tirer l'Ă©pĂ©e que Stairs lui avait offerte. Bodson sort son revolver et tue M'Siri en lui tirant trois fois dessus. Une bagarre Ă©clate et l'un des hommes de M'Siri blesse Bodson par balle. Celui-ci dĂ©cĂ©dera peu aprĂšs[13].

L'histoire orale du peuple Garanganze prĂ©sente des versions quelque peu diffĂ©rentes de l'incident. Dans l'une de ces versions, M'Siri tue Bodson Ă  l'aide d'une lance avant d'ĂȘtre abattu par d'autres membres de l'expĂ©dition[14].

Le sort de la tĂȘte de M'Siri

Dans un article publiĂ© Ă  Paris en 1892, Bonchamps a rĂ©vĂ©lĂ© qu'aprĂšs avoir ramenĂ© le corps de M'Siri dans leur camp, l'expĂ©dition lui a coupĂ© la tĂȘte et l'a hissĂ©e sur un poteau. Dan Crawford Ă©tait Ă  un avant-poste belge quarante kilomĂštres plus loin et, s'appuyant sur un rĂ©cit Garanganze, il a Ă©crit qu'aprĂšs avoir tirĂ© sur M'Siri, Bodson lui a coupĂ© la tĂȘte et a criĂ© « J'ai tuĂ© un tigre! Vive le Roi ! Â»[15].

L'histoire orale des Garanganze dit que le corps qui leur a Ă©tĂ© rendu par Stairs pour l'enterrement Ă©tait dĂ©capitĂ© et que l'expĂ©dition a gardĂ© la tĂȘte. Un rĂ©cit dit que cette tĂȘte apportait malĂ©diction sur tous ceux qui la transportaient[16]. Stairs qui gardait la tĂȘte de M'Siri dans une boĂźte de kĂ©rosĂšne est dĂ©cĂ©dĂ© du paludisme six mois plus tard lors du voyage de retour[5].

Voir Ă©galement

Bibliographie

  • L'or de M'Siri, (ISBN 2-218-03065-9)
  • Msiri, (ISBN 2-85809-046-7)
  • Msiri - BĂątisseur de l'Ancien Royaume du Katanga, (ISBN 2-8289-0883-6)

Références

  1. Moloney, Joseph Augustus (1893). With Captain Stairs to Katanga, pp. 172−3, Londres: Sampson Low, Marston & Company (ISBN 0-9553936-5-5).
  2. The Story of Africa: The East African Slave Trade. British Broadcasting Corporation (World Service). Consulté le 8 septembre 2020.
  3. Arnot, R. S. "F S Arnot and Msidi", Northern Rhodesia Journal, III (5) (1958), 428−434. ConsultĂ© le 8 septembre 2020.
  4. , David Livingstone et Horace Waller (Ă©d.). The Last Journals of David Livingstone in Central Africa from 1865 to his Death. Deux Volumes. Londres : John Murray.
  5. Gordon, David (2000). "Decentralized Despots or Contingent Chiefs: Comparing Colonial Chiefs in Northern Rhodesia and the Belgian Congo". KwaZulu-Natal History and African Studies Seminar. Durban: Université de Natal.
  6. Moloney 1893, pp. 174−5.
  7. Keir Howard, J: "Arnot, Frederick Stanley", in Dictionary of African Christian Biography. Consulté le 8 septembre 2020.
  8. Moloney 1893, p. 180.
  9. Stairs pensait que les missionnaires Ă©taient des otages et rapporta que Msiri les appelait ses "esclaves blancs". Voir la lettre de William Stairs Ă  Frederick Arnot, 29 dĂ©cembre 1891, reproduite dans : Arnot, R. S. (1958). "F S Arnot and Msidi", Northern Rhodesia Journal, III (5), 428−434. ConsultĂ© le 8 septembre 2020.
  10. Moloney 1893, Chapitre I.
  11. Moloney 1893, pp. 6−9.
  12. Moloney 1893, pp. 9−12.
  13. Moloney 1893, Chapter XI pp. 182−194.
  14. (en) Sanderson Beck, Volume 16: MIDEAST & AFRICA 1700-1950, World Peace Communications, (ISBN 9780982248829)
  15. Tilsley, G. E. (1929). Dan Crawford: Missionary and Pioneer in Central Africa. Londres: Oliphants.
  16. Fabian, Johannes (11 Novembre 1998). "The history of Zaire as told and painted by Tshibumba Kanda Matulu in conversation with Johannes Fabian." Archives of Popular Swahili 2 (2). (ISSN 1570-0178).

Liens externes

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