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Lycée Averroès

Le lycée Averroès est un établissement d'enseignement privé musulman situé à Lille, en France. Comptant environ 800 élèves en 2016, il est l’un des seuls lycées privés musulmans sous contrat en France métropolitaine.

Lycée Averroès

Histoire et statut
Fondation 2003
Type Établissement d'enseignement privé musulman, sous contrat d'association avec l'État
Administration
Académie Académie de Lille
Études
Population scolaire 463 en 2013
Localisation
Ville Lille
Pays Drapeau de la France France
Site web http://www.lycee-averroes.com
Coordonnées 50° 36′ 48″ nord, 3° 03′ 16″ est
Géolocalisation sur la carte : Lille
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Lycée Averroès
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Lycée Averroès

Malgré son contrat d'association avec l'État, l'établissement est régulièrement pointé du doigt pour ses liens avec le fondamentalisme islamiste. Ses détracteurs dénoncent son « double langage » et le contenu de certains enseignements. Ils soulignent également la proximité de la direction avec l'UOIF, organe d'influence des Frères musulmans en France, et les liens financiers avec l'Arabie saoudite et le Qatar.

L'établissement est nommé en référence à Averroès, philosophe, théologien, juriste et médecin musulman andalou du XIIe siècle.

Histoire

En 1994, conformément à la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises, 19 jeunes filles voilées sont exclues du lycée Faidherbe de Lille. Afin de les aider, la mosquée Al Imane de Lille-Sud appelle les responsables associatifs musulmans à se réunir pour prendre en charge ces jeunes filles inscrites au CNED. À plus longue échéance, la communauté musulmane a l'idée de créer un lycée confessionnel, à l'instar des autres communautés religieuses en France.
[réf. nécessaire]

En 2001, une association loi 1901 est créée : l’association Averroès. Elle dépose en 2003 une demande d’ouverture d’un lycée privé musulman d’enseignement général.

Le , le Conseil supérieur de l'Éducation nationale délivre l’autorisation d'ouverture d'un premier lycée privé musulman en France métropolitaine[1].

En 2006, la principale de l'établissement, Sylvie Boutaleb, démissionne.

En 2008, l'État accorde à l'établissement le statut d'« établissement sous contrat »[2]. Le versement des salaires des enseignants peut alors être assuré par l'Éducation nationale. Avant cela, le lycée s'appuyait sur des dons de la communauté musulmane du Nord-Pas-de-Calais[3].

À la rentrée scolaire 2013, le lycée s'est installé dans de nouveaux bâtiments dont il a fait l'acquisition. Un collège de huit classes a également ouvert dans les anciens locaux du lycée[4].

Enseignement et vie du lycée

Compte tenu de sa convention avec l'État, le programme enseigné au lycée est obligatoirement celui de l’Éducation nationale. Cela n'est pas le cas, par exemple en Angleterre, où les élèves des écoles musulmanes respectent la charia, où l'on prône de « construire systématiquement des salles de prière, de pratiquer la séparation entre les filles et les garçons dans les classes, de supprimer l’éducation sexuelle des programmes et tout ce qui pouvait être contraire à la morale, comme d'interdire l'étude d'auteur comme William Shakespeare par exemple[5] ».

Compte tenu de sa spécificité musulmane, le lycée Averroès possède quelques particularités :

  • La langue arabe est enseignée 2 heures par semaine pour ceux qui le veulent en tant que LV3.
  • L'éducation religieuse est enseignée 2 heures par semaine. Cette durée est plus faible que dans certains établissements confessionnels. Par exemple, dans certaines écoles juives, la moitié de l'enseignement est consacrée aux matières religieuses[6].
  • La quasi-totalité des employées et les deux tiers des lycéennes portent le voile[7]. La plupart porte le hijab, certaines portent le jilbab[7]. Néanmoins, le niqab, la burqa et le sitar sont interdits. La sociologue Carol Ferrara, lors d'une étude sur le lycée, indique : « J’ai vu moi-même M. Lasfar éconduire une jeune femme (une ancienne élève) de la cérémonie de remise des diplômes en novembre parce qu’elle portait le niqab et qu’elle ne voulait pas l’enlever pour y assister »[8].
  • Tous les élèves sont de culture musulmane, bien que l'établissement soit présenté par sa direction comme « ouvert à tous ». Cette configuration d'élèves mono-confessionnelle se retrouve aussi dans les lycées privés juifs. En revanche, dans les lycées privés catholiques, il y a souvent de nombreux juifs : 30 % des élèves juifs en France sont dans ces établissements, ainsi que de nombreux musulmans. Ces derniers sont même majoritaires dans les lycées privés catholiques de Seine-Saint-Denis.
  • La cantine est 100 % halal.
  • La théorie de l’évolution de Darwin est refusée par les élèves : « Le Coran ne dit pas cela, donc cette théorie est fausse »[9]. Le professeur de sciences de la vie et de la Terre Abdelkader Saïm est ambigu sur cette théorie qui est débattue avec les élèves dans son cours. Il aime « leur rappeler le caractère muable de la science, comme le faisait Karl Popper, en insistant sur la réalité temporelle d’un fait scientifique qui peut être modifié ou amélioré à la lumière des nouvelles découvertes »[10].
  • Le lycée est fermé les jours des fêtes musulmanes : Aïd el-Fitr et Aïd al-Adha[11].

Classement

Chaque année, l'Éducation nationale publie un classement basé sur les chiffres de réussite au baccalauréat et sur les parcours réussis de la seconde jusqu'au diplôme. Le lycée Averroès se classe, dès son association avec l'État, parmi les bons lycées français.

En 2008, année de la signature de cette convention, il occupe la deuxième place parmi les 83 établissements de la région du Nord-Pas-de-Calais. Cette année-là, il affiche un taux de réussite au baccalauréat de 100 %[3].

En 2012, il est à la première place du classement national des lycées proposant un enseignement général et technologique sur 2 309 établissements. 100 % des 43 lycéens inscrits obtiennent leur baccalauréat cette année-là : « le taux global de réussite au baccalauréat (100 %) du lycée privé Averroès est supérieur au taux moyen (attendu) calculé par le ministère pour des élèves d'âge, d'origine sociale, de sexe et de niveau scolaire comparables et scolarisés dans des lycées comparables en termes d'âge, d'origine sociale et de sexe de l'ensemble de l'académie de Lille (83 %)[12] ». De plus, 99 % d'anciens élèves de seconde de l’établissement ont obtenu leur bac dans ce même lycée. Dans un autre classement, réalisé par L’Express, le lycée Averroès se classe à la cinquième place nationale, L’Express ayant choisi de se baser sur la probabilité pour un élève de première d'obtenir son bac dans le même lycée[12]. « Nous avons 60 % d'élèves boursiers », souligne un professeur d'Averroès[13] - [14].

En 2013, le lycée Averroès chute au classement et n’apparaît pas dans le top 100 des meilleurs lycées. Certes, le taux de réussite au bac de 95 % reste supérieur à celui de 90 % attendu. Mais le lycée semble procéder à une sélection sur les trois années de lycée. Ainsi, « un élève entré en seconde dans ce lycée a eu 58 % de chances d'obtenir le baccalauréat dans l'établissement, soit 15 points de moins que le taux attendu en référence académique, et 16 points de moins que la référence nationale ». De même, dans le classement utilisant les critères de L'Express, le lycée Averroès passe de la cinquième à la 1781e place, sur 2 248 établissements répertoriés[15].

En 2014 (palmarès 2015), le lycée, avec 97 % de réussite au bac, est classé 444e sur 1501 au niveau national, et 20e sur 62 pour le département du Nord[16].

élèves 2008[17] 2009[18] 2010[19] 2011[20] 2012[21] 2013[22] 2014[23]
L10
ES871314171925
S17201720242831
STMG2820
Total25273034435586
Réussite100 %93 %93 %88 %100 %95 %97 %

Seul lycée musulman sous contrat en France métropolitaine

Il existe dans plusieurs médias une ambiguïté concernant un autre lycée potentiellement sous contrat, le lycée collège Al Kindi de Décines, près de Lyon. Libération désigne Al Kindi comme le deuxième établissement musulman sous contrat après Averroès, mais le quotidien reconnaît que « l'Éducation nationale n’a pu confirmer cette information »[24]. Sur son site officiel, Al Kindi se déclare « reconnu par l'État »[25].

En réalité, il n’y a que deux classes d'Al Kindi par niveau qui sont sous contrat depuis 2012. L’établissement se plaint même auprès de l'Éducation nationale en de n’avoir plus qu’une classe de troisième sous contrat[26].

Direction et personnalités connues

  • El Hassan Oufker : directeur
  • Makhlouf Mamèche : directeur adjoint, vice-président de l’Union des organisations islamiques de France.
  • Amar Lasfar : le président de l’association Averroès qui gère le lycée. Il est président de l’Union des organisations islamiques de France, président de la Ligue islamique du Nord et recteur de la mosquée de Lille-Sud[27].
  • Éric Dufour : directeur adjoint, professeur de français, converti à l'islam, arrive en 2008 au lycée après avoir passé 16 ans au lycée privé catholique de Bondues.
  • Abdelmonaim Boussenna : ancien élève, imam et influenceur, considéré par de grands médias français comme salafiste.
  • Hassan Iquioussen : ancien professeur d’éthique musulmane du lycée, prédicateur de la mosquée de Quiévrechain, dirigeant de l’UOIF, est une personnalité très controversée. Il a par exemple déclaré « Les textes aujourd'hui le prouvent. Les sionistes ont été de connivence avec Hitler. Il fallait pousser les juifs d'Allemagne, de France... à quitter l'Europe pour la Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire du mal »[28]. Sofiane Meziani, professeur d’éthique actuel et Amar Lasfar reconnaissent être proches de lui. Il continue d'accompagner les élèves en voyages scolaires[29].
  • Michel Soussan : conseiller pédagogique du lycée, consultant en formation, ancien inspecteur d'académie et membre UMP de l'opposition municipale. Il déclare : « je n’ai jamais vu la radicalité de l’islam ici ; au contraire, j’y vois un islam du juste milieu ». Il est de confession juive et ajoute : « je suis le garant des valeurs républicaines de cet établissement ». Voulant favoriser le dialogue inter-religieux, il a fait venir pour un débat[30] au lycée son neveu, le rabbin Yona Ghertman. En 2023, la justice est saisie du cas de cet ancien inspecteur d’académie de Lille, devenu consultant rémunéré de l’établissement privé sous contrat[31].
  • Mohamed Karrat : professeur de mathématiques au lycée, proche d'Amar Lasfar[32], responsable de la mosquée de Villeneuve-d'Ascq[32].

Relation avec les Frères musulmans et l'UOIF

Plusieurs médias estiment que la direction du lycée est proche des Frères musulmans[33] - [34].

D'après un rapport commandé par le Gouvernement, « les Frères musulmans en Europe, représentés par l’UOIF, sont à l’origine d’au moins la moitié des projets d’établissements dans l’Hexagone, mus par une volonté de préserver l’identité musulmane des communautés immigrées et de « réislamiser » les jeunes générations, pour créer une « citoyenneté musulmane », à la fois intégrée dans la société et gardant sa spécificité religieuse »[35].

Toujours d'après ce rapport : « Les responsables des différents projets ont "sécurisé" leur équipe autour d'un noyau dur composé exclusivement de membres de l'UOIF. L'idée était d'avoir un groupe d'individus censés partager les mêmes représentations idéologiques et de faciliter les choix stratégiques et les prises de décision. [...] Après la rupture avec Mme Boutaleb, l'ensemble des membres de l'équipe dirigeante sont donc membres de l'UOIF ».

Carol Ferrara, doctorante en anthropologie de l'université de Boston, a passé cinq années à étudier les écoles musulmanes en France et notamment le lycée Averroès. Elle estime que le discours sur l’islam au lycée s’approche du discours de l’UOIF et de son président, Amar Lasfar[8]. L'UOIF a depuis changé de nom pour Musulmans de France[36].

« L’UOIF considère que les Français non musulmans doivent s’adapter à l’existence de l’islam comme deuxième religion de France »[37].

Relation avec les politiques

Selon Marianne, « Amar Lasfar a une voix qui porte dans l’électorat musulman et est régulièrement courtisé par tous les politiques qui comptent sur Lille »[27]. Selon Caroline Fourest, « en 2007, alors qu’un rapport du Parti socialiste dévoile les négociations incessantes existant entre Nicolas Sarkozy et l’UOIF, l’association islamiste se défend en mouillant Martine Aubry… Qui a visiblement soutenu l’ouverture du lycée Averroès, bien qu’il s’agisse d’un lycée intégriste tenu par l’UOIF »[38].

  • La maire de Lille, Martine Aubry, favorable à l’implantation d’un lycée privé musulman à Lille-Sud en 2003, a longtemps entretenu des rapports plutôt cordiaux avec Amar Lasfar. La rupture a lieu en 2013 : Martine Aubry accuse alors la direction du lycée de « double discours »[27].
  • L'UMP est plutôt favorable au lycée[4], le conseiller municipal d'opposition UMP, Michel Soussan, étant membre de la direction d'Averroès. Les jeunes du quartier distribuent des tracs pour le sénateur UMP Jean-René Lecerf, « du jamais vu » selon La Voix du Nord[39]. Jean-René Lecerf demande simultanément au Sénat des subventions d'État supplémentaires pour le lycée[40]. Une demande identique, au mot près, est faite à l'Assemblée nationale par le député socialiste Bernard Roman[41].

Au niveau national, début 2015, le Premier ministre Manuel Valls déclare s'inquiéter de l'« influence » de l'Union des organisations islamiques de France et affirme vouloir « combattre son discours »[42].

En , le président de la région, Xavier Bertrand, décide de suspendre les subventions destinées au lycée, à la suite d'un audit de l'Éducation nationale[43].

Polémiques

Soupçon de dérives intégristes

En 2007, Éric Besson, alors député PS, écrit : « Amar Lasfar, a créé le premier lycée privé musulman fondamentaliste, le lycée Averroès »[44]. Amar Lasfar rejette ce terme et a annoncé porter plainte pour diffamation[45]. Gilles Pargneaux, premier secrétaire fédéral PS du Nord, parle de « maladresse ». Il déclare « dissocier l'enseignement donné [à Averroès] et les positions de l'UOIF qui, elles, sont incompatibles avec l'esprit laïque »[46].

En 2010, Fiammetta Venner reprend cette thèse et fait la liste des « enseignants-prédicateurs » réputés intégristes[47] : Hassan Iquioussen, Hani Ramadan et Cheikh Mohamed Hassan entre autres.

Les intervenants proposant une autre vision, a contrario, se voient interdits, comme Farid Abdelkrim, ancien de l'UOIF, qui constatait « l’instrumentalisation de Dieu à des fins politiques ou économiques ». Ce dernier a écrit un livre, Ainsi j’ai cessé d’être islamiste. Après lui avoir proposé d’intervenir au lycée, le directeur a renoncé quelques jours plus tard[48] - [49].

En 2011, l'Assemblée nationale se pose la question de l'influence de l’idéologie de l’UOIF sur l’enseignement au lycée. La direction dément formellement. De nombreux députés ont cependant des doutes et demandent une commission d’enquête : « S'il était avéré que certains professeurs enseignent les thèmes bien connus des intégristes musulmans sur la soi-disant débauche des sociétés occidentales vers les relations hors mariage, l’homosexualité, etc. Ces faits sont-ils exacts ? S’ils le sont, que font les pouvoirs publics et, en particulier, l’Éducation nationale ? »[6]. Cette commission d'enquête ne verra jamais le jour.

En 2015, les incidents qui ont émaillé, dans plus de 200 établissements secondaires, les minutes de silence à la suite des attentats de janvier 2015 en France, ont sensibilisé les médias à des risques de dérive intégriste dans des lycées en France, surtout ceux des « zones sensibles ». Le seul lycée musulman sous contrat en France est donc particulièrement scruté. France 2 fait donc un reportage aux lendemains des attentats, montrant des consignes claires de la direction, prônant la liberté d'expression et des débats sur le terrorisme. Le reportage ne montre aucun incident et relate des débats très pondérés avec les élèves, notamment pendant le cours de philosophie de Soufiane Zitouni[50]. Ce dernier publie le une tribune dans Libération : « Le Prophète est aussi Charlie »[51]. Il accuse cependant l'établissement de propager « l'islamisme »[36].

Pourtant, ce même professeur démissionne fin car, selon lui, sa tribune lui a valu des menaces d'un « proche de la direction » : « Tu vas te faire beaucoup d’ennemis ici, et je te conseille de regarder derrière toi quand tu marcheras dans la rue… ». Il relate des collègues furieux de la tribune et dit avoir assisté, pendant ses cinq mois de présence au lycée, à des comportements et propos récurrents intégristes et antisémites[52] - [53] - [54] - [9]. Il signale notamment une dispute très violente le avec huit étudiantes. L'une a confirmé avoir dit : « le professeur nous dit que des innocents ont été tués et je réponds qu'ils n'étaient pas innocents du point de vue des assassins ».

Son collègue Sofiane Meziani, professeur d'éthique musulmane[55] et membre du Collectif des musulmans de France, réfute l'argumentation du professeur de philosophie[56] - [57] - [58] - [59] - [60] - [61]. La direction porte plainte contre Sofiane Zitouni[62] - [63], qui est condamné le pour diffamation et injure privée[64] à l’endroit du lycée Averroès, les juges estimant que l’enseignant n’avait pas apporté les preuves de ses affirmations[65]. La condamnation de Zitouni est confirmée par la cour d'appel de Douai en [66], avant que le professeur ne soit finalement relaxé par la Cour de cassation[67].

Le rectorat décide « l'ouverture d'une mission d'inspection du lycée par le rectorat pour vérifier le respect des termes du contrat d'association signé avec l'État ». L’enquête est diligentée le et le rapport, remis le , note que « les termes du contrat de l'établissement avec l'État sont globalement respectés... Il convient néanmoins, sur certains points, de clarifier le statut et la place du religieux dans l'établissement ». Plusieurs préconisations sont faites au lycée musulman, dont « la mise en place d'instances de régulation tels un conseil pédagogique et un comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté », « dissocier plus clairement les instances de l'association Averroès de celles de l'établissement » et « lever les ambiguïtés entre l'enseignement de la philosophie et le cours optionnel d'éthique religieuse »[68] - [69] - [70] - [71].

Bernard Godard, connu comme le « Monsieur islam du ministère de l’Intérieur » déclare : « au lycée Averroès, il faut voir s’il y a des problèmes au niveau de l’enseignement. C’est un lycée conventionné et pour obtenir le contrat de l’État, il y a des critères à respecter. Par exemple, dans ce qu’ils appellent les cours d’éthique musulmane, si c’est la même éthique qu’on enseigne au lycée et à la mosquée, ou si on incitait les jeunes filles à porter le voile pour se distinguer, ce serait problématique. De même, tout ce qui est cultuel doit être séparé de l’enseignement. De ce que je sais, l’UOIF a toujours été très prudent dans le système d’enseignement qu’ils mettent en place. Mais le cordon ombilical avec l’UOIF existe et il y a une tradition antisémite chez les Frères musulmans. Il y a par ailleurs un profil de conférenciers, toujours les mêmes, invités dans le lycée. Tout cela participe évidemment d’une atmosphère et d’un environnement idéologique »[72].

Soupçon de double langage

Le lycée est accusé par certaines personnalités politiques ou intellectuelles de « double langage ». Les professeurs et les intervenants présenteraient une image très modérée de leur vision de l'islam face aux médias, ou lorsqu'ils filment certains cours, et parallèlement, les mêmes diffuseraient par d'autres voies des messages beaucoup plus fondamentalistes. Par exemple, l'intervenant et Frère musulman Omar Abdelkafi[73] donne son opinion sur sa vision des femmes dans l'islam[74] : très modéré devant les caméras du lycée[75], il déclare ailleurs que « la femme qui sort les cheveux découvert mérite le châtiment de la tombe »[76].

Effectif en forte expansion

L’augmentation rapide du nombre d’élèves au lycée s’explique par :

  • L’action militante des Frères musulmans, omniprésents dans la perspective d’instauration d’une « citoyenneté musulmane ». Hakim Chergui de l'UOIF déclare « les musulmans doivent être éduqués par d’autres musulmans »[77].
  • La crise de l’école publique : « ces établissements musulmans paraissent constituer une alternative valable à l’enseignement public pour beaucoup de parents d’élèves déçus par le système éducatif actuel qu’ils considèrent en «crise», a fortiori s’ils habitent des quartiers sensibles… La crise de l’enseignement public est donc un produit d’appel pour les établissements musulmans. »[77].
  • La prohibition du voile dans les établissements scolaires publics par la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises[78].

Enfin, le développement est incompatible avec une stratégie d’excellence : « il faudra bien aller puiser dans le vivier des élèves seulement moyens »[78].

Financement et gestion

Face à l'augmentation du nombre de ses élèves, le lycée fait l'acquisition, en 2013, de nouveaux locaux. Les besoins de financement sont très importants ; les frais d'inscription des élèves et les dons des fidèles sont largement insuffisants.

La principale source de financement (plus de 90 % du budget) vient de riches mécènes, principalement originaires d’Arabie saoudite et du Qatar. Ainsi, 250 000 euros ont été versés à l'établissement par de la banque du développement d’Arabie saoudite, et 800 000 euros par l'ONG Qatar Charity[54]. Les responsables de l'UOIF font des visites régulières à Riad pour solliciter les mécènes. La générosité de ces derniers s'explique notamment par leur opposition à la loi française interdisant le port du voile dans les écoles publiques françaises. « S’il serait exagéré de dire qu’il entraîne automatiquement une inféodation idéologique, un tel financement crée néanmoins, à n’en pas douter, des réseaux de clientèles entre les cadres de l’UOIF et les institutions saoudiennes »[79].

Pourtant, en 2007, Amar Lasfar assurait que le budget annuel (450 000 euros) était financé par des dons privés « et exclusivement français »[80].

Subventions par le Qatar

En , les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot publient Qatar Papers, un livre qui montre notamment que Qatar Charity, une ONG proche de Doha, a versé 4,2 millions d’euros au lycée et au centre islamique de Villeneuve-d’Ascq[81]. À la suite de ces révélations, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand suspend des subventions de la région au lycée[82] - [83]. En octobre 2020, le lycée, privé des financements de la région, saisit la justice[36]. Le conseil régional, principal financeur institutionnel de l’établissement devant l’Etat, doit finalement débloquer les fonds, désavoué par la justice. Ainsi, en octobre 2022, la région est priée de verser plus de 500 000 euros de subventions au lycée privé musulman[84].

Contrôle de la Chambre régionale des comptes

En mai 2023, est publié un rapport de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France concernant la gestion du lycée. Celui-ci découle « d’inquiétudes et de soupçons concernant la trésorerie fragile et erratique de l’établissement scolaire »[84]. Il évoque une situation « financière critique » et la présence d’un ouvrage contraire aux valeurs républicaines. Au début du même mois, les responsables de la mosquée voisine de Villeneuve-d’Ascq avaient été placés en garde à vue, en raison notamment d’un prêt frauduleux accordé par le centre islamique au lycée Averroès[84].

Le rapport du CNR relève « l’étroite proximité » entretenue, depuis ses origines, entre l’association Averroès et l’Union des organisations islamiques de France ainsi qu’un renouvellement insuffisant des membres de son conseil d’administration[84]. Il précise que les dons venus de l’étranger se sont élevés à 1,9 million d’euros dont quelque 943 000 euros de l’ONG Qatar Charity, sur un total de dons de près de six millions d’euros perçus par l’association entre 2010 et 2022[84].

Le rapport de la Chambre évoque également un cours facultatif au contenu salafiste. Ce cours « d’éthique musulmane » au programme de seconde utilise comme support, un ouvrage édictant des règles à suivre. Parmi celles-ci : l’interdiction, sous peine de mort, de l’apostasie (reniement de la foi) ou la prééminence de la loi divine[84].

Notes et références

  1. Page « L'historique du lycée », sur le site du Lycée-Collège Averroès, www.lycee-averroes.com.
  2. Aurélien Veron, Anne Bourdu, Denis Jacquet et Yassin Lamaoui (membre du Parti libéral démocrate), « Quand banlieue rime avec succès », L'Opinion, publié le mercredi 28 janvier 2015.
  3. Maria Magassa-Konaté, « Baccalauréat 2012 : de 93 à 100 % de réussite dans les lycées privés musulmans », sur le site www.saphirnews.com, rubrique « Société », publié le mercredi 18 juillet 2012.
  4. « Situation du lycée « Averroès » à Lille », sur le site du Sénat - www.senat.fr, Question écrite no 10982 du député Jean-René Lecerf (Nord - UMP), publiée dans le JO Sénat du 20 mars 2014, p. 750.
  5. Jean-Philippe Bras (directeur de l’IISMM) et Sabrina Mervin (codirectrice de l’IISMM), responsables scientifiques, « Programme de recherche : L’enseignement de l’Islam dans les écoles coraniques les institutions de formation islamique et les écoles privées », Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) et École des hautes études en sciences sociales (EHESS), juillet 2010, p. 40, « L’enseignement confessionnel en Grande-Bretagne ».
  6. no 3382 - Proposition de résolution de M. Jean Glavany en vue de la création d'une commission d'enquête sur les pratiques intégristes, fondamentalistes et sectaires portant atteinte aux lois, aux principes et aux valeurs de la République dans les établissements privés d’enseignement, sur le site de l'Assemblée nationale - www.assemblee-nationale.fr, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 mai 2011.
  7. La Rédaction, « Filles et garçons séparés en sport et à la cantine », publié par Le Parisien le 7 mai 2013.
  8. Carol Ferrara, « Mes observations en tant que chercheuse au sein du lycée Averroès », publié sur le site www.saphirnews.com, le 14 février 2015 .
  9. Tribune de Soufiane Zitouni (ancien professeur de philosophie du Lycée Averroès), « Pourquoi j’ai démissionné du lycée Averroès », publié dans Libération, le 5 février 1025.
  10. Abdelkader Saïm, « Dix ans au lycée Averroès, pourquoi mon engagement reste intact », sur le site www.saphirnews.com, rubrique « Point de vue », le 12 février 2015.
  11. Jean-Philippe Bras (directeur de l’IISMM) et Sabrina Mervin (codirectrice de l’IISMM), responsables scientifiques, « Programme de recherche : L’enseignement de l’Islam dans les écoles coraniques les institutions de formation islamique et les écoles privées », Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) et École des hautes études en sciences sociales (EHESS), juillet 2010, p. 48.
  12. La Rédaction, « Averroès, le meilleur lycée général de France », sur le site www.saphirnews.com, rubrique « Sur le vif », publié le 27 mars 2013.
  13. Gilles Durand, « Et les meilleurs lycées sont... », 20minutes.fr, publié le 28 mars 2013.
  14. EM, « Lille : le lycée musulman Averroes fier de sa 1re place au classement des lycées », France 3 Nord-Pas-de-Calais, publié le 27 mars 2013.
  15. Maria Magassa-Konaté, « [hthttp://www.saphirnews.com/Pourquoi-Averroes-est-sorti-du-classement-des-meilleurs-lycees_a18668.html Pourquoi Averroès est sorti du classement des meilleurs lycées] », sur le site www.saphirnews.com, rubrique « Société », publié le 7 avril 2014.
  16. « Classement Lycée privé Averroès Lille - Académie Lille », sur le site Le Figaro - http://classement-lycees.etudiant.lefigaro.fr/, rubrique « Éducation », consulté le 26 avril 2015.
  17. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2008 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  18. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2009 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  19. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2010 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  20. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2011 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  21. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2012 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  22. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2013 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  23. « Lycée privé Averroès - Taux de réussite au baccalauréat 2014 », Indicateurs de résultats des lycées > LYCEE PRIVE AVERROES, sur le site du ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).
  24. Le lycée Averroès, un des rares établissements musulmans en France - Libération
  25. Site officiel du Lycée Al-Kindi
  26. L’école musulmane Al-kindi demande à l’État de payer un plus grand nombre de ses enseignants
  27. Régis Soubrouillard, Averroès : un lycée "modèle" à l'environnement douteux, marianne.net,
  28. Islamisme Iquioussen ou la culture de la haine antijuive, humanite.fr
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  57. Amar LASFAR répond à Soufiane ZITOUNI : le déni !
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  69. Le rectorat recadre le lycée musulman Averroès
  70. Le lycée musulman Averroès respecte son contrat avec l'État, selon le rectorat - L'Express
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  77. Jean-Philippe Bras (directeur de l’IISMM) et Sabrina Mervin (codirectrice de l’IISMM), responsables scientifiques, « Programme de recherche : L’enseignement de l’Islam dans les écoles coraniques les institutions de formation islamique et les écoles privées », Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) et École des hautes études en sciences sociales (EHESS), juillet 2010, p. 32, Introduction du « Chapitre 2 : les écoles privées musulmanes : former une élite. »
  78. Jean-Philippe Bras (directeur de l’IISMM) et Sabrina Mervin (codirectrice de l’IISMM), responsables scientifiques, « Programme de recherche : L’enseignement de l’Islam dans les écoles coraniques les institutions de formation islamique et les écoles privées », Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) et École des hautes études en sciences sociales (EHESS), juillet 2010, p. 49-52, « V. Des besoins de financement importants qui font du conventionnement une obligation dans la durée ».
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