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Langue universelle

Le terme de langue universelle fait souvent rĂ©fĂ©rence Ă  une langue hypothĂ©tique ou historique parlĂ©e et comprise par l’ensemble, ou presque, de la population mondiale. Dans certains contextes, il fait rĂ©fĂ©rence Ă  un moyen de communication considĂ©rĂ© comme comprĂ©hensible par tous les ĂȘtres humains vivants .

Dans le premier sens, selon certaines traditions mythologiques ou religieuses, il existait autrefois une langue unique et universelle parlĂ©e par tous, ou partagĂ©e par les humains et les ĂȘtres surnaturels ; cependant, il n’en existe aucune preuve historique. Dans un autre sens ce terme peut rejoindre la notion de langue auxiliaire internationale, utilisĂ©e par des groupes de personnes de langue maternelle diffĂ©rente pour communiquer entre eux. Quelques-uns de ces projets, sur plus de 1 000, ont une communautĂ© de locuteurs, le plus important de trĂšs loin Ă©tant l'espĂ©ranto. D’un autre point de vue, il peut s’agir de la langue principale de tous ses locuteurs, ou bien la seule langue qui existe.

Dans d’autres traditions, on porte un intĂ©rĂȘt moindre Ă  la question, ou de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, elle est dĂ©tournĂ©e. Par exemple, dans l’Islam, l’arabe est la langue du Coran, et est donc considĂ©rĂ©e comme universelle pour les musulmans. Le chinois classique Ă©crit Ă©tait et est toujours lu par beaucoup mais sa prononciation diffĂšre quelque peu selon les lecteurs des diverses rĂ©gions de la Chine, du ViĂȘt Nam, de la CorĂ©e et du Japon ; pendant des siĂšcles, le chinois a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme une langue universelle de facto littĂ©raire destinĂ©e Ă  une large culture. De la mĂȘme maniĂšre, le sanskrit en Inde et au NĂ©pal, et le pali au Sri Lanka et dans les pays d’Asie du Sud-Est (Birmanie, ThaĂŻlande, Cambodge), oĂč domine le bouddhisme theravāda, Ă©taient largement considĂ©rĂ©s comme des langues classiques par beaucoup de personnes , mĂȘme s’il ne s’agissait pas de leur langue maternelle. De mĂȘme, le latin (sous la forme du latin mĂ©diĂ©val) Ă©tait en rĂ©alitĂ© considĂ©rĂ© comme une langue universelle chez les lettrĂ©s au Moyen Âge. C’était Ă©galement le cas pour la langue utilisĂ©e dans la Vulgate, la version latine de la Bible, dans les rĂ©gions catholiques qui couvraient une large partie de l’Europe de l’Ouest et certaines parties de l’Europe du Nord et Centrale.

De maniĂšre plus pratique, les langues commerciales, telles que l’ancienne koinĂš grecque, peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme de langues vivantes ayant un caractĂšre « universel Â» pour le commerce. On peut aussi noter que les sabirs et les pidgins, langues vĂ©hiculaires hybrides et simplifiĂ©es nĂ©es de la nĂ©cessitĂ© commerciale de communiquer en l'absence d'une langue commune, sont par leur nature presque Ă  l'opposĂ© des langues artificielles, crĂ©ations de l'esprit en l'absence d'un besoin de communication urgent.

Dans le domaine de la linguistique historique, la notion de langue originelle renvoie Ă  l’idĂ©e que toutes les langues parlĂ©es par les humains sont issues d’une seule et unique langue ancestrale parlĂ©e il y a plusieurs milliers d’annĂ©es.

Les langues universelles mythiques

Plusieurs textes religieux, mythes et lĂ©gendes dĂ©peignent un Ă©tat d’humanitĂ© dans lequel une seule et unique langue Ă©tait parlĂ©e Ă  l’origine. Selon les croyances du JudĂ©o-christianisme, la confusion des langues telle qu’elle est dĂ©crite dans l’histoire biblique de la Tour de Babel prouve que de nombreuses langues ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es Ă  partir d’une langue adamique initiale. Dans d’autres cultures, des mythes similaires dĂ©crivent la crĂ©ation de langues multiples comme un acte divin, comme la destruction d’un 'arbre de la connaissance' par Brahmā dans la tradition hindoue, ou le cadeau offert par le Dieu HermĂšs dans la mythologie grecque. Selon d’autres mythes, la crĂ©ation des diffĂ©rentes langues coĂŻncide avec la crĂ©ation des diffĂ©rentes tribus ou est due Ă  des Ă©vĂ©nements surnaturels.

La langue universelle de Babylone Ă©tait l’écriture graphique et picturale des hiĂ©roglyphes Ă©gyptiens qu’on utilisait sous diffĂ©rentes formes Ă  travers le Moyen-Orient et certaines rĂ©gions d’Europe. Quand les hiĂ©roglyphes ont Ă©tĂ© opprimĂ©s par le colonialisme de l’époque et que les langues phonĂ©tiques principales de chacun des empires (assyrien, sĂ©mitique, grec, romain, portugais, français, anglais, etc.) sont devenues dominantes, ils Ă©taient le seul moyen de communication malgrĂ© la dominance.

ParallĂšlement aux symboles graphiques Ă©crits sur du papier, les langues graphiques et picturales utilisent un langage des mains ou un langage des signes afin de faciliter la communication Ă  travers les grandes zones gĂ©ographiques. L’AmĂ©rique du Nord a utilisĂ© le modĂšle de langage des mains des AmĂ©rindiens pour communiquer Ă  travers les trĂšs grandes rĂ©gions. Les EuropĂ©ens ne comprenaient pas les symboles graphiques du Mexique, des Mound Cities du Mississippi, des cĂŽtes est et ouest. Entre 1720 et 1750, les EuropĂ©ens ont commencĂ© Ă  brĂ»ler les grandes bibliothĂšques du Mexique et les traces du String Shell tels que les wampums dans toute l’AmĂ©rique du Nord.

XVIIe siĂšcle

Des Ă©lĂ©ments identifiables dans les idĂ©es contemporaines de langues universelles n’ont pris forme que dans l’Europe de l’époque moderne. Une langue vĂ©hiculaire ou une langue commerciale n’était Ă  l’époque rien de bien nouveau. Avec le dĂ©veloppement de l'imprimerie la littĂ©rature dans les langues vernaculaires est devenue plus importante durant la Renaissance, entrainant le dĂ©clin progressif du Latin. Depuis lors il Ă©tait naturel de souhaiter trouver une langue auxiliaire internationale. Dans son ouvrage, Origin and Authority in Seventeenth-Century England (1994) (p. 174), Colton Booth dĂ©clarait : « Durant la Renaissance, nous n’avions aucune idĂ©e de ce qu’était une langue adamique et de son lien avec la comprĂ©hension des humains ». Cette question a Ă©tĂ© posĂ©e de maniĂšre plus prĂ©cise dans l’Ɠuvre de Francis Bacon.

On peut trouver dans les nombreux ouvrages de Gottfried Wilhelm Leibniz de nombreux Ă©lĂ©ments qui se rapportent Ă  une possible langue universelle, et plus prĂ©cisĂ©ment Ă  une langue construite. Ce concept est petit Ă  petit venu remplacer celui d’un Latin rationalisĂ© qui serait le fondement d’une langue universelle projetĂ©e. Leibniz a imaginĂ© une caractĂ©ristique universelle (voir aussi mathesis universalis), une « algĂšbre » capable d’exprimer toutes les pensĂ©es conceptuelles. Cette algĂšbre comprend des rĂšgles de manipulation symbolique, que Leibniz a appelĂ©es calculus ratiocinator. Son but Ă©tait de consolider les bases de la raison en la rĂ©duisant le plus possible Ă  une formule mathĂ©matique que beaucoup pourraient comprendre. Cette caractĂ©ristique s’appuierait sur un alphabet de la pensĂ©e humaine.

L’Ɠuvre de Leibniz est mise de cĂŽtĂ© par d’autres idĂ©es mathĂ©matiques nĂ©es avant cela, comme celles de RenĂ© Descartes et celles de Voltaire et de sa satire du panglossisme (optimisme). Les ambitions de Descartes Ă©taient bien plus modestes que celles de Leibniz, mais elles ont Ă©galement eu beaucoup plus de succĂšs, comme le prouve son union de l’algĂšbre et de la gĂ©omĂ©trie pour former ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de gĂ©omĂ©trie analytique. MalgrĂ© des dĂ©cennies de recherches sur une intelligence artificielle symbolique, le rĂȘve qu’avait fait Leibniz d’une caractĂ©ristique ne s’est pas vraiment rĂ©alisĂ©.

Au XVIIe siĂšcle, d’autres suggestions pour parvenir Ă  une langue 'philosophique' (c’est-Ă -dire universelle) ont Ă©tĂ© formulĂ©es, notamment par Francis Lodwick, Thomas Urquhart (mais il s’agissait probablement d’une parodie), George Dalgarno (Ars signorum, 1661), et John Wilkins (An Essay towards a Real Character and a Philosophical Language, 1668). Le modĂšle de classification tel qu’on le trouve dans le thĂ©saurus de Peter Mark Roget dĂ©rive finalement de l’essai de Wilkins.

XVIIIe siĂšcle

Dans sa satire Candide, Voltaire s’en prend Ă  Leibniz Ă  travers le personnage du Dr Pangloss, dont le nom met clairement en Ă©vidence la notion de langue universelle. Cependant, il satirise avant tout l’optimisme tant du projet que de Leibniz, qui en est Ă  l’origine. Ce dĂ©bat prend la notion de langue universelle en elle-mĂȘme aussi peu au sĂ©rieux que les idĂ©es des scientifiques spĂ©culatifs et des virtuoses de l’üle de Laputa crĂ©Ă©e par Jonathan Swift dans les Voyages de Gulliver. Pour ceux de la gĂ©nĂ©ration de Voltaire qui partageaient cet avis, la notion de langue universelle Ă©tait mise dans le mĂȘme sac que la pyrite et la philologie avec peu de rigueur intellectuelle, et la mythographie universelle Ă©tait considĂ©rĂ©e comme futile et improductive.

Au cours du XVIIIe siÚcle, certains philosophes rationalistes ont essayé de retrouver une langue soi-disant adamique. En vertu de l'idée rousseauiste de la bonté naturelle perdue on a tenté de savoir quelle langue parlerait un enfant élevé dans le silence total. On présumait alors que cette langue serait la langue adamique, ou du moins la langue du lapsarianisme.

D’autres ont essayĂ© de trouver un hĂ©ritage linguistique commun Ă  toutes les langues. De ce fait, on a tentĂ© Ă  de nombreuses reprises de lier les langues sacrĂ©es Ă  l’hĂ©breu (comme le basque, le gaĂ©lique Ă©cossais, et l’irlandais). Cette pĂ©riode marque Ă©galement les dĂ©buts de la linguistique comparĂ©e.

XIXe siĂšcle

EspĂ©rantie : 120 pays dans le monde oĂč se trouvent des associations d’espĂ©ranto

À la fin du XIXe siĂšcle, il existait une abondance de langues construites qu’on avait l’intention de transformer en de vĂ©ritables langues parlĂ©es. On a crĂ©Ă© des langues qui ne se limitent Ă  aucun pays en particulier et que tout le monde peut apprendre. Parmi elles se trouvent une esquisse sans locuteurs, le solresol et une langue qui a eu son heure de gloire pendant une dĂ©cennie, le volapĂŒk mais qui a ensuite trĂšs fortement dĂ©cru du fait notamment de son vocabulaire trop artificiel.Parmi plusieurs centaines d'esquisses, l'espĂ©ranto est la langue internationale construite qui a relativement rĂ©ussi, du fait notamment de sa construction trĂšs logique, de ses radicaux issus sans exception des langues naturelles et les plus internationaux possible. C'est la plus parlĂ©e de nos jours et ayant une littĂ©rature riche et variĂ©e. À cette Ă©poque, ces idĂ©es n’étaient pas facilement acceptĂ©es . Aujourd'hui il y a prĂšs d'un million de personnes inscrites pour des cours d'espĂ©ranto, surtout sur internet[1].

XXe siĂšcle

Certaines langues telles que l’ido, le latino sine flexione (le latin sans flexions), la langue occidentale, et enfin l'Interlingua[2] sont nĂ©es du mouvement des langues construites, mais ce sont des langues dont la communautĂ© de locuteurs est aujourd'hui trĂšs restreinte et surtout europĂ©enne.

XXIe siĂšcle

Diffusion de l’anglais dans le monde

L’anglais est la langue dominante dans les domaines du commerce international, de la science et de la communication internationale du fait de l’ancien Empire britannique qui a instaurĂ© l’utilisation de l’anglais dans des rĂ©gions du monde entier comme en AmĂ©rique du Nord, en Inde, en Afrique, en Australie et en Nouvelle-ZĂ©lande, de l'hĂ©gĂ©monie des États-Unis au XXe siĂšcle et de l’influence des mĂ©dias anglophones. Cependant, l’anglais n’est pas la seule langue utilisĂ©e dans les organisations mondiales telles que l’Union europĂ©enne et l'Organisation des Nations unies, car beaucoup de pays ne reconnaissent pas l’anglais comme langue universelle. MĂȘme si des projets de langues construites continuent d’apparaitre et de rassembler un trĂšs petit nombre de locuteurs, comme le pandunia, l'espĂ©ranto reste la principale langue internationale auxiliaire planifiĂ©e.

Idées contemporaines

Les premiĂšres thĂ©ories d’une langue universelle allant de pair avec une classification conceptuelle exhaustive par catĂ©gories fait encore dĂ©bat Ă  diffĂ©rents niveaux. Michel Foucault pensait qu’une telle classification devait ĂȘtre subjective, citant comme exemple la classification fictive des animaux Ă©tablie par Jorge Luis Borges, la Celestial Emporium of Benevolent Knowledge's Taxonomy.

Une rĂ©cente synthĂšse philosophique a Ă©galement reliĂ© Ă  l’écologie du systĂšme l’intĂ©rĂȘt que Leibniz portait Ă  l’ingĂ©nierie de l’environnement. On a proposĂ© la langue de l’écologie du systĂšme comme forme moderne de la caractĂ©ristique universelle de Leibniz. Cette langue a Ă©tĂ© utilisĂ©e dans le dĂ©veloppement de systĂšmes de vue d’ensemble Ă©conomiques et Ă©cologiques des paysages, des technologies et des pays. En consĂ©quence, il semble que le projet de Leibniz au siĂšcle des LumiĂšres est toujours poursuivi et est exĂ©cutĂ© Ă  l’échelle mondiale afin d’amĂ©liorer le processus de dĂ©veloppement durable.

Références

  1. Par exemple Duolingo en anglais et en espagnol, Memrise etc.
  2. Gode, Alexander, Interlingua: A Dictionary of the International Language, New York: Storm Publishers, 1951.

Voir aussi

Lien externe

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