Accueil🇫🇷Chercher

Lactase

La lactase est une enzyme (de type disaccharidase) présente chez les mammifères et certaines bactéries. Sa fonction principale est de permettre la dissociation du lactose en glucose et galactose, ce qui autorise la digestion du lait.

La lactase a pour nom scientifique complet lactase-phlorizine hydrolase et fait partie de la famille des β-galactosidases. Elle est constituée de 1927 acides aminés et son poids est de 218603 Da. Sa température optimum est de 37 °C et son pH optimum est de 6,5 (ces données peuvent varier selon les types de lactase).

Chez l'humain, elle est sécrétée uniquement par les entérocytes de l'intestin grêle, au niveau des microvillosités de leur bordure en brosse, ce qui est lié au rôle digestif de l'intestin grêle.

Fonctionnement

La lactase est une protéine codée par le gène LCT qui est situé sur le chromosome 2 chez l'humain. Trois facteurs de transcription sont nécessaires pour activer la séquence promoteur du gène : GATA, HNF-1 alpha et Cdx-2. Sans ces protéines, le gène ne pourra pas être transcrit.

La lactase a deux fonctions principales :

  • Elle permet d'hydrolyser le lactose, un sucre retrouvĂ© principalement dans les produits laitiers, en glucose et en galactose, des oses qui pourront ensuite ĂŞtre absorbĂ©s par l'organisme.
  • L'autre rĂ´le est une activitĂ© phlorizine hydrolase qui consiste Ă  hydrolyser en phlorĂ©tine et en glucose la phlorizine, un composĂ© prĂ©sent dans l'Ă©corce de certains arbres fruitiers qui est utilisĂ© dans le traitement du diabète et de l'hyperglycĂ©mie.

Durant les premières semaines de vie, l'activité de la lactase est maximale, puis elle diminue au cours de l'enfance et de l'adolescence pour atteindre un taux résiduel d'environ 5 à 10 % à l'âge adulte.

Apparition chez l'humain

L'Ă©tude des ADN anciens a montrĂ© que la mutation permettant de digĂ©rer le lait chez les humains n'est pas arrivĂ©e en Europe, comme on aurait pu le supposer, avec les premiers agriculteurs et n'est devenue courante qu'Ă  l'âge du bronze, plusieurs millĂ©naires après la domestication du bĂ©tail et le dĂ©but de la production laitière[1]. Avant 5 000 AP, il n’y a que quelques occurrences de l'allèle et il n'est pas impossible que ces occurrences soient des erreurs de gĂ©notypage ou de datation. En 2018, le plus ancien individu « fiable Â» prĂ©sentant une persistance de la lactase Ă  l'âge adulte Ă©tait un individu Ă©nĂ©olithique trouvĂ© sur le territoire de l'Ukraine actuelle datĂ© de 5 960 AP[2]. Pour des Ă©tudes sur des populations plus larges, on le trouve chez des fermiers du sud-ouest de l’Europe il y a de 5 000 Ă  4 500 ans, et, Ă  une frĂ©quence plus basse, chez des chasseurs-cueilleurs de la culture de la cĂ©ramique perforĂ©e, il y a 4 800 Ă  4 200 ans[3].

En Europe centrale, la première apparition de l'allèle dans l'ensemble des données étudiées (2015) se trouve dans un échantillon de la culture campaniforme, datant de 2450 à 2140 av. J.C.[4].

Ă€ 2 500 AP, l'allèle est prĂ©sent sur une bande s'Ă©tendant de l'Irlande Ă  l'Asie centrale Ă  environ 50 degrĂ©s de latitude[5] - [3]. Plusieurs hypothèses tentent d'expliquer son apparition dans des lieux sĂ©parĂ©s, sous l'effet d'une pression de sĂ©lection Ă©volutive due Ă  la consommation de lait, Ă  laquelle il est très intiment corrĂ©lĂ©e[3] ; des simulations en attribuent la dissĂ©mination Ă  la propagation des populations d'ascendance steppique d'Europe centrale[5] - [3].

Une étude publiée en 2023 montre que des augmentations de la stature et de la masse corporelle sont observées dans les régions présentant des preuves de sélection pour la persistance de la lactase, notamment en Europe centrale et du Nord, ce qui appuie l'« hypothèse de croissance de la lactase »[6].

Persistance de la lactase et hypothèse de croissance de la lactase

Les nourrissons humains produisent généralement la lactase pour permettre la digestion du lactose alimentaire dans le lait maternel, mais perdent cette capacité pendant la petite enfance. Il existe une variété de polymorphismes mononucléotidiques dans le gène favorisant la persistance de la lactase qui démontrent une évolution convergente indépendante dans la capacité à digérer le lactose parmi certaines populations d'Europe et d'Afrique de l'Est, et il y a également eu une sélection pour la persistance de la lactase dans d'autres régions, dans chaque cas, indiquant une réponse adaptative aux changements culturels vers l'industrie laitière[6].

Le lait est une source de facteur de croissance I analogue à l'insuline (IGF-1) mais l'IGF-1 est dégradé lors de la production de fromage ou de yaourt. Il a été proposé que la persistance de la lactase et la consommation de lait pendant le développement de l'enfance et à l'âge adulte élèvent les concentrations circulantes d'IGF-1, qui favorisent la croissance du squelette[6]. Ainsi, il existe des preuves que des augmentations de stature dans le sud de la Suède se sont produites au début de l'âge du bronze en raison d'une consolidation d'une économie agro-pastorale, plutôt que du début de l'agriculture[6].

L'hypothèse de croissance de la lactase (LGH) suggère que la persistance de la lactase et la capacité à digérer les produits laitiers primaires et le lactose ont augmenté l'énergie alimentaire disponible, modifié la biologie énergétique de la croissance humaine et alimenté les différences régionales de la taille du corps chez l'homme[6].

Pathologies

La lactase est codĂ©e par un seul locus situĂ© sur le chromosome 2. Cette enzyme s'exprime exclusivement au niveau des entĂ©rocytes de l'intestin grĂŞle des mammifères et plus faiblement au niveau du cĂ´lon au cours du dĂ©veloppement fĹ“tal. Les jeunes mammifères, et notamment l'enfant, peuvent digĂ©rer le lactose du lait, mais cette capacitĂ© disparait après le sevrage chez la majoritĂ© de la population mondiale qui voit la transcription de son ADN codant la lactase diminuer[7]. La sĂ©lection naturelle a cependant conservĂ© cette capacitĂ© chez les peuples d'Ă©leveurs qui ont domestiquĂ© des mammifères et consommĂ© du lait il y a 5 Ă  10 000 annĂ©es, des mutations gĂ©nĂ©tiques ayant eu lieu Ă  cette pĂ©riode sur le promoteur rĂ©gulant le gène codant la lactase et s'Ă©tant propagĂ©es favorablement dans certaines rĂ©gions oĂą la consommation de lait s'est rĂ©pandue[8].

Ce déficit en lactase chez les adultes peut être associé à plusieurs pathologies :

  • La plus frĂ©quente est l'hypolactasie, qui touche près de 75 % de la population mondiale. Elle est dĂ©finie par un dĂ©ficit partiel en lactase d’origine gĂ©nĂ©tique causĂ© par la rĂ©pression de la synthèse de lactase. Par contre, Ă  l’âge adulte, l’hypolactasie doit ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme un phĂ©nomène normal puisque c’est plutĂ´t la persistance d’une forte activitĂ© lactasique qui est anormale. En effet, cette dernière est causĂ©e par 2 mutations autosomiques dominantes sur le promoteur qui lèvent la rĂ©pression normale de la synthèse. Chez certaines personnes, l’hypolactasie peut entraĂ®ner une intolĂ©rance au lactose tandis que chez d’autres, elle n’entraĂ®nera aucun effet indĂ©sirable.
  • L’alactasie congĂ©nitale est une pathologie dĂ©finie par l’incapacitĂ© de l’organisme Ă  synthĂ©tiser la lactase. Cette affection très rare est causĂ©e par un mĂ©canisme autosomique rĂ©cessif et elle entraĂ®nera une intolĂ©rance au lactose chez les individus qui en sont atteints.
  • D’autres affections peuvent entraĂ®ner un dĂ©ficit temporaire en lactase qui causera Ă©galement une intolĂ©rance au lactose. En effet, toutes pathologies causant des lĂ©sions de la muqueuse intestinale, qu’elles soient profondes ou superficielles, peuvent causer un arrĂŞt de synthèse de lactase. Les maladies inflammatoires de l’intestin et les gastro-entĂ©rites graves (surtout celles causĂ©es par l’action d’un rotavirus qui s’attaque directement Ă  la muqueuse) peuvent donc causer un dĂ©ficit temporaire en lactase qui sera rĂ©tabli lorsque les lĂ©sions seront guĂ©ries.

Diagnostic d'un déficit en lactase

Trois tests peuvent être utilisés pour diagnostiquer une pathologie reliée à une déficience en lactase:

  • Premièrement, on peut faire une biopsie de l’intestin grĂŞle qui permettra de mesurer l’activitĂ© enzymatique de la lactase. Puisque ce test est une technique invasive, il est moins utilisĂ© malgrĂ© son excellente fiabilitĂ©.
  • Deuxièmement, on peut procĂ©der au test respiratoire de l’hydrogène expirĂ©, qui consiste Ă  Ă©valuer la prĂ©sence d’hydrogène dans l’air expirĂ© par le patient avant et après l’ingestion de 10 grammes de lactose. Son principe repose sur le fait que le lactose non digĂ©rĂ© dans l’intestin grĂŞle se transforme en gaz, dont l’hydrogène, sous l’action des bactĂ©ries prĂ©sentes dans le cĂ´lon. En passant par le sang, l’hydrogène va ensuite rejoindre les poumons, puis il sera exhalĂ©. La prĂ©sence d’une forte concentration d’hydrogène dans le souffle va donc signifier que la synthèse de lactase est dĂ©ficiente puisque la majoritĂ© du lactose aura Ă©tĂ© digĂ©rĂ©e par les bactĂ©ries coliques.
  • Troisièmement, on peut effectuer le test de tolĂ©rance au lactose. Pour ce faire, on mesure simplement le taux de glucose dans le sang après l’ingestion de lactose. Si la synthèse de lactase est dĂ©ficiente, la glycĂ©mie ne s’élèvera pas puisque le lactose ne sera pas dĂ©gradĂ© en glucose.

Production industrielle de lactase

Lorsqu’une personne présente une déficience en lactase, plusieurs moyens peuvent être utilisés pour diminuer les symptômes de l’intolérance au lactose. En effet, la lactase est produite industriellement par des levures (Kluyveromyces fragilis, Kluyveromyces lactis) et des champignons (Aspergillus niger, Aspergillus oryzae) qui la synthétisent lors de la fermentation. On peut donc ingérer la lactase sous forme de liquide ou de comprimé pour améliorer l’absorption du lactose. Certaines compagnies utilisent également la lactase produite industriellement pour fabriquer des produits laitiers sans lactose. Par ailleurs, dans certains yogourts, on retrouve des bactéries qui sécrètent la lactase (Lactobacillus bulgaricus, Lactobacillus acidophilus, certaines souches de Bifidobacterium). Ces bactéries, lorsqu’elles arrivent vivantes dans l’intestin grêle, permettent donc une meilleure digestion du lactose.

Aux États-Unis et dans d'autres pays du monde, on vend couramment des pilules de lactase (Lactaid[9], Lacteeze[10]) destinées aux communautés noires et asiatiques pour leur permettre la consommation des produits laitiers.

Identité de la lactase dans diverses banques de données

Banques de données
Entrez Protein NP_002290
Entrez Gene 3938
OMIM 603202
Refseq NM_002299
Uniprot P09848

Notes et références

  1. (en) Sara Mathieson, Iain Mathieson, FADS1 and the Timing of Human Adaptation to Agriculture, Molecular Biology and Evolution, Volume 35, Issue 12, décembre 2018, pages 2957–2970
  2. (en) Mathieson I, Alpaslan-Roodenberg S, Posth C, Szecsenyi-Nagy A, Rohland N, Mallick S, et al., The genomic history of southeastern Europe, Nature, 2018, 555 (7695), p.197–203. PMID 29466330; PubMed Central PMCID: PMC6091220.
  3. M. Roffet-Salque, P.Gerbault et R. Gillis, « Une histoire de l’exploitation laitière: approches génétique, archéozoologique et biomoléculaire », dans M. Balasse et P. Dillmann, Regards croisés: quand les sciences archéologiques rencontrent l'innovation, Editions des Archives Contemporaines, (lire en ligne)
  4. (en) Iain Mathieson, Iosif Lazaridis, Nadin Rohland et al., Genome-wide patterns of selection in 230 ancient Eurasians, Nature, 528, 499–503, 23 novembre 2015, doi.org/10.1038/nature16152
  5. (en) Anke LiebertSaioa LópezBryony Leigh Jones et al., World-wide distributions of lactase persistence alleles and the complex effects of recombination and selection, Human Genetics, novembre 2017, Volume 136, Issue 11–12, pp 1445–1453
  6. (en) Jay T. Stock, Emma Pomeroy, Christopher B. Ruff, Jonathan C. K. Wells et al.,Long-term trends in human body size track regional variation in subsistence transitions and growth acceleration linked to dairying, pnas.org, 17 janvier 2023, doi.org/10.1073/pnas.2209482119
  7. (en) J. T. Troelsen et al, « Regulation of lactase-phlorizin hydrolase gene expression by the caudal-related homoeodomain protein Cdx-2 », Biochem J., vol. 332,‎ , p. 833–838 (lire en ligne)
  8. (en) Todd Bersaglieri et al, « Genetic Signatures of Strong Recent Positive Selection at the Lactase Gene », The American Journal of Human Genetics, vol. 74, no 6,‎ , p. 1111-1120 (DOI 10.1086/421051)
  9. Site Lactaid Canada
  10. (en) Site Lacteeze Australie

Biographie

  • ENATTAH, Nabil S., et al. Identification of variant associated with adult-type hypolactasia. Nature Genetics. RĂ©cupĂ©rĂ© le de :
  • BULHOES, A. C., et al. Correlation between lactose absorption and the C/T-13910 and G/A-22018 mutations of the lactase phlorizin hydrolase (LCT) gene in adult-type hypolactasia. Brazilian Journal of Medical and Biological Research. RĂ©cupĂ©rĂ© le de :
  • EVRARD, F. Le lactose : un sucre pas si "lait". LasantĂ©. RĂ©cupĂ©rĂ© le de :
  • BIANCHI, N., COTI, P., ROULET, M. IntolĂ©rance au lactose : de la biologie des populations au cas individuel. Revue MĂ©dicale Suisse. RĂ©cupĂ©rĂ© le de :
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.